L’Essentiel : Dans cette affaire, un salarié occupant un poste de cadre a informé son employeur d’un accident survenu sur son lieu de travail, entraînant des blessures. La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de l’accident et a pris en charge les soins. Cependant, après une expertise médicale, la caisse a notifié au salarié que ses lésions étaient consolidées à une date antérieure, ce qui a été contesté. Le salarié a formé un recours devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, qui a rejeté sa demande de seconde expertise. En appel, le salarié a maintenu ses prétentions, tandis que la caisse a demandé la confirmation du jugement initial.
|
FAITSDans cette affaire, un salarié, occupant un poste de cadre au sein d’une société, a informé son employeur d’un accident survenu sur son lieu de travail le 12 janvier 2017. Cet accident, qui a entraîné des blessures au dos, aux genoux et aux épaules, a été déclaré à la caisse primaire d’assurance maladie. Un certificat médical initial a constaté un traumatisme à l’épaule droite et a prescrit un arrêt de travail. La caisse a reconnu le caractère professionnel de l’accident et a pris en charge les soins et arrêts de travail du salarié. Cependant, après une expertise médicale, la caisse a notifié au salarié que ses lésions étaient consolidées à une date antérieure, ce qui a été contesté par le salarié. PROCÉDURELe salarié a formé un recours contentieux devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, qui a été transféré au tribunal judiciaire. Par jugement, le tribunal a rejeté la demande du salarié visant à obtenir une seconde expertise médicale, considérant qu’aucun nouvel élément médical n’avait été apporté pour contester la date de consolidation fixée par l’expert. Le salarié a interjeté appel de ce jugement, demandant une nouvelle expertise et la communication du rapport d’accident. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIESLe salarié, dans son appel, conteste la date de consolidation de son état de santé, affirmant qu’il était toujours en traitement et qu’il avait besoin d’une prothèse d’épaule. Il soutient que les antécédents médicaux mentionnés dans l’expertise ne devraient pas influencer la date de consolidation. De son côté, la caisse, se référant à l’expertise médicale, demande la confirmation du jugement initial et le débouté du salarié de toutes ses demandes. La cour a examiné les arguments des deux parties et a décidé de maintenir le jugement du tribunal, considérant que l’état de santé du salarié était consolidé à la date fixée par l’expert et qu’aucune nouvelle expertise n’était justifiée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la consolidation de l’état de santé d’une victime d’accident du travail ?La consolidation de l’état de santé d’une victime d’accident du travail est définie par l’article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, qui stipule que : « Les contestations d’ordre médical relatives à l’état du malade ou à l’état de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle et celles relatives à leur prise en charge thérapeutique, à l’exclusion des contestations régies par l’article L. 143-1, donnent lieu à une procédure d’expertise médicale dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. » La date de consolidation est le moment où la lésion se fixe et prend un caractère permanent, ce qui signifie qu’un traitement n’est plus nécessaire, sauf pour éviter une aggravation. Il est important de noter que la consolidation ne coïncide pas nécessairement avec la guérison complète ou l’absence de séquelles. Ainsi, même si la victime ne peut pas reprendre son travail, cela ne signifie pas que son état n’est pas consolidé. Quel est le rôle de l’expertise médicale dans la détermination de la date de consolidation ?L’expertise médicale joue un rôle crucial dans la détermination de la date de consolidation, comme le précise l’article L. 141-2 du code de la sécurité sociale : « Quand l’avis technique de l’expert ou du comité prévu pour certaines catégories de cas a été pris dans les conditions fixées par le décret en Conseil d’Etat auquel il est renvoyé à l’article L. 141-1, il s’impose à l’intéressé comme à la caisse. Au vu de l’avis technique, le juge peut, sur demande d’une partie, ordonner une nouvelle expertise. » Dans le cas présent, l’expert a confirmé que l’état de santé de la victime était consolidé à une date précise, et cet avis s’impose tant à la victime qu’à la caisse. La cour a constaté que l’expertise avait été réalisée conformément aux règles en vigueur et que l’avis de l’expert était clair et motivé, ce qui a conduit à la confirmation