Conflit familial et cessions de parts sociales : enjeux de la régularité des déclarations d’appel.

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Conflit familial et cessions de parts sociales : enjeux de la régularité des déclarations d’appel.

Effet dévolutif de l’appel

L’article 562 du code de procédure civile stipule que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Conditions de validité de la déclaration d’appel

La jurisprudence, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 19 mai 2022 (Civ.2, 21-10685), précise que lorsque la déclaration d’appel ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas. Cela signifie que seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Régularisation de la déclaration d’appel

Il est établi que la déclaration d’appel doit être régularisée dans le délai imparti pour que l’effet dévolutif soit reconnu. En l’absence de mention des chefs critiqués, la cour n’est pas saisie d’aucune demande, ce qui est conforme à l’article 562 du code de procédure civile.

Impact des réformes législatives

Les modifications apportées par le décret du 29 décembre 2023, entrées en vigueur le 1er septembre 2024, ne s’appliquent pas rétroactivement à la déclaration d’appel litigieuse. Ainsi, les nouvelles dispositions de l’article 915-2 du code de procédure civile, qui permettent de compléter ou rectifier la déclaration d’appel, ne peuvent pas être invoquées pour régulariser une déclaration antérieure qui ne respecte pas les exigences de l’article 562.

Conséquences de l’absence d’effet dévolutif

L’absence d’effet dévolutif entraîne que la cour ne peut examiner les demandes des appelants, ce qui les rend irrecevables. Les appelants sont donc condamnés aux dépens et à verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, conformément aux dispositions légales en vigueur.

L’Essentiel : L’article 562 du code de procédure civile stipule que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement critiqués et de ceux qui en dépendent. La jurisprudence précise que si la déclaration d’appel ne mentionne pas ces chefs, l’effet dévolutif n’opère pas. La déclaration doit être régularisée dans le délai imparti pour que l’effet dévolutif soit reconnu. En l’absence de mention des chefs critiqués, la cour n’est pas saisie d’aucune demande.
Résumé de l’affaire : Le 11 février 2000, une société civile immobilière (Sci AOE) a été constituée, détenue par un vendeur, un acheteur et un dirigeant d’entreprise. En septembre 2002, des parts sociales ont été cédées, modifiant la répartition des parts entre les membres de la société. Un couple, marié sous le régime légal, a eu deux enfants, tandis que l’acheteur avait également un enfant d’une précédente union.

Des tensions sont apparues au sein du couple, et en novembre 2018, l’acheteur a signalé qu’il n’avait pas été convoqué à des assemblées générales et n’avait pas accès aux comptes de la Sci. Après plusieurs mises en demeure restées sans réponse, il a découvert des actes de cession de parts sociales, datés du 1er avril 2018, qu’il n’avait pas signés. Il a alors engagé une procédure pour faux en écriture.

Le tribunal judiciaire de Créteil a rendu un jugement le 23 mars 2021, déclarant que les cessions de parts n’étaient pas opposables à l’acheteur et condamnant la dirigeante et l’un des enfants aux dépens. En avril 2021, la dirigeante, l’enfant et la Sci ont interjeté appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue en septembre 2024, mais la cour a ordonné un rabat de cette ordonnance pour permettre aux appelants de répondre aux conclusions des intimés. En janvier 2025, les appelants ont formulé des demandes pour infirmer le jugement initial et établir la validité des cessions de parts.

L’acheteur a contesté la régularité de la déclaration d’appel, arguant qu’elle ne mentionnait pas les chefs de jugement critiqués. La cour a finalement constaté l’absence d’effet dévolutif de l’appel, condamnant les appelants aux dépens et à verser une somme à l’acheteur au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est l’effet dévolutif de l’appel interjeté par les appelants ?

L’effet dévolutif de l’appel est régi par l’article 562 du code de procédure civile, qui stipule :

« L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »

Dans cette affaire, la déclaration d’appel mentionne « appel total » sans préciser les chefs de jugement critiqués.

Aucune régularisation n’a été effectuée dans le délai imparti, ce qui entraîne l’absence d’effet dévolutif.

Ainsi, la cour n’est pas saisie d’aucune demande des appelants.

Quel est le fondement juridique des demandes des appelants concernant l’irrecevabilité de M. [R] [S] ?

Les appelants soutiennent que M. [R] [S] est irrecevable à agir contre eux pour défaut d’intérêt et de qualité à agir.

Cette demande repose sur l’article 122 du code de procédure civile, qui précise que « toute personne doit avoir qualité pour agir ».

