Cour d’appel d’Agen, 22 décembre 2017
Cour d’appel d’Agen, 22 décembre 2017

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Agen

Thématique : Interviews des délégués syndicaux à la presse

Résumé

La liberté d’expression des salariés, notamment des délégués syndicaux, est un droit fondamental, même sur le lieu de travail. Les interviews à la presse sont permises tant qu’elles ne constituent pas un abus. Dans une affaire récente, un délégué syndical a contesté un avertissement pour avoir divulgué des informations prétendument confidentielles. Le conseil de prud’hommes a annulé cette sanction, soulignant que les informations partagées n’étaient pas présentées comme confidentielles par l’employeur. Ainsi, les salariés peuvent s’exprimer librement, à condition que cela ne nuise pas à la nature de leur travail et que les restrictions soient justifiées.

Liberté d’expression des salariés

Le salarié dispose de la liberté de s’exprimer y compris sur son lieu de travail. Cette liberté est appréciée plus extensivement pour les salariés investis de fonctions syndicales ou les délégués du personnel. Les interviews données à la presse sont licites dès lors qu’elles ne dégénèrent pas en abus. Comme illustré par cette affaire, toute sanction abusive du salarié par l’employeur, peut être annulée judiciairement.

Annulation d’un avertissement

Un délégué syndical a donné une interview publiée dans le journal « La dépêche » (1). Celui-ci s’est vu notifier un avertissement par son employeur au motif qu’il aurait violé son obligation de discrétion en divulguant des informations de nature confidentielle sur la société – dont il avait eu connaissance au titre de ses mandats -, et qu’il aurait fourni des informations erronées – ayant manifestement mal interprété certains faits -, ce qui aurait nui gravement à l’image du groupe. Le salarié a contesté avec succès cet avertissement devant le conseil de prud’hommes, les informations données à la presse, présentées de façon partiale, ne présentaient pas de caractère confidentiel ou présentées comme telles par l’employeur.  Les informations en cause ont été données aux représentants du personnel, à l’ensemble des salariés et aux représentants syndicaux sans être présentées comme confidentielles.

Secret professionnel opposable

Pour rappel, en matière de communication publique, tous les membres du comité d’entreprise sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication (L2143-21 du Code du travail). L’employeur qui souhaite protéger une information doit au moins, la présenter comme confidentielle.

Question de la déformation des informations

S’agissant de la « déformation des informations » données à la presse, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (L. 1121-1 du code du travail). Sauf abus, le salarié jouit donc, dans l’entreprise et à l’extérieur de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. En l’espèce, les propos tenus ne contenaient aucun terme injurieux, diffamatoire ou excessif et n’étaient que l’interprétation d’un représentant syndical.

Préjudice du salarié

Attention : un avertissement déclaré nul peut être assorti d’une condamnation de l’employeur au titre du préjudice moral du salarié (3 000 euros).

(1) « Suite aux résultats des négociations annuelles obligatoires qui ont débuté fin février, nous n’avons eu aucune proposition sur les salaires … Les autres années on a obtenu quelque chose, aujourd’hui c’est zéro. Les salariés se sentent dévalorisés. On veut de l’amélioration continue sur le salaire …Alors que le groupe MAEC demande 5 millions d’euros de résultats supplémentaires sur l’année 2014, les salariés de la filiale CRDE n’auront droit à aucun effort sur les salaires. CRDE est en déficit selon la direction. La filiale est en négatif, le groupe en positif. On vend 50 % pour le groupe MAEC. Nous avons des hauts et des bas, mais en cumul, nous sommes en positif. En début d’année on est dans une faiblesse de charges, que nous rétablissons en milieu d’année …En conséquence 8 personnes vont se retrouver au SMIC et d’autres s’en approcher avec 15 ou 20 ans d’ancienneté. Pour nous c’est inacceptable. Il y a un gros mécontentement …Alors que les actionnaires bénéficient de plus en plus d’exonérations de cotisations sociales et fiscales, pourquoi les salariés ne pourraient pas avoir la couleur de cet argent eux aussi. Que notre travail soit reconnu à sa juste valeur ».

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