de la date de consolidation. Quels sont les effets de la consolidation sur les droits à indemnisation de la victime ?La consolidation a des effets significatifs sur les droits à indemnisation de la victime, comme le stipule l’article R. 433-17 du code de la sécurité sociale : « Dès réception du certificat médical prévu au deuxième alinéa de l’article L. 441-6, la caisse primaire fixe, après avis du médecin-conseil, la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure. » Une fois la date de consolidation fixée, la caisse peut déterminer si des séquelles indemnisables subsistent. Si la consolidation est reconnue, cela signifie que la victime a atteint un état stable, et les indemnités peuvent être calculées en fonction des séquelles permanentes. Il est à noter que la consolidation ne signifie pas l’absence de séquelles, et la victime peut toujours avoir droit à une indemnisation pour les séquelles qui persistent après la date de consolidation. Quelles sont les conséquences d’une contestation de la date de consolidation par la victime ?La contestation de la date de consolidation par la victime peut entraîner des complications dans le processus d’indemnisation. Selon l’article L. 141-1, la procédure d’expertise médicale est mise en place pour résoudre ces contestations. Si la victime conteste la date de consolidation, elle doit fournir des éléments médicaux nouveaux et pertinents pour justifier sa demande. En l’absence de tels éléments, comme cela a été constaté dans le cas présent, la cour peut rejeter la demande de nouvelle expertise. La cour a souligné que la consolidation est déterminée par l’état de santé de la victime à un moment donné, et que des soins ultérieurs ne remettent pas en cause cette date, tant qu’ils ne sont pas liés à une aggravation de l’état de santé causée par l’accident. Comment la cour a-t-elle évalué les éléments médicaux présentés par la victime ?La cour a évalué les éléments médicaux présentés par la victime en se basant sur leur pertinence et leur capacité à remettre en cause les conclusions de l’expertise. Les certificats médicaux et les ordonnances fournis par la victime n’ont pas été jugés suffisants pour contredire l’avis de l’expert. En effet, la cour a noté que ces documents ne démontraient pas une aggravation de l’état de santé ou un lien direct avec l’accident du travail. La cour a également souligné que la seule mention de traitements futurs ne suffisait pas à établir que l’état de santé de la victime n’était pas consolidé. Ainsi, les éléments médicaux présentés n’ont pas été jugés convaincants pour justifier une nouvelle expertise ou une réévaluation de la date de consolidation. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/04560 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXKG
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2021 par le Pole social du TJ de CRETEIL RG n° 18/01252
APPELANT
Monsieur [C] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Paulette AULIBE-ISTIN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE,
toque : PC 23
INTIME
CPAM DU VAL DE MARNE – 94
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sandrine BOURDIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre
Madame Sandrine BOURDIN, conseillère
Monsieur Christophe LATIL, conseiller
Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
-CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par M. [C] [E] d’un jugement rendu le
27 janvier 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Créteil (RG 18/01252) dans un litige l’opposant à la CPAM du Val-de-Marne.
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [C] [E] était salarié de la société [6] depuis le
24 avril 1981 en qualité de cadre, technicien, agent de maîtrise, lorsqu’il a informé son employeur le 12 janvier 2017 avoir été victime d’un accident survenu sur son lieu de travail le même jour, lequel a été déclaré, le lendemain, auprès de la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne ( ci-après désignée « la Caisse ») en ces termes « rendez-vous de chantier ( réception des plateaux téléphoniques) » « la victime aurait chuté dans les escaliers de l’établissement entre le rez-de-chaussée et le 1er étage ». Le siège et la nature des lésions étaient décrits de la manière suivante « dos-genoux-épaules » et « douleurs ». Mme [X] était citée comme étant la première personne avisée des faits.
Le certificat médical initial établi par le Docteur [H] le jour le 12 janvier 2017 constatait un : « traumatisme de l’épaule droite – scapulalgies, dorsalgies, gonalgies » et prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 17 janvier 2017, prolongé jusqu’au 20 janvier 2017.
