Sur l’étendue de la saisine de la courL’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile précise que la cour n’est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties. Les demandes des parties visant à ‘constater’ ou ‘donner acte’ ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile. Par ailleurs, l’effet dévolutif de l’appel permet à la cour de connaître des faits survenus au cours de l’instance d’appel, même si ces éléments n’ont été portés à la connaissance de l’adversaire qu’au cours de cette instance. Sur la recevabilité des demandes en paiement formées par M. [S]L’article 564 du code de procédure civile stipule qu’à peine d’irrecevabilité, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, sauf pour opposer compensation ou faire juger des questions nées de l’intervention d’un tiers. La jurisprudence, notamment un arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2011, a établi que l’absence de conclusions écrites régulièrement déposées devant le tribunal empêche la saisine de ce dernier pour une demande. Il est également précisé que la faculté de soumettre des demandes en appel implique qu’une demande ait été formée en première instance. Sur la restitution du piano ou de son prix de venteLa jurisprudence indique que la restitution d’un bien doit être fondée sur la propriété de ce bien. En l’espèce, Mme [G] a autorisé M. [S] à vendre le piano, ce qui constitue une renonciation à sa demande de restitution. Le mail de Mme [G] du 31 août 2018, dans lequel elle lui demande de vendre le piano, est un élément déterminant qui prouve qu’elle a consenti à cette vente. Sur les demandes en paiement de M. [S]Les articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil imposent à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention. L’article 515-4 du code civil, qui régit les obligations des partenaires liés par un pacte civil de solidarité, stipule qu’ils s’engagent à une aide matérielle et une assistance réciproques. Les créances sollicitées par M. [S] doivent être justifiées par des dépenses exposées pour les besoins de la vie courante, ce qui n’est pas le cas pour certaines demandes formulées. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civileL’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais irrépétibles exposés dans le cadre d’une instance. La cour a jugé que l’équité ne commandait pas de condamner l’une ou l’autre des parties sur ce fondement, ce qui justifie la décision de ne pas allouer de somme au titre de l’article 700. |
L’Essentiel : L’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile précise que la cour n’est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties. Les demandes visant à ‘constater’ ou ‘donner acte’ ne constituent pas des prétentions. L’effet dévolutif de l’appel permet à la cour de connaître des faits survenus au cours de l’instance d’appel. La jurisprudence indique que la restitution d’un bien doit être fondée sur la propriété de ce bien.
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Résumé de l’affaire : L’affaire concerne un litige entre un ancien partenaire et une ancienne partenaire, qui ont vécu ensemble de 2011 à 2018 sous un pacte civil de solidarité. Après la dissolution de leur union, le partenaire a saisi le tribunal judiciaire de Mâcon en septembre 2021, demandant le paiement de diverses sommes par l’ancienne partenaire. Le tribunal a déclaré sa compétence inappropriée, renvoyant l’affaire au juge aux affaires familiales de Bourg-en-Bresse.
