Cour d’appel d’Agen, 2 avril 2025, RG n° 24/00574
Cour d’appel d’Agen, 2 avril 2025, RG n° 24/00574

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Agen

Thématique : Responsabilité des dirigeants face à l’aggravation du passif d’une société en difficulté

Résumé

La SAS [X] était engagée dans des activités de menuiserie et de construction métallique. En raison de difficultés financières, le Tribunal de commerce d’Agen a ouvert une procédure de sauvegarde, qui a été convertie en redressement judiciaire, fixant la date de cessation des paiements au 27 février 2019. Par la suite, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS [X] et a désigné un liquidateur, qui a commandé une expertise pour examiner les comptes des exercices 2016 à 2018.

L’expert a relevé des fautes de gestion significatives et des manquements des professionnels du chiffre, entraînant une augmentation du passif de 9.511.085 euros entre la date de cessation des paiements et l’ouverture de la procédure collective. En conséquence, le liquidateur a assigné deux dirigeants de la SAS [X] et de sa holding, la SAS [9], pour obtenir réparation de l’insuffisance d’actif.

Le tribunal a confirmé la responsabilité des dirigeants, en se basant sur le rapport d’expertise, et a condamné l’un d’eux à verser 1.000.000 euros et l’autre 50.000 euros au liquidateur. Les dépens ont également été répartis entre les parties. L’un des dirigeants a interjeté appel de cette décision, contestant la régularité de la procédure et la responsabilité qui lui était imputée.

Dans ses conclusions, le liquidateur a soutenu que les fautes de gestion des dirigeants avaient contribué à l’insuffisance d’actif, et a demandé la confirmation du jugement initial. La cour a examiné les éléments de preuve, notamment le rapport d’expertise, et a confirmé la responsabilité des dirigeants, en soulignant que leurs actions avaient aggravé la situation financière de la société. Le jugement a été maintenu, et le dirigeant appelant a été condamné à payer des frais supplémentaires au liquidateur.

ARRÊT DU

02 Avril 2025

ALR/CH

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N° RG 24/00574 –

N° Portalis DBVO-V-B7I-DHMB

———————

[U] [X]

C/

[H] [I]

——————

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 108-2025

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Monsieur [U] [X]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 4]

de nationalité française,

domicilié : [Adresse 5]

[Localité 6]

représenté par Me François DELMOULY, SELARL AD LEX. avocat postulant au barreau D’AGEN et par Me Christophe DEJEAN, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

APPELANT d’un(e) Jugement du Tribunal de Commerce d’AGEN en date du 24 Avril 2024, RG 2022 04184

D’une part,

ET :

Maître [H] [I] es qualité de mandataire liquidateur de la SAS [X]

de nationalité française, Mandataire judiciaire

domicilié : [Adresse 7]

[Localité 4]

représenté par Me Erwan VIMONT,SCP LEX ALLIANCE, avocat au barreau d’AGEN

Monsieur [Y] [R]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

N’ayant pas constitué avocat

INTIMÉS

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 Février 2025 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Anne Laure RIGAULT, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience

Greffière : Catherine HUC

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

EXPOSE DES FAITS

La SAS [X] exerçait une activité de «menuiseries, constructions métalliques, fabrication aluminium, verreries, façades métallerie, fabrication et pose de matériels à énergie renouvelable.

Par jugements successifs des 27 février 2019, du 19 juin 2019, le Tribunal de commerce d’Agen a ouvert une procédure de sauvegarde, convertie en procédure de redressement judiciaire, fixant au 27 février 2019 la date de cessation des paiements.

Par jugement du 10 octobre 2019, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS [X], désignant Maître [I] en qualité de qualité de liquidateur et ordonné une expertise, désignant M. [F] [B] pour examiner les comptes sociaux des exercices 2016, 2017 et 2018.

Par jugement distinct du 10 octobre 2009, le tribunal de commerce d’Agen a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS [9], holding de la SAS [X].

L’expert a déposé son rapport le 22 octobre 2021, dans lequel ont été relevées des fautes de gestion préjudiciables à la procédure collective, et de nombreux manquements des Professionnels du chiffre.

Sur la base du rapport judiciaire, M. [I], ès qualités, a retenu une augmentation du passif de 9.511.085 ‘ entre le 31 décembre 2016 et la date d’ouverture de la procédure collective.

Par actes délivrés le 26 juillet 2022 et 17 août 2022, M. [I], es-qualités de liquidateur de la SAS [X], a fait assigner M. [U] [X] et M. [Y] [R] devant le tribunal de commerce d’Agen afin de les voir condamner, in solidum, à lui payer la somme de 9.511.085 Euros représentant une partie de l’insuffisance d’actif, au motif qu’ils ont commis des fautes de gestion ayant aggravé le passif.