Par décision du 20 janvier 2017, la Caisse reconnaissait le caractère professionnel de l’accident et, en conséquence, prenait en charge à ce titre les arrêts de travail et les soins prescrits à M. [E] à sa suite.
Le 13 février 2018, au regard de l’avis de son médecin-conseil, le docteur [J] [V], la Caisse a notifié à M. [E] qu’elle considérait la consolidation de ses lésions acquise au 27 novembre 2017.
M. [E] ayant contesté la pertinence de cette décision, la Caisse a mis en ‘uvre une expertise médicale technique en application des dispositions des articles L. 141-1, L.141-2 et R.141-1 du code de la sécurité sociale, qu’elle a confiée au docteur [Y].
Au terme de son rapport, l’expert a confirmé le bien-fondé de la décision du
médecin-conseil.
Tenue pat cet avis, la Caisse a, par courrier du 26 juin 2018, notifié à M. [E] les conclusions de l’expert et l’a informé que la date de consolidation telle que fixée initialement était maintenue.
Saisie par M. [E] d’un recours, la commission de recours amiable, lors de sa séance du 17 septembre 2018, a rejeté sa demande relevant que l’expertise médicale du
7 juin 2018 s’étant déroulée conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur, et l’avis de l’expert étant net, précis et sans équivoque, il s’imposait aux parties.
C’est dans ce contexte que M. [E] a formé un recours contentieux devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale du Val-de-Marne. Lequel en application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, a été transféré le 1er janvier 2019 au
pôle social du tribunal de grande instance de Créteil, devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020,
Par jugement du 27 janvier 2021, le tribunal a :
-rejeté la demande présentée par M. [E] tendant à la mise en ‘uvre d’une seconde expertise médicale technique,
-rejeté les autres demandes, plus amples et contraires.
Pour prendre la décision en litige, le tribunal a considéré que M. [E] n’apportait aucun nouvel élément médical pertinent et postérieur à l’expertise médicale technique diligentée à sa demande, qui soit susceptible de remettre en cause les avis du médecin-conseil de la Caisse et de l’expert technique désigné, qui ont fixé, tous deux, au 27 novembre 2017 la date de consolidation, l’expertise de l’intéressé ayant mis en évidence l’existence de nombreux évènement antérieurs, non contestés par l’assuré.
Le jugement a été notifié à M. [E] le 10 février 2021 qui en a régulièrement interjeté appel auprès de la présente cour par déclaration adressée le 3 mars 2021 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et enregistrée au greffe le 31 mai suivant.
Les parties ont alors été convoquées à l’audience du conseiller rapporteur du
16 septembre 2024, date à laquelle elles étaient représentées et, faute de conciliation possible, elles ont plaidé.
M. [E], au visa de ses conclusions en réponse et récapitulatives, demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Créteil le
27 janvier 2021 ;
Statuant à nouveau,
– enjoindre à la Caisse de communiquer le rapport d’accident du travail ;
– ordonner une nouvelle expertise ;
En conséquence,
– désigner un Médecin Expert avec mission de :
– procéder à l’examen de Monsieur [C] [E] ;
– décrire en détail les lésions rattachées aux faits dommageables, ainsi que leur évolution;
– dire quelles sont les lésions et séquelles en relation directe et certaine avec les faits dommageables ;
– décrire le cas échéant la capacité antérieure, en discutant et en évaluant ses anomalies et l’incidence que cet état pathologique peut avoir sur les lésions et leurs séquelles imputables aux faits dommageables; préciser si cette prédisposition n’a été révélée ou provoquée que par les faits dommageables qui en seraient donc le facteur déclenchant ou bien, au contraire, si la victime était déjà diminuée et en ce cas dans quelle mesure les affections qu’elle subit ne sont que la conséquence d’une évolution normale de son état antérieur, sauf le cas où les faits dommageables ont transformé radicalement la nature de l’invalidité préexistante ;
– dire s’il résulte des faits un handicap dans les actes essentiels de la vie quotidienne, dans les activités familiales, dans les activités de loisir alléguées et dans les activités professionnelles exercées au moment de la survenance des faits dommageables ; en décrire les particularités ;
– déterminer la durée de l’incapacité temporaire totale, période pendant laquelle pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec les faits dommageables, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou, si elle n’en a pas, ses activités habituelles ;