Devant ce dernier, l’ancienne partenaire a contesté les demandes du partenaire, demandant notamment la restitution d’un piano lui appartenant, ainsi que des frais de transport à la charge du partenaire. En décembre 2023, le juge a ordonné la restitution du piano, tout en condamnant le partenaire à verser une somme de 1 000 euros pour les frais de justice, mais a rejeté d’autres demandes. Le partenaire a interjeté appel de cette décision, demandant la réformation du jugement et la restitution de sommes qu’il estimait dues par l’ancienne partenaire. En réponse, l’ancienne partenaire a demandé la confirmation du jugement initial, tout en contestant les demandes du partenaire. La cour d’appel a examiné la recevabilité des demandes en paiement du partenaire, concluant qu’elles étaient recevables en raison de l’absence de constitution valide en première instance. Cependant, elle a infirmé le jugement sur la restitution du piano, considérant que l’ancienne partenaire avait autorisé sa vente. De plus, la cour a rejeté les demandes de paiement du partenaire, estimant qu’elles relevaient de l’aide matérielle due dans le cadre de leur pacte civil de solidarité. Finalement, la cour a décidé que chaque partie supporterait ses propres dépens, sans condamnation supplémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est l’impact de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile sur l’étendue de la saisine de la cour ?L’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile stipule que « la cour n’est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties ». Cela signifie que la cour d’appel ne peut examiner que les demandes qui ont été expressément formulées par les parties dans leurs conclusions. De plus, les demandes visant à « constater » ou « donner acte » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile. Ainsi, la cour a le pouvoir d’examiner les faits survenus durant l’instance d’appel, même s’ils n’ont pas été portés à la connaissance de l’adversaire auparavant. Cela permet à la cour de statuer sur des éléments nouveaux qui pourraient influencer la décision. Quel est le fondement de la recevabilité des demandes en paiement formées par un créancier ?La recevabilité des demandes en paiement est régie par l’article 564 du code de procédure civile, qui précise qu’à peine d’irrecevabilité, « les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ». Dans cette affaire, il a été établi que l’application de cet article suppose que la partie à laquelle il est opposé ait été constituée en première instance. En l’absence de conclusions régulièrement déposées par le créancier, la cour a jugé que les demandes en paiement étaient recevables. Quel est le principe de la restitution d’un bien dans le cadre d’une demande reconventionnelle ?La demande de restitution d’un bien, comme le piano dans cette affaire, est souvent fondée sur le principe selon lequel le propriétaire d’un bien a le droit de le récupérer. En l’espèce, le créancier a soutenu que le piano lui appartenait et qu’il devait être restitué. Cependant, il a été établi que le créancier avait autorisé la vente du piano, ce qui a conduit la cour à conclure qu’il ne pouvait pas revendiquer la restitution du bien. Cela repose sur le principe que l’autorisation donnée par le propriétaire à un tiers de vendre un bien entraîne la perte de son droit de restitution. Quel est le rôle de l’article 515-4 du code civil dans les obligations entre partenaires d’un pacte civil de solidarité ?L’article 515-4 du code civil stipule que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques ». Cet article impose une obligation d’entraide entre les partenaires, ce qui inclut le partage des charges et des dépenses. Dans le cadre de cette affaire, les demandes de remboursement formulées par le créancier pour des dépenses engagées pendant la vie commune doivent être examinées à la lumière de cette obligation d’assistance. Les dépenses doivent être justifiées et ne pas être manifestement excessives pour être considérées comme dues. Quel est le principe de l’article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles ?L’article 700 du code de procédure civile prévoit que « la cour peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Cela signifie que la partie qui a gagné peut demander le remboursement des frais engagés pour la procédure, mais cela est soumis à l’appréciation de la cour. Dans cette affaire, la cour a décidé que l’équité ne commandait pas de condamner l’une ou l’autre des parties sur ce fondement, ce qui a conduit à une décision de ne pas accorder de frais irrépétibles. Cela souligne que la décision est prise en fonction des circonstances de l’affaire et des comportements des parties. |
Décision du
Juge aux affaires familiales de Bourg-en-Bresse
Au fond
du 15 décembre 2023
RG : 23/01922
[S]
C/
[G]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
2ème chambre A
ARRET DU 26 Mars 2025
APPELANT :
M. [K] [S]
né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Astrid GUILLERET, avocat au barreau de LYON, toque : 2541
assisté de Me Clémence GUERIN, avocat au barreau de MACON
INTIMEE :
Mme [Z] [G]
née le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Camille CLEON de la SELARL SELARL BERENGER – CLEON, avocat au barreau d’AIN, toque : 109
assistée de Me Clémence VION, avocat au barreau de MACON
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 16 Janvier 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Février 2025
Date de mise à disposition : 26 Mars 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Isabelle BORDENAVE, présidente
– Géraldine AUVOLAT, conseillère
– Sophie CARRERE, conseillère
assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [K] [S] et Mme [G] ont vécu ensemble à compter de l’année 2011, et conclu un pacte civil de solidarité, enregistré le 11 janvier 2012, et dissous le 14 août 2018.
