Cour d’appel d’Aix-en-provence, 26 mars 2025, RG n° 24/09012
Cour d’appel d’Aix-en-provence, 26 mars 2025, RG n° 24/09012

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Interprétation testamentaire et droits successoraux : enjeux de la propriété indivise.

Résumé

L’affaire concerne la succession d’une défunte, une veuve, décédée en 2015, laissant derrière elle trois héritiers : un fils et deux filles. Au moment de son décès, la défunte vivait dans une villa où résidaient ses deux filles. Un notaire a été chargé de la succession, établissant divers actes notariés, dont un testament olographe désignant les deux filles comme légataires universelles de l’ensemble de ses biens.

Le fils, absent lors de l’inventaire, a été représenté par l’une de ses sœurs. La valeur de la succession a été estimée à 373 000 euros, dont le fils a hérité d’une part de 93 250 euros. En 2021, le fils est décédé, laissant quatre enfants. En janvier 2022, les filles de la défunte ont informé leurs neveux que, selon le testament, elles étaient les seules propriétaires des biens, le fils n’ayant droit qu’à sa part de réserve.

Les enfants du fils ont alors assigné leurs tantes en janvier 2023 pour obtenir l’ouverture des opérations de partage de la succession, demandant également une indemnité d’occupation et la licitation de la villa. Les tantes ont soulevé des fins de non-recevoir, notamment la prescription de l’action en réduction.

Le tribunal a débouté les tantes de leurs demandes de non-recevoir et a ordonné une médiation. Les tantes ont fait appel de cette décision. En appel, elles ont demandé l’infirmation de l’ordonnance et la reconnaissance de leur statut de propriétaires uniques des biens. Les enfants du fils ont soutenu que leur père avait des droits sur la succession et que l’action en réduction n’était pas prescrite.

La cour a finalement déclaré recevables les enfants du fils, infirmant partiellement l’ordonnance de première instance, et a jugé que l’action en réduction était prescrite, condamnant les enfants à verser des frais aux tantes.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 26 MARS 2025

N° 2025/70

Rôle N° RG 24/09012 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BNM67

[E] [G]

[H] [G]

C/

[T] [G]

[F] [G]

[O] [G]

[Z] [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Clément LAUTIER

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de GRASSE en date du 31 Mai 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 23/00310.

APPELANTES

Madame [E] [G]

née le [Date naissance 9] 1957 à [Localité 16], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, (avocat postulant) et par Me Alexandre MEYRONET, avocat au barreau de GRASSE (avocat plaidant)

Madame [H] [G]

née le [Date naissance 9] 1957 à [Localité 16], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, (avocat postulant) et par Me Alexandre MEYRONET, avocat au barreau de GRASSE (avocat plaidant)

INTIMES

Monsieur [T] [G]

né le [Date naissance 8] 1989 à [Localité 17], demeurant [Adresse 12]

représenté par Me Clément LAUTIER, avocat au barreau de GRASSE (avocat postulant) et par Me Anne DELDALLE, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)

Monsieur [F] [G]

né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 17], demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Clément LAUTIER, avocat au barreau de GRASSE (avocat postulant) et par Me Anne DELDALLE, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)

Madame [O] [G]

née le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 15], demeurant [Adresse 11]

représentée par Me Clément LAUTIER, avocat au barreau de GRASSE (avocat postulant) et par Me Anne DELDALLE, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)

Madame [Z] [G]

née le [Date naissance 6] 1985 à [Localité 19], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Clément LAUTIER, avocat au barreau de GRASSE (avocat postulant) et par Me Anne DELDALLE, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 19 Février 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente de chambre

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Madame Pascale BOYER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2025,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente de chambre et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

Exposé du litige

[U] [C] veuve [G] est décédée à [Localité 14] le [Date décès 10] 2015, soit 10 ans après son époux, en laissant pour lui succéder ses trois enfants issus de son union avec son mari prédécédé :

– [K] [G] son fils, né en 1947

– [E] [G] sa fille, née en 1957

– [H] [G] sa fille, née en 1957.