– dire s’il existe une incapacité de travail partielle, en fixer les dates et la durée, déterminer le taux de cette partialité compte tenu des activités habituelles normales de la victime ;
– fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions ont cessé d’évoluer et où tous les soins ayant été prodigués et toutes les ressources de la technique médicale utilisées, il n’est plus possible d’attendre de leur continuation une amélioration notable, en sorte que l’état de la victime prend un caractère permanent et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente réalisant un préjudice définitif ;
– chiffrer, par référence au barème indicatif des incapacités fonctionnelles en droit commun, le taux du déficit fonctionnel (ou incapacité permanente partielle) imputable aux faits dommageables, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation et correspondant à la différence entre la capacité antérieure et la capacité actuelle ; décrire les mouvements, gestes et actes rendus difficiles ou impossibles ;
– décrire les souffrances physiques ou morales endurées du fait des blessures subies, en y incluant les douleurs postérieures à la consolidation, dès lors qu’elles ne sont pas génératrices d’un déficit permanent ; les évaluer selon une échelle de 0 à 7/7 en les qualifiant de très légères, légères, modérées, moyennes, assez importantes, importantes ou très importantes ;
– donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique ; l’évaluer selon la même échelle de 0 à 7/7, indépendamment de l’éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit fonctionnel proprement dit ;
– indiquer d’une façon générale toutes suites dommageables ;
– préciser dans le cadre de sa mission les distinctions nécessaires pour établir les préjudices selon la nomenclature qui prévoit :
1- Préjudices patrimoniaux :
a) Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
Dépenses de santé actuelles (DSA) ;
Frais divers (FD) ;
b) Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) ;
Dépenses de santé futures (DSF) ;
Frais de logement adapté (FLA) ;
Frais de véhicule adapté (FVA) ;
Assistance par tierce personne (ATP) ;
Pertes de gains professionnels futurs (PGPf) ;
Incidence professionnelle (IP) ;
Préjudice scolaire, universitaire ou de formation (PSU) ;
2- Préjudices extra-patrimoniaux :
a) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) ;
Déficit fonctionnel temporaire (DFT) ;
Souffrances endurées (SE) ;
Préjudice esthétique temporaire (PET) ;
b) Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :
Déficit fonctionnel permanent (DFP) ;
Préjudice d’agrément (PA) ;
Préjudice esthétique permanent (PEP) ;
Préjudice sexuel (PS) ;
Préjudice d’établissement (PE) ;
Préjudices permanents exceptionnels (PPE) ;
c) Préjudices extra-patrimoniaux évolutifs (hors consolidation) :
Préjudices liés à des pathologies évolutives (PEV) ;
‘ et s’il y a lieu, dire si des soins postérieurs à la consolidation seront nécessaires ; dans l’affirmative, en indiquer la nature, la quantité, la nécessité éventuelle de leur renouvellement et la périodicité ;
-Juger que l’expert sera mis en ‘uvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport au greffe dans les quatre mois de sa saisine ;
-fixer la provision à consigner au Greffe à titre d’avance sur les honoraires de l’expert ;
-condamner l’intimé en tous les dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La caisse, se référant à ses écritures, demande à la cour de :
-confirmer le jugement entrepris, rendu par le tribunal judiciaire de Créteil du
27 janvier 2021 ;
En conséquence,
– débouter M. [E] de l’ensemble de ses conclusions, fins et prétentions ;
– condamner M. [E] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [E] aux dépens.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 16 septembre 2024 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.
Après s’être assurée de l’effectivité d’un échange préalable des pièces et des écritures, la cour a retenu l’affaire et mis son arrêt en délibéré au 22 novembre 2024.
Moyens des parties :
Au soutien de son appel, M. [E] fait grief au jugement attaqué d’avoir retenu conformément aux conclusions du médecin expert que son état de santé était consolidé à la date du 27 novembre 2017 alors qu’il se trouvait toujours en traitement avec des soins prescrits en vue d’une récupération des amplitudes articulaires et d’un renforcement musculaire ayant pour objectif une évolution positive de son état de santé, la mise en place d’une prothèse d’épaule étant préconisée.
