Consolidation et contestation du taux d’incapacité : enjeux de notification et d’évaluation médicale.

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Consolidation et contestation du taux d’incapacité : enjeux de notification et d’évaluation médicale.

L’Essentiel : Le 7 septembre 2016, une opératrice au sein d’une société a déposé une déclaration de maladie professionnelle pour des problèmes d’épaule, avec une première constatation de sa condition au 29 mars 2016. La caisse d’assurance maladie a déclaré la situation consolidée au 31 juillet 2020, sans notifier de taux d’incapacité permanente partielle (IPP). Le 16 novembre 2020, l’employée a été licenciée pour inaptitude d’origine professionnelle. Un médecin a évalué son taux d’IPP à 19%. L’employeur a contesté ce taux devant le tribunal d’Evry, qui a confirmé le taux par un jugement du 28 juin 2022. L’employeur a interjeté appel.

Résumé des faits

Le 7 septembre 2016, une opératrice au sein d’une société a déposé une déclaration de maladie professionnelle pour des problèmes d’épaule, avec une première constatation de sa condition au 29 mars 2016. Un certificat médical a confirmé une tendinopathie de l’épaule droite. La caisse d’assurance maladie a déclaré la situation consolidée au 31 juillet 2020, sans notifier de taux d’incapacité permanente partielle (IPP). Le 16 novembre 2020, l’employée a été licenciée pour inaptitude d’origine professionnelle. Un médecin a évalué son taux d’IPP à 19%, incluant 5% pour des séquelles professionnelles. Ce taux a été notifié à l’employée et à son employeur le 24 novembre 2020.

Procédure judiciaire

Après un recours infructueux devant la Commission Médicale de Recours Amiable, l’employeur a contesté le taux devant le tribunal d’Evry. Pendant la procédure, un médecin mandaté par l’employeur a rédigé un avis médical, et le tribunal a confirmé le taux de 19% par un jugement du 28 juin 2022. L’employeur a interjeté appel de cette décision le 22 septembre 2022.

Demandes de l’employeur

L’employeur demande à la cour de déclarer que la caisse d’assurance maladie a manqué à ses obligations, notamment en ne justifiant pas l’envoi de la notification de décision concernant le taux d’IPP. Il conteste également la validité du taux d’IPP, arguant qu’il n’a pas été correctement déterminé et que la décision de la caisse est inopposable à son égard. En conséquence, l’employeur demande l’infirmation du jugement et la fixation du taux d’incapacité à 0%.

Arguments de la caisse d’assurance maladie

La caisse d’assurance maladie demande la confirmation du jugement du tribunal, affirmant que les séquelles de la maladie professionnelle justifient le taux d’IPP de 19%. Elle soutient avoir bien envoyé la notification du taux à l’employeur, bien que sans preuve, et que la saisine de la Commission Médicale de Recours Amiable prouve que l’employeur en avait connaissance. La caisse argue également que la communication du rapport médical n’est pas requise avant la phase judiciaire.

Analyse de la cour

La cour a noté que l’employeur a été informé du taux d’IPP, car il a contesté ce dernier. Concernant la non-communication du rapport médical, la cour a conclu qu’aucune obligation de transmission n’existait durant la procédure amiable. Le rapport a été transmis pendant la procédure judiciaire, rendant la procédure régulière. La cour a également souligné que le taux d’IPP de 19% était justifié, tenant compte des limitations fonctionnelles et des douleurs de l’employée.

Conclusion

La cour a confirmé le jugement du tribunal d’Evry, déclarant le taux d’IPP de 19% opposable à l’employeur et condamnant ce dernier aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Sur l’inopposabilité de la décision fixant le taux d’IPP

La société conteste l’opposabilité du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 19% en raison de l’absence de notification de cette décision par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie.

Selon l’article R. 142-8-5 du Code de la Sécurité Sociale, la notification de la décision relative au taux d’IPP doit être effectuée, mais aucune modalité précise n’est exigée.