Par jugement rendu le 24 avril 2024 le tribunal de commerce d’Agen a :

Reçu la demande de M. [I], ès qualité, liquidateur de la SAS [X], M. [U] [X] et M. [Y] [R] dans leurs actions;

Dit que les articles L.651-1 et suivants du code de commerce sont applicables à l’affaire ;

Dit que le rapport de l’Expert, ordonné par le tribunal de commerce dans son jugement de mise en liquidation judiciaire de la SAS [X], est opposable à Messieurs [U] [X] et [Y] [R], ainsi qu’à l’ensemble des autres tiers ;

Dit que Messieurs [U] [X] et [Y] [R] sont bien des dirigeants de droit des sociétés SAS [X] et SAS [9];

Dit qu’il y a bien une aggravation du passif d’un montant de 9.511.085 ‘,

Condamné M. [U] [X] au paiement de la somme de 1.000.000 ‘ au profit de M. [I], ès qualité de liquidateur de la SAS [X]:

Condamné M. [Y] [R] au paiement de la somme de 50.000 ‘ au profit de M. [I], ès qualité de liquidateur de la SAS [X],

En ce qui concerne les dépens,

Condamné M. [U] [X] au paiement de la somme de 5.000’ au titre de l’article 700 du code de procédure ainsi qu’90% des dépens en ce compris les frais d’expertise pour un montant de 40.000 ‘ TTC ;

Condamné M. [Y] [R] au paiement de la somme de 1.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure ainsi qu’à 10% des dépens en ce compris les frais d’expertise pour un montant de 40.000 ‘ TTC.

Dit qu’il n’y a pas lieu à surseoir à l’exécution provisoire de la présente

Débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.

Liquidé les dépens dont frais de greffe pour le présent jugement à la somme de 94,34 ‘.

Par acte du 23 mai 2024, M. [U] [X] a déclaré former appel du jugement en désignant Me [H] [I], es-qualité de liquidateur de la SAS [X], et M. [Y] [R], en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, exceptées en ses dispositions relatives à M. [Y] [R].

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 janvier 2025, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoiries du 10 février 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 13 août 2024, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [U] [X] demande à la cour par application de l’article L. 652-1 et suivants du code de commerce, de :

Vu le jugement du tribunal de commerce d’Agen en date du 16 juillet 2019 fixant la date de cessation de paiements de la SAS [X] au 27 février 2019,

Vu le jugement du tribunal de commerce d’Agen en date du 14 octobre 2019 procédant à la désignation de M. [F] [B] avec pour mission «notamment définir les éventuelles responsabilités des intervenants, cadres, dirigeants, tiers, conseils en matière d’élaboration de contrôle ou de conseil des comptes sociaux des trois exercices visés»,

Vu la Jurisprudence de la chambre commerciale de la cour de cassation,

Vu l’assignation devant le tribunal de commerce d’Agen délivrée le 9 août 2022 par M. [I], ès qualités de mandataire liquidateur de la société [X] à l’encontre de la SAS [1], M. [N] [V] et de la SAS [10],

Vu le jugement du tribunal de commerce d’Agen en date du 24 avril 2024,

Déclarer recevable et bien-fondé M. [U] [X] en son appel du jugement du tribunal de commerce d’Agen du 24 avril 2024,

En conséquence,

Réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce d’Agen en date du 24 avril 2024,

Déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé Maître [H] [I], ès qualités de mandataire liquidateur de la société [X], en sa demande de condamnation,

Débouter Maître [H] [I], en sa qualités de mandataire liquidateur de la Société [X], de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Maître [H] [I], ès qualités, aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, M. [U] [X] fait valoir :

Il appartenait à Me [I] de communiquer toutes les procédures introduites devant le tribunal judiciaire d’Agen contre les professionnels du chiffre, cités dans le rapport de M. [B], à savoir l’expert-comptable et le commissaire aux comptes, et les condamnations de 7 608 868 ‘ sollicitées par Maître [I], devant ces juridictions, viennent se cumuler avec les demandes du présent litige, ce qui conduit à des doubles indemnisations d’un même préjudice,

Faute pour la société [9], holding de la société [X], qui exerçait la présidence et portant le pouvoir de direction et de contrôle de la société [X], d’être partie au litige, la procédure de comblement d’insuffisance d’actif initié à l’encontre de M. [X], à titre personnel, est mal fondée en droit. M. [X] ne peut être tenu d’une dette de la société [9] sur son patrimoine personnel,

La mission confiée à l’expert est entachée d’irrégularités puisqu’il s’agit d’un transfert des pouvoirs du juge, l’expert ne s’étant pas limité à des considérations techniques, mais s’étant livré à des considérations personnelles de sorte que l’expertise se trouve entachée d’irrégularités pour n’avoir, de surcroit, été soumise, ni à la contradiction de la société [9], ni à celle de M. [R].

