Conflit de voisinage : enjeux d’élagage et de servitude d’usage.
Conflit de voisinage : enjeux d’élagage et de servitude d’usage.

Propriété et troubles de voisinage

Le droit de propriété est garanti par l’article 544 du Code civil, qui stipule que « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, sous les restrictions établies par la loi ». Toutefois, ce droit est limité par le principe de la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage, tel que défini à l’article 673 du Code civil. Cet article permet à un propriétaire de demander la coupe des branches d’un arbre qui déborde sur son fonds, sans que le propriétaire de l’arbre puisse opposer des considérations relatives à la survie de l’arbre ou à l’acquisition du terrain en toute connaissance de cause.

Servitude par destination du père de famille

La servitude par destination du père de famille est régie par l’article 682 du Code civil, qui précise que « la servitude est une charge imposée sur un fonds pour l’usage et l’utilité d’un fonds dominant ». Cette servitude se crée lorsque deux fonds ont appartenu à un même propriétaire et que ce dernier a mis les choses dans un état qui a engendré la servitude. Dans le cas présent, la cour a constaté que le chêne litigieux avait été planté avant la division des parcelles, ce qui justifie l’application de cette servitude.

Évaluation du préjudice et lien de causalité

La charge de la preuve du préjudice incombe à celui qui l’allègue, conformément à l’article 1353 du Code civil, qui stipule que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver les faits qui lui donnent droit à cette exécution ». Dans cette affaire, la cour a noté que les époux [K] n’ont pas établi un lien de causalité entre les fissures du mur séparatif et les racines du chêne, ce qui a conduit à la réformation du jugement initial.

Exécution des mesures et protection de la végétation

Les mesures ordonnées par le tribunal doivent garantir la pérennité de l’arbre, conformément aux principes de protection de la végétation. L’article 673 du Code civil, tout en permettant la coupe des branches, ne doit pas conduire à une mutilation de l’arbre, surtout lorsque celui-ci est protégé par une servitude. La cour a donc jugé que les mesures d’élagage ordonnées par le premier juge n’étaient pas compatibles avec la conservation de l’arbre.

Demande reconventionnelle et droit de propriété

La demande reconventionnelle de Mme [U] concernant le retrait d’un portillon a été rejetée sur le fondement de l’article 564 du Code de procédure civile, qui stipule que les demandes nouvelles ne peuvent être présentées que si elles ont été soumises au premier juge. De plus, la cour a rappelé que le droit de propriété est protégé et que toute atteinte à ce droit doit être justifiée par des éléments probants.

Indemnisation et préjudice moral

L’indemnisation pour préjudice moral est soumise à la preuve d’une atteinte grave à l’honneur ou à la considération, conformément à la jurisprudence. Dans cette affaire, la cour a estimé que Mme [U] ne justifiait pas d’une telle atteinte, ce qui a conduit à son déboutement de cette demande.

L’Essentiel : Le droit de propriété est garanti par l’article 544 du Code civil, qui stipule que « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, sous les restrictions établies par la loi ». Toutefois, ce droit est limité par le principe de la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage, tel que défini à l’article 673 du Code civil. Cet article permet à un propriétaire de demander la coupe des branches d’un arbre qui déborde sur son fonds.
Résumé de l’affaire : Un acheteur et une vendeuse sont propriétaires de deux parcelles contiguës en Gironde, issues d’une division d’une parcelle plus grande. Les époux propriétaires de la première parcelle ont signalé à la propriétaire de la seconde parcelle des désordres causés par un chêne sur sa propriété, dont les branches débordaient et dont les racines soulevaient un mur séparatif. Après plusieurs courriers restés sans réponse, les époux ont mandaté un expert qui a confirmé les désordres. Malgré une nouvelle relance, la situation n’a pas été résolue, poussant les époux à assigner la propriétaire du chêne devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Le tribunal a rendu un jugement en octobre 2021, condamnant la propriétaire du chêne à élaguer l’arbre annuellement et à payer des dommages et intérêts aux époux pour le préjudice matériel subi. La propriétaire a interjeté appel de cette décision, demandant l’annulation du jugement et la condamnation des époux à lui verser des dommages et intérêts pour préjudice moral, ainsi que d’autres demandes reconventionnelles.

