Il résulte des articles 16 et 802, alinéa 2, du code de procédure civile que sont recevables les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande la révocation de celle-ci, ou le rejet des débats des conclusions ou productions de dernière heure de l’adversaire.
Pour déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la société Neovia le 4 avril 2022, l’arrêt retient qu’elles sont postérieures à la clôture de la procédure intervenue le 1er avril 2022. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de se prononcer sur les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture et de rejet des conclusions, notifiées le jour de la clôture, formulées dans les conclusions remises au greffe le 4 avril 2022, la cour d’appel a violé les textes susvisés. |
L’Essentiel : La société Neovia a engagé une procédure contre Trajectoire pour concurrence déloyale et dénigrement sur internet, sollicitant des mesures d’instruction. Le tribunal a ordonné le séquestre de documents le 28 septembre 2018, mais Trajectoire a contesté cette décision sans succès. En appel, les conclusions de Neovia, soumises après l’ordonnance de clôture, ont été déclarées irrecevables. La cour a toutefois admis que des conclusions postérieures à la clôture pouvaient être recevables, mais a maintenu l’irrecevabilité des conclusions de Neovia. La cassation de cette décision entraîne la nullité des décisions connexes, selon l’article 624 du code de procédure civile.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLa société Neovia a engagé une procédure contre la société Trajectoire, invoquant des faits de concurrence déloyale et de dénigrement sur internet. Elle a saisi le président d’un tribunal de commerce pour obtenir des mesures d’instruction, en se fondant sur l’article 145 du code de procédure civile. Ordonnance de séquestreLe tribunal a rendu une ordonnance le 28 septembre 2018, désignant un huissier de justice pour séquestrer les documents pertinents. Cette ordonnance stipulait que le séquestre ne pourrait être levé que par une décision judiciaire contradictoire. Les mesures d’instruction ont été mises en œuvre le 8 octobre 2018. Demande de rétractationLa société Trajectoire a contesté cette ordonnance par une demande de rétractation, mais a été déboutée par une ordonnance du juge des référés le 20 février 2019. Trajectoire a ensuite interjeté appel de cette décision. Irrecevabilité des conclusionsDans le cadre de l’appel, la société Neovia a soumis des conclusions le 4 avril 2022, qui ont été déclarées irrecevables par la cour d’appel. Cette décision a été fondée sur le fait que ces conclusions étaient postérieures à l’ordonnance de clôture de la procédure, intervenue le 1er avril 2022. Arguments de la CourLa cour a statué que les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture, demandant la révocation de celle-ci, sont recevables. Cependant, elle a jugé que les conclusions de Neovia étaient irrecevables, car elles avaient été notifiées après la clôture. Conséquences de la cassationLa cassation de l’arrêt concernant l’irrecevabilité des conclusions de Neovia entraîne également la nullité des autres décisions qui en dépendent, conformément à l’article 624 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de recevabilité des conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture selon le code de procédure civile ?La recevabilité des conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture est régie par les articles 16 et 802 du code de procédure civile. L’article 16 stipule que « le juge doit veiller au respect du principe du contradictoire. » Cela signifie que chaque partie doit avoir la possibilité de présenter ses arguments et ses preuves. L’article 802, alinéa 2, précise que « sont recevables les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande la révocation de celle-ci, ou le rejet des débats des conclusions ou productions de dernière heure de l’adversaire. » Ainsi, une partie peut soumettre des conclusions après la clôture si elle demande la révocation de cette ordonnance ou conteste des éléments présentés par l’autre partie. Il est donc essentiel que le juge examine ces demandes pour garantir le respect du contradictoire et l’équité du procès. Comment la cour d’appel a-t-elle justifié la déclaration d’irrecevabilité des conclusions de la société Neovia ?La cour d’appel a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la société Neovia le 4 avril 2022 en se fondant sur le fait qu’elles étaient postérieures à la clôture de la procédure, intervenue le 1er avril 2022. Cependant, cette décision a été contestée car, selon les articles 16 et 802 du code de procédure civile, les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture peuvent être recevables si elles visent à demander la révocation de cette ordonnance ou à rejeter des éléments présentés par l’adversaire. En ne tenant pas compte de la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formulée par la société Neovia dans