M. [U] [X] n’a retiré aucune forme d’intérêt personnel, directe et, ni indirecte, ce qui ne caractérise pas une faute de gestion,

L’expertise ne rapporte pas la démonstration d’une faute personnelle de [U] [X] dès lors que la société [9] qui était le véritable dirigeant légal de l’entreprise n’est pas partie au débat ne fait pas l’objet de tels griefs.

Le fait que les comptes sociaux ne présentent ni une image fidèle, ni sincère d’une société ne constitue pas un des cinq types de fautes déterminées par l’article L651-1 du code de commerce,

La preuve du lien de causalité entre la faute de M. [X] et sa contribution à l’état de cessation des paiements n’est pas démontrée,

La date de cessation des paiements est définitivement fixée au 27 février 2019, et toute action en remontement de passif est prescrite, puisque non introduite dans le délai d’un an tel qu’issu de l’article L631 ‘ 8 alinéas 5 du code de commerce,

Le passif doit être exigible et exigé et non uniquement exigible,

Il ne peut être opposé à la société [X] d’avoir poursuivi une activité déficitaire sur les exercices 2016, 2017 et 2018 alors que le jugement fixe au 27 février 2019 la date de cessation des paiements.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA, 12 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément par application de l’article 455 du code de procédure civile, Me [H] [I], ès qualités, demande à la cour par application des articles L651-1 et suivants du code de commerce, de :

Rejetant toutes conclusions contraires,

Confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Agen en date du 24 avril 2024 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il a :

Reçu la demande de M. [I] es qualités, liquidateur de la SAS [X], M. [U] [X] et [Y] [R] dans leur actions;

Dit que les articles L651-1 et suivants du code de commerce sont applicables à l’affaire ;

Dit que le rapport de l’expert, ordonné par le tribunal de commerce dans son jugement de mise en liquidation judiciaire de la SAS [X] est opposable à Messieurs [U] [X] et [Y] [R], ainsi qu’à l’ensemble des tiers ;

Dit que Messieurs [U] [X] et [Y] [R] sont bien des dirigeants de droit des sociétés SAS [X] et SAS [9] ;

Dit qu’il y a bien une aggravation du passif d’u montant de 9.511.085′ ;

Condamné M. [U] [X] au paiement de la somme de 1.000.000′ au profit de M. [I] es qualité ;

Condamné M. [Y] [R] au paiement de la somme de 50.000′ au profit de M. [I] es qualité ;

Condamné M. [U] [X] au paiement de la somme de 5.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à 90% des dépens en ce compris les frais d’expertise ;

Condamné M. [Y] [R] au paiement de la somme de 1.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à 10% des dépens en ce compris les frais d’expertise pour un montant de 40.000′;

Dit qu’il n’y a pas lieu à surseoir à l’exécution provisoire de la présente décision.

Y ajoutant :

Condamner tout succombant au paiement de la somme de 15.000’ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, M. [I], es qualités, fait valoir :

L’article L652 ‘ 1 du code de commerce dont se prévaut l’appelant a été abrogé par la réforme de 2008,

M. [U] [X] est dirigeant de droit, en sa qualité de président du directoire de la SAS [9], société holding détenant 99 % de la SAS [X], société dont il est également le directeur. Il est mentionné en qualité de dirigeant sur le KBIS de la SAS [X].

M. [R], qui est dirigeant de droit en sa qualité de membre du directoire de la SAS [9], est responsable finance et comptabilité depuis 2015 du groupe [X],

Le rapport d’expertise judiciaire de M. [B] est régulier, comme répondant aux dispositions de l’article L621 ‘ 4 alinéa 3 du code de commerce,

Le rapport d’expertise démontre les fautes de gestion imputable à M. [X] et à M. [R] (absence de mise en place d’une structure de gestion, utilisation de fausses factures et avoirs, recours aux sessions de créance auprès du [11]), la poursuite de l’activité déficitaire,

Ces fautes ont contribué à l’insuffisance d’actif (fixé à 25 419 076 ‘ au 11 juillet 2022), et à 15 907 991 ‘ lors de la clôture de l’exercice 2016), soit un préjudice pour la procédure collective de 9 511 085 ‘,

la responsabilité du dirigeant est susceptible d’être engagée indifféremment de son intérêt personnel. M. [U] [X], dirigeant et associé de la holding, avait un intérêt personnel puisqu’une convention d’animation avait été signée entre la SAS [X] et la holding pour une rémunération de 1056 000 ‘TTC par an.

L’action diligentée contre les professionnels du chiffre ne peut permettre à l’appelant de s’exonérer des manquements par lui commis dans la gestion de la SAS [X].

Par avis du 31 décembre 2024, le ministère public a requis la confirmation du jugement frappé d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt par défaut prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 avril 2024 par le tribunal de commerce d’Agen ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [U] [X] à payer à [H] [I], es-qualités de liquidateur de la SAS [X], la somme de 7 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [U] [X] aux dépens de l’appel.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,

 


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