Il fait également valoir que les évènements antérieurs relevés dans l’expertise médicale technique sont sans incidence sur la fixation de la date de consolidation des lésions résultant de l’accident du travail. Il précise, s’agissant de la rupture ancienne des rotateurs pointés par l’expert, avoir subi une intervention le 17 octobre 2011 ayant donné entièrement satisfaction et lui permettant à nouveau d’utiliser son bras droit sans aucune gêne. S’agissant de l’accident de moto dont il a été victime en 2013, il oppose que le compte-rendu d’hospitalisation du 15 juin au 13 juillet 2013 ne mentionne aucune lésion ou traumatisme ni aucun soin au niveau de l’épaule droite et que la seule mention d’une plaie au niveau du coude droit n’implique rien s’agissant de son épaule droite.
Il critique le jugement en ce qu’il a considéré qu’il ne produisait aucun élément médical pertinent postérieur à l’expertise technique alors qu’il verse au débat un certificat médical du docteur [T] en date du 24 janvier 2019 préconisant « la mise en place d’une prothèse totale inversée d’épaule » en vue nécessairement de l’amélioration de son état ainsi qu’une ordonnance établie le 3 septembre 2024 démontrant selon lui l’absence de consolidation de son état de santé.
En réplique aux conclusions de la Caisse, M. [E] ajoute que son accident du travail qui s’est déroulé alors qu’il était chargé d’assurer le contrôle technique de la rénovation d’un établissement sis à [Localité 5] ne constitue nullement un accident de trajet, comme peut l’indiquer la Caisse et que cette dernière, malgré la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels, ne l’a jamais informé sur les démarches effectuées à l’encontre de la personne responsable de son accident, pas plus qu’elle lui a communiqué le rapport d’accident du travail, qu’il estime indispensable pour apprécier les conséquences dommageables de celui-ci.
Il soutient également que les différents professionnels médicaux intervenus dans son dossier ont commis des erreurs. Tout d’abord, il considère que le médecin-conseil de la Caisse, le docteur [V], a conclu à la consolidation de son état à la date du
27 novembre 2017 et à l’absence de séquelles indemnisables sans pour autant en produire les justifications médicales et alors que le certificat médical du 27 novembre 2017 de son chirurgien, le docteur [T] stipulait la persistance de séquelles. De même,
M. [E] estime que le rapport d’expertise technique est contestable faute pour celui-ci de respecter les règles édictées par l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale et en particulier celles du barème indicatif d’invalidité annexé à l’article R. 436-32 du même code et de quantifier conformément à ce barème la mobilité de son épaule, de l’ensemble scapulo-huméro thoracique ainsi que l’antéflexion du rachis.
Il estime, contrairement aux conclusions du médecin expert, qu’il y a eu une modification de son état antérieur initialement stabilisé et qu’il y a lieu à ce titre de tenir compte des séquelles inhérentes à l’accident du travail du 12 janvier 2017 et de les indemniser en totalité. Il réitère alors ses critiques à l’encontre de l’expertise en ce qu’elle a fait état d’un état antérieur lié à une rupture ancienne des rotateurs de la coiffe sans examiner les lésions résultant de son accident du travail tel qu’elles ressortent du certificat médical établi le
24 janvier 2019 par le docteur [T] et du compte-rendu d’IRM du 14 janvier 2017. Il réitère ses critiques quant à l’absence de stabilisation de son état de santé et l’absence de prise en compte de ses séquelles.
Enfin, il fait valoir que sa demande de nouvelle expertise est justifiée dès lors que le premier rapport d’expertise est critiquable au regard des pièces médicales qu’il verse au débat, qui témoignent selon lui de l’absence de prise en compte dans la première expertise des séquelles afférentes à sa chute.