La Caisse, bien qu’elle n’ait pas retrouvé la preuve de l’envoi, soutient que la saisine de la Commission Médicale de Recours Amiable par la société démontre qu’elle a été informée du taux.

Ainsi, l’absence de preuve de notification ne peut entraîner l’inopposabilité du taux, car la société a eu connaissance de celui-ci en contestant le taux devant la Commission.

En conséquence, la Caisse a établi que la société a été informée du taux d’IPP, ce qui rend la décision opposable.

Sur la non communication du rapport du médecin conseil

La société affirme qu’elle n’a pas reçu le rapport du médecin-conseil qui a fixé le taux d’IPP, ce qui aurait entravé sa capacité à contester ce taux.

Cependant, le Code de la Sécurité Sociale ne prévoit pas l’obligation de transmettre ce rapport au moment de la fixation du taux d’IPP, car cette procédure est non contradictoire.

L’article L. 142-10 et l’article R. 142-16-3 stipulent que la communication du rapport médical peut être obtenue lors du recours devant la juridiction de sécurité sociale.

Dans cette affaire, bien que le rapport n’ait pas été communiqué lors de la phase amiable, il a été transmis pendant la procédure judiciaire, ce qui rend la procédure régulière.

La société ne peut donc pas invoquer l’absence de communication du rapport comme un motif d’inopposabilité.

Sur le taux d’incapacité permanente partielle

La société conteste le taux d’IPP de 19% en soutenant qu’il n’est pas justifié par les séquelles de la maladie professionnelle.

Le barème indicatif des accidents du travail, qui est applicable, prévoit des taux d’indemnisation en fonction des limitations fonctionnelles.

Les articles du barème précisent que pour une limitation moyenne de tous les mouvements, un taux de 20% est applicable, et un taux supplémentaire de 5% peut être ajouté en cas de périarthrite douloureuse.

Le médecin-conseil a évalué les limitations de la salariée et a conclu à un taux de 14% hors incidence professionnelle, qui a ensuite été majoré de 5% pour tenir compte de l’incidence professionnelle, justifiant ainsi le taux de 19%.

La société ne peut pas contester la majoration de 5% en raison de l’inaptitude professionnelle de la salariée, qui a été confirmée par le médecin du travail.

Ainsi, le taux de 19% est justifié et opposable à la société.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 22 novembre 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/08774 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQQ3

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2022 par le Pole social du TJ d’EVRY RG n° 21/00713

APPELANTE

S.A.S. [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Magali DELTEIL de la SELEURL MAGALI DELTEIL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0202

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Odile DEVILLERS, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour,

initialement prévu le 07 juin 2024 et prorogé au 05 juillet 2024, puis au 13 septembre 2024, puis au 25 octobre 2024, au 8 novembre 2024 et au 15 novembre 2024 et au 22 novembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la société [5] à l’encontre d’un jugement rendu le 28 juin 2022 par le tribunal judiciaire d’Evry, dans un litige l’opposant à la CPAM de Vendée.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [L] [V], opératrice au sein de la Société [5], a établi le

7 septembre 2016 une déclaration de maladie professionnelle pour une ‘bursite et tendinite épaule droite, tendinopathie du sous épineux de l’épaule droite’ avec 1ère constatation au 29 mars 2016 et accompagnée d’un certificat médical initial du 29 mars 2016 constatant une ‘tendinopathie du sous épineux de l’épaule droite’.

La caisse l’a déclarée consolidée au 31 juillet 2020 sans que soit notifié de taux d’IPP.

Le 16 novembre 2020 la salariée a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle.

Le médecin a fixé le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) à 19%, dont 5% pour le taux professionnel pour ‘lésion de coiffe droite chez une droitière opérée par 2 fois, laisse pour séquelles des douleurs neuropathiques avec limitation moyenne des amplitudes articulaires’.

Le 24 novembre 2020, la Caisse a donc notifié ce taux à la salariée et à son employeur.

Après recours infructueux devant la Commission Médicale de Recours Amiable, la société a saisi le tribunal d’Evry en contestant ce taux.