Par requête reçue le 28 septembre 2021, M. [S] a saisi le tribunal judiciaire de Mâcon aux fins de voir Mme [G] condamnée à lui payer diverses sommes.
Par jugement 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Mâcon s’est notamment déclaré territorialement incompétent pour connaître du litige, au profit du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.
Par avis adressé en lettre recommandée du 27 octobre 2022, le secrétariat-greffe du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a invité les parties à reprendre et poursuivre l’instance devant sa juridiction.
Mme [G] a régulièrement constitué avocat au cours de la procédure.
Aux termes de ses conclusions devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, Mme [G] entendait voir :
– débouter purement et simplement M. [S] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– le condamner à lui restituer le piano droit Furstein TP 105 lui appartenant, frais de transport à son domicile à la charge de M. [S], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, à charge pour M. [S] de l’aviser, au moins une semaine à l’avance, de la restitution et de ses modalités,
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [S] aux entiers dépens de l’instance.
M. [S] n’a finalement pas constitué avocat.
Par jugement du 15 décembre 2023, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
– condamné M. [S] à restituer à Mme [G] le piano droit Furstein TP 105 lui appartenant, frais de transport au domicile de cette dernière à la charge de M. [S], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, à charge pour M. [S] d’aviser Mme [G] au moins une semaine à l’avance de la restitution et de ses modalités,
– rejeté le surplus des demandes,
– condamné M. [S] à payer à Mme [G] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [S] aux dépens.
Par déclaration du 31 janvier 2024, M. [S] a interjeté appel de l’ensemble des chefs du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées le 9 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, M. [S] demande à la cour de :
– déclarer recevables les demandes qu’il a formulées à hauteur d’appel,
– réformer le jugement rendu par le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse le 15 décembre 2023, et notamment en ce qu’il a :
* condamné M. [S] à restituer à Mme [G] le piano droit Furstein TP 105 lui appartenant, frais de transport au domicile de cette dernière à la charge de M. [S], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, à charge pour M. [S] d’aviser Mme [G] au moins une semaine à l’avance de la restitution et de ses modalités,
* rejeté le surplus des demandes,
* condamné M. [S] à payer à Mme [G] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné M. [S] aux dépens.
Et statuant à nouveau,
– débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions présentées à son encontre,
– condamner Mme [G] à lui verser la somme de 673,74 euros,
Y ajoutant,
– condamner Mme [G] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance d’appel,
– condamner la même aux entiers dépens de l’instance d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées le 19 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, Mme [G] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse le 15 décembre 2023 en ce qu’il a :
* condamné M. [S] à restituer à Mme [G] le piano droit Furstein TP 105 lui appartenant, frais de transport au domicile de cette dernière à la charge de M. [S], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, à charge pour M. [S] d’aviser Mme [G] au moins une semaine à l’avance de la restitution et de ses modalités,
* condamné M. [S] à payer à Mme [G] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné M. [S] aux dépens.
Y ajoutant :
– déclarer irrecevables les demandes en paiement formulées à hauteur de 673,74 euros par M. [S] à son encontre, et subsidiairement, l’en débouter,
– dire et juger que la restitution du piano droit Furstein TP 105 ou celui de son prix de vente de 700 euros, devra être ordonnée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, étant précisé qu’en cas de restitution du piano, le transport au domicile se fera à la charge de M. [S] avec obligation pour ce dernier de l’aviser au moins une semaine à l’avance de la restitution et de ses modalités,
– débouter M. [S] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
– condamner M. [S] aux entiers dépens de l’appel.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 16 janvier 2025.
Sur l’étendue de la saisine de la cour
L’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la cour n’est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.
Ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’.
Par l’effet dévolutif de l’appel la cour connaît des faits survenus au cours de l’instance d’appel, postérieurement à la décision déférée, et statue au vu de tous les éléments justifiés même s’ils n’ont été portés à la connaissance de l’adversaire qu’au cours de l’instance d’appel.