Les appelants affirment que M. [R] [S] n’a pas d’intérêt à contester les cessions de parts sociales, car celles-ci ont été jugées non opposables à lui.

En conséquence, ils demandent le rejet de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à leur encontre.

Quel est le régime des dépens et des frais selon l’article 700 du code de procédure civile ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que « la cour peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Dans cette affaire, les appelants ayant échoué dans leurs demandes, ils sont condamnés aux dépens d’appel.

De plus, ils doivent verser à M. [R] [S] une somme de 3 000 euros en application de l’article 700, en raison des frais engagés pour leur défense.

Cette décision vise à compenser les frais de justice supportés par la partie gagnante.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 01er AVRIL 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08469 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTCQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2021 -TJ de CRETEIL – RG n° 19/09530

APPELANTS

Madame [L] [Z] épouse [S]

[Adresse 5]

[Localité 10]

Monsieur [A] [S]

[Adresse 5]

[Localité 10]

S.C.I. AOE représentée par sa gérante Madame [L] [Z] épouse [S]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentés par Maître Renaud LE MAISTRE, avocat au barreau de PARIS, Toque : P 283

INTIME

Monsieur [R] [S]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Maître Jérôme HOCQUARD et Maître Michel GONDINET de la SELARL ELOCA, avocats au barreau de PARIS, toque : P0087, avocats postulants,

et par Maître Fabien BLONDELOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, substitué par Maître Alexandre DIRINGER, avocat au barreau de l’AUBE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre et Madame Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Madame Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Michelle NOMO

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 01er Avril 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de Chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Le 11 février 2000, la Sci AOE (la Sci), propriétaire de deux immeubles sis [Adresse 6] à Montreuil (Seine-Saint-Denis), a été constituée entre Mme [L] [Z], M. [P] [S], père de M. [R] [S], détenant 25 parts chacun, et M. [T] [J] détenant 50 parts.

M. [R] [S] et Mme [L] [Z] se sont mariés le [Date mariage 7] 2000, sous le régime légal, et ont eu deux fils, [A], né le [Date naissance 1] 2002, et [C], né le [Date naissance 4] 2010. M. [R] [S] est également le père d'[E] [O], née le [Date naissance 3] 1991, issue d’une précédente union.

En septembre 2002, M. [J] a cédé ses 50 parts, soit 25 parts à Mme [L] [Z] et 25 parts à M. [R] [S]. M. [P] [S] a ensuite cédé ses parts à son fils [R].

Le capital social de la Sci était ainsi réparti entre les époux [S]-[Z], chacun détenteur de 50 parts sociales, la gérance étant assurée par Mme [Z].

Des dissensions sont survenues au sein du couple et le 9 novembre 2018, le conseil de M. [R] [S] a écrit à Mme [Z] que ce dernier n’avait été convoqué à aucune assemblée générale et qu’il n’avait pas accès aux comptes de la Sci.

En l’absence de réponse, M. [S] a par lettres des 17 janvier et 25 janvier 2019 adressé une mise en demeure à Mme [Z] et la Sci pour enjoindre le gérant de convoquer une assemblée générale.

Soutenant qu’il avait alors découvert qu’un dépôt de deux actes de cession de parts sociales du 1er avril 2018 avait été effectué au greffe du tribunal de commerce le 6 décembre 2018, aux termes desquels il cédait pour un euro symbolique à ses fils [A] et [C] 25 parts sociales chacun, alors qu’il n’avait jamais signé de tels documents, M. [S] a engagé une procédure de faux en écriture devant le tribunal judiciaire de Créteil par actes des 5 et 25 novembre 2019 délivrés à Mme [Z], à la Sci ainsi qu’à M. [F] [Y] en sa qualité d’administrateur ad hoc des enfants [A] et [C] [S], régulièrement désigné par ordonnance du juge des tutelles du 17 septembre 2019.

Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :

– dit que la vérification d’écriture ne permet pas de conclure à la sincérité des deux actes de cession de parts du 1er avril 2018,

– en conséquence, dit que lesdites cessions ne sont pas opposables à M. [R] [S] et aux tiers depuis leur dépôt au registre du commerce et des sociétés,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [Z] et M. [A] [S] aux entiers dépens de l’instance,

– rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du 30 avril 2021, Mme [Z], M. [A] [S] et la Sci AOE ont interjeté appel de cette décision.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2024.

