Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Amiens
Thématique : Cessation d’activité et obligations de cotisation : enjeux de preuve et de régularité administrative
→ RésuméContexte de l’affaireMme [T] [Z], affiliée au régime social des indépendants, a contesté une contrainte émise par l’URSSAF du [Localité 3] le 29 août 2018, suite à plusieurs mises en demeure restées sans réponse. Cette contrainte réclamait le paiement de 32 352 euros pour des cotisations et des majorations de retard couvrant plusieurs trimestres de 2015 à 2018. Jugement du tribunal d’ArrasLe tribunal judiciaire d’Arras a rendu un jugement le 27 juillet 2022, validant la contrainte pour un montant actualisé de 31 151 euros, comprenant 29 338 euros de principal et 1 813 euros de majoration de retard. Mme [Z] a été condamnée à payer cette somme ainsi que les frais de signification de la contrainte et les dépens. Appel de Mme [Z]Mme [Z] a interjeté appel du jugement le 8 août 2022, demandant l’infirmation de la décision et la reconnaissance de la date de cessation de son activité au 30 septembre 2015. Elle a contesté les sommes réclamées par l’URSSAF au-delà de cette date. Arguments de l’URSSAFL’URSSAF a demandé la confirmation du jugement initial, en précisant que la contrainte devait être validée pour un montant réduit à 5 348 euros. Elle a soutenu que Mme [Z] était régulièrement affiliée jusqu’à sa radiation au 24 janvier 2022, et que la cessation d’activité devait être déclarée auprès de la chambre de commerce. Éléments de preuve présentés par Mme [Z]Mme [Z] a fourni plusieurs documents, dont une déclaration de cessation d’activité datée du 8 septembre 2018, un extrait Kbis indiquant une cessation d’activité au 30 septembre 2015, et des déclarations de revenus pour les années suivantes. Elle a affirmé que sa cessation d’activité était effective à cette date. Analyse de la courLa cour a examiné les documents fournis et a constaté que l’extrait Kbis mentionnait bien la cessation d’activité au 30 septembre 2015, tandis que la date de radiation était le 25 janvier 2022. Elle a conclu que Mme [Z] avait prouvé la cessation effective de son activité à cette date, ce qui a des implications sur les cotisations dues. Décision de la courLa cour a infirmé le jugement initial concernant la validation de la contrainte pour les cotisations dues après le 30 septembre 2015. Elle a ordonné la réouverture des débats pour établir un nouveau décompte des cotisations dues par Mme [Z] pour la période allant du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2015, et a réservé les dépens. |
ARRET
N°
[Z]
C/
URSSAF DU [Localité 3]
Copie certifiée conforme délivrée à :
– Mme [T] [Z]
– URSSAF [Localité 3]
– Me Charlotte HERBAUT
– Tribunal judiciaire d’Arras
COUR D’APPEL D’AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 25 NOVEMBRE 2024
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N° RG 22/04118 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IRQV – N° registre 1ère instance : 18/00750
Jugement du tribunal judiciaire d’ Arras (pôle social) en date du 27 juillet 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [T] [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparante
assistée de Monsieur [Y] muni d’un pouvoir
ET :
INTIME
URSSAF DU [Localité 3]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Laëtitia BEREZIG, avocat au barreau d’AMIENS, substituant Me Charlotte HERBAUT de la SELARL OSMOZ’AVOCATS, avocat au barreau de LILLE
DEBATS :
A l’audience publique du 27 juin 2024 devant Mme Anne BEAUVAIS, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Nathalie LEPEINGLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Anne BEAUVAIS en a rendu compte à la cour composée en outre de :
M. Philippe MELIN, président,
Mme Anne BEAUVAIS, conseillère,
et M. Renaud DELOFFRE, conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 24 octobre 2024, le délai a été prorogé au 25 novembre 2024.
Le 25 novembre 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Nathalie LEPEINGLE , greffier.