En appel, la cour a examiné les arguments des deux parties. Elle a constaté que le chêne avait été planté avant la division des parcelles et qu’il était protégé par une servitude par destination du père de famille, ce qui empêchait toute atteinte à sa pérennité. La cour a également noté que les époux n’avaient pas prouvé que les racines du chêne étaient responsables des fissures dans leur mur. En conséquence, la cour a réformé le jugement initial, déboutant les époux de leurs demandes et rejetant les demandes reconventionnelles de la propriétaire du chêne. Chaque partie a été condamnée à supporter ses propres dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique des troubles de voisinage dans cette affaire ?

Les troubles de voisinage sont régis par l’article 673 du Code civil, qui stipule que « tout propriétaire peut exiger que les branches des arbres du fonds voisin qui dépassent sur le sien soient coupées par son propriétaire ».

Cet article établit un droit pour le propriétaire d’exiger l’élagage des branches qui débordent sur son terrain, sans que le propriétaire de l’arbre puisse opposer des considérations telles que la survie de l’arbre ou l’absence de préjudice.

Dans cette affaire, les époux [K] ont invoqué cet article pour demander l’élagage du chêne de Mme [U], qui débordait sur leur propriété et causait des désordres.

Cependant, la cour a également pris en compte la notion de servitude par destination du père de famille, qui peut limiter l’application de cet article lorsque l’arbre a été planté avant la division des propriétés.

Quel est le rôle de la servitude par destination du père de famille dans cette affaire ?

La servitude par destination du père de famille est définie par l’article 682 du Code civil, qui précise que « la servitude est une charge imposée sur un fonds pour l’usage et l’utilité d’un fonds dominant ».

Dans ce cas, la cour a constaté que le chêne litigieux avait été planté avant la division des propriétés et que cette plantation était le résultat d’une volonté du précédent propriétaire.

Ainsi, la servitude par destination du père de famille a été reconnue, ce qui signifie que les époux [K] devaient adapter l’aménagement de leur terrain en tenant compte de la présence de cet arbre.

Cela a conduit la cour à conclure que les demandes d’élagage et de coupe des racines formulées par les époux [K] ne pouvaient être satisfaites sans porter atteinte à la pérennité de l’arbre.

Quel est l’impact de l’expertise sur la décision du tribunal ?

L’expertise a joué un rôle crucial dans l’évaluation des désordres subis par les époux [K]. Selon l’article 16 du Code de procédure civile, le juge doit respecter le principe du contradictoire, ce qui implique que les parties doivent avoir la possibilité de discuter des éléments de preuve présentés.

Les rapports d’expertise ont confirmé l’existence de désordres, mais la cour a également noté que l’expert n’avait pas établi de lien de causalité entre les racines du chêne et les fissures dans le mur séparatif.

Cela a conduit à la conclusion que les époux [K] n’avaient pas prouvé que des mesures d’élagage seraient appropriées sans compromettre la viabilité de l’arbre, ce qui a influencé la décision de réformer le jugement initial.

Quel est le statut des demandes reconventionnelles de Mme [U] ?

Les demandes reconventionnelles de Mme [U] ont été examinées à la lumière de l’article 564 du Code de procédure civile, qui stipule que les demandes nouvelles doivent être soumises au juge de première instance.

Mme [U] a demandé le retrait d’un portillon et la réparation de dommages matériels, mais la cour a jugé que ces demandes étaient nouvelles et n’avaient pas été présentées lors du premier jugement.

De plus, elle n’a pas réussi à prouver que les arbres des époux [K] causaient des dommages à sa propriété.

En conséquence, la cour a débouté Mme [U] de ses demandes reconventionnelles, confirmant ainsi le jugement initial sur ce point.

Quel est le principe de l’exécution provisoire dans cette affaire ?

L’exécution provisoire est régie par l’article 514 du Code de procédure civile, qui permet au juge d’ordonner l’exécution d’un jugement même en cas d’appel.

Dans cette affaire, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire du jugement initial, ce qui a permis aux époux [K] de bénéficier des mesures ordonnées avant que l’appel ne soit tranché.

Cependant, la cour d’appel a ensuite réformé ce jugement, annulant les mesures d’élagage et de coupe des racines, ce qui a eu pour effet de rendre l’exécution provisoire caduque.

Ainsi, la question de l’exécution provisoire a été directement liée à l’issue de l’appel et à la réévaluation des demandes des parties.

