Cour d’appel d’aix-en-provence, 3 avril 2025, RG n° 24/07587
Cour d’appel d’aix-en-provence, 3 avril 2025, RG n° 24/07587

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Conflit d’occupation et de gestion d’un domaine public aéroportuaire.

Résumé

L’affaire concerne un litige entre une commune, une association d’utilisateurs d’une plateforme aéronautique et une société d’économie mixte. En mars 2009, l’État a transféré la propriété d’un aérodrome à la commune, qui a ensuite confié son exploitation à l’Association des utilisateurs de la plateforme aéronautique. Cette convention a été prolongée jusqu’en 2018, mais la commune a décidé de confier l’exploitation à une société d’économie mixte, la SEMOP SEZAME, en 2023.

La commune a informé l’association et d’autres occupants que les autorisations d’occupation ne seraient pas renouvelées, ce qui a conduit à des tensions. En février 2024, la commune et la SEMOP ont saisi le tribunal judiciaire pour obtenir l’autorisation d’accéder aux hangars de l’aérodrome, car certains occupants refusaient de laisser entrer les représentants de la SEMOP, entravant ainsi les travaux de réhabilitation nécessaires.

Le tribunal a accordé cette autorisation, mais l’association a contesté cette décision en demandant sa rétractation, arguant que le tribunal n’était pas compétent. En mai 2024, le tribunal a rétracté l’ordonnance initiale, déclarant que le litige relevait de la compétence administrative. La commune a interjeté appel, soutenant que le juge judiciaire était compétent pour ordonner les mesures demandées.

L’appel a été examiné, et la cour a confirmé que l’association avait un intérêt à agir, rejetant la fin de non-recevoir soulevée par la SEMOP et la commune. La cour a également décidé de ne pas rétracter l’ordonnance initiale, considérant que la mesure d’instruction était justifiée pour établir la situation des occupants des hangars. En conséquence, l’association a été condamnée à payer des frais à la commune, tandis que la demande de la commune visant à obtenir des frais de la SEMOP a été déclarée irrecevable.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 03 AVRIL 2025

N° 2025/181

Rôle N° RG 24/07587 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BNHH4

Commune COMMUNE D'[Localité 3]

C/

Association ASSOCIATION DES UTILISATEURS DE LA PLATEFORME AÉRO NAUTIQUE DE [Localité 6] (AUPASE)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean Laurent ABBOU de la SELARL NEMESIS

Me François BRUSCHI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de TARASCON en date du 31 Mai 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/00183.

APPELANTE

COMMUNE D'[Localité 3]

réprésentée par son Maire en exercice,

dont le siège social est situé [Adresse 4] – [Localité 3]

représentée par Me Jean Laurent ABBOU de la SELARL NEMESIS, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Oumel ABERROU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

ASSOCIATION DES UTILISATEURS DE LA PLATEFORME AÉRONAUTIQUE DE [Localité 6] (AUPASE)

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2] – [Localité 3]

représentée par Me François BRUSCHI, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 25 février 2025 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, M. PACAUD, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Angélique NETO, Conseillère

M. Laurent DESGOUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par deux actes authentiques, signés le 2 mars 2009 dument publiés et enregistrés à la conservation des hypothèse, l’Etat a transféré à la Commune d'[Localité 3] la propriété de l’aérodrome de [Localité 6].

Par une convention en date du 29 septembre 2010, celle-ci a confié à l’Association des utilisateurs de la plateforme aéronautique de [Localité 6] (AUPASE) l’exploitation de l’aérodrome, constitutive d’un service public industriel et commercial, et ce, pour une durée de six ans à compter du 1er juin 2010.

La durée de la convention a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2017 puis 1er avril 2018. Par la suite, la Commune d'[Localité 3] a conclu avec l’AUPASE deux conventions d’occupation temporaire du domaine public aéroportuaire pour une durée de six mois couvrant les périodes du 1er juillet au 31 décembre 2018 puis du 1er janvier 2019 au 30 juin 2019.

Souhaitant confier l’exploitation de l’aérodrome à une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) à créer, la Commune d'[Localité 3] a, le 27 novembre 2019, adressé un courrier à l’AUPASE, ainsi qu’aux autres occupants des hangars, selon lequel, dans l’attente de la création de cette société, l’autorisation temporaire d’occupation du domaine public ne serait pas renouvelée et il appartiendrait à la SEMOP de délivrer, le cas échéant, les nouvelles autorisations.

A la suite d’une délibération, en date du 30 novembre 2020, du conseil municipal de la commune d'[Localité 3] et d’un courrier du préfet en date du 29 novembre 2022, la Commune d'[Localité 3] a conclu avec la SEMOP Société d’exploitation des zones aéronautiques et mécaniques d'[Localité 3] (SEMOP SEZAME), le 19 avril 2023, un contrat de concession ayant pour objet la gestion et l’exploitation de l’aérodrome ainsi que de la zone dédiée aux sports mécaniques située dans la zone d’emprise de l’aérodrome.

Suivant contrat du même jour, la SEMOP SEZAME a confié l’exploitation de l’aérodrome à la société STEM AERO. Ledit contrat a, après transmission au préfet, été notifié par la commune à la SEMOP SEZAME, le 26 juin 2023. Il est donc entré en vigueur à cette date.