La Caisse fait valoir que le docteur [Y], après avoir procédé à l’examen de l’intéressé le 7 juin 2018, a conclu que son état pouvait être considéré comme consolidé au
27 novembre 2017, après avoir mis en avant ses nombreux antécédents et que son avis net, précis, sans équivoque, régulier en la forme et motivé au fond s’imposait aux parties en application de l’article L. 141-2 du code de la sécurité sociale. Elle ajoute que le jugement attaqué ayant rejeté la demande d’expertise médicale sollicitée par M. [E] était parfaitement fondé.
Elle ajoute concernant le certificat médical établi par le docteur [T] le
24 janvier 2019 produit dans l’instance d’appel, qu’il ne produit aucun élément médical nouveau postérieur au dépôt du rapport d’expertise, susceptible de contredire les conclusions du docteur [Y] et de justifier la mise en ‘uvre d’une nouvelle expertise.
Réponse de la cour :
Aux termes de l’article L. 141-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige
Les contestations d’ordre médical relatives à l’état du malade ou à l’état de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle et celles relatives à leur prise en charge thérapeutique, à l’exclusion des contestations régies par l’article L. 143-1, donnent lieu à une procédure d’expertise médicale dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. (…)
l’article L. 141-2 du même code précisant
Quand l’avis technique de l’expert ou du comité prévu pour certaines catégories de cas a été pris dans les conditions fixées par le décret en Conseil d’Etat auquel il est renvoyé à l’article L. 141-1, il s’impose à l’intéressé comme à la caisse. Au vu de l’avis technique, le juge peut, sur demande d’une partie, ordonner une nouvelle expertise.
Par ailleurs, aux termes de l’article R. 433-17 du même code
Dès réception du certificat médical prévu au deuxième alinéa de l’article L. 441-6, la caisse primaire fixe, après avis du médecin-conseil, la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure.
Si la caisse conteste le contenu du certificat médical, il est statué dans les conditions fixées par le chapitre Ier du titre IV du livre Ier.
Dans le cas où le certificat prévu au deuxième alinéa de l’article L. 441-6 n’est pas fourni à la caisse, celle-ci, après avis du médecin-conseil, notifie à la victime par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception la date qu’elle entend retenir comme date de la guérison ou de la consolidation de la blessure. Elle fait connaître également cette intention au médecin traitant. Si le certificat médical ne lui parvient pas dans un délai de dix jours à compter de la notification à la victime, la date, ainsi notifiée, devient définitive.
La notification de la décision de la caisse primaire est adressée à la victime sous pli recommandé avec demande d’avis de réception.
Il sera par ailleurs rappelé que la consolidation est le moment où, à la suite de l’état transitoire que constitue la période de soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent, sinon définitif, tel qu’un traitement n’est plus, en principe, nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation, et tel qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente consécutive à l’accident, sous réserve de rechutes et révisions possibles.
La consolidation s’étend donc de la stabilisation de l’état de la victime et ce quel que soit l’inaptitude au travail présentée par l’assuré. L’impossibilité de reprendre le travail n’empêche pas la consolidation.
Ainsi, la date de consolidation ne coïncide pas nécessairement ni avec la guérison, ni avec la date de reprise effective d’une activité salariée ni encore avec l’absence de toute séquelle. La consolidation n’exclut donc pas la persistance de séquelles.
En l’espèce, le certificat médical initial mentionnait un « traumatisme de l’épaule droite ‘ scapulalgies- dorsalgies- gonalgies. ».
Par une décision du 13 février 2018, la Caisse a notifié à M. [E] que son
médecin-conseil a considéré son état de santé consolidé au 27 novembre 2017 et qu’il ne subsistait pas de séquelles indemnisables.
