Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Agen
Thématique : Responsabilité des associés face aux créances sociales en liquidation
→ RésuméLa SCI a été créée le 23 mai 2007, avec pour objet l’acquisition et la gestion d’immeubles. Les parts sociales étaient réparties entre deux associés, l’un détenant 99 parts et l’autre 1 part. Le 18 octobre 2007, la Banque Populaire Occitane a accordé un prêt de 220 000 euros à la SCI pour financer l’achat de locaux à Cahors, garantissant le remboursement par un privilège et une hypothèque sur l’immeuble. En raison de la défaillance de la SCI, la déchéance du terme a été prononcée le 27 juin 2013, laissant un solde de créance de 201 487,92 euros.
Après une saisie immobilière, la banque a récupéré 82 194 euros. En janvier 2018, face à l’absence de paiement, la banque a assigné la SCI en liquidation judiciaire, qui a été prononcée le 10 avril 2018. La créance de la banque a été déclarée au passif pour un montant de 148 056,29 euros. En août 2022, la banque a mis en demeure les associés de régler leur part de la créance, avant de les assigner en novembre 2022 pour obtenir le paiement des sommes dues. Le tribunal judiciaire de Cahors a rendu un jugement le 17 mai 2024, déclarant la banque irrecevable dans son action contre l’associé détenant 1 part, en raison de la qualité d’associé et d’une action déjà engagée par le liquidateur. En revanche, l’action contre l’associé détenant 99 parts a été jugée recevable. La banque a fait appel de ce jugement, soutenant que son action était fondée sur des articles du code civil lui permettant d’agir en tant que créancier. Le tribunal a confirmé l’irrecevabilité de l’action contre l’associé détenant 1 part, mais a admis l’action contre l’associé détenant 99 parts, le condamnant à payer 145 920,96 euros, tout en allouant des frais à l’autre associé. |
ARRÊT DU
02 avril 2025
DB/CH
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N° RG 24/00616 –
N° Portalis DBVO-V-B7I-DHRY
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Ste Coopérative BANQUE POPULAIRE OCCITANE
C/
[R] [Y] [O] [D], [I] [D]
——————
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 110-2025
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Société Coopérative BANQUE POPULAIRE OCCITANE
RCS DE [Localité 12] 560 801 300
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Lynda TABART, avocat au barreau du LOT
APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire de Cahors en date du 17 Mai 2024, RG 22/00882
D’une part,
ET :
Monsieur [R] [Y] [O] [D]
né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 10]
de nationalité française, éducateur,
domicilié : [Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Paulette SUDRE, avocat au barreau du LOT
Monsieur [I] [D]
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 9]
domicilié : [Adresse 8]
[Localité 6]
N’ayant pas constitué avocat,
INTIMÉS
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 février 2025 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Anne Laure RIGAULT, Conseiller
Greffière : Catherine HUC
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘
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FAITS :
La SCI [I] a été constituée selon statuts enregistrés le 23 mai 2007 entre [I] [D] et [R] [D].
Elle a pour objet social l’acquisition, l’administration et la gestion de tous immeubles.
Les parts sociales sont réparties ainsi :
– [I] [D] : 99 parts,
– [R] [D] : 1 part.
Par acte authentique du 18 octobre 2007, la Banque Populaire Occitane (BPO) a prêté à la SCI [I] la somme de 220 000 Euros remboursable en 240 échéances mensuelles de 1 468,83 Euros, au taux de 4,50 % l’an, destinée à financer l’acquisition de locaux à usage mixte situés [Adresse 11] à Cahors.
Le privilège du prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle ont été inscrits sur l’immeuble acquis pour garantir le remboursement de l’emprunt.
Suite à la défaillance de la SCI [I] et à l’absence de régularisation malgré mise en demeure, la déchéance du terme a été prononcée le 27 juin 2013, le solde de la créance de la BPO étant de 201 487,92 Euros.
Sur saisie immobilière de l’immeuble et après adjudication par jugement rendu le 18 mars 2016, la BPO a perçu la somme de 82 194 Euros.
Par acte du 18 janvier 2018, en l’absence de paiement du solde de sa créance, la BPO a fait assigner la SCI [I] devant le tribunal de grande instance de Cahors en sollicitant l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
Par jugement rendu le 10 avril 2018, le tribunal de grande instance de Cahors a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [I], fixé la date de cessation provisoire des paiements au 20 novembre 2015, et désigné Me [H] [W] en qualité de liquidateur.
La BPO a déclaré au passif sa créance d’un montant de 148 056,29 Euros à titre chirographaire.
Elle a été admise sans contestation.
Par lettres recommandées du 18 août 2022, la BPO a mis en demeure les associés de la SCI de lui régler, en fonction de la répartition du capital social :
– [I] [D] : 160 544,54 Euros,
– [R] [D] : 1 621,66 Euros.
A défaut de paiement, par actes délivrés le 30 novembre 2022, la BPO a fait assigner MM. [D] devant le tribunal judiciaire de Cahors afin de les voir condamner à lui payer les sommes restant dues, soit en principal 163 363,61 Euros pour [I] [D] et 1 650,15 Euros pour [R] [D], sur le fondement de l’action contre les associés des articles 1857 et 1858 du code civil.