Par arrêt avant dire droit du 19 novembre 2024, la cour a ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture et renvoyé le dossier à la mise enn état pour permettre aux appelants, dont l’avocat a été omis du barreau, de répliquer aux conclusions des intimés.

Par leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 13 janvier 2025, Mme [L] [Z] épouse [S], M. [A] [S] et la Sci AOE demandent à la cour de :

– constater l’effet dévolutif de l’appel interjeté par leurs soins,

– constater que la cour est dûment saisie de leurs demandes,

– déclarer M. [R] [S] irrececable contre Mme [L] [Z] et la Sci AOE pour défaut d’intérêt et de qualité à agir, en conséquence rejeter l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à leur encontre,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que la vérification d’écriture ne permet pas de conclure à la sincérité des deux actes de cession de parts du 1er avril 2018,

– en conséquence, dit que lesdites cessions ne sont pas opposables à M. [R] [S] et aux tiers depuis leur dépôt au registre du commerce et des sociétés,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [Z] et M. [A] [S] aux entiers dépens de l’instance,

– rejeté le surplus des demandes,

statuant de nouveau sur les chefs infirmés,

– constater que la vérification d’écriture et des signatures de M. [R] [S] permet de conclure à la sincérité des deux actes de cession de parts sociales de la Sci AOE du 1er avril 2018 par M. [R] [S] au profit de [A] et [C] [S],

– déclarer que lesdites cessions de parts sociales de la Sci AOE sont opposables à M. [R] [S] et aux tiers depuis leur dépôt au registre du commerce et des sociétés,

– rejeter en tout état de cause l’ensemble des demandes, fins et prétentions de M. [R] [S],

– condamner M. [R] [S] à leur verser chacun une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’ aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 10 janvier 2025, M. [R] [S] demande à la cour de :

à titre principal,

– juger que la déclaration d’appel enregistrée le 7 mai 2021 est irrégulière en ce qu’elle ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués,

– juger que l’effet dévolutif de l’appel n’a pas opéré,

-‘juger que la cour n’a été saisie d’aucune demande,

en conséquence,

-‘rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions formulées à hauteur d’appel,

à titre subsidiaire,

-‘confirmer le jugement en ce que les cessions de parts du 1er avril 2018 ne lui sont pas opposables ni aux tiers depuis leur dépôt au registre de commerce et des sociétés,

– déclarer irrecevable la demande nouvelle des appelants à hauteur d’appel concernant l’irrecevabilité de ses demandes contre Mme [Z] et la Sci AOE, à tout le moins la rejeter,

-‘débouter Mme [Z], la Sci AOE et M. [A] [S] de l’ensemble de leurs demandes,

-‘condamner Mme [Z] à une somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-‘condamner Mme [Z] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 janvier 2025.

SUR CE,

Sur l’effet dévolutif de l’appel interjeté :

M. [R] [S] fait valoir l’absence d’effet dévolutif de l’appel aux motifs que la déclaration d’appel régularisée par les appelants le 30 avril 2021 indique ‘appel total’, sans faire expressément mention des chefs de jugement critiqués et que le délai pour régulariser cette déclaration a été dépassé, en sorte que la cour n’est saisie d’aucune demande de la part des appelants. En réponse aux moyens soulevés par ces derniers, il soutient que :

– la cour doit faire sienne la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ.2, 19 mai 2022 21-10685 publié), qui se borne à appliquer le texte clair et sans ambiguïté de l’article 562 du code de procédure civile,

– il ne sollicite pas l’application de l’article 904 4° du code de procédure civile, étranger à l’arrêt de la Cour de cassation rendu au visa exclusif de l’article 562 du code de procédure civile,

– l’arrêt du 19 mai 2022 ne porte pas atteinte au principe du double degré de juridiction, n’étant que la résultante de la violation de l’article 562 du code de procédure civile par les appelants,

– contrairement à ce qu’allèguent les appelants, cette jurisprudence n’a pas été remise en cause par le décret du 29 décembre 2023, l’article 915-2 nouveau du code de procédure civile permettant aux appelants de compléter le dispositif de leurs conclusions étant applicable aux instances introduites à compter du 1er septembre 2024, date de son entrée en vigueur, et ne permettant pas de régulariser la déclaration d’appel ainsi qu’il ressort de la circulaire du 2 juillet 2024 et en tout état de cause, aucune nouvelle déclaration d’appel n’ayant été formalisée dans les délais légaux.