Le 13 juin 2018, le docteur [Y], désigné d’un commun accord entre le médecin traitant de M. [E] et le médecin-conseil dans le cadre d’une expertise technique, après avoir procédé à l’examen clinique de l’intéressé, a confirmé que son état de santé en rapport avec l’accident du travail du 12 janvier 2017 pouvait être considéré comme consolidé au
27 novembre 2017. Après avoir relevé que l’intéressé était porteur de nombreux antécédents : « intervention pour le rachis lombaire probablement laminectomie en 2012 et réparation de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite en 2012. A noter également en 2013, accident de la vie privée (moto) avec diverses contusions notamment du membre supérieur droit (plaie au niveau du coude)», il a exposé que des radiographies contemporaines de l’accident du 12 janvier 2017 montraient qu’au niveau de l’épaule, il n’y avait pas d’image traumatique mais une ascension de la tête humérale témoignant d’une rupture ancienne de la coiffe des rotateurs. En outre, une IRM effectuée le 14 janvier 2017 montrait une évolution graisseuse et une rétraction des muscles au niveau de l’interligne gléno-humérales. Il en a déduit que ces lésions étaient antérieures à l’accident du
12 janvier 2017 et en rapport avec les antécédents de l’assuré.
Pour contester cet avis, M. [E] produit :
– le certificat médical de prolongation de son arrêt de travail jusqu’au 20 janvier 2017 établi le 17 janvier 2017 mentionnant une « rupture supra et sous épineuse épaule droite »,
– le certificat médical établi le 20 octobre 2017, par son médecin traitant le docteur [H], indiquant que l’intéressé « présente à l’examen cliniques des douleurs persistantes au niveau de l’épaule droite et du dos. La consolidation est effective ce jour sous réserve de l’avis de son ostéopathe ».
– le certificat médical final établi le 27 novembre 2017 par le docteur [T], chirurgien en orthopédie et en traumatologique portant mention d’une consolidation avec séquelle à la date du 27 novembre 2017 et mentionnant au titre des constatations médicales « rupture de la coiffe, épaule droite » ;
– un certificat médical établi le 24 janvier 2019 par le docteur [T] mentionnant que l’IRM effectué dans les suites de son accident du travail « retrouve une rupture du supra et de l’infra épineux qui malheureusement n’était plus accessible à un traitement chirurgical car les chances de réparabilité étaient trop faibles. » et précisant « Je lui ai expliqué qu’il devrait progresser avec un traitement médical mais que le risque de survenue d’une omarthrose excentrée à plus ou moins long terme et dont la mise en place d’une prothèse totale inversée d’épaule » ;
– une ordonnance de rééducation de l’épaule droite et gauche en date du 3 novembre 2020 pour une omarthrose excentrée débutante,
– une ordonnance du même jour pour la réalisation d’une infiltration radioguidée de corticoïde dans l’articulation gléno-humérale gauche et droite,
– le compte-rendu opératoire d’une intervention chirurgicale pratiquée du 17 octobre 2011 consistant en une réinsertion du sus-épineux de l’épaule droite et en une acromioplastie,
– le compte-rendu d’hospitalisation du 15 juin 2013 au 13 juillet suivant suite à un accident sur la voie publique faisant état différentes fractures notamment au rachis et une plaie au coude droit parmi les antécédents d’une chirurgie de la coiffe des rotateurs en 2012,
– une ordonnance établie le 3 septembre 2014 par le docteur [T] prescrivant
20 séances de rééducation fonctionnelle du membre supérieur.
Ce faisant, aucun de ces documents ne peut emporter la conviction de la cour pour remettre en cause la date de consolidation fixée par le médecin-conseil ni même d’ailleurs éveiller un doute sérieux justifiant la mise en ‘uvre d’une nouvelle expertise.
Tout d’abord, M. [E] ne saurait utilement arguer de ce que le médecin expert n’a pas fait application du barème annexé sous l’article R. 434-32 du code de la sécurité sociale qui est relatif à la détermination du taux d’incapacité permanente, dès lors qu’il n’était saisi que de la question relative à la détermination de la date de consolidation, objet de la contestation portée par l’appelant devant les premiers juges. Il en est de même, s’agissant des critiques relatives à l’absence d’évaluation d’éventuelles séquelles en vue de leur indemnisation. En tout état de cause, il sera relevé qu’il ressort des termes de l’expertise que le médecin a procédé à un examen attentif, précis et complet de l’état de santé de l’intéressé.