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 20 MARS 2025

N° RG 21/06390 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MNUN

[I] [U]

c/

[N] [K]

[X] [K] née [U]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 octobre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 19/07188) suivant déclaration d’appel du 22 novembre 2021

APPELANTE :

[I] [U]

née le 23 Février 1953 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Hélène THOUY, avocat au barreau de BORDEAUX substituée à l’audience par Me JANOWCZYK

INTIMÉS :

[N] [K]

né le 06 Avril 1953 à [Localité 3]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

[X] [K] née [U]

née le 17 Juin 1954 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Eugénie CRIQUILLION, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistés de Me Lydia LECLAIR de la SCP MOUTET LECLAIR, avocat au barreau de BAYONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 février 2025 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

Madame Christine DEFOY, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [N] [K] et Madame [X] [U] épouse [K] sont propriétaires d’une parcelle située au [Adresse 1] à [Localité 4], en Gironde, qui jouxte la propriété de Madame [I] [U] située au [Adresse 2]. Ces deux parcelles, d’une contenance respective de 1 594 m2 et de 1 527 m2, proviennent de la division d’une parcelle plus importante appartenant initialement à la mère de Mme [U] et de Mme [K].

Par courrier du 20 mars 2015, les époux [K] ont informé Mme [U] de divers désordres et troubles occasionnés par un chêne implanté sur la propriété de cette dernière, dont les branches débordaient sur leur fonds et dont les racines soulevaient le mur séparatif.

Sans réponse de Mme [U], les époux [K] ont mandaté un expert afin de faire constater la réalité des désordres. Le rapport d’expertise a été rendu le 27 avril 2015 et a confirmé l’existence des désordres allégués.

Les époux [K] ont adressé à Mme [U] un deuxième courrier le 19 janvier 2016 l’informant que les désordres étaient toujours existants et qu’ils avaient été constatés par un expert.

Le même expert a de nouveau été mandaté par les époux [K] et a rendu un second rapport le 27 mars 2019, dans lequel il a constaté que les désordres précédemment identifiés persistaient et en outre évoluaient.

Par acte du 8 juillet 2019, les époux [K] ont assigné Mme [U] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de la voir condamner à procéder annuellement à l’élagage du chêne litigieux, sous astreinte, et d’obtenir le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– condamné Mme [U] à procéder une fois par an à l’élagage des branches de son chêne implanté à proximité de la limite séparative d’avec la propriété des époux [K] et à couper ses racines de sorte qu’elles ne déstabilisent plus le mur séparatif, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement et passé ce délai sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard durant 30 jours,

– condamné Mme [U] à payer aux époux [K] une somme de 19 222,90 euros de dommages et intérêts en réparation de leur dommage matériel, outre 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les époux [K] de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

– débouté Mme [U] de ses demandes reconventionnelles,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné Mme [U] aux dépens.

Mme [U] a relevé appel de ce jugement.

Par acte du 8 février 2022, Mme [U] a assigné en référé les époux [K] aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement dont appel.

Par ordonnance du 5 mai 2022, Mme la déléguée de Mme la première présidente de la cour d’appel de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 février 2022, Mme [U] demande à la cour :

– d’annuler le jugement dont appel,

à titre principal,

– de débouter les époux [K] de leur demande de condamnation sous astreinte à son encontre à élaguer son chêne et de couper ses racines,

– de les débouter de l’intégralité de leurs demandes indemnitaires,

– de les condamner à titre reconventionnel à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de dommages intérêts pour son préjudice moral,

– de les condamner au retrait du portillon installé sur le mur séparatif et à combler définitivement ce passage,

– de les condamner à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de les condamner aux entiers dépens,

à titre subsidiaire,

– de les condamner à titre reconventionnel à procéder régulièrement à l’élagage des branches des arbres qui dépassent sur son fonds, et ce dans le délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

– de ramener l’évaluation des dommages allégués par les époux [K] à une plus juste proportion.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 17 mai 2022, les époux [K] demandent à la cour, sur le fondement de l’article 673 du code civil, de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné Mme [U] à procéder une fois par an à l’élagage des branches de son chêne implanté à proximité de la limite séparative d’avec la propriété des époux [K] et à couper ses racines de sorte qu’elles ne déstabilisent plus le mur séparatif, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement et passé ce délai sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard durant 30 jours,