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DECISION
Mme [T] [Z], qui était affiliée au régime social des indépendants aux droits duquel intervient désormais l’URSSAF du [Localité 3] (l’URSSAF ou la caisse), a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale d’Arras d’une opposition à une contrainte datée du 29 août 2018, consécutive à quatre mises en demeure demeurées infructueuses, signifiée à la demande de l’URSSAF [Localité 3] le 6 septembre 2018, lui réclamant la paiement de la somme de 32 352 euros au titre de cotisations et majorations de retard pour les périodes suivantes : régularisation 2015, 4ème trimestre 2015, 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2016, 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2017, 1er trimestre 2018.
Suivant jugement réputé contradictoire en date du 27 juillet 2022, le tribunal judiciaire d’Arras a statué dans les termes suivants :
‘Valide la contrainte établie le 29 août 2016 pour le montant actualisé de 31 151 euros comprenant 29 338 euros de principal et 1 813 euros de majoration de retard pour les périodes de l’année 2015 (régularisations), du 4ème trimestre de l’année 2015, des 1er/ 2ème/ 3ème/ 4ème trimestre de l’année 2016, des 1er/ 2ème/ 3ème/ 4ème trimestre de l’année 2017 et du 1er trimestre de l’année 2018 ;
En conséquence, condamne [T] [Z] à payer à l’URSSAF la somme 31 151 euros comprenant 29 338 euros de principal et 1 813 euros de majoration de retard, ainsi que les majorations de retard complémentaires qui courent jusqu’à complet paiement des cotisations ;
Condamne [T] [Z] à payer à l’URSSAF les frais engagés au titre de la signification de ladite contrainte par exploit d’huissier ;
Rappelle que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire et que tous les actes de procédure nécessaires à l’exécution de la contrainte, sont à la charge du débiteur ;
Condamne [T] [Z] au paiement des dépens, en ce compris les frais de citation aux précédentes audiences.’
Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement dont elle avait reçu notification le 6 août 2022, sans limiter l’étendue de son appel, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception expédiée le 8 août 2022.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 13 novembre 2023, à laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience du 27 juin 2024 où elle a été retenue.
L’URSSAF a souhaité que le dossier soit retenu à l’audience nonobstant la communication tardive des conclusions et pièces de l’appelante.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 26 juin 2024, soutenues oralement à l’audience, Mme [Z] comparant personnellement assistée de M. [I] [Y], responsable du [4], demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
– retenir la date du 30 septembre 2015 comme étant sa date de cessation d’activité ;
– invalider toutes sommes réclamées par l’URSSAF au-delà de la cessation d’activité le 30 septembre 2015.
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 novembre 2023 soutenues et complétées oralement à l’audience en fonction des conclusions notifiées par Mme [Z], l’URSSAF demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
– valider la contrainte émise le 29 août 2018 (en lieu et place de la date du 29 août 2016), signifiée le 6 septembre 2018 pour la somme ramenée à 5 348 euros, sans préjudice de majorations de retard complémentaires portées pour mémoire ;
– condamner Mme [Z] à lui payer :
o les causes du présent recours soit la comme totale de 5348 euros sauf mémoire, se détaillant comme suit :
– cotisations principales : 4 457 euros ;
– majorations de retard : 891 euros
o les frais de signification par exploit d’huissier ;
– débouter Mme [Z] de ses demandes plus amples ou contraires ;
– condamner Mme [Z] en tous les frais et dépens.
Motifs
Sur l’affiliation
Le débat qui oppose les parties est celui de la date à laquelle l’assujettissement de Mme [Z] à cotisations en sa qualité de travailleur indépendant à compter du 5 mai 2010, a pris fin.
L’intéressée soutient qu’elle a cessé son activité le 30 septembre 2015.
En réponse, l’URSSAF fait valoir :
– que le seul document recevable pour procéder à l’affiliation ou à la radiation de compte est une formalité effectuée au [2] ([2]), guichet où les travailleurs non-salariés sont dans l’obligation d’effectuer leurs démarches déclaratives en application des articles L. 123-1 et R. 123-1 du code de commerce,
– qu’en l’espèce Mme [Z] est régulièrement radiée au 24 janvier 2022, conformément à la liasse de radiation de la chambre de commerce et d’industrie qu’elle produit aux débats,
– et que si elle conteste la date de radiation retenue, il appartient à Mme [Z] de se rapprocher de la chambre de commerce et d’industrie afin d’effectuer les modifications nécesssaires ;
– qu’en effet, l’extrait Kbis communiqué par Mme [Z] fait bien mention d’une date de radiation au 24 janvier 2022 avec pour motif : ‘cessation définitive d’activité à cette date’ ; qu’ainsi en l’état, Mme [Z] reste régulièrement affiliée jusqu’au 24 janvier 2022.