Ensuite, la seule circonstance que des prescriptions médicales soient établies postérieurement à la date de la consolidation retenue par le médecin conseil puis le médecin expert n’est pas de nature à faire naître un doute quant à la date ainsi retenue dès lors que la consolidation, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, ne se confond pas avec la guérison complète, ni avec l’absence de séquelle. Or, il ne ressort nullement des certificats médicaux et des ordonnances produits par M. [E], y compris postérieurs à l’expertise, que les soins prodigués ne tendraient pas uniquement à éviter une aggravation de son état de santé ou que celui-ci se serait aggravé, après une période de stabilisation. En outre, il n’est pas établi que l’aggravation alléguée soit en lien avec l’accident du travail litigieux.
En effet, les ordonnances se bornent à prescrire des soins sans se prononcer sur la perspective d’une évolution de l’état de santé de M. [E], sur une date de consolidation ou le lien avec les lésions nécessitant les soins avec l’accident du travail. De même, le certificat médical établi le 24 janvier 2019 par le docteur [T], chirurgien de
M. [E], tel que cité ci-dessus et qui ne se prononce nullement sur les lésions en lien avec l’accident du travail, ni sur la date de consolidation, ne comporte pas de mention susceptible de remettre en cause les constatations faites par l’expert. En outre, la seule mention dans ce certificat de la perspective de la mise en place d’une prothèse totale inversée de l’épaule en cas d’apparition d’une omarthrose excentrée à plus ou moins long terme ne saurait être de nature à laisser présager une amélioration de l’état de santé à court terme. En tout état de cause, il n’est pas produit dans le cadre de la présence instance, une prescription afin de mise en place d’une telle prothèse. A cet égard, la cour relève que le docteur [T], avait délivré à l’intéressé, le 27 novembre 2017, un certificat médical final se prononçant en faveur d’une consolidation à cette date avec séquelles. De même, son médecin traitant le 30 octobre 2017 constatait la consolidation tout en relevant la persistance de douleurs à l’épaule droite et au dos. Ainsi, les pièces médicales produites par le requérant n’apparaissent pas en contradiction avec les constations de l’expertise technique sur la consolidation de l’état de santé.
Par ailleurs, ces pièces médicales ne remettent pas en cause les constatations précises de l’expert quant à l’existence d’un état antérieur. En effet, le compte-rendu d’hospitalisation du 15 juin au 13 juillet 2016, établi après que M. [E] ait été victime d’un choc frontal avec un véhicule alors qu’il circulait à moto, mentionne notamment un antécédent une chirurgie de la coiffe des rotateurs en 2012 et que l’intéressé a alors subi différentes fractures notamment au niveau du rachis cervical ainsi que des contusions au coude. Par ailleurs, le compte rendu de l’intervention chirurgicale pratiquée le 17 octobre 2011 suite à une rupture du sus-épineux résistante au traitement médical à l’épaule droite se borne à mentionner les gestes techniques pratiqués sans se prononcer sur les séquelles de cette intervention. De même, le certificat médical du 24 janvier 2019 établi par le docteur [T] ne se prononce nullement sur l’existence ou non d’un tel état antérieur et si
M. [E] se prévaut d’une IRM du 14 janvier 2017, il ne le verse pas aux débats.
Enfin, les développements de M. [E] concernant les suites données par la Caisse sur les responsabilités liées à son accident du travail et le rapport d’accident du travail sont sans incidence sur la détermination de la consolidation de son état de santé.
Il résulte de tout ce qui précède et des conclusions claires, précise et complètes du rapport d’expertise technique que l’état de santé par M. [E] le 27 novembre 2017 et les lésions en lien avec cet accident n’étaient plus susceptibles d’évolution à court terme. En l’absence de difficulté d’ordre médical suite à cette expertise, il n’y a pas lieu d’en ordonner une nouvelle.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toute ses dispositions.
Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
M. [E], qui succombe à l’instance, sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
L’équité commande d’allouer à la Caisse la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,
DÉCLARE l’appel formé par M. [C] [E] recevable,
CONFIRME le jugement rendu le 27 janvier 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Créteil (RG 18/01252),
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE M. [E] à verser à la caisse primaire d’assurance maladie du
Val-de-Marne la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [E] aux dépens.
La greffière La présidente
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?