Concurrence déloyale et responsabilité d’un salarié après démission

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Concurrence déloyale et responsabilité d’un salarié après démission

L’Essentiel : M. [T] [O], engagé par Home Instal en tant que directeur technique, a démissionné en avril 2021. En mai, la société l’a mis en demeure de révéler son nouvel employeur, l’accusant de concurrence déloyale. Après une assignation en novembre 2021, le tribunal a examiné les pièces, jugeant que les courriels litigieux étaient professionnels. Home Instal a réclamé 100.000 euros de dommages-intérêts. Le tribunal a finalement condamné M. [T] [O] à verser 5.000 euros pour concurrence déloyale et 2.500 euros pour frais de justice, tout en déboutant ses demandes relatives au secret des correspondances.

Contexte de l’affaire

M. [T] [O] a été engagé par la société Home Instal en tant que directeur technique le 2 septembre 2015. Il a démissionné par lettre recommandée le 11 avril 2021, avec un accord pour que sa démission prenne effet le 11 juin 2021.

Actions de la société Home Instal

Le 4 mai 2021, Home Instal a mis en demeure M. [T] [O] de révéler l’identité de son nouvel employeur et de cesser toute action nuisible à la société. En raison d’actes de concurrence déloyale, la société a assigné M. [T] [O] devant le tribunal judiciaire de Lille le 18 novembre 2021, demandant des dommages et intérêts.

Procédures judiciaires

L’affaire a été radiée le 1er avril 2022, puis réinscrite à l’initiative du demandeur. Le 14 avril 2023, le tribunal a déclaré sa compétence et a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [T] [O].

Demandes de la société Home Instal

Home Instal a demandé au tribunal d’ordonner à M. [T] [O] de cesser ses actes de concurrence déloyale, de lui verser 100.000 euros de dommages-intérêts, 5.000 euros pour frais irrépétibles, et de le condamner aux dépens.

Réponses de M. [T] [O]

Dans ses conclusions du 3 octobre 2023, M. [T] [O] a demandé l’écartement de certains courriels, le déboutement de Home Instal, la communication d’informations de connexion sous astreinte, et des dommages-intérêts pour violation du secret des correspondances.

Examen des pièces et secret des correspondances

M. [T] [O] a soutenu que les courriels en question étaient personnels, mais le tribunal a jugé que la messagerie litigieuse était professionnelle. La production de ces courriels ne constituait donc pas une violation du secret des correspondances.

Concurrence déloyale et responsabilités

Home Instal a accusé M. [T] [O] de débauchage massif et de comportement parasitaire, notamment en sollicitant des devis pour une société concurrente pendant ses heures de travail. M. [T] [O] a contesté ces accusations, affirmant qu’il n’avait pas été licencié pour faute lourde.

Évaluation des fautes et préjudices

Le tribunal a constaté que les fautes reprochées à M. [T] [O] avaient été commises pendant l’exécution de son contrat de travail. Il a jugé que la responsabilité civile de M. [T] [O] était engagée en raison de la désorganisation de l’entreprise et de la communication de documents internes à une société concurrente.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné M. [T] [O] à verser 5.000 euros à Home Instal pour concurrence déloyale et 2.500 euros pour frais de justice. Il a également débouté M. [T] [O] de ses demandes concernant le secret des correspondances et a condamné M. [T] [O] aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications juridiques de la démission de M. [T] [O] et de la prise d’effet de celle-ci ?

La démission de M. [T] [O] a été notifiée par lettre recommandée en date du 11 avril 2021, avec une prise d’effet convenue au 11 juin 2021. Selon l’article L. 1231-1 du Code du travail, « le contrat de travail peut être rompu à l’initiative de l’une ou l’autre des parties ».

Cette disposition implique que M. [T] [O] avait le droit de démissionner, mais il devait respecter un préavis, sauf accord contraire avec son employeur.

En effet, l’article L. 1231-2 précise que « le salarié doit respecter un préavis dont la durée est déterminée par la convention collective ou, à défaut, par les usages ».

Dans ce cas, la prise d’effet de la démission a été convenue entre les parties, ce qui montre un accord mutuel sur les modalités de la rupture du contrat de travail.

Quels sont les droits de l’employeur concernant l’accès aux messageries électroniques du salarié ?

L’article 9 du Code civil stipule que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Cependant, la jurisprudence a établi que l’employeur peut accéder aux messageries professionnelles d’un salarié, sauf si le salarié a clairement identifié ces messageries comme personnelles.