Sur ce,
L’article L. 123-1 du code de commerce en vigueur du 21 septembre 2000 au 1er janvier 2023 prévoyait qu’il était tenu un registre du commerce et des sociétés auquel étaient immatriculées, sur leur déclaration, notamment, les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, même si elles étaient tenues à immatriculation au répertoire des métiers.
Et selon l’article R. 123-1 du code de commerce dans ses versions successives applicables au présent litige, les [2] ([2]) permettaient aux entreprises de souscrire en un même lieu l’ensemble des formalités et procédures nécessaires à l’accès et à l’exercice de leur activité. Elles recevaient à cet effet le dossier unique prévu à l’article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle, ce dossier comportant notamment les déclarations relatives à la création, aux modifications de la situation ou à la cessation d’activité, que les entreprises étaient tenues de remettre aux administrations, personnes ou organismes mentionnés à l’annexe 1-1 à l’article R. 123-30. Les [2] transmettaient les renseignements ou pièces à chacun des organismes destinataires et, le cas échéant et selon leur compétence, à chacune des autorités habilitées à délivrer les autorisations.
Enfin, en application des dispositions de l’article D. 633-1 du code de la sécurité sociale en vigueur du 13 décembre 2006 au 25 mai 2020, les cotisation dues par les travailleurs indépendants étaient dues à compter de la date à laquelle avait débuté l’activité professionnelle entraînant l’assujettissement au régime d’assurance vieillesse des professions artisanales ou à celui des professions industrielles et commerciales, et cessaient d’être due à la date à laquelle cet assujettissement prenait fin.
La date à laquelle cet assujettissement prenait fin était celle de la cessation effective de l’activité ayant donné lieu à assujettissement.(Civ. 2e, 18 juin 2015, n° 14-17.445 ; Civ. 2e, 9 juillet 2015, n° 14-22.745).
En l’espèce, au soutien de son opposition à la contrainte litigieuse, Mme [Z] produit notamment aux débats:
– une demande de déclaration de revenus 2015 et/ou de cessation d’activité datée du 8 septembre 2018 par laquelle elle a :
o déclaré sur l’honneur avoir cessé son activité professionnelle à la date du 30 septembre 2015 ;
o déclaré un bénéfice de 1 752 euros au titre de l’année 2015 et 847 euros de cotisations personnelles obligatoires ;
– un extrait d’immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés à jour au 15 juin 2022, à son nom numéro et d’immatriculation au RCS, comportant notamment les éléments d’information suivants :
– une date d’immatriculation au 25 mai 2010, radiée le 25 janvier 2022 ;
– un établissement au sein duquel était exercée une activité de café-brasserie, sans activité à compter du 30 septembre 2015 ;
– le motif de radiation suivant : ‘cessation définitive d’activité’ ;
– la date de radiation suivante : le 25 janvier 2022 ;
– la date de cessation totale d’activité suivante : le 30 septembre 2015.
– un formulaire Cerfa 11679*04, P4 CM ‘commerce-métiers’, daté du 24 janvier 2022, de ‘déclaration de radiation – personne physique’, par lequel, par son mandataire, Mme [Z] a indiqué procéder à une ‘régularisation de dossier’ en déclarant une cessation définitive d’activité au 30 septembre 2015 ;
– ses déclarations de revenus et/ou de cotisations sociale au titre des revenus de l’années 2016 à 2022, datées du 5 octobre 2023, par lesquelles elle n’a déclaré ni bénéfice, ni déficit au regard d’une cessation d’activité déclarée au 30 septembre 2015.