Sont soumises à la cour, au regard de l’acte d’appel et des dernières conclusions des parties, les prétentions portant sur :
– la recevabilité des demandes en paiement formées par M. [S]
– la restitution du piano ou de son prix de vente
– les demandes en paiement de M. [S]
– les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Sur la recevabilité des demandes en paiement formées par M. [S]
Mme [G] fait valoir que :
– les demandes en paiement formées par M. [S] sont irrecevables dès lors que la Cour de cassation a jugé le 6 avril 2011 qu’en ‘l’absence de conclusions écrites régulièrement déposées devant lui, le tribunal de grande instance n’était saisi d’aucune demande’,
– la Cour de cassation a également jugé, au visa de l’article 564 du code de procédure civile que ‘le droit d’intimer en appel tous ceux qui ont été parties en première instance n’emporte pas celui de présenter des prétentions à l’encontre des parties contre lesquelles l’appelant n’a pas conclu en première instance’ et que ‘la faculté de soumettre aux juges d’appel des demandes tendant aux mêmes fins que celles portées devant les premiers juges implique qu’une demande ait été formée devant ces derniers’,
– en l’absence de conclusions régulièrement déposées par un avocat constitué dans ses intérêts, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse n’a été saisi d’aucune demande de M. [S], et la cour d’appel ne saurait être saisie d’une demande dont la juridiction ayant rendu la décision attaquée n’était elle-même pas saisie,
– les demandes en paiement formées par M. [S] constituent dès lors des prétentions nouvelles, qui doivent être déclarées irrecevables, et la cour devra ainsi déclarer irrecevable l’appel de M. [S], visant à réformer le jugement rendu en ce qu’il a rejeté ses demandes en paiement et visant à la voir condamnée au paiement de la somme de 673,74 euros.
M. [S] fait valoir que :
– la Cour de cassation admet une exception à l’article 564 du code de procédure civile dont l’application ‘suppose que la partie à laquelle on l’oppose ait été constituée en première instance’,
– en l’absence de constitution valide en première instance, il a bien été considéré comme défaillant par le juge aux affaires familiales, et les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile ne peuvent en conséquence lui être opposées,
– ses demandes sont recevables et il est légitime à reprendre à hauteur d’appel les demandes formulées devant le tribunal judiciaire.
L’article 564 du code de procédure civile dispose ‘qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’
Il est acquis que l’application de l’article 564 du code de procédure civile suppose que la partie à laquelle on l’oppose ait été constituée en première instance.
Faute pour Mme [G] de démontrer que M. [S] était effectivement constitué en première instance, et alors que les éléments produits par les parties indiquent que M. [S] n’a pas déposé de conclusions par l’intermédiaire d’un avocat constitué dans ses intérêts, il y a lieu de déclarer recevables les demandes en paiement formées par l’appelant.
Sur la restitution du piano ou de son prix de vente
M. [S] fait valoir que :
– Mme [G] a présenté des demandes reconventionnelles, et notamment une demande principale relative à la restitution du piano,
– n’étant pas représenté en première instance, les conclusions de la défenderesse lui ont été signifiées par voie de commissaire de justice le 6 mars 2023, par remise à l’étude,
– il a contacté l’étude [9] afin que l’acte soit envoyé à l’étude [7] afin qu’il puisse le retirer, tout en demandant qu’on le prévienne lorsque le nécessaire aura été fait, mais il n’a jamais été informé de la transmission de l’acte,
– il n’a donc pas pu se défendre sur la demande reconventionnelle de Mme [G], et entend s’y opposer dans le cadre de la présente procédure d’appel,
– l’état des lieux qu’ils ont réalisé lors de la séparation précise ‘piano à récupérer, stocké gracieusement jusqu’au 10 septembre 2018″,
– des reconnaissances de dette ont été faites par Mme [G] à son profit concomitamment à leur séparation, et elle n’a jamais contesté être débitrice à son égard,
– Mme [G] ne pouvant honorer ses dettes, lui a proposé de vendre le piano dans un email du 31 août 2018 : ‘pour l’argent, vends mon piano et tu récupèreras de l’argent. Je n’ai pas de photo et ne peux pas le vendre’,
– Mme [G] est mal fondée à solliciter la restitution du piano alors qu’elle sait qu’il a été vendu, puisqu’il lui a annoncé par mail du 3 novembre 2018, après qu’elle l’ait contacté par email du 1er novembre 2018, afin de récupérer le piano.