Les appelants font valoir l’effet dévolutif de l’appel en ce que :

– ils entendent faire valoir leurs droits fondamentaux,

– l’arrêt de la Cour de cassation du 19 mai 2022 fait une interprétation critiquable de l’article 562 du code de procédure civile qui ne prohibe pas expressément d’indiquer qu’un appel est total,

– les dispositions de l’article 910-4° du code de procédure civile issues du décret du 25 février 2022 ne sont pas applicables au cas d’espèce dès lors que la déclaration d’appel a été régularisée en avril 2021,

– les dispositions du décret du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, notamment l’article 901 du code de procédure civile, ont été annulées par décision du Conseil d’Etat du 22 septembre 2022, en sorte que l’arrêt du 19 mai 2022 ne présente aucun intérêt pour la présente procédure,

– l’expression ‘appel total’ figurant dans la déclaration d’appel induit nécessairement qu’ils entendaient expressément critiquer l’ensemble des chefs du jugement et obtenir son infirmation dans sa totalité, et a contrario, l’appelant entendant limiter son appel, doit expressément indiquer les chefs de jugement critiqués,

– la réforme opérée vise à rétablir les droits des justiciables contre une réforme ayant mis à mal l’accès au double degré de juridiction et la circulaire ne leur est pas opposable,

– la jurisprudence de la Cour de cassation a été remise en cause par les dispositions du décret du 29 décembre 2023 ayant modifié l’article 915-2 du code de procédure civile.

Selon l’article 562 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur au moment de l’appel litigieux, ‘L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent

La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible’.

La déclaration d’appel contient la mention ‘Objet/Portée de l’appel : Appel total’ et ne vise aucun chef de jugement critiqué. Aucune régularisation de l’appel n’est intervenue dans le délai imparti aux appelants pour conclure au fond.

Par arrêt du 19 mai 2022 (Civ.2, 21-10685 publié), la Cour de cassation a jugé que :

‘Selon l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En outre, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel fondée sur ce même grief aurait été rejetée’.

Par arrêt du 30 janvier 2020, (Civ; 2 n°18-22.528, publié), antérieur à la déclaration d’appel, la Cour de cassation a jugé que ‘Une cour d’appel, qui constate que les déclarations d’appel tendant à la réformation d’un jugement se bornent à mentionner en objet que l’appel est « total » et n’ont pas été rectifiées par une nouvelle déclaration d’appel, retient à bon droit, et sans méconnaître les dispositions de l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que cette mention ne peut être regardée comme emportant la critique de l’intégralité des chefs de jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement’, et que seul l’acte d’appel opèrant la dévolution des chefs critiqués du jugement, lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.

Cette jurisprudence se borne à appliquer l’article 562 du code de procédure civile sur lequel elle se fonde exclusivement, dont le libellé, clair et non sujet à interprétation, mentionne que l’appel -qui seul emporte effet dévolutif-, défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique ‘expressément’ et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Ces règles ne portent pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d’accès au juge d’appel, la règlementation des voies de recours, visant à assurer une bonne administration de la justice et le respect du principe de sécurité juridique, poursuivant un but légitime.

Cette jurisprudence exclusivement fondée sur l’article 562 du code de procédure civile n’est pas remise en cause par l’annulation de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur au moment de la déclaration d’appel.

Le décret du 29 décembre 2023 entré en vigueur le 1er septembre 2024, soit ultérieurement à la déclaration d’appel litigieuse, a modifié la rédaction de l’article 915-2 du code de procédure civile, précisant désormais que ‘L’appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l’article 906-2 et à l’article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d’appel. La cour est saisie des chefs du dispositif du jugement ainsi déterminés et de ceux qui en dépendent’.

Si depuis le 1er septembre 2024, l’acte d’appel mentionnant les chefs du jugement critiqués et emportant effet dévolutif peut être complété, retranché ou rectifié par le dispositif des premières écritures de l’appelant, la déclaration d’appel litigieuse ne contient aucun chef de jugement critiqué et le dispositif des premières conclusions des appelants ne contient aucune précision à ce titre.

Il s’ensuit que l’effet dévolutif de la déclaration d’appel n’a pas opéré et que la cour n’est saisie d’aucune demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les appelants échouant sont condamnés aux dépens d’appel et à payer à M. [S] une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Constate l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel,

Condamne Mme [L] [Z] épouse [S], M. [A] [S] et la Sci AOE à payer à M. [R] [S] une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [L] [Z] épouse [S], M. [A] [S] et la Sci AOE aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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