Pendant l’instance, le secrétariat de la Commission Médicale de Recours Amiable a, sur demande de la caisse, communiqué un exemplaire du rapport médical de l’assurée au médecin mandaté par l’employeur en application de l’article R 142-8-3 du code de la Sécurité Sociale.

Ce dernier, le Docteur [Y] a rédigé un avis médical le 25 novembre 2021 qui a été transmis au Tribunal. Par jugement du 28 juin 2022, ce dernier a estimé que le taux de

19 % attribué par la caisse était justifié et a débouté la Société [5] de son recours

La Société [5] a interjeté appel le 22 septembre 2022 de cette décision qui lui a été notifiée le 26 août 2022.

A l’audience du 26 mars 2024 les deux parties ont fait soutenir oralement des conclusions visées par le greffe.

La société [5] demande à la cour de :

A titre principal

– ‘dire et’juger’ que conformément aux articles R434-32, R 142-8, L 142-6, R 142-8-2 et R 142-8-3 du Code de la sécurité Sociale, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Vendée a failli à ses obligations,

– Constater que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Vendée ne justifie pas de l’envoi à l’employeur de Mme [V] de la notification de décision motivée relative au taux d’incapacité permanente de 19% ;

– constater que malgré la saisine de la commission médicale de recours amiable le

29 janvier 2021 d’une contestation du taux d’IPP, le médecin mandaté par la société [5] n’a pas accusé réception de l’intégralité du rapport mentionné à l’article L. 142-6 ainsi que l’avis transmis à l’organisme de sécurité sociale au stade amiable ;

– constater que dans le cadre de la procédure judiciaire, la Société [5] n’a été destinataire ni de la décision de la Commission Médicale de Recours Amiable, ni du rapport médical complet.

En conséquence,

– infirmer le jugement notifié par le Tribunal Judiciaire d’Evry le 24 août 2022,

– déclarer inopposable a la Société [5], la décision reconnaissant à

Mme [L] [V] un taux d’incapacité de 19%,

– condamner la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vendée aux dépens.

A titre subsidiaire et infiniment subsidiaire,

– ‘dire et juger’ que conformément aux articles L434-2, R434-31 et R434-32 du Code de la sécurité Sociale, le taux d’incapacité n’a pas été correctement déterminé (14% + 5%),

En conséquence,

– infirmer le jugement notifié par le Tribunal Judiciaire d’Evry le 24 août 2022,

– fixer le taux d’incapacité attribué à Mme [L] [V] à 0%,

– déclarer inopposable à la Société [5] le supposé coefficient professionnel attribué à Mme [L] [V] ;

– fixer le coefficient professionnel à 0%,

– condamner la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vendée aux dépens.

La société soutient tout d’abord qu’elle n’a jamais reçu la notification du taux d’invalidité, ce qui l’empêchait de contester celui-ci et qu’il lui est donc de ce fait inopposable.

Elle soutient qu’elle n’avait pas reçu après sa saisine de la Commission Médicale de Recours Amiable le rapport du médecin qui a fixé le taux et que la décision doit donc être annulée faute de contradictoire, qu’ultérieurement pendant la procédure devant le tribunal le rapport qui a été envoyé n’était pas complet.

Elle prétend que le rapport médical ne précise pas du tout en quoi les séquelles seraient la conséquence de la maladie professionnelle, que le taux de 14% est sans rapport avec la pathologie et que la consolidation est arrivée deux ans après la deuxième opération parce que Mme [V] avait déménagé.

La Caisse demande à la Cour de :

– confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de La Roche sur Yon (sic) du 28 juin 2022,

– dire et juger que les séquelles de la maladie professionnelle dont a été reconnue atteinte Mme [L] [V] le 29 mars 2016 justifient l’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 19 % à la date de la consolidation du 31 juillet 2020 ;

-déclarer la décision de la caisse rendue le 24 novembre 2020 opposable a la Société [5]

– condamner la Société [5] aux dépens.