Mme [G] fait valoir que :
– elle a demandé la restitution du piano à plusieurs reprises, notamment le 21 novembre 2018, mais M. [S] l’a cédé en postant une annonce à 700 euros le 22 décembre 2021, alors que le bien a une valeur de 2 300 euros,
– M. [S] confirme avoir vendu le piano pour récupérer de l’argent, comme il l’indique dans un mail du 3 novembre 2018,
– M. [S] ne démontre pas avoir vendu le piano, et il a nécessairement conservé les coordonnées de l’acquéreur, lequel n’a jamais attesté de la vente,
– si M. [S] a vendu un piano qui ne lui appartenait pas, il doit alors lui restituer le prix de vente, puisqu’elle en est propriétaire.
Au soutien de sa demande de réformation du jugement, en ce qu’il l’a condamné à restituer le piano, M. [S] produit un mail que lui a adressé Mme [G] le 31 août 2018, dans lequel elle indique notamment ‘pour l’argent vends mon piano et tu récupèreras de l’argent. Je n’ai pas de photo et ne peux pas le vendre’.
Il convient de relever que le mail de Mme [G] est une réponse au mail envoyé 30 minutes avant par M. [S], qui lui rappelait la nécessité de ‘remettre le compte à 0″ tout en lui précisant ‘tu dois me verser quelques sous ». Mme ne remet pas en cause la véracité de ces mails.
Mme [G] ayant autorisé M. [S] à procéder à la vente du piano et à conserver le prix de vente dans le cadre de leur séparation, elle est infondée à en solliciter la restitution.
Le jugement sera dès lors infirmé sur ce point.
Sur les demandes en paiement de M. [S]
M. [S] fait valoir que :
– il avait initialement engagé une procédure en injonction de payer en sollicitant le remboursement des sommes de 187 euros pour des frais d’entretien du véhicule de Mme [G], de 150 euros pour la remise en état de l’ordinateur de Mme [G], de 140 euros pour l’utilisation par Mme [G] de chèques CESU, de 106,46 euros pour le paiement de sa part de taxe d’habitation 2018, de 196,77 euros correspondant à la moitié des allocations familiales que Mme a perçu seule en juillet, août et septembre 2018, et de 695,39 euros au titre de sa part du crédit immobilier pour le mois de juillet 2018,
– il ne s’agit pas de dépenses exposées pendant le temps de la vie commune du couple mais de frais liés à leur séparation, Mme [G] ayant en outre reconnu être redevable de ces sommes,
– après plusieurs mises en demeure et une tentative de médiation, Mme [G] s’est finalement acquittée de sa part de l’emprunt immobilier et du paiement de la taxe d’habitation, ainsi que de l’assurance automobile et de l’assurance habitation,
– le solde restant dû par Mme [G] s’élève désormais à 661,62 euros,
– il justifie de la totalité de sa créance de 673,74 euros, en produisant notamment les échanges avec Mme [G], qui reconnait être redevable des différentes sommes,
Mme [G] fait valoir que :
– M. [S] ne mentionne pas le fondement juridique de ses demandes, lesquelles correspondent en outre à des dépenses qui auraient été exposées pendant le temps de la vie commune du couple, à l’exception d’une partie des demandes faites au titre du partage des allocations familiales,
– M. [S] ne démontre pas avoir effectivement réglé les sommes dont il demande le remboursement, ni ne justifie qu’il les aurait réglées pour le compte de Mme en dehors de toute contribution aux charges du ménage, et à charge pour elle de le rembourser, conformément à l’article 515-4 du code civil, qui prévoit que ‘les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques ‘,
– s’agissant de l’entretien du véhicule Citroën, M. [S] produit une facture à son nom de 99,59 euros du 1er juin 2017, et un ticket non-nominatif de 93,07 euros du 20 avril 2017, ces deux éléments correspondant à une période où les parties vivaient toujours en couple,
– le montant de 192,66 euros ne correspond pas à la créance de 187 euros revendiquée par M. [S],
– M. [S] ne démontre pas que les échanges de mails d’avril 2018 ont reçu une suite,
– M. [S] ne démontre pas davantage avoir supporté les frais de 150 euros liés aux réparations informatiques, lesquels relèvent en outre de la vie commune du couple,