La défunte, au moment de son décès, vivait dans une villa située à [Localité 14] lui appartenant, où demeuraient et avaient toujours vécu ses deux filles jumelles.

Maître [B], notaire à [Localité 18] chargé des opérations de succession a établi :

– un acte de notoriété le 22 février 2016,

– un inventaire le 2 mars 2016,

– une attestation immobilière portant sur la villa de [Localité 14] le 22 mars 2016.

Dans ces actes, il est mentionné que la défunte avait établi un testament olographe du 14 octobre 2005 instituant ses deux filles en qualité de « légataire universel de l’universalité des biens et droits mobiliers et immobiliers dépendant de la succession ».

[K] [G], demeurant à [Localité 13], était absent lors de l’inventaire et représenté par sa s’ur [E] [G] lors de l’établissement des deux autres actes.

Le notaire a établi au profit de [K] [G] une attestation de dévolution successorale concernant le bien de [Localité 14] selon laquelle la valeur déclarée est de 373 000 euros et le fils de la défunte est titulaire de 2 huitièmes en pleine propriété pour une valeur de 93 250 euros.

Outre le bien immobilier, la succession comprenait des liquidités à concurrence de 31 000 euros environ et des meubles estimés à 550 euros.

[K] [G] est décédé à [Localité 16] le [Date décès 4] 2021 en laissant pour lui succéder ses quatre enfants :

– [Z] [G]

– [T] [G]

– [F] [G]

– [O] [G].

Par courriel du 27 janvier 2022, [E] [G] a fait part à ses neveux et nièces que par l’effet du testament, elle était avec sa s’ur titulaire des droits en pleine propriété sur le bien indivis et que leur frère n’avait droit qu’à sa part de réserve en valeur, soit 93250 euros, sur la base d’un actif net successoral de 373000 euros.

Après avoir obtenu une copie du testament de la défunte, les héritiers de [K] [G] ont fait assigner leurs tantes le 17 janvier 2023 devant le tribunal judiciaire de GRASSE aux fins d’obtenir l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de leur grand-mère, l’évaluation des biens indivis au jour du partage, une indemnité d’occupation pour les 5 ans précédant, la licitation de la villa indivise sauf meilleur accord, le remboursement des taxes foncières réglées par leur père et, à titre subsidiaire, la réduction du legs portant atteinte à la réserve héréditaire.

Les défenderesses ont soulevé l’irrecevabilité de l’action pour prescription de l’action en réduction et l’irrecevabilité de l’assignation en partage.

Par ordonnance du 31 mai 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de GRASSE a :

– Débouté [E] [G] et [H] [G] de leur fin de non-recevoir tendant à voir prescrite l’action subsidiaire en réduction de legs universel ;

– Débouté [E] [G] et [H] [G] de leur fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de l’assignation ;

– Enjoint aux parties de rencontrer un médiateur

– Réservé le sort des dépens et des frais irrépétibles ;

– Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 7 Octobre 2024 pour vérifier si les parties se sont engagées dans un processus de médiation ;

[H] [G] et [E] [G] ont formé appel contre cette décision le 12 juillet 2024.

Les intimés ont constitué avocat le 16 juillet 2024.

Le 22 août 2024, le président a décidé de la fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 19 février 2025 et en a avisé les parties constituées.

Par leurs premières conclusions du 23 septembre 2024, les appelantes demandent à la cour de :

– INFIRMER l’ordonnance rendue le 31 mai 2024 par le juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de GRASSE en ce qu’elle a :

débouté Madame [H] [G] et Madame [E] [G] de leur fin de non-recevoir tendant à voir prescrite l’action des intimés en réduction du legs universel dont elles bénéficient

débouté Madame [H] [G] et Madame [E] [G] de leur fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de l’assignation ;

Et, statuant à nouveau,

– JUGER que l’action en réduction en nature et en valeur diligentée par Madame [Z] [G], Monsieur [T] [G], Monsieur [F] [G] et Madame [O] [G] est prescrite depuis le 22 février 2021 ;

Par conséquent :