Elle prétend qu’elle a bien envoyé la notification du taux à la société mais n’en a plus la preuve, mais que la saisine de la Commission Médicale de Recours Amiable démontre que la société en a eu connaissance. Elle rappelle que la communication du rapport du

médecin-conseil sur le taux d’invalidité n’a pas à être communiqué avant la phase judiciaire.

Enfin elle estime que le taux a été évalué d’après le chapitre 8 du barème d’invalidité des accidents même si le taux a été calculé au regard du chapitre 1.1.2 du barème indicatif, que le déménagement n’a rien à voir avec la durée de l’arrêt mais que l’incidence professionnelle doit être retenue compte tenu du licenciement.

SUR CE

Au préalable, il convient de souligner qu’il n’y a pas lieu de reprendre ni d’écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à ‘constater que’ ou ‘juger que », telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu’elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l’arrêt.

Sur l’inopposabilité de la décision fixant le taux d’IPP

Sur la non notification du taux d’IPP

La société soutient que la Caisse n’a jamais adressé à l’employeur la décision litigieuse sur le taux, qu’en effet la caisse produit dans le cadre du présent contentieux une notification non signée, sans justifier de son envoi, qu’ainsi le taux ne lui serait pas opposable.

La Caisse fait valoir qu’elle n’a pas retrouvé trace de la notification, mais que la saisine de la Commission Médicale de Recours Amiable par la société démontre qu’elle a bien été informée.

Le code de la sécurité sociale ne prévoit aucune modalité particulière sur la notification du taux d’IPP que ce soit au salarié ou à l’employeur, la conséquence de l’absence de preuve des modalités et/ou du jour de cette notification ne peut être que l’absence de délai pour le contester, mais que la Caisse peut prouver par tout moyen que la société en a été informée.

En l’espèce la Caisse a produit un document intitulé ‘notification de décision relative au taux d’IPP’ daté du 24 novembre 2020, l’examen de la salariée pour le rapport médical établissant le taux, hors incidence professionnelle, a été fait le 20 juillet 2020 et la Commission Médicale de Recours Amiable contestant le taux a été saisie par la

société [5] le 29 janvier 2021.

L’on peut en conclure que la Caisse établit que la société a bien été d’une part informée du taux puisqu’elle l’a contesté et d’autre part des modalités de contestation puisqu’elle a effectivement pu saisir la Commission Médicale de Recours Amiable et qu’elle ne peut donc invoquer une inopposabilité de ce taux pour absence de notification.

Sur la non communication du rapport du médecin conseil

La société fait valoir qu’elle n’a pas reçu le rapport du médecin-conseil fixant le taux, qu’ainsi elle ne pouvait avoir la certitude qu’il avait été évalué correctement, que malgré la saisine de la commission médicale de recours amiable mentionnant le

docteur [P] [Y] en tant que médecin mandaté par la société, la CPAM ne lui a pas transmis le rapport d’incapacité, ce que celle-ci ne conteste pas. Elle reconnaît que le rapport a été transmis pendant la procédure judiciaire mais soutient qu’il aurait été incomplet, puisqu’elle ne comprend pas que le taux attribué à Mme [V] ait été de 19% alors que le médecin-conseil avait fixé un taux de 14%.

La caisse soutient qu’elle a bien transmis le rapport au docteur [Y] pendant la procédure devant le tribunal mais qu’elle n’avait aucune obligation de le transmettre pendant la procédure amiable.

Aucune disposition du code de la sécurité sociale n’impose à la caisse de transmettre le rapport médical et l’avis du médecin conseil au moment de la fixation de taux d’IPP, cette fixation se faisant dans le cadre d’une procédure non contradictoire, la contradiction n’apparaissant qu’au stade du recours.

