Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Agen
Thématique : Responsabilité des dirigeants face à l’insuffisance d’actif d’une société en liquidation.
→ RésuméLa SAS, spécialisée dans la formation professionnelle des adultes, a été dirigée par un président et un directeur général. Le financement des formations était assuré par un organisme d’État, qui a unilatéralement modifié ses conditions de paiement, entraînant des difficultés financières pour la société. En avril 2019, le tribunal de commerce d’Agen a ouvert une procédure de redressement judiciaire, suivie d’une liquidation judiciaire en juillet 2019, avec une date de cessation des paiements fixée au 15 avril 2019.
Le liquidateur a ensuite assigné les dirigeants en responsabilité pour insuffisance d’actif, demandant le paiement d’une somme importante. Cependant, le tribunal a constaté que la dégradation de la situation financière de la SAS était due à la décision de l’organisme de financement, et a débouté le liquidateur de sa demande de reconnaissance de fautes de gestion imputables aux dirigeants. Ce jugement a été confirmé par la cour d’appel, qui a également condamné le liquidateur à verser des frais aux dirigeants. En appel, le liquidateur a soutenu que les dirigeants avaient commis des fautes de gestion en poursuivant une activité déficitaire et en maintenant des relations commerciales anormales avec une filiale marocaine. Les dirigeants, quant à eux, ont argué que les difficultés de la société étaient dues à des décisions imposées par l’organisme de financement, et non à des fautes de leur part. Ils ont également souligné que l’insuffisance d’actif était liée à des événements survenus après leur prise de fonction. La cour a confirmé que l’insuffisance d’actif était le résultat de la situation imposée par l’organisme de financement et a rejeté les accusations de fautes de gestion, concluant que les dirigeants n’étaient pas responsables de l’insuffisance d’actif de la SAS. Les dépens ont été mis à la charge du liquidateur. |
ARRÊT DU
02 Avril 2025
ALR/CH
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N° RG 24/00542 –
N° Portalis DBVO-V-B7I-DHI3
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[K] [B]
C/
[W] [Y], [C] [U] [Y]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n°
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Monsieur [K] [B] es qualité de mandataire liquidateur de la SAS [9]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représenté par Me Erwan VIMONT, SCP LEX ALLIANCE, avocat au barreau D’AGEN
APPELANT d’un jugement du tribunal de commerce d’AGEN en date du 27 Mars 2024, RG 2022003884
D’une part,
ET :
Monsieur [W] [Y]
né le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 11]
de nationalité française
domicilié : [Adresse 5]
[Localité 4] / Maroc
Monsieur [C] [U] [Y]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 17]
de nationalité française
domicilié : [Adresse 3]
[Localité 7]
représentés par Me Guilhem VERGNET, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX et représentés par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau D’AGEN
INTIMÉS
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 Février 2025 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Anne Laure RIGAULT, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Greffière : Catherine HUC
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘
‘
RAPPEL DES FAITS.
La SAS [9] avait pour objet social la formation professionnelle des adultes en France et à l’étranger, notamment au Maroc, dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration. Elle employait 11 salariés.
M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] ont occupé respectivement les postes de présidents et de directeur général de cette société.
Le paiement des formations professionnelles dispensées par la société était assuré, non par les bénéficiaires des sessions de formation, mais par le [14], organisme d’état, financeur de la branche professionnelle de la restauration.
Par jugement du 17 avril 2019, le Tribunal de commerce d’Agen a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société, fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 15 avril 2019.
Par jugement du 24 juillet 2019, le tribunal de commerce d’Agen a prononcé la liquidation judiciaire de la société, désignant Me [K] [B] ès qualités de liquidateur, maintenant la date de cessation des paiements au 15 avril 2019.
Par jugement du 28 juillet 2021 du tribunal de commerce d’Agen et par arrêt confirmatif du 14 décembre 2022, la cour d’appel a débouté le liquidateur de sa demande de report de la date de cessation des paiements au 31 décembre 2017.
Par assignation du 16 juin 2022, Me [K] [B] ès qualités de liquidateur a fait assigner M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] devant le tribunal de commerce d’Agen en paiement de la somme de 815.370 ‘ sur le fondement de l’article L651-2 du code de commerce, action en comblement de l’insuffisance d’actifs.
Par jugement du 27 mars 2024, le tribunal de commerce d’Agen a :
Reçu Me [K] [B], ès-qualités et la SAS [9] dans son action envers la SAS [9].
Constaté que la décision unilatérale du [14] est à l’origine de la dégradation de la situation financière de la SAS [9] et de la déclaration de cessation des paiements de cette dernière puis de sa mise en liquidation judiciaire.
Débouté Me [K] [B], es-qualités de liquidateur de la SAS [9], de sa demande de voir reconnaitre à M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] des fautes ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la SAS [9].
Débouté Me [K] [B], es-qualités de liquidateur de la SAS [9], de sa demande de voir condamner in solidum M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] du paiement de la somme de 815.370 ‘ à son profit.
Condamné Me [K] [B], es-qualités, à payer, individuellement à chacun de M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y], la somme de 1.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens resteront à la charge de Me [K] [B], es-qualités.
Dit qu’en raison de la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu d’ écarter l’exécution provisoire de droit.
Débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
Liquidé les dépens dont frais de greffe pour le présent jugement à la somme de 89,67 ‘.
Par déclaration en date du 13 mai 2024, Me [K] [B], es-qualités, a relevé appel de ce jugement, intimant M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] et en indiquant que l’appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu’il cite dans son acte d’appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 décembre 2024, l’audience des plaidoiries étant fixée au 10 février 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 7 août 2024, auxquelles la cour se réfère expressément par application de l’article 455 du code de procédure civile, Me [K] [B], ès qualités, demande à la cour, par application des articles L651-2 et suivants du Code de Commerce de :
Rejetant toute conclusions contraires,
Réformer le jugement du tribunal de commerce d’Agen dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Dire et juger que M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] ont la qualité de dirigeant de la SAS [9] ;
Dire et juger que M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] ont commis des fautes ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la SAS [9] ;
En conséquence,
Condamner in solidum M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] au paiement de la somme de 948.625,41 ‘ à son profit en qualité de mandataire liquidateur de la SAS [9],
Condamner in solidum M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] au paiement de la somme de 5.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de Procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, Me [B], ès qualités, fait valoir :
M. [W] [Y], qui avait la qualité de dirigeant depuis 2014, a joué un rôle prépondérant dans la gestion de la SAS [9], se comportant comme un dirigeant de droit,
M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] ont commis des fautes de gestion en poursuivant l’activité déficitaire de la société, à compter de la fin de l’année 2017, générant ainsi une augmentation du passif, en maintenant des relations commerciales anormales avec le [15], (unique client engendrant une dépendance économique, délais de paiement anormalement longs, incurie des dirigeants), en ne recouvrant pas les créances de la SARL [13], société de droit marocain, lui accordant ainsi un avantage en raison des liens capitalistiques unissant les deux sociétés,
La poursuite de l’activité déficitaire est à l’origine de l’insuffisance de l’actif. L’aggravation du passif s’élève à 948 625. 41 ‘.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 6 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément par application de l’article 455 du code de procédure civile M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] demandent à la cour de :
Confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Agen du 27 mars 2024 en ce qu’il a :
Constaté que la décision unilatérale du [14] est à l’origine de la dégradation de la situation financière de la SAS [9] et de la déclaration de cessation des paiements de cette dernière puis de sa mise en liquidation judiciaire.
Débouté Me [K] [B] ès-qualités de liquidateur de la SAS [9], de sa demande de leur voir reconnaître des fautes ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la SAS [9].
Débouté Me [K] [B] ès-qualités de liquidateur de la SAS [9], de sa demande de voir condamner in solidum Messieurs [C]-[U] [Y] et [W] [Y] au paiement de la somme de 815 370 euros.
Condamné Me [K] [B] ès-qualités à payer, individuellement à chacun d’eux, la somme de 1 000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens resteront à la charge de Me [K] [B] ès-qualités.
Y ajoutant :
Condamner Me [K] [B], ès-qualités de Liquidateur de la Société [9] au paiement de la somme de 2 000 euros au bénéfice de chacun d’eux, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamner Me [K] [B], ès-qualités de liquidateur de la Société [9] aux entiers dépens d’appel.
Au soutien de leurs prétentions, M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] font valoir :
Concernant l’activité de la société [9] : la société avait une unique activité, relevant du secteur réglementé de la formation professionnelle continue des adultes et n’avait pas le choix de son financeur public, ne pouvant exercer une pression aux fins de paiement,
À compter du 1er septembre 2018, le [14] a brutalement cessé tout financement de formation jusqu’au 31 décembre 2018, puis à compter du 1er janvier 2019 le [14] a modifié ses conditions de financement.
Les dirigeants n’ont ni poursuivi abusivement la situation déficitaire de la société, ni commis une faute de gestion,
La somme résiduelle de 7436.85 ‘ à devoir sur la somme principale de 59 936. 85 ‘ due par la société de droit marocain [13] est issue d’une relation contractuelle normale, Maître [B] ès qualités, ne démontrant aucune forme de soutien abusif de la filiale marocaine, ni une anormalité du fonctionnement de ladite filiale.
Maître [B], ès qualités ne démontre pas le lien de causalité,
La condamnation ne peut être prononcée pour un montant supérieur à l’insuffisance d’actif créé sous la direction de la personne recherchée en responsabilité, de sorte que M. [W] [Y] ne peut être tenu débiteur du passif revendiqué avant le 15 avril 2019, date à laquelle il est devenu dirigeant de la société,
M. [C]-[U] [Y], qui n’a jamais été rémunéré en contrepartie du travail effectué dans l’intérêt de la société, a soutenu l’activité de la société sur ses deniers propres à hauteur de 243 500 ‘, et a procédé, en sa qualité de président, à la déclaration de cessation des paiements dès que le [14] a cessé de donner des ordres de formation.
Par avis du 29 novembre 2024, le ministère public a indiqué s’en rapporter à la décision de la cour.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 décembre 2024, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoiries du 10 février 2025.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 mars 2024 par le tribunal de commerce d’Agen ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Me [K] [B], es-qualités de liquidateur de la SAS [9] à payer à M. [C]-[U] [Y] et M. [W] [Y] la somme de 2 000 Euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Me [K] [B], es-qualités de liquidateur de la SAS [9] aux dépens de l’appel.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,
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