Par jugement rendu le 17 mai 2024, le tribunal judiciaire de Cahors a :
– constaté que par acte d’huissier de justice du 16 avril 2021, Me [H] [W], mandataire judiciaire, a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Cahors M. [I] [D] et M. [R] [D] en contribution aux pertes de la SCI [I],
– constaté que cette action engagée par Me [H] [W], en qualité de liquidateur de la SCI [I], sur le fondement de l’article 1832 du code civil, concerne la créance dont se prévaut la Banque Populaire Occitane et que la procédure enregistrée sous le n° RG 21/248 est pendante devant la même juridiction,
– déclaré la Banque Populaire Occitane BPO irrecevable en son action dirigée contre M. [R] [D] et M. [I] [D] en raison de leur qualité d’associés de la SCI [I], aux fins de condamnation en paiement de la créance déclarée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SCI [I] au titre du prêt consenti par la Banque Populaire Occitane de 220 000 Euros le 18/10/2007,
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement,
– condamné la Banque Populaire Occitane aux entiers dépens,
– condamné la Banque Populaire Occitane à payer à M. [R] [D] la somme de 1 500 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a estimé que, dès lors que Me [W] avait, en 2021, assigné les associés de la SCI [I] devant le tribunal judiciaire de Cahors pour les voir contribuer aux pertes en application des articles 1832, 1844-1, 1857 du code civil et L. 641-9 du code de commerce, et qu’il a seul qualité pour agir au nom de la société en liquidation, la BPO ne pouvait agir d’elle-même à cette même fin.
Par acte du 11 juin 2024, la Banque Populaire Occitane a déclaré former appel du jugement en désignant [R] [D] et [I] [D] en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur l’entier dispositif du jugement, qu’elle cite dans son acte d’appel.
La clôture a été prononcée le 8 janvier 2025 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 10 février 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 10 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la société coopérative Banque Populaire Occitane présente l’argumentation suivante :
– Elle fonde son action, non sur l’article 1844-1 du code civil, qui ne peut être engagée que par le liquidateur, mais sur les articles 1857 et suivants du même code, en vertu de sa qualité de tiers à la SCI [I].
– Il s’agit d’actions différentes qui n’ont pas le même fondement.
– Sa créance n’avait pas à être déclarée à la liquidation judiciaire personnelle de M. [D] prononcée le 17 décembre 2012.
– Une éventuelle inopposabilité de sa créance à la procédure collective de [R] [D] ne fait pas obstacle à son assignation en qualité d’associé postérieure à laclôture de cette procédure.
– Sa créance a été admise définitivement par le juge commissaire à hauteur de 148 974, 29Euros.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– réformer le jugement sur les points de son appel,
– débouter [R] [D] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner [I] [D] à lui payer la somme de 163 363,61 Euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– condamner [R] [D] à lui payer la somme de 1 650,15 Euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– les condamner à lui payer la somme de 2 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
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Par dernières conclusions notifiées le 30 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [R] [D] présente l’argumentation suivante :
– Me [W], es-qualité de liquidateur, a engagé une procédure de contribution aux pertes à son égard par acte du 16 avril 2021, intégrant la créance de la BPO, qui a abouti un jugement rendu le 17 mai 2024 le condamnant à payer à Me [W] la somme de 1 484, 60 Euros représentant 1 % des pertes.
– Il a exécuté cette décision et il ne peut être condamné une nouvelle fois.
– Il a lui-même été placé en liquidation judiciaire, avec son épouse, selon jugement du tribunal de commerce de Cahors du 17 décembre 2012, la procédure étant clôturée pour insuffisance d’actif le 2 décembre 2019.
– L’article L. 643-11 du code de commerce s’oppose à la reprise des poursuites à son encontre du fait d’une créance trouvant son origine dans le contrat du 18 octobre 2007, soit une créance antérieure à sa liquidation judiciaire.
– La BPO n’a déclaré aucune créance à son passif alors que la déchéance du terme est intervenue le 27 juin 2013.
– Subsidiairement, la somme due doit être calculée sur 175 363,64 Euros (montant fixé lors de la procédure de saisie immobilière par jugement du 20 novembre 2015) – 82 231,34 Euros (prix de vente perçu) = 93 132,30 Euros.
Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :
– confirmer le jugement,
– déclarer la Banque Populaire Occitane irrecevable et en toute hypothèse mal fondée en ses demandes et l’en débouter,
– la condamner à lui payer la somme de 2 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à sa charge,
– subsidiairement,
– de rejeter la base de calcul,
– d’ordonner que la base de calcul, compte tenu de la prescription quinquennale des intérêts, de l’absence de mise en demeure, du rejet de l’indemnité forfaitaire et des frais irrépétibles non justifiés, ne peut excéder 93 132,30 Euros,
– de dire qu’il ne peut lui être réclamé une somme excédant 931,32 Euros,
– de rejeter la demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile.
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[I] [D] n’a pas constitué avocat.
La Banque Populaire Occitane lui a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions d’appelante par acte du 21 août 2024 déposé en l’étude de l’huissier après passage à son domicile [Adresse 8].
PAR CES MOTIFS :
– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par arrêt rendu par défaut prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
– INFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a :
– déclaré la Banque Populaire Occitane BPO irrecevable en son action dirigée contre M. [R] [D],
– condamné la Banque Populaire Occitane à payer à M. [R] [D] la somme de 1 500 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,
– DECLARE l’action intentée par la société coopérative Banque Populaire Occitane à l’encontre de [I] [D] recevable ;
– CONDAMNE [I] [D] à payer à la société coopérative Banque Populaire Occitane la somme de 145 920,96 Euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2022, au titre de sa contribution, en qualité d’associé de la SCI [I], à la dette envers cette banque ;
– Y ajoutant,
– CONDAMNE la société coopérative Banque Populaire Occitane à payer à [R] [D], en cause d’appel, la somme de 2 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société coopérative Banque Populaire Occitane ;
– CONDAMNE [I] [D] aux dépens de 1ère instance et d’appel qui pourront être recouvrés directement par Me Sudre pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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