L’Essentiel : L’affaire OpenRoad met en lumière une accusation de contrefaçon de logiciel portée par Actian France contre Naval Group et l’État français. Actian allègue que son logiciel OpenRoad est utilisé sans licence. Naval Group conteste cette accusation, arguant d’un défaut de motivation dans l’assignation et invoquant la prescription de l’action. Selon le code civil, les actions en contrefaçon se prescrivent par cinq ans. Le tribunal a finalement déclaré irrecevables les demandes d’Actian, considérant qu’elles étaient prescrites, et a condamné Actian aux dépens, marquant ainsi un tournant significatif dans cette affaire juridique.
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L’éditeur d’un logiciel est supposé connaître les versions d’un logiciel utilisées par ses clients. Son action en contrefaçon est soumise à la prescription quinquennale.
L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d’auteur est soumise à ces dispositions, même si la contrefaçon s’inscrit dans la durée (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 15 novembre 2023, n°22-23.266). Il appartient au titulaire d’un droit affirmant avoir eu connaissance d’un fait lui permettant d’exercer son action d’en justifier et, le cas échéant, au juge de l’apprécier (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 31 janvier 2018, n°16-23.591). L’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics dispose que sont prescrites, au profit de l’État, sans préjudice des déchéances particulièrement édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes les créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans, à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Il s’en déduit, s’agissant d’une créance fondée sur la responsabilité, que la déchéance commence à courir le premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle s’est produit le fait générateur du dommage allégué (en ce sens Cour de cassation, assemblée plénière, 6 juillet 2001, n°98-17.006). La société Actian France accuse la société Naval Group et l’État d’utiliser son logiciel OpenRoad sans licence. Naval Group conteste cette accusation et demande l’annulation de l’assignation pour défaut de motivation. Les parties s’opposent également sur la prescription de l’action en contrefaçon de droits d’auteur. REPUBLIQUE FRANÇAISE 24 avril 2024 [1] Le : ■ 3ème chambre N° RG 23/02992 – N° MINUTE : Assignation du : incident ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT Société ACTIAN CORPORATION S.A.S.U. ACTIAN FRANCE représentées par Maître Christophe CESAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2555 DEFENDERESSES S.A. NAVAL GROUP représentée par Maître Camille PECNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1626 L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT représentée par Maître Bernard GRELON de l’AARPI LIBRA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E0445 Décision du 24 avril 2024 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint DEBATS A l’audience sur incident du 07 mars 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 24 avril 2024. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe La société Actian France, filiale de la société de droit américain Actian Corporation, édite et commercialise des logiciels, dont le langage de programmation intitulé “OpenRoad” et le logiciel de gestion de base de données intitulé “Ingres”. Dans ses dernières conclusions d’incident, notifiées par voie électronique le 1er février 2024, la société Naval Group demande au juge de la mise en état de :- avant toute défense au fond, prononcer la nullité de l’assignation délivrée le 20 février 2023 au nom des sociétés Actian Corporation et Actian France pour défaut de motivation en fait et en droit Au soutien de ses demandes, la société Naval Group fait principalement valoir que :- l’assignation est nulle faute de motivation en fait et en droit, les demanderesses n’identifiant pas suffisamment l’œuvre dont la protection par le droit d’auteur est demandée, le logiciel OpenRoad invoqué n’étant décrit ni dans son fonctionnement, ni dans sa structure, le seul versement de certificats d’enregistrement étant insuffisant à cet égard Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 1er février 2024, l’agent judiciaire de l’État demande au juge de la mise en état de :- annuler l’assignation délivrée le 16 février 2023 au nom des sociétés Actian Corporation et Actian France pour défaut de motivation en fait et en droit L’agent judiciaire de l’État (AJE) développe des moyens identiques à ceux de la société Naval Group au soutien de la nullité de l’assignation.S’agissant de la prescription de l’action, l’AJE estime que les dispositions applicables à une action indemnitaire contre l’État sont de quatre ans à compter du premier jour de l’année suivant celle du fait générateur, celui-ci étant situé au plus tard le 29 octobre 2013. Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 26 février 2024, les sociétés Actian Corporation et Actian France demandent au juge de la mise en état de :- juger recevable l’action en contrefaçon de droits d’auteur qu’elles ont formée en ce qu’elle n’est pas prescrite Les sociétés Actian opposent que :- le logiciel OpenRoad version 4.1 est suffisamment décrit dans l’assignation et elles ont régularisé de nouvelles conclusions développant la description de ce logiciel et ses caractéristiques dont celles dans lesquelles se trouve son originalité, mettant ainsi les défenderesses en mesure de présenter leur défense I – Sur l’exception de nullité de l’assignation Par application de l’article 789 alinéa 1 1° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance. Ainsi, il incombe aux demandeurs qui agissent en contrefaçon de droits d’auteur d’indiquer clairement et précisément dans leur assignation les éléments sur lesquels des droits d’auteur sont revendiqués et les éléments qu’ils considèrent comme ayant été reproduits au mépris de ces droits (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 avril 2012, pourvoi n° 11-10.463). L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d’auteur est soumise à ces dispositions, même si la contrefaçon s’inscrit dans la durée (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 15 novembre 2023, n°22-23.266). Il appartient au titulaire d’un droit affirmant avoir eu connaissance d’un fait lui permettant d’exercer son action d’en justifier et, le cas échéant, au juge de l’apprécier (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 31 janvier 2018, n°16-23.591). L’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics dispose que sont prescrites, au profit de l’État, sans préjudice des déchéances particulièrement édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes les créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans, à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. III.1 – S’agissant des dépens et des frais non compris dans les dépens Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. L’article 514 du code de procédure civile prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. L’exécution provisoire n’a pas à être écartée en l’espèce. Le juge de la mise en état, Rejette l’exception de nullité des assignations délivrées à la société Naval Group et à l’agent judiciaire de l’État les 16 et 20 février 2023 ; Déclare irrecevable comme prescrites les demandes des sociétés Actian Corporation et Actian France ; Condamne les sociétés Actian Corporation et Actian France aux dépens, avec droit pour Maîtres Camille Pecnard et Bernard Grelon, avocats au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont ils ont fait l’avance sans recevoir provision ; Condamne les sociétés Actian Corporation et Actian France in solidum à payer 25 000 euros à la société Naval Group et 5000 euros à l’agent judiciaire de l’État en application de l’article 700 du code de procédure civile. Faite et rendue à Paris le 24 avril 2024 La greffièreLe juge de la mise en état |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est l’accusation portée par la société Actian France contre Naval Group et l’État ?La société Actian France accuse la société Naval Group et l’État d’utiliser son logiciel OpenRoad sans détenir les licences nécessaires. Cette accusation repose sur l’idée que l’utilisation du logiciel a été faite sans autorisation, ce qui constitue une contrefaçon de droits d’auteur. Naval Group, en réponse, conteste cette accusation et demande l’annulation de l’assignation pour défaut de motivation. Les deux parties s’opposent également sur la question de la prescription de l’action en contrefaçon, ce qui signifie qu’elles débattent sur le délai dans lequel une action légale peut être engagée. Quelles sont les implications de la prescription quinquennale dans ce cas ?La prescription quinquennale, selon l’article 2224 du code civil, stipule que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son action. Dans le contexte de la contrefaçon de droits d’auteur, cela signifie que si Actian France avait connaissance de l’utilisation non autorisée de son logiciel OpenRoad, elle devait agir dans un délai de cinq ans. La Cour de cassation a confirmé que même si la contrefaçon se prolonge dans le temps, la prescription s’applique. Quels arguments Naval Group avance-t-il pour contester l’assignation ?Naval Group avance plusieurs arguments pour contester l’assignation. Tout d’abord, il soutient que l’assignation est nulle en raison d’un défaut de motivation, affirmant que les demanderesses n’ont pas suffisamment identifié l’œuvre protégée par le droit d’auteur, c’est-à-dire le logiciel OpenRoad. De plus, Naval Group argue que les actes qui lui sont reprochés ne sont pas clairement définis, ce qui rend difficile la préparation de sa défense. Il souligne également que les caractéristiques originales du logiciel n’ont pas été exposées de manière adéquate dans l’assignation, ce qui constitue une autre raison de nullité. Comment la prescription des actions civiles en contrefaçon est-elle déterminée ?La prescription des actions civiles en contrefaçon est déterminée par les dispositions de l’article 2224 du code civil, qui stipule que le délai de prescription commence à courir à partir du moment où le titulaire du droit a eu connaissance des faits lui permettant d’agir. Dans cette affaire, il a été établi que la société Actian Corporation avait connaissance de l’utilisation du logiciel OpenRoad par Naval Group au plus tard le 29 octobre 2013. Par conséquent, toute action en contrefaçon initiée après cette date, comme celle engagée en février 2023, est considérée comme prescrite. Quelles sont les conséquences de la décision du juge de la mise en état ?La décision du juge de la mise en état a plusieurs conséquences importantes. Tout d’abord, elle rejette l’exception de nullité des assignations, ce qui signifie que les assignations délivrées à Naval Group et à l’agent judiciaire de l’État sont considérées comme valides. Ensuite, le juge déclare irrecevables les demandes des sociétés Actian Corporation et Actian France, en raison de la prescription de leurs actions. Cela signifie qu’elles ne peuvent pas poursuivre leur action en justice pour contrefaçon. Enfin, les sociétés Actian sont condamnées aux dépens, ce qui implique qu’elles doivent payer les frais de justice, y compris une somme à Naval Group et à l’agent judiciaire de l’État pour les frais non compris dans les dépens. |
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