Dans l’affaire, le tribunal a constaté que la messagerie ‘[Courriel 6]’ était utilisée pour des fins professionnelles, ce qui justifie l’accès de l’employeur à son contenu.

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 26 janvier 2016 (n°14-19002) que « l’employeur peut ouvrir les messageries professionnelles hors la présence du salarié ».

Ainsi, la production des courriels de cette messagerie ne constitue pas une violation du secret des correspondances, car ils étaient clairement liés à l’activité professionnelle de M. [T] [O].

Quelles sont les conditions de la responsabilité civile d’un salarié envers son employeur ?

La responsabilité civile d’un salarié envers son employeur est régie par l’article 1240 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Cependant, la jurisprudence a précisé que la responsabilité pécuniaire d’un salarié ne peut être engagée que pour faute lourde, comme l’indique l’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 (n° 14-26071).

La faute lourde est définie comme « l’intention de nuire à l’employeur », ce qui implique que le salarié doit avoir agi avec la volonté de lui porter préjudice.

Dans le cas présent, le tribunal a constaté que M. [T] [O] avait commis plusieurs actes de concurrence déloyale pendant son préavis, ce qui a conduit à la conclusion que sa responsabilité civile était engagée.

Quels sont les critères de la concurrence déloyale selon le droit français ?

La concurrence déloyale est régie par l’article 1240 du Code civil, qui impose que tout acte de concurrence doit être fautif pour engager la responsabilité de l’auteur.

Les actes de concurrence déloyale peuvent inclure le débauchage de salariés, le détournement de clientèle, et l’utilisation de documents confidentiels d’une entreprise concurrente.

Dans cette affaire, la société Home Instal a allégué plusieurs actes de concurrence déloyale, notamment le débauchage de six salariés et l’utilisation de documents internes pour le compte d’une société concurrente.

Le tribunal a jugé que ces actes constituaient des fautes, et que M. [T] [O] avait utilisé les moyens de l’entreprise pour nuire à celle-ci, ce qui a été qualifié de concurrence déloyale.

Comment le tribunal a-t-il évalué le préjudice subi par la société Home Instal ?

L’article 1231-2 du Code civil précise que « le préjudice dû au créancier est, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé ».

Dans cette affaire, la société Home Instal a allégué une perte de chiffre d’affaires due aux actes de concurrence déloyale de M. [T] [O]. Cependant, le tribunal a noté que cette perte n’était pas corroborée par des preuves suffisantes.

En revanche, le tribunal a reconnu que la désorganisation de l’entreprise causée par le départ de plusieurs salariés représentait un préjudice financier.

Ainsi, le tribunal a évalué ce préjudice à 5.000 euros, en tenant compte de la désorganisation et des actes de concurrence déloyale, même si la perte de chiffre d’affaires n’a pas été prouvée.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 01

N° RG 22/06253 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WQO5

JUGEMENT DU 10 JANVIER 2025

DEMANDERESSE:

S.A.S. HOME INSTAL,
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n°752517136
[Adresse 1]
[Localité 3] / FRANCE
représentée par Me Franck REGNAULT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR:

M. [T] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Philippe PREVEL, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 22 Décembre 2023.

A l’audience publique du 05 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 10 Janvier 2025.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Nicolas VERMEULEN, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 10 Janvier 2025 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige

Suivant contrat de travail en date du 2 septembre 2015, M. [T] [O] a été embauché dans la société Home Instal en qualité de directeur technique.

M. [T] [O] a notifié une lettre de démission par lettre recommandée en date du 11 avril 2021. Les parties par la suite se sont accordées pour une prise d’effet de la démission au 11 juin 2021.

Suivant lettre recommandée du 4 mai 2021, la société Home Instal a mis en demeure M. [T] [O] de communiquer l’identité de son nouvel employeur et de cesser tout acte de nature à nuire à la société Home Instal.

Se plaignant d’actes de concurrences déloyales, par acte d’huissier en date du 18 novembre 2021, la société Home Instal a fait assigner M. [T] [O] devant le tribunal judiciaire de Lille en paiement de dommages et intérêts.

Sur ce, M. [T] [O] a constitué avocat.

L’affaire a été radiée par décision du juge de la mise en état du 1er avril 2022. L’affaire a été réinscrite sur initiative du demandeur.

Par ordonnance du 14 avril 2023, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal judiciaire compétent pour connaître de l’affaire et a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de M. [T] [O].