Au stade du recours préalable, l’absence de transmission du rapport médical et de l’avis au médecin mandaté par l’employeur n’entraîne encore pas l’inopposabilité à l’égard de ce dernier de la décision de prise en charge par la caisse des soins et arrêts de travail prescrits jusqu’à la date de consolidation ou guérison, ou du taux d’IPP, dès lors que l’employeur dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l’expiration du délai de rejet implicite de quatre mois prévu à l’article R. 142-8-5 du code de la sécurité sociale et d’obtenir à l’occasion de ce recours la communication du rapport médical dans les conditions prévues par les articles L. 142-10 et R. 142-16-3 du même code. Aucune disposition n’autorise l’employeur à obtenir cette communication directement du praticien-conseil du contrôle médical.

En l’espèce, si le rapport n’a pas été communiqué après la saisine de la Commission Médicale de Recours Amiable, il l’a bien été pendant la procédure devant le tribunal et la procédure est régulière.

La société est de particulière mauvaise foi à prétendre qu’elle ne comprend pas la différence entre le taux de 14% et de 19% alors que le médecin-conseil avait fixé le taux à 14% en juillet hors incidence professionnelle et en attendant d’avoir des éléments sur celui-ci, qu’après le licenciement de la salariée pour inaptitude, il a été effectivement rajouté au taux initial 5% pour l’incidence professionnelle et notifiée à ce moment là.

Le non respect de la contradiction ne peut donc valablement être invoqué.

Sur le taux

Le barème indicatif accidents du travail prévoit l’indemnisation de l’atteinte des fonctions articulaires du membre supérieur.

Il retient les mesures suivantes pour la mobilité normale de l’épaule :

– élévation latérale : 170°

– antépulsion : 180°

– rétropulsion : 40°

– rotation interne : 80°

– rotation externe : 60°

Les taux proposés par le barème selon la limitation : Dominant Non dominant

– blocage de l’épaule, omoplate bloquée 55 45

– blocage de l’épaule, avec omoplate mobile 40 30

– limitation moyenne de tous les mouvements 20 15

– limitation légère de tous les mouvements 10 à 15 8 à 10

Le barème précise que s’il existe en plus d’une limitation fonctionnelle une périarthrite douloureuse un taux de 5% peut être rajouté.

Le barème dans son chapitre 8 propose par ailleurs un taux de 10 à 20% pour indemniser une forme mineure d’algodystrophie sans troubles trophiques importants, sans troubles neurologiques et sans impotence.

Le médecin conseil avait relevé les taux suivants à l’examen du 21 juillet 2020 :

mouvements actifs

à droite

à gauche

Abduction

75°

170°

antépulsion

65°

170°

rotation interne

80°

80°

rotation externe

40°

50°

La gravité de l’accident est évidente puisque la salariée a du être opérée à deux reprises en novembre 2016 et mars 2018.

Le médecin-conseil a donc conclu à une limitation moyenne (soit un taux cohérent avec une limitation de 50% pour les mouvements d’abduction et d’antépulsion, 20% pour la rotation externe, même si le mouvement main-nuque paraît réalisable) et qu’elle avait également des douleurs neuropathiques (taux de 10 à 20%).

Au vu de ces limitations qui sont réelles (et qui ne sont pas que les ennuis résultant d’un déménagement comme le soutient la société) et importantes pour certains mouvements, de douleurs même s’il n’est pas établi qu’il y ait un traitement spécifique, le taux fixé à 14% n’apparaît pas du tout excessif et non justifié.

Il n’est pas contesté que Mme [V] a ensuite été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail. Celui-ci a précisé qu’elle pouvait être reclassée ‘à un poste sans manutention ni élévations ni efforts ni gestes répétitifs des membres supérieurs, type administratif accueil informatique ou tout autre poste respectant les restrictions ci-dessus, éventuellement après formation’ et qu’elle a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude.

La société est donc mal fondée à soutenir que Mme [V] a du quitter son travail et en rechercher un autre en raison de son déménagement alors qu’elle l’a elle-même licenciée pour inaptitude.

Le retentissement professionnel ne peut être contesté et la majoration de 5% est justifiée.

Le taux de 19% sera donc déclaré opposable à la société et le jugement confirmé dans toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire d’Evry du 28 juin 2022 dans toutes ses dispositions,

CONDAMNE la société [5] aux dépens d’appel.

La greffière La présidente


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