– JUGER que l’action en réduction de Madame [Z] [G], Monsieur [T] [G], Monsieur [F] [G] et Madame [O] [G] est irrecevable ;

– DÉBOUTER, en conséquence, Madame [Z] [G], Monsieur [T] [G], Monsieur [F] [G] et Madame [O] [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre de Madame [E] [G] et Madame [H] [G] ;

Et y ajoutant

– JUGER que tous les biens de la succession ayant été recueillis par Madame [H] [G] et Madame [E] [G] en leur qualité de légataires universelles, elles en sont les uniques propriétaires si bien que n’existe aucune indivision entre elles et les intimés ;

– JUGER dès lors que Madame [Z] [G], Monsieur [T] [G], Monsieur [F] [G] et Madame [O] [G] n’ont pas qualité pour demander le partage des biens successoraux et une indemnité d’occupation de la villa dépendant de la succession ;

– JUGER qu’ils doivent être déclarés irrecevables en leur demande de partage et d’indemnité d’occupation ;

Dans tous les cas,

– CONDAMNER in solidum Madame [Z] [G], Monsieur [T] [G], Monsieur [F] [G] et Madame [O] [G] à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de l ‘instance, ceux d’appel distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL-GUEDJ sur son offre de droit.

Selon leurs écritures du 22 octobre 2024, les intimés demandent à la cour de :

– CONFIRMER l’ordonnance rendue le 31 mai 2024 par le juge de la mise en état près le

tribunal judiciaire de Grasse en ce qu’elle a :

Débouté Mesdames [E] et [H] [G] de leur fin de non-recevoir tendant à voir prescrite l’action subsidiaire en réduction de legs universel

Débouté Mesdames [E] et [H] [G] de leur fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de l’assignation,

Y ajoutant,

– DIRE ET JUGER que le legs consenti par [U] [C] veuve [G] par testament du 14 octobre 2005 est un legs à titre universel donnant vocation à chacune de Mesdames [E] et [H] [G] à la moitié de la quotité disponible visée par l’article 913 du Code civil, « soit la moitié chacune du quart de la quotité disponible de la succession »,

– DIRE ET JUGER en conséquence que [K] [G] est habile à se porter héritier et à recevoir un quart en pleine propriété dans la succession d'[U] [C] veuve [G],

– DÉBOUTER Mesdames [E] et [H] [G] de leurs demandes tendant à déclarer irrecevable l’action en partage et aux fins de versement d’indemnité d’occupation des consorts [Z], [F], [T] et [O] [G],

– DÉBOUTER Mesdames [E] et [H] [G] de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER Mesdames [E] et [H] [G] à régler aux consorts [Z], [F], [T] et [O] [G], la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 CPC,

– Les CONDAMNER aux entiers dépens du présent incident.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort:

Déclare recevables Monsieur [T] [G], Monsieur [F] [G], Madame [O] [G] et Madame [Z] [G], en leur qualité d’ayants-droits de leur père [K] [G] à solliciter l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de leur grand-mère [U] [C] veuve [G] décédée le [Date décès 10] 2015 ;

Infirme l’ordonnance du 31 mai 2024 en ce qu’elle a débouté Mesdames [H] et [E] [G] de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action subsidiaire en réduction des libéralités reçues ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare irrecevable comme étant prescrite l’action de Monsieur [T] [G], Monsieur [F] [G], Madame [O] [G] et Madame [Z] [G], en leur qualité d’ayant-droit de leur père [K] [G], présentée à titre subsidiaire, en réduction des libéralités reçues par leurs tantes Mesdames [H] et [E] [G] ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [T] [G], Monsieur [F] [G], Madame [O] [G] et Madame [Z] [G], aux dépens d’appel avec autorisation de recouvrement direct au profit de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL-GUEDJ ;

Condamne Monsieur [T] [G], Monsieur [F] [G], Madame [O] [G] et Madame [Z] [G] à verser à Madame [H] [G] et Madame [E] [G] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure d’appel ;

Rejette la demande des intimés à ce titre ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Michèle Jaillet, président, et par Mme Fabienne Nieto, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente

 


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