Si la déclaration de radiation au moyen du formulaire Cerfa 11679*04, P4 CM qu’elle verse aux débats, est datée du 24 janvier 2022, elle comporte la mention d’une date de ‘cessation définitive d’activité’ au 30 septembre 2015 dans le cadre prévu à cet effet.
La déclaration de radiation ‘P4 CMB’ produite aux débats par l’URSSAFcorrespond bien à la déclaration de radiation versée aux débats par l’appelante, elle comporte les même éléments d’identification et la même date de déclaration. Pourtant, elle mentionne comme date de ‘cessation totale d’activité non salariée’, la date du 24 janvier 2022, et non la date du 30 septembre 2015 déclarée par Mme [Z].
Si l’URSSAF considère qu’il appartient à cette dernière de se rapprocher de la chambre de commerce et d’industrie afin de faire effectuer les modifications nécesssaires, précisant que l’extrait Kbis communiqué par Mme [Z] fait bien mention d’une ‘date de radiation au 24 janvier 2022 avec pour motif : cessation définitive d’activité à cette date [souligné par la cour]’, la cour constate, à la lecture dudit extrait Kbis à jour au 15 juin 2022, que la lecture qu’en fait l’URSSAF est erronée.
En effet, il est fait précisément mention dans la rubrique ‘radiation’ dudit extrait Kbis des éléments suivants :
‘Motif de la radiation Cessation définitive d’activité
Date de la radiation 25/01/2022
– Mention n° 1521 du 25/01/2022 Radiation du RCS d’Arras le 24/01/2022
Date de cessation totale de l’activité 30/09/2015’.
Ainsi la date de cessation totale de l’activité de Mme [Z] est-elle bien selon l’extrait Kbis litigieux le 30 septembre 2015, la date du 25 janvier 2022 correspondant exclusivement à la date de radiation.
Il n’apparaît donc pas qu’il y ait matière, ainsi que l’indique l’URSSAF, à rectification dudit extrait Kbis qui apparaît conforme à la déclaration effectuée par Mme [Z] au moyen du formulaire dédié auprès du [2].
Les cotisations étant dues, en application des dispositions de l’article D. 633-1 du code de la sécurité sociale en vigueur du 13 décembre 2006 au 25 mai 2020, jusqu’à la cessation effective de l’activité ayant donné lieu à assujettissement , Mme [Z] rapporte suffisamment la preuve en l’espèce que la date de cessation effective de cette activité est, par l’effet de sa déclaration de radiation tardive, mais réelle, le 30 septembre 2015.
Sur les cotisations
Ainsi que l’ont justement rappelé les premiers juges, il appartient à l’opposant à la contrainte de démontrer le bien-fondé de son opposition.
Il résulte de la preuve par Mme [Z] de la cessation de son affiliation au 30 septembre 2015, que les cotisations et majorations dont le paiement est réclamé dans le cadre de la contrainte litigieuse au titre du 4ème trimestre 2015, 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2016, 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2017, et 1er trimestre 2018, ainsi que dans le cadre de la présente instance sur le fondement des nouveaux calculs de cotisation effectués par l’URSSAF en fonction des nouveaux revenus déclarés par Mme [Z] au titre de l’année 2015 et des déclarations de revenus nulles au titre des années 2016 à 2018, ne sont pas dues.
Au titre de l’année 2015 Mme [Z] a déclaré dans un second temps 1 752 euros de revenus et 847 euros de charges sociales pris en compte par l’URSSAF.
Seules sont dues par la cotisante les cotisations dont elle est redevable au titre de la période courant du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2015.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a validé la contrainte établie le 29 août 2018 à hauteur des cotisations et majorations de retard dues postérieurement au 30 septembre 2015, et condamné Mme [T] [Z] à payer à l’URSSAF la somme 31 151 euros comprenant 29 338 euros de principal et 1 813 euros de majoration de retard.
Il convient que l’URSSAF établisse un nouveau décompte des cotisations et majorations de retard dont Mme [Z] est selon elle redevable au titre de la période courant du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2015.
A cet effet, il y a lieu d’ordonner la réouverture des débats, et de surseoir à statuer sur l’ensemble des autres demandes présentées, et réserver les dépens.
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