– son attestation du 21 mai 2018, non circonstanciée, ne vaut pas reconnaissance de dette dès lors qu’elle n’y reconnait pas devoir une quelconque somme à M. [S], et les trois Sms produits par M. [S] ne sont pas probants,
– s’agissant de l’utilisation des chèques CESU pour 140 euros, M. [S] ne démontre pas les lui avoir remis, les seules souches non datées ne constituant pas une obligation de remboursement à son égard, d’autant plus que ces chèques renvoient à des frais de garde de leurs enfants communs pendant la vie de couple,
– les sommes sollicitées au titre du partage des allocations familiales recouvrent pour partie la vie commune du couple en juillet 2018, et elle a simplement été bénéficiaire de droits pour le surplus,
– les demandes relatives au partage des allocations CAF pour la période postérieure à la séparation du couple pourraient subsidiairement relever de la compétence matérielle du pôle social du tribunal judiciaire, dans un délai de 2 mois, le versement datant de 2018,
– M. [S] ne prouve pas qu’un quelconque accord était intervenu entre les parties quant au partage entre les parents des allocations qu’elle a perçues seule,
– si M. [S] a conservé le prix de vente du piano pour ‘se payer’ des dettes qu’il estimait dues, alors les demandes qu’il formule en appel n’ont plus lieu d’être puisque ses créances ont été éteintes par ladite vente.
Les articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil prévoient respectivement qu’il ‘incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’ et que ‘celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver’.
L’article 515-4 du code civil dispose que ‘Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. Les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.’
Il ressort de la déclaration conjointe de dissolution du pacte civil de solidarité, versée par Mme [G], que le PACS enregistré par les parties le 11 janvier 2012 a été dissous le 14 août 2018.
Les créances sollicitées par M. [S] au titre des frais d’entretien du véhicule Citroën à hauteur de 187 euros le 21 avril 2018, au titre de la récupération des données sur l’ordinateur pour 150 euros le 21 mai 2018, et au titre de l’utilisation des chèques CESU pour 140 euros entre mai et juillet 2018 relèvent en conséquence de l’aide matérielle et de l’assistance réciproques à laquelle s’engagent les partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
La demande de paiement de M. [S], qui revendique également la somme de 196,74 euros correspondant à la moitié des sommes perçues par Mme [G] au titre des allocations familiales pour les mois de juillet à septembre 2018 (3 * 131,16 euros, soit 393,48 euros au total), ne saurait prospérer, faute pour celui-ci de justifier de l’existence actuelle de ladite créance au regard de la vente du piano à son bénéfice.
Il convient dès lors de rejeter la demande en paiement pour la somme totale de 673,74 euros formulée à hauteur d’appel par M. [S].
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné M. [S] à supporter les dépens et à payer à Mme [G] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie supportera la charge de ses dépens.
L’équité ne commande pas de condamner l’une ou l’autre des parties sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement rendu le 15 décembre 2023 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse,
Statuant à nouveau,
Dit n’y avoir lieu à restitution par M. [S] du piano sous astreinte,
Dit n’y avoir lieu à condamnation de M. [S] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à condamnation de M [S] aux dépens,
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens de première instance,
Y ajoutant,
Déclare recevables les demandes en paiement formées par M. [S],
Sur le fond, déboute M. [S] de ses demandes en paiement,
Rejette la demande de restitution sous astreinte du prix de vente du piano formée par Mme [G],
Dit que chacune des parties supportera ses dépens d’appel,
Rejette les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente de chambre et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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