ses conclusions du 4 avril 2022, la cour d’appel a omis d’examiner la légitimité de ces conclusions. Cela a conduit à une violation des textes susmentionnés, car la cour aurait dû se prononcer sur la recevabilité des demandes de révocation et de rejet des conclusions notifiées le jour de la clôture. Quelles sont les conséquences de la cassation de l’arrêt de la cour d’appel ?La cassation de l’arrêt de la cour d’appel a des conséquences significatives, notamment en vertu de l’article 624 du code de procédure civile. Cet article stipule que « la cassation du chef de dispositif d’un arrêt entraîne la cassation de tous les autres chefs de dispositif qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. » Dans le cas présent, la cassation de la décision qui a déclaré irrecevables les conclusions de la société Neovia entraîne également la nullité des autres décisions qui étaient liées à cette irrecevabilité. Cela signifie que toutes les mesures ordonnées par la cour d’appel, y compris celles concernant la restitution des pièces et l’interdiction d’usage des constats, sont également annulées. Ainsi, la société Neovia pourrait potentiellement reprendre ses droits sur les documents et les constats, et la procédure pourrait être réexaminée dans son ensemble, respectant ainsi le principe du contradictoire. |
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 janvier 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 56 F-D
Pourvoi n° H 22-19.483
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
1°/ La société Neovia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société AJ partenaires, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2] représentée par Mme [P] [V] et M. [H] [N], en qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde et de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Neovia,
3°/ la société MJ Synergie, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [X] [M] et M. [I] [G], en qualité de mandataires judiciaires à la procédure de sauvegarde de la société Neovia,
ont formé le pourvoi n° H 22-19.483 contre l’arrêt n° RG : 21/06240 rendu le 5 juillet 2022 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant à la société Trajectoire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations écrites et orales de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat des sociétés Neovia, AJ partenaires, représentée par Mme [P] [V] et M. [H] [N], en qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde et de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Neovia, et MJ Synergie, représentée par M. [X] [M] et M. [I] [G], en qualité de mandataires judiciaires à la procédure de sauvegarde de la société Neovia, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Trajectoire, et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 5 juillet 2022) rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 10 juin 2021, pourvoi n° 20-13.198), se plaignant de faits de concurrence déloyale et de dénigrement sur internet, la société Neovia a saisi le président d’un tribunal de commerce de plusieurs requêtes identiques, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, à fin de voir ordonner des mesures d’instruction au siège social de diverses sociétés, dont celui de la société Trajectoire.
2. Cette requête a été accueillie par une ordonnance du 28 septembre 2018
qui a constitué l’huissier de justice séquestre des documents appréhendés
et prévu qu’il ne pourra être mis fin au séquestre que par une décision de justice contradictoire l’autorisant à remettre les documents saisis. Les mesures d’instruction ont été exécutées le 8 octobre 2018.
3. Par une ordonnance du 20 février 2019 du juge des référés d’un tribunal de commerce, dont elle a relevé appel, la société Trajectoire a été déboutée de sa demande en rétractation de l’ordonnance sur requête.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les sociétés Neovia, AJ partenaires, en qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde et de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Neovia, et MJ Synergie, en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Neovia, font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables les nouvelles conclusions intitulées »récapitulatives n° 2 » notifiées le 4 avril 2022 par la société Neovia, de rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 28 septembre 2018 par le président du tribunal de commerce de Lyon, de prononcer la nullité des mesures de constats ordonnées et exécutées en application de cette ordonnance, de faire interdiction à la société Neovia de faire état ou usage de ces constats, premier original, second original et de toutes les copies ou exemplaires, et d’interdire leur utilisation dans la procédure au fond initiée par la société Neovia, d’ordonner à la société Neovia de restituer à l’huissier instrumentaire l’ensemble des pièces prélevées le 8 octobre 2018 et de détruire toute copie éventuelle de ces pièces, en en justifiant par la remise à