– condamné Mme [U] à payer aux époux [K] une somme de 19 222,90 euros de dommages et intérêts en réparation de leur dommage matériel, outre 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

– condamner Mme [U] à couper ses racines de sorte qu’elles ne déstabilisent plus les maçonneries attenantes au mur séparatif dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et passé ce délai sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard durant 30 jours,

– infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutés de leur demande de réparation d’un préjudice moral,

en conséquence,

– condamner Mme [U] à leur verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral né du trouble anormal de voisinage,

sur les demandes reconventionnelles de Mme [U],

– déclarer irrecevable sa demande de retrait d’un portillon ouvrant sur sa propriété,

– confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles,

– condamner Mme [U] à verser aux époux [K] la somme supplémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter Mme [U] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2025.

La veille de la clôture Mme [U] a versé aux débats trois nouvelles pièces et a déposé de nouvelles conclusions.

Les époux [K] ont demandé à la cour d’appel de rejeter des débats ces conclusions et ces nouvelles pièces.

MOTIFS

Sur les conclusions et pièces versées aux débats par l’appelante

Aux termes de l’article 15 et 16 du code de procédure civile, le juge doit observer et faire observer par les parties le principe du contradictoire.

En prenant de nouvelles conclusions et en communiquant de nouvelles pièces la veille de l’ordonnance de clôture, l’appelante ne permettait pas aux intimés d’en prendre connaissance et d’y répondre éventuellement avant que la clôture ne soit rendue.

En conséquence, les conclusions et pièces prises par l’appelante le 22 janvier 2015 seront rejetées des débats.

Sur la demande des époux [K]

Le tribunal a considéré que les époux [K] établissaient par deux constats d’expertise qu’ils subissaient de la part de Mme [U] un trouble anormal de voisinage au sens de l’article 673 du code civil alors que le chêne de celle-ci débordait sur la propriété de ses voisins et occasionnait des dégâts alors que,pour sa part, Mme [U] ne démontrait pas les débordements de la végétation des époux [U] sur sa propriété.

Mme [U] fait grief au jugement entrepris de l’avoir condamnée à faire procéder chaque année à la coupe des branches de son chêne dépassant sur la propriété de sa s’ur et de son beau-frère, et de couper les racines de cet arbre afin qu’il ne déstabilise pas le mur séparatif leur appartenant, sous astreinte, car si en application de l’article 673 du code civil, tout propriétaire peut exiger que les branches des arbres du fonds voisin qui dépassent sur le sien soient coupées par son propriétaire sans que puissent lui être opposées les considérations tirées de la survie de l’arbre, de l’acquisition du terrain en toute connaissance de cause, du caractère tardif de la demande, de l’absence de préjudice, de l’inefficacité et l’élagage au regard du dommage causé ou même de l’abus de droit ; ces dispositions légales peuvent être écartées dans le cas où l’arbre concerné a fait l’objet d’une protection contractuelle ou administrative spécifique et où des élagages intempestifs des branches et des racines sont susceptibles d’entraîner une mutilation de l’arbre contraire à l’objectif de conservation de la végétation.

Or en l’espèce, le chêne litigieux qui aurait été planté selon l’appelante avant qu’elle ne reçoive, par donation, son terrain en 1982, soit depuis plus de trente ans, ferait l’objet d’une servitude par destination du père de famille si bien qu’il ne pourrait y être porté atteinte et serait soumis à un régime dérogatoire.

La cour constate que les intimés ne discutent pas du grand âge de cet arbre et si l’expert amiable choisi par eux ne porte pas de jugement sur son ancienneté, les photos annexées à ses deux rapports permettent assurément de conclure à un âge très supérieur à 30 ans.

La cour constate également que les intimés ne discutent pas davantage de la présence de ce chêne antérieurement à la division des deux fonds, mais considèrent que l’existence d’une servitude par destination du père de famille ne saurait faire obstacle aux règles posées par l’article 672 du code civil.

La cour rappelle qu’il existe une servitude par destination du père de famille quand deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire et que c’est par lui que les choses ont été mises dans l’état duquel résulte la servitude.

Or, Mme [U] justifie que l’arbre litigieux a été planté avant la division du fonds et la création des deux parcelles distinctes en 1982 par leur mère, précédente propriétaire, qui a ensuite cédé chacune des deux parcelles à Mme [K] en 1996, et à elle-même antérieurement en 1982.( cf’: pièces n° 1 et 2 de l’appelante).