Au terme de son acte introductif d’instance, la SAS Home Instal demande de :

➢ Ordonner à M. [T] [O] de cesser de commettre des actes de concurrence déloyale ;

➢ Le condamner à lui payer la somme de 100.000 euros de dommages-intérêts au titre de la concurrence déloyale ;

➢ Le condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

➢ Le condamner aux dépens.

Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 03 octobre 2023, M. [T] [O] demande de :

➢ Ecarter des débats tous les mails reçus ou envoyés des messageries [Courriel 6] et [Courriel 8] ;

➢ Débouter la société Home Instal de ses demandes ;

➢ Lui ordonner de communiquer toutes les informations de connexion de la messagerie [Courriel 6], sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du 8ème [jour] après le prononcé du jugement ;

➢ La condamner à lui payer la somme de 3.000 euros pour violation du secret des correspondances ;

➢ La condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

➢ La condamner aux dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.

Motifs de la décision

A titre préliminaire, il y a lieu d’examiner la demande tendant à écarter certaines pièces des débats avant d’apprécier la demande initiale.

– Sur les demandes au titre de la violation du secret des correspondances.

1. M. [T] [O] prétend que les adresses courriels [Courriel 6] et [Courriel 7] sont des messageries personnelles, de sorte que l’usage par l’employeur à titre de preuve des courriels expédiés de ces adresses caractérise une violation du secret des correspondances.

Il estime par ailleurs que l’ensemble du personnel avait connaissance des codes d’accès de l’ensemble de ces courriels.

Il sollicite du tribunal que soit écarté l’ensemble des courriels expédiés de ces messageries et que soit ordonné à la société Home Instal de communiquer toutes les informations de connexion de l’adresse courriel [Courriel 6] ainsi que le paiement d’une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

2. La société Home Instal ne répond pas à ces demandes reconventionnelles.

Sur ce,

3. Il résulte de l’article 9 du code civil que l’employeur est en droit d’ouvrir les messageries professionnelles hors la présence du salarié, sauf si le salarié les identifie comme personnels alors que celles distinctes de la messagerie professionnelle sont couvertes par le secret des correspondances. (Soc., 26 janvier 2016, n°14-19002)

4. En l’espèce, il est reproché à la société Home Instal de produire en justice des courriels professionnels qui ont été expédiés de la messagerie électronique suivante : [Courriel 6].

5. S’agissant de courriels, exclusivement professionnels, ce qui n’est pas contesté par M. [T] [O], le tribunal juge que la production de ces courriels ne porte pas atteinte au droit au respect de l’intimité de sa vie privée du salarié.

6. M. [T] [O] allègue que l’adresse courriel a été créé de sa propre initiative et est distincte de la messagerie électronique mise à la disposition de son employeur et figurant sur sa carte de visite ‘[Courriel 5]’

7. Toutefois, le tribunal observe en premier lieu que l’intitulé même de la messagerie électronique litigieuse, à savoir « [Courriel 6] », laisse présumer, par la mention de la dénomination sociale de la société, un usage professionnel pour les besoins de l’entreprise.

En second lieu, M. [T] [O] prétend, dans le même temps, que les codes d’accès de cette messagerie étaient connus de ses collègues, de sorte que le tribunal en déduit que cette messagerie électronique était identifiée par les collaborateurs de M. [T] [O] comme une messagerie professionnelle.

Enfin, le courriel adressé à l’employeur le 13 mai 2021, expédié de l’adresse « [Courriel 6] », est signé « [T] [O], Directeur technique, SAS HOME INSTAL [Adresse 1] Siret (…) tel : (…) port : (…) ». Ainsi, les courriels expédiés de cette messagerie font usage de la signature professionnelle du salarié.

8. En conséquence, les éléments versés aux débats démontrent que la messagerie électronique litigieuse était une messagerie professionnelle utilisée pour les besoins de l’entreprise. L’employeur pouvait donc prendre connaissance des courriels archivés au sein de la messagerie hors la présence du salarié.

La production en justice des courriels expédiés de la messagerie électronique suivante ‘[Courriel 6]’ ne constitue donc pas une violation du secret des correspondances.

9. Par ailleurs, aucune pièce versée aux débats par la société Home Instal ne laisse supposer que celle-ci avait accès à l’adresse courriel ‘[Courriel 8]’ (aucun courriel produit aux débats n’est expédié de cette messagerie), de sorte que M. [T] [O] n’est pas fondé à alléguer une violation du secret des correspondances de la part de la société SAS Home Instal.