Faisant valoir que certains occupants des hangars, dont l’AUPASE, refusaient de laisser accéder la SEMOP SEZAME aux hangars dont elle était propriétaire, ce qui entravait la réalisation des travaux de réhabilitation lui incombant, et qu’il était nécessaire de démontrer l’occupation desdits hangars par des aéronefs inconnus afin, le cas échéant, de procéder à leur expulsion du site de l’aérodrome, la Commune d’Eyguières et la SEMOP SEZAME, ont, par requête enregistrée au greffe le 16 février 2024, saisi le président du tribunal judiciaire de Tarascon, sur le fondement des article 145, 493 et 812 du code de procédure civile, aux fins :

– d’autoriser Maître [X] [T] et Maitre [C] [V], commissaire de justice à [Localité 7] et [Localité 5], à se rendre sur le site de l’aérodrome de [Localité 6], [Localité 1], y pénétrer et procéder à un constat des lieux et des meubles et aéronefs entreposés dans les hangars énumérés, et notamment l’identité des occupants et l’immatriculation des aéronefs ;

– d’autoriser les commissaires de justice instrumentaires à se faire accompagner, pour les aider dans leur mission, par un ou plusieurs collaborateurs de leur étude, et se faire assister de la police municipale d'[Localité 3], d’un représentant des services techniques de la commune d'[Localité 3], d’un représentant de la SEMOP SEZAME et plus généralement de tous sachants dont la présence pourrait être utile à l’établissement de cet inventaire ;

– de dire que les commissaires de justice pourraient, le cas échéant, dresser constat de toutes déclarations faites par les parties ou les occupants lors de ses opérations ;

– de dire que les commissaires de justice pourraient, si cela leur apparaissait nécessaire, solliciter le concours de la force publique ainsi que d’un serrurier ou toutes personnes prévues à l’article L.142-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

– de dire qu’il en serait référé au juge en cas de difficulté, mais seulement après que les opérations autorisées auront été effectuées ;

– de dire que les huissiers instrumentaires devraient procéder à leur mission dans le délai de deux mois à compter de l’ordonnance ;

– de dire que l’ordonnance serait exécutoire au seul vu de la minute.

Le président du tribunal judiciaire de Tarascon a fait droit à la requête par ordonnance en date du 27 février 2024.

Par exploit en date du 28 mars 2024, l’AUPASE a fait citer la SEMOP SEZAME et la commune d’Eyguières devant le président du tribunal judiciaire de Tarascon, statuant en référés, aux fins d’entendre :

– rétracter de l’ordonnance sur requête précitée motif pris de son incompétence ;

– renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

– enjoindre à la commune d'[Localité 3] et à la SEMOP SEZAME de lui communiquer l’ensemble des documents ayant fondé la requête critiquée ;

– dire que les mesures qui avaient été ordonnées sont privées de tout fondement juridique ;

– condamner solidairement la SEMOP SEZAME et le commune d'[Localité 3] aux dépens, et à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire en date du 31 mai 2024, ce magistrat a :

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SEMOP SEZAME et la Commune d'[Localité 3], tirée d’un défaut d’intérêt à agir de l’AUPASE ;

– ordonné la rétractation de l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Tarascon le 27 février 2024 (RG n°24/35) sur la requête de la SEMOP SEZAME et la Commune d’Eyguières ;

– constaté que toutes les mesures d’instruction exécutées sur le fondement de cette ordonnance avaient perdu tout fondement juridique et étaient nulles et de nul effet ;

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné in solidum la SEMOP SEZAME et de la Commune d'[Localité 3] aux dépens.

Il a notamment considéré :

– sur la fin de non-recevoir, que l’AUPASE était directement visée par la mesure et qu’elle avait par ailleurs pour objet la défense des intérêts des usagers de la plate-forme ;

– sur la demande de rétractation, que la mesure d’instruction sollicitée portait, à titre exclusif, sur un litige, à savoir l’occupation sans droit ni titre d’un domaine public, qui ressortissait de la compétence exclusive des juridictions de l’ordre administratif.

Selon déclaration reçue au greffe le 14 juin 2024, la Commune d'[Localité 3] a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 27 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et, en conséquence, qu’elle :

– déclare que le juge judiciaire est bien compétent pour prononcer les mesures ordonnées par le juge des référés du tribunal judiciaire de Tarascon dans le cadre de son ordonnance du 27 février 2024 ;

– déclare qu’il n’y avait pas lieu à rétractation de l’ordonnance du 27 février 2024 par l’ordonnance du juge des référés de Tarascon du 31 mai 2024 ;

– déboute l’association AUPASE de toutes ses demandes formulées dans le cadre de la procédure initiée par elle aux fins d’obtenir la rétractation de l’ordonnance du 27 février 2024 prononcée par celle du 31 mai 2024 ;

– condamne, en tout état de cause, l’association AUPASE à lui verser ainsi qu’à la société SEZAME la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamne l’association AUPASE aux entiers dépens d’instance.

Par dernières conclusions transmises le 1er août 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l’association AUPASE sollicite de la cour qu’elle confirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau :

– condamne la Commune d'[Localité 3] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– condamné la Commune d'[Localité 3] solidairement aux entiers dépens d’appel,

en application de l’article 699 du Code de procédure civile ;

– déboute la Commune d'[Localité 3] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 11 février 2025.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ecarte des débats la note en délibéré et la pièce transmises par l’association AUPASE postérieurement à la clôture des débats ;

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée tirée du défaut d’intérêt à agir de l’association AUPASE ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu de rétracter l’ordonnance (RG n° 24/35) rendue par la présidente du tribunal judiciaire de Tarascon le 27 février 2024 sur la requête de la SEMOP SEZAME et de la Commune d’Eyguières ;

Condamne l’association AUPASE à payer à la Commune d'[Localité 3] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute l’association AUPASE de sa demande sur ce même fondement ;

Déclare irrecevable la demande de la Commune d'[Localité 3] visant à entendre condamner l’association AUPASE à verser à la SEMOP SEZAME une somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’association AUPASE aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière Le président

 


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