Il s’ensuit que Mme [U] est bien fondée à se prévaloir de la servitude par destination du père de famille résultant de la division de la parcelle initiale en deux lots que les époux [K] ont nécessairement accepté en achetant leur propre fonds, étant en outre observé que ce sont les appelants qui ont construit des dépendances à proximité de l’arbre dont ils se plaignent désormais de la présence.

En toute hypothèse, la servitude par destination du père de famille qui a opéré une division des deux fonds en laissant subsister un chêne à environ 1,20 m de la future ligne séparative a vocation à permettre la conservation de l’arbre litigieux et cette servitude pèse sur la propriété des époux [K], lesquels devaient adapter l’aménagement de leur terrain en considération de la présence de ce chêne.

Par ailleurs, la cour constate que le lien de causalité entre les fissures dans le mur séparatif des époux [K] et la présence des racines du chêne n’est pas rapporté car si l’expert amiable les a péremptoirement attribuées à ces dernières, il n’a entrepris aucune démonstration probante.

En conséquence, aucune mesure ne peut être prescrite qui mettrait en cause la viabilité de l’arbre.

Or, les mesures ordonnées par le premier juge ne permettent pas de garantir la pérennité de celui-ci.

Par ailleurs, les époux [K] ne rapportent pas la preuve que des mesures appropriées pourraient néanmoins être envisagées alors que leur expert amiable préconisait purement et simplement l’abattage de l’arbre le plus proche de la ligne divisoire et l’élagage des autres chênes.

En conséquence, les intimés ne rapportent pas la preuve qui leur incombe qu’un élagage approprié pourrait être mis en ‘uvre sans porter atteinte à la pérennité des arbres, objet de la servitude. Aussi,il y lieu de les débouter de leurs demandes.

En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu’il a condamné l’appelante à procéder une fois par an à l’élagage des branches du chêne litigieux à couper ses racines, sous astreinte et à verser aux époux [K] une somme de 19 222,90 euros en réparation de leur préjudice matériel.

Sur les demandes de Mme [U]

Le tribunal a considéré que Mme [U] ne rapportait pas la preuve que les arbres plantés par les époux [K] débordeaient sur son fonds et causeraient des dégâts sur les bandeaux en bois de sa toiture.

Mme [U] soutient, aux termes de son appel, qu’elle subirait un préjudice matériel résultant d’une détérioration de sa toiture en raison d’arbres implantés sur le fonds des époux [K] et qui dépassent sur le sien. Enfin, elle demande que les époux [K] procédent à l’enlèvement d’un portillon posé sur le mur séparatif et qui donne accès sur sa propriété, alors qu’aucune servitude de passage n’a été accordée aux intimés.

Les époux [K] contestent le dépassement des branches de leur fonds sur celui de l’appelante. Ils ajoutent avoir condamné le portillon litigieux.

*

L’appelante ne démontre pas que les travaux qu’elle doit entreprendre sur les bandeaux de sa toiture seraient dus à des dépassement de branches d’arbres appartenant aux époux [K].

Par ailleurs, elle n’est pas fondée à solliciter la suppression du portillon posé sur sa propriété par ses voisins en violation de son droit de propriété alors qu’il s’agit d’une demande nouvelle, au sens de l’article 564 du code de procédure civile, dont le premier juge n’a pas été saisi.

Enfin, elle sera déboutée de sa demande au titre de son préjudice moral alors qu’elle ne justifie pas d’une atteinte grave à son honneur, à sa considération ou à ses sentiments au-delà d’un contentieux qui crée nécessairement des tensions entre les parties à la procédure.

*

Si les intimés succombent sur l’appel de Mme [U], celle-ci succombe également sur ses propres demandes.

Aussi, il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie ses propres dépens d’instance et d’appel et ses frais non compris dans les dépens exposés devant les deux juridictions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette des débats les conclusions et pièces versées aux débats par l’appelante le 22 janvier 2025;

Réforme le jugement entrepris et statuant à nouveau’:

Déboute les parties de toutes leurs demandes, y ajoutant

Dit que chacune d’elles supportera ses entiers dépens d’instance et d’appel ainsi que ses frais non compris dans les dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


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