10. Dans ces conditions, il convient de le débouter de l’ensemble de ses demandes au titre de la violation du secret des correspondances.

– Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la concurrence déloyale.

11. La société Home Instal reproche à M. [T] [O] plusieurs actes de concurrence déloyale sur les fondements de l’article 1240 du code civil et L. 1221-1 du code du travail.

Plusieurs griefs sont élevés :

– La demanderesse se plaint de débauchage massif de la part de M. [T] [O] et expose que, concomitamment à sa démission, quatre salariés ont donné des démissions via des lettres identiques et que d’autres salariés attestent avoir été approchés par M. [T] [O] ;

– La société Home Instal reproche également un comportement parasitaire de la part de M. [T] [O], en ce que son salarié a, pendant ses heures de travail, sollicité des devis avec des partenaires pour le compte d’une société concurrente. Elle allègue également qu’il a obtenu par abus de fonction des documents confidentiels pour les transférer à une société concurrente.

– La requérante énonce aussi que M. [T] [O] a commis un détournement de clientèle en envoyant des devis à des clients ou en sollicitant des fournisseurs ou encore en communication des modèles types à une société concurrente.

Elle estime que son préjudice résulte de la désorganisation de l’entreprise suite au départ de six salariés et la communication de documents confidentiels.

12. En réponse, M. [T] [O] expose que seule une faute lourde est susceptible d’engager la responsabilité pécuniaire d’un salarié envers son salarié. Il énonce qu’il n’a pas été licencié pour faute lourde, de sorte que la société Home Instal n’est pas fondé à rechercher sa responsabilité civile.

S’agissant des faits allégués après la rupture de son contrat de travail, il énonce que seul son nouvel employeur est responsable des faits commis par ses préposés en application de l’article 1242 du code civil.

Par ailleurs, il estime que rien n’interdit à un ancien salarié d’utiliser ses connaissances dans son nouvel d’emploi, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché un détournement de clientèle. S’agissant du débauchage, il précise que les salariés, qui ont démissionné concomitamment, avaient des reproches contre leur employeur et que l’entreprise connait régulièrement d’importantes démissions. Il conteste également le comportement parasitaire qui lui est reproché et précise que les devis qu’il a fait réaliser l’ont été en dehors de ses horaires de travail.

Enfin, il prétend qu’aucun préjudice n’est démontré.

Sur ce,

13. Dans le cas présent, il est essentiellement reproché par la SAS Home Instal des fautes qui, si elles ont été commises, l’ont été antérieurement au 11 juin 2021, soit pendant l’exécution du contrat de travail de M. [T] [O] envers la SAS Home Instal.

14. Dans ces conditions, la responsabilité civile de M. [T] [O] est régie par le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde (Soc. 25 janvier 2017 n° 14-26071).

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise. (Soc. 24 mai 2018 n° 16-24297).

15. En revanche, M. [T] [O] n’est pas fondé à opposer au requérant l’immunité issue de l’alinéa 5 de l’article 1242 du code civil selon laquelle n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant. (Ass. Plen. 25 février 2000 n° 97-17378) dès lors, d’une part, que le contrat de travail avec la société Hexanove versée aux débats n’est ni daté ni signé et, d’autre part, que les griefs reprochés, s’ils ont été commis, l’ont été pendant l’exécution de son contrat de travail avec la SAS Home Instal.

16. En l’espèce, le tribunal rappelle que les obligations du contrat de travail se poursuivent pendant le délai de préavis suite à la démission du salarié et que l’absence de procédure disciplinaire pour faute lourde n’est pas exclusive d’une action en responsabilité civile de l’employeur.

17. S’agissant du principe de responsabilité, la SAS Home Instal reproche trois fautes distinctes à M. [T] [O].

18. Il est constant que six salariés de la SAS Home Instal ont démissionné respectivement pour une fin de préavis au 30 juillet 2021 pour quatre d’entre eux et au 17 septembre 2021 pour les deux derniers et que ceux-ci ont par la suite été embauché dans l’entreprise dans laquelle M. [T] [O] a lui-même été embauché.

Le tribunal observe que deux de ces lettres de démission sont strictement identiques (à l’exception de la date d’embauche) et que l’ensemble de ces lettres présentent des similitudes importantes que ce soit dans l’écriture ou dans le contenu.

Dans ces conditions, les attestations des salariés versées aux débats aux termes desquelles ils ont démissionné de « leur propre initiative » ne sauraient convaincre le tribunal de l’absence de concertation entre eux.

Au-delà de la démission de six salariés, Mme [B], salariée de la société Home Instal, atteste avoir elle-même reçu une offre d’emploi en qualité d’assistance de direction de la part de M. [T] [O]. Cette attestation n’est pas utilement contredite par les attestations des six salariés démissionnaires qui n’expliquent pas comment ils ont été employés dans leur nouvelle structure autrement que par l’intermédiaire de M. [T] [O].

Enfin, la société Home Instal verse aux débats le registre d’entrée et de sortie du personnel au 26 août 2021. Il résulte de ce registre que, au 1er juillet 2021, était employé 28 personnels, de sorte que le débauchage a concerné plus de 20 % des effectifs et a désorganisé l’entreprise Home Instal.

Ces faits sont donc constitutifs d’une faute.

19. Par ailleurs, il est versé aux débats des courriels expédiés de la messagerie ‘[Courriel 6]’ vers messagerie ‘[Courriel 8]’ – dont il n’est pas contesté qu’elle sert à l’usage d’une entreprise concurrente – comprenant en pièce jointe la base de chiffrage platerie et de chiffrage bardage (tableaux comprenant les marges de l’entreprise), une attestation d’assurance décennale de l’entreprise et des modèles de contrat.

Le tribunal rappelle que la messagerie ‘[Courriel 6]’ est une messagerie professionnelle utilisée par M. [T] [O] (point 7.)

De plus, M. [T] [O] n’apporte aucun élément de nature à corroborer l’allégation selon laquelle il n’est pas à l’origine de ces différents courriels.

Or, la communication de documents internes à l’entreprise à des sociétés concurrentes est constitutive d’une faute, d’autant plus que M. [T] [O] était tenue d’une obligation de discrétion aux termes de l’article 9 de son contrat de travail avec la société Home Instal.

Enfin, s’ajoute également d’autres échanges entre la messagerie ‘[Courriel 6]’ vers la messagerie ‘[Courriel 8]’ dans lesquels sont transférés des devis au bénéfice d’une société concurrente. Le tribunal déduit de ces échanges que M. [T] [O] a utilisé une messagerie identifiée comme une messagerie professionnelle de la société Home Instal pour contacter des clients de cette société et faire établir des devis au bénéfice d’une société concurrente.

Dans ces conditions, il importe peu que ces demandes de devis aient été réalisées en dehors des heures de travail de M. [T] [O], comme celui-ci l’allègue, dès lors que la concurrence déloyale est caractérisée par l’usage des moyens de l’entreprise au bénéfice d’une société concurrente.

M. [T] [O] a donc commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Home Instal.

20. Si ces fautes, prises individuellement, ne sauraient caractériser une faute lourde telle que définie par la jurisprudence (point 14.), prises dans leur ensemble, en revanche, elle démontre la volonté du salarié de détourner les moyens de l’entreprise pendant la durée du préavis au bénéfice d’une société concurrente et de la désorganiser notamment en communication des documents internes et confidentiels. La faute lourde est donc caractérisée.

En conséquence, le salarié engage sa responsabilité civile envers la société Home Instal et doit répondre des préjudices causés.

21. Le préjudice dû au créancier est, aux termes de l’article 1231-2 du code civil, « en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé ».

22. Le tribunal observe que la perte de chiffre d’affaires alléguée n’est corroborée par aucune pièce versée aux débats, de sorte que la société Home Instal ne démontre pas ce chef de préjudice.

23. En revanche, la désorganisation consécutives aux actes de concurrences déloyales a causé un préjudice financier qu’il convient justement d’évaluer à la somme de 5.000 euros.

24. M. [T] [O] sera condamné au paiement de cette somme à la société Home Instal.

– Sur les demandes accessoires.

25 M. [T] [O], partie perdante, sera condamné aux dépens.

26. Il convient également de le condamner au paiement d’une somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire, et par mise à disposition au greffe

DEBOUTE M. [T] [O] de sa demande tendant à écarter des débats tous les courriels expédiés de la messagerie ‘[Courriel 6]’ ;

DIT sans objet la demande relative à la messagerie electronique ‘[Courriel 8]’ ;

Le DEBOUTE de sa demande indemnitaire au titre de la violation du secret des correspondance et celle demande tendant à ordonner la communication des codes de connexion de ces messageries électroniques ;

CONDAMNE M. [T] [O] à payer à Home Instal la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;

CONDAMNE M. [T] [O] à payer à Home Instal la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [T] [O] aux dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit à titre provisoire.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER


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