Confirmation de la condamnation pour abus de saisie

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Confirmation de la condamnation pour abus de saisie

Créance liquide et exigible

La créance doit être considérée comme liquide et exigible au sens de l’article L. 221-1 du Code des procédures civiles d’exécution, qui stipule que « la saisie-vente ne peut être ordonnée que si la créance est liquide et exigible ». En l’espèce, la société Cosmos n’a pas justifié avoir exécuté les décisions judiciaires antérieures, ce qui a conduit à l’annulation des actes d’exécution.

Nullité des actes d’exécution

Conformément à l’article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, les actes d’exécution peuvent être annulés lorsque la créance sur laquelle ils se fondent n’est pas établie. Le tribunal a annulé le commandement de payer et le procès-verbal de saisie-vente, considérant que la société Cosmos ne détenait pas de créance valide contre la société Darty Grand Ouest.

Dommages-intérêts pour abus de saisie

L’article 1240 du Code civil, qui régit la responsabilité délictuelle, permet d’obtenir des dommages-intérêts en cas de préjudice causé par une faute. La société Cosmos a été condamnée à verser des dommages-intérêts pour avoir engagé une procédure de saisie-vente alors qu’elle savait ne pas avoir exécuté les décisions judiciaires, ce qui constitue un abus de droit.

Frais irrépétibles

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». La société Cosmos a été condamnée à verser une somme à la société Darty Grand Ouest pour couvrir les frais engagés dans le cadre de la procédure, en raison de son comportement abusif.

Exécution provisoire

L’exécution provisoire est régie par l’article 514 du Code de procédure civile, qui permet d’exécuter immédiatement une décision de justice, même en cas d’appel. Le jugement du tribunal a été assorti de l’exécution provisoire, permettant ainsi à la société Darty Grand Ouest de bénéficier rapidement des mesures ordonnées.

L’Essentiel : La créance doit être considérée comme liquide et exigible selon l’article L. 221-1 du Code des procédures civiles d’exécution. La société Cosmos n’a pas justifié l’exécution des décisions judiciaires antérieures, entraînant l’annulation des actes d’exécution. Le tribunal a annulé le commandement de payer et le procès-verbal de saisie-vente, constatant l’absence de créance valide. Cosmos a été condamnée à verser des dommages-intérêts pour abus de droit et à couvrir les frais irrépétibles engagés par Darty Grand Ouest.
Résumé de l’affaire : L’affaire oppose une société bailleur, désignée comme la société Cosmos, à une société locataire, désignée comme la société Darty Grand Ouest, suite à des litiges relatifs à un bail commercial. En avril 1997, la société Cosmos a donné à bail un immeuble à la société Darty Nord Pas de Calais, qui a été remplacée par la société Darty Grand Ouest. Un premier contentieux a émergé lors du renouvellement du bail, aboutissant à un jugement en novembre 2019 qui a fixé le loyer à 112 076 euros par an, montant accepté par la société Cosmos.

Un second litige a concerné la validité d’une clause d’indexation dans le contrat de bail. En juillet 2019, le tribunal a déclaré cette clause non écrite et a condamné la société Cosmos à rembourser 75 219,76 euros à la société Darty Grand Ouest pour des loyers trop perçus. La cour d’appel d’Amiens a confirmé cette décision en septembre 2021, augmentant le montant dû à 160 983,85 euros. Cependant, la Cour de cassation a annulé cette décision en septembre 2022, remettant en question la clause d’indexation et ordonnant un nouveau jugement.

En novembre 2023, la cour d’appel de Douai a réformé le jugement initial, ne déclarant qu’une partie de la clause non écrite et déboutant la société Darty Grand Ouest de ses demandes de remboursement. En janvier 2024, la société Cosmos a tenté de récupérer des sommes par saisie-vente, mais la société Darty Grand Ouest a contesté ces actes. En avril 2024, le tribunal de Nantes a annulé les saisies et condamné la société Cosmos à verser des dommages-intérêts pour abus de procédure. La société Cosmos a interjeté appel, mais la cour a confirmé le jugement initial, condamnant la société Cosmos à payer des frais et des dommages-intérêts à la société Darty Grand Ouest.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la décision de la cour concernant l’annulation des actes d’exécution ?

La cour a fondé sa décision sur l’absence de créance liquide et exigible de la société Cosmos à l’égard de la société Darty Grand Ouest. En effet, selon l’article L. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution, « aucune mesure d’exécution forcée ne peut être mise en œuvre à l’égard d’une créance qui n’est pas liquide et exigible ».

Le premier juge a constaté que la société Cosmos ne justifiait pas avoir exécuté les décisions antérieures, notamment celles du tribunal de grande instance de Saint-Quentin et de la cour d’appel d’Amiens. Par conséquent, la cour a annulé le commandement de payer et le procès-verbal de saisie-vente, considérant que la société Cosmos n’avait pas de créance à faire valoir.

Quel est le montant des dommages-intérêts accordés à la société Darty Grand Ouest et sur quel fondement ?

La cour a accordé à la société Darty Grand Ouest la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Cet article stipule que « la partie qui succombe dans ses prétentions peut se voir allouer une somme au titre des frais irrépétibles ».

La cour a estimé que la société Cosmos avait agi avec une intention de nuire en engageant des procédures de saisie-vente alors qu’elle savait qu’elle n’avait pas exécuté les jugements précédents. Cette mauvaise foi a justifié l’octroi de dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi par la société Darty Grand Ouest.

Quel est l’impact de la décision de la Cour de cassation sur les créances entre les parties ?

La décision de la Cour de cassation a eu un impact significatif sur les créances entre les parties. En effet, l’arrêt du 28 septembre 2022 a cassé la décision de la cour d’appel d’Amiens qui avait déclaré la clause d’indexation non écrite dans son intégralité. Cela a conduit à une réévaluation des sommes dues entre les parties.

La cour d’appel de Douai, dans son arrêt du 30 novembre 2023, a précisé que seule une partie de la clause d’indexation était réputée non écrite, ce qui a modifié le montant des créances. Ainsi, la société Cosmos ne peut revendiquer une créance de restitution de 219 611,66 euros, car cette somme correspondait à des loyers trop perçus avant la décision du juge des loyers commerciaux.

Quel est le rôle des articles 700 et L. 221-1 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile joue un rôle crucial en permettant à la partie qui succombe de demander le remboursement de ses frais irrépétibles. Dans cette affaire, la cour a condamné la société Cosmos à verser 5 000 euros à la société Darty Grand Ouest sur ce fondement, en raison de la mauvaise foi de la société Cosmos dans ses actes d’exécution.

L’article L. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution, quant à lui, stipule que les mesures d’exécution ne peuvent être mises en œuvre que pour des créances liquides et exigibles. La cour a appliqué cet article pour justifier l’annulation des actes d’exécution, considérant que la société Cosmos ne pouvait pas justifier d’une créance à l’égard de la société Darty Grand Ouest, rendant ainsi les saisies nulles.

2ème Chambre

ARRÊT N° 133

N° RG 24/02486 – N° Portalis DBVL-V-B7I-UXCO

(Réf 1ère instance : 24/00202)

S.C.I. COSMOS

C/

S.N.C. DARTY GRAND OUEST

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Perrine DEFEBVRE

-Me Christophe LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 MARS 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Novembre 2024 devant Madame Hélène BARTHE-NARI, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Mars 2025, après prorogations, par mise à disposition au greffe

APPELANTE :

S.C.I. COSMOS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Perrine DEFEBVRE de la SELARL SYNEGORE, Postulant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Jacques-Eric MARTINOT, Plaidant, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

DARTY GRAND OUEST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Julien DESCLOZEAUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte du 2 avril 1997, la société Cosmos a donné à bail commercial un immeuble, situé sur la commune de [Localité 5], à la société Darty Nord Pas de Calais, à laquelle a succédé la société Darty Grand Ouest.

Dans le cadre de cette relation contractuelle, un premier contentieux est né concernant la fixation du loyer à l’occasion du renouvellement du bail .

Par jugement du 7 novembre 2019, signifiée le 26 juin 2020, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Saint Quentin a fixé à la somme de 112 076 euros hors taxes et hors charges, le montant annuel du loyer renouvelé à effet au 1er juillet 2015.

Suivant courrier officiel du 15 septembre 2020, par l’intermédiaire de son conseil, la société Cosmos a indiqué accepter les termes du jugement.

Un second contentieux a opposé les parties concernant la validité d’une clause d’indexation insérée au contrat de bail.

Par jugement du 8 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Saint Quentin a déclaré la clause d’indexation des contrats de bail renouvelés du 28 novembre 2006 et 1er juillet 2015, non écrite et a condamné la société Cosmos à payer, en deniers et quittances, à la société Darty Grand Ouest la somme de 75 219,76 euros au titre du trop perçu de loyers du 14 décembre 2020 au 30 juin 2025.

Par arrêt du 30 septembre 2021, la cour d’appel d’Amiens a confirmé le jugement et a statué sur les demandes indemnitaires au titre du trop perçu des loyers à compter du 1er juillet 2015 en condamnant la société Cosmos à payer à la société Darty Grand Ouest la somme de 160 983,85 toutes charges comprises et la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 28 septembre 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt en ce qu’il avait dit réputé non écrite la clause d’indexation et condamné la société Cosmos à payer à la société Darty Grand Ouest les sommes de 75 219,76 euros et 134 153,21 euros hors taxes au titre du trop perçu des loyers.

Par courriers du 16 novembre et 22 décembre 2022, la société Cosmos a demandé la société Darty Grand Ouest de lui rembourser la somme de 134 143,21 euros, ainsi qu’une somme de 5 225 euros au titre des frais et dépens.

Par exploit du 2 mai 2023, la société Cosmos a procédé à la signification de l’arrêt de la Cour de cassation et a délivré un commandement aux fins de saisie vente.

Par acte du 10 mai 2023, la société Darty Grand Ouest a fait immédiatement opposition à ce commandement, alléguant que la société Cosmos n’avait versé aucune somme au titre de l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens.

Enfin, par un arrêt du 30 novembre 2023, la cour d’appel de Douai, juridiction de renvoi, a réformé le premier jugement du 8 juillet 2019 rendu par le tribunal de Saint Quentin en ce que ce dernier avait dit la clause réputée non écrite et condamné la société Cosmos à verser à la société Darty Grand Ouest la somme de 75 219,76 euros au titre du trop perçu de loyers du 14 décembre 2012 au 30 juin 2015. Statuant à nouveau, la cour d’appel de Douai a dit que seule la partie de la clause ainsi rédigée ‘le loyer ne sera révisé qu’à la hausse, en cas de baisse de l’indice du coût de la construction, l’indice ne sera pas appliqué’ devait être réputée non écrite et a débouté la société Darty Grand Ouest de ses demandes indemnitaires au titre du trop perçu de loyers.

Le 3 janvier 2024, un procès-verbal de saisie-vente du mobilier du siège social de la société Darty Grand Ouest a été dressé par huissier de justice.

Par acte d’huissier en date du 5 janvier 2024, la société Darty Grand Ouest a fait assigner la société Cosmos devant le tribunal judiciaire de Nantes en contestation des actes d’exécution.

Par jugement du 15 avril 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nantes a :

– annulé le commandement de payer aux fins de saisie vente délivré le 2 mai 2023 à la société Darty Grand Ouest à la requête de la société Cosmos,

– annulé le procès-verbal de saisie vente des biens immobiliers de la société Darty Grand Ouest établi le 3 janvier 2024 à la requête de la société Cosmos,

– condamné la société Cosmos à payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Darty Grand Ouest,

– débouté la société Darty Grand Ouest du surplus de ses demandes,

– condamné la société Cosmos à payer à la société Darty Grand Ouest une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Cosmos aux dépens de l’instance,

– rappelé que le présent jugement est, de droit, assorti de l’exécution provisoire,

– dit que la présente décision sera notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception par les soins du greffier.

Par déclaration du 22 avril 2024, la société Cosmos a relevé appel de cette décision.

Au vu de ses dernières conclusions signifiées le 26 juin 2024, elle demande à la cour de :

Vu l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire,

Vu l’article R121-1 du code des procédures civiles d’exécution,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

annulé le commandement de payer aux fins de saisie vente délivré le 2 mai 2023 à la société Darty Grand Ouest à la requête de la société Cosmos,

annulé le procès verbal de saisie vente des biens immobiliers de la société Darty Grand Ouest établi le 3 janvier 2024 à la requête de la société Cosmos,

condamné la société Cosmos à payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Darty Grand Ouest,

condamné la société Cosmos à payer à la société Darty Grand Ouest une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Cosmos aux dépens de l’instance,

Et statuant à nouveau,

– recevoir les requérants dans leur contestation,

– dire et juger que la société Cosmos a payé par provision le trop-perçu de loyers sur la période juillet 2015 à octobre 2020,

– dire et juger que la société Darty a été déboutée de l’ensemble de ses demandes de condamnation en paiement du trop-perçu de loyers, quelle que soit la période visée,

– dire et juger que la société Darty Grand Ouest est redevable de la somme de 225 095,41 euros,

En conséquence,

– condamner la société Darty Grand Ouest à payer à la société Cosmos la somme de 225 095,41 euros,

– débouter la société Darty Grand Ouest de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– la condamner aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 24 juillet 2024, la société Darty Grand Ouest demande à la cour de :

Vu l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire,

Vu l’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu les articles 1240 et suivants du code civil,

Vu les articles 408 et 410 du code de procédure civile,

Vu les articles 32-1 et 559 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

annulé le commandement de payer aux fins de saisie vente délivré le 2 mai 2023 à la société Darty Grand Ouest à la requête de la société Cosmos,

annulé le procès verbal de saisie vente des biens immobiliers de la société darty Grand Ouest établi le 3 janvier 2024 à la requête de la société Cosmos,

fait droit en son principe à la demande de la société Darty Grand Ouest tendant à voir la société Cosmos condamnée au paiement de dommages et intérêts au titre du caractère abusif des actes d’exécution mis en oeuvre par la société Cosmos,

condamné la société Cosmos à payer à la société Darty Grand Ouest une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Cosmos aux dépens de l’instance,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

limité à 5 000 euros, le montant de la condamnation prononcée à l’égard de la société Cosmos au titre du caractère abusif des actes d’exécution mis en oeuvre par la société Cosmos.

Statuant à nouveau,

– condamner la société Cosmos à verser à la société Darty Grand Ouest au paiement de la somme de 30 000 euros au titre du caractère manifestement abusif du commandement de payer du 2 mai 2023, de la saisie-vente du 3 janvier 2024 et de l’appel interjeté à l’encontre de la décision du 15 avril 2024,

En tout état de cause,

– condamner la société Cosmos au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu’aux dernières conclusions précitées, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 26 septembre 2024.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de préciser que la disposition du jugement entrepris consistant à débouter la société Darty Grand Ouest de sa demande tendant à condamner la société Cosmos à lui payer la somme de 4 387,07 euros dont celle-ci lui serait redevable, qui n’est pas critiquée ni reprise en appel, sera nécessairement confirmée.

Sur la validité des procédures de recouvrement :

Se prévalant d’une créance de restitution sur la société Darty Grand Ouest à la suite de l’arrêt rendu le 28 septembre 2022 par la Cour de cassation, la société Cosmos, a tenté d’en recouvrer le paiement en faisant délivrer à celle-ci un commandement de payer valant saisie-vente par exploit du 2 mai 2023 et en faisant dresser un procès-verbal de saisie-vente du mobilier présent au siège de la société Darty Grand Ouest le 3 janvier 2024.

Ces mesures d’exécution ont été contestées par la société Darty Grand Ouest qui soutient que la société Cosmos n’a aucune créance à son égard . Elle fait valoir en effet que les décisions rendues respectivement par le tribunal de grande instance de Saint-Quentin le 8 juillet 2019 et par la cour d’appel d’Amiens le 30 septembre 2021, aboutissant à condamner la société Cosmos au paiement des sommes de 75 291,76 euros HT et 134 153,21 euros HT, n’ont pas été exécutées par cette dernière de sorte qu’il ne lui est dû aucune somme en restitution après les arrêts de la Cour de cassation et de la cour d’appel de Douai en date du 30 novembre 2023.

Rappelant à juste titre, que si la cassation de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Amiens pouvait constituer un titre exécutoire ouvrant droit à restitution pour la société Cosmos, ce titre ne valait qu’à concurrence de ce qui avait été exécuté, le premier juge a d’ailleurs considéré que la société Cosmos qui ne justifiait pas avoir procédé à un règlement des causes du jugement du tribunal de grande instance de Saint-Quentin ni davantage de celles de l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens, ne démontrait pas détenir une créance liquide et exigible sur la société Darty Grand Ouest.

En appel, la société Cosmos maintient qu’elle a une créance de restitution sur la société Darty Grand Ouest résultant de l’arrêt rendu par la Cour de cassation et de l’arrêt de la cour d’appel de renvoi. Elle expose que sa créance d’un montant total de 225 095,41 euros se décompose comme suit:

– 219 611,66 euros couvrant la période de juillet 2015 à septembre 2020,

– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile mis à la charge de Darty par la Cour de cassation,

– 225,00 euros au titre des dépens d’appel,

– 13 euros au titre du timbre de plaidoirie,

– 2 245,75 euros au titre de l’exécution forcée selon décompte de l’huissier de justice joint au commandement litigieux.

Opérant une compensation avec la somme de 2 768,63 euros TTC au titre d’un trop perçu de loyer résultant de l’arrêt de la cour d’appel de Douai dont la société Darty Grand Ouest a réclamé le paiement dans son acte introductif, elle estime être créancière de la somme de 222 326,78 euros et réclame donc la condamnation de l’intimée au paiement de la somme de 225 095,41 euros.

Cependant, il résulte des pièces produites par les parties, que la somme de 219 611,66 euros dont l’appelante sollicite la restitution, a été réglée par chèque à la société Darty Grand Ouest en exécution du jugement, définitif et irrévocable, rendu le 7 novembre 2019 par le juge des loyers commerciaux. Cette décision a en effet, fixé à la somme de 112 076 euros, hors taxes et hors charges, le montant annuel du bail renouvelé à effet du 1er juillet 2015 à la suite de l’assignation délivrée par la société Darty Grand Ouest en diminution du montant du loyer annuel proposé par la société Cosmos à l’occasion du renouvellement du bail à la somme de 157 657,84 euros.

Ainsi, la somme de 219 611, 66 euros, payée par la société Cosmos, correspond à la somme qu’elle a perçue en trop au titre du loyer à partir du 1er juillet 2015 avant que n’intervienne la décision du juge des loyers commerciaux. Cela ressort du courrier du 15 septembre 2020 accompagnant un chèque de ce montant qu’elle a adressé, en exécution du jugement, à la société Darty Grand Ouest, par l’intermédiaire de son conseil, en précisant: ‘ vous relèverez que la répétition de l’indu s’élève à 263 322,25 euros. Mais votre cliente ne s’étant pas acquittée des loyers des trimestres 2 et 3, il a été retenu par compensation une somme de 43 710,59 euros’.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la décision de la Cour de cassation en date du 28 septembre 2022 est intervenue dans le cadre d’un second contentieux opposant la société Darty Grand Ouest à la société Cosmos relatif à a clause d’indexation prévue au bail que la société Darty Grand Ouest soutenait contrevenir aux dispositions d’ordre public et dont elle demandait la nullité.

Par jugement en date du 8 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Quentin a dit que la clause d’indexation du contrat de bail renouvelé du 28 novembre 2006 et celui renouvelé du 1er juillet 2015 était réputée non écrite et a, en conséquence, condamné à la société Cosmos à payer en deniers et quittances la somme de 75 291,76 euros au preneur. Il a ordonné le sursis à statuer sur les demandes indemnitaires au titre du trop perçu de loyers payés indexés à compter du 1er juillet 2015 dans l’attente de la décision du juge des loyers commerciaux.

Sur appel de la société Cosmos, la cour d’appel d’Amiens a confirmé le tribunal en ce qu’il avait dit la clause d’indexation réputée non écrite et donc condamné la société Cosmos à rembourser, au titre des loyers trop perçus pour la période du 14 décembre 2012 au 30 juin 2015, la somme de 75 219,76 euros hors taxes à la société Darty Grand Ouest. Elle a fixé le montant de la somme due pour la période du 1er juillet 2015 au 31 mars 2020 à 134 153,21 euros hors taxes.

La cour d’appel d’Amiens a précisé dans son arrêt qu’elle n’avait pas vocation à faire le compte entre les parties dans le cadre de deux instances distinctes à savoir celle relative à la fixation du loyer et celle relative aux conséquences du caractère non écrit de la clause d’indexation insérée au contrat de bail. Elle a estimé qu’elle n’avait pas à statuer sur la demande formée par le bailleur tendant à constater qu’il aurait remboursé la somme de 219 611,66 euros au titre du trop-perçu de loyers consécutif à la décision du juge des loyers commerciaux diminuant le montant du loyer annuel. Considérant que ces instances étaient indépendantes, l’une de l’autre, elle a estimé que c’était à tort que les premiers juges avaient sursis à statuer dans l’attente de la décision du juge des loyers commerciaux, pour cantonner le montant de l’indu à la période du 14 décembre 2012 au 30 juin 2015.

En conséquence, à la suite de l’arrêt de la cour d’appel, la société Cosmos était redevable de la somme totale de 209 372,97 euros hors taxes à la société Darty Grand Ouest, conséquences du caractère jugé non écrit de la clause d’indexation, la cour notant même dans son arrêt que le montant de 209 372,97 euros comme constituant les conséquences financières du caractère non écrit de la clause d’indexation n’était pas sérieusement contesté par la société Cosmos.

L’arrêt de la Cour de cassation a cassé la décision des juges d’appel seulement en ce qu’elle a dit réputée non écrite en son entier la clause d’indexation du contrat de bail renouvelé le 28 novembre 2006 et celui renouvelé du 1er juillet 2015 et condamné la société Cosmos au paiement des sommes de 75 219,76 euros hors taxes au titre du trop-perçu de loyers du 14 décembre 2012 au 30 juin 2015 et au paiement de la somme de 134 153,21 euros hors taxes au titre de la période postérieure.

L’arrêt de la cour d’appel de Douai, sur renvoi après cassation, du 30 novembre 2023, a réformé le jugement rendu le 8 juillet 2019, estimé que seule une partie de la clause d’indexation était réputée non écrite et débouté la société Darty Grand Ouest de ses demandes de restitution du trop perçu des loyers.

Il s’en déduit qu’à la suite des arrêts de la Cour de cassation et de la cour d’appel de Douai, il serait dû à la société Cosmos par la société Darty Grand Ouest la somme de 209 372,97 euros hors taxes au titre de l’application de la clause d’indexation réputée non écrite par l’arrêt cassé et non la somme de 219 611,66 euros payée par chèque au titre du trop-perçu des loyers après diminution du montant du loyer annuel en exécution du jugement du 7 novembre 2019. Mais, la société Cosmos ne peut se prévaloir d’une créance de restitution d’un montant de 209 372,97 euros hors taxes sur la société Darty Grand Ouest qu’autant qu’elle a exécuté les causes du jugement du 8 juillet 2019 et de l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens.

Or, alors qu’elle a été déboutée de sa demande en première instance au motif que ne justifiant pas avoir procédé au règlement des causes du jugement du 8 juillet 2019 et de l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens, elle ne démontrait pas détenir une créance liquide et exigible d’un montant de 225 095,41 euros à l’encontre de la société Darty Grand Ouest, la société Cosmos ne rapporte pas davantage la preuve, en appel, de l’exécution de ces décisions et donc de la créance qu’elle invoque au titre des arrêts de la Cour de cassation et de la cour d’appel de Douai.

C’est donc à tort d’une part, que la société Cosmos prétend détenir sur la société Darty Grand Ouest une créance de restitution et que celle-ci soit en outre fixée à la somme de 219 611,66 euros et d’autre part, que cette somme soit mentionnée sur le décompte figurant sur le commandement de payer valant saisie-vente. Il s’avère en conséquence que sur le décompte dressé par l’appelante dans ses conclusions, aucune des sommes composant la créance dont elle réclame le paiement ne lui est due à l’exception de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure à laquelle la société Darty Grand Ouest a été condamnée par la Cour de cassation.

Toutefois, il résulte des propres écritures de la société Cosmos, qu’elle ne conteste pas devoir la somme de 2 768,63 euros TTC à la société Darty Grand Ouest au titre d’un trop-perçu de loyers consécutif au caractère partiellement non écrit de la clause d’indexation stipulée au bail tel que jugé par la cour d’appel de Douai. Dès lors, compte tenu des montants dus entre les parties au titre des frais irrépétibles et des dépens résultant des différentes décisions intervenues tels que rappelés dans la pièce n°21, versée aux débats, par la société Darty Grand Ouest, la société Cosmos ne détient aucune créance sur l’intimée qui serait au contraire créancière d’une somme de 4 387,07 euros.

C’est donc à juste titre, qu’en l’absence de créance liquide et exigible au sens de l’article L. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution, le premier juge a ordonné l’annulation du procès-verbal de saisie-vente en date du 3 janvier 2024 et celle du commandement aux fins de saisie-vente délivré le 2 mai 2023.

Sur le montant des dommages-intérêts pour abus de saisie:

La société Darty Grand Ouest demande l’infirmation du jugement sur ce point estimant que la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal est insuffisante à réparer le préjudice résultant de la mauvaise foi de la société Cosmos qui savait parfaitement qu’elle n’avait pas exécuté le jugement et l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens mais n’a pas hésité à délivrer commandement de payer aux fins de saisie-vente. Considérant que la société Cosmos a fait preuve d’une intention de nuire manifeste, elle demande que le montant des dommages-intérêts soit porté à 30 000 euros.

Bien que sollicitant l’infirmation du jugement en ce qu’elle a été condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, la société Cosmos n’a fait valoir aucune observation sur ce point dans ses conclusions.

Mais la cour considère que c’est par une exacte appréciation de la faute de la société Cosmos dans l’exercice d’un prétendu droit de recouvrement, que le premier juge a estimé qu’en choisissant d’engager une procédure de saisie-vente sur les biens mobiliers garnissant le siège social de la société Darty Grand Ouest, elle avait agi dans une intention de nuire et l’a condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros. La décision sera confirmée sur ce point.

Sur les demandes accessoires :

Le présent arrêt confirmant le jugement dans ses dispositions principales, les dépens et frais irrépétibles seront également confirmés.

Succombant en ses demandes, la société Cosmos supportera la charge des dépens d’appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Darty Grand Ouest les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de l’appel. Aussi la société Cosmos sera condamnée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à lui verser la somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 avril 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nantes,

Condamne la société Cosmos à payer à la société Darty Grand Ouest la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Cosmos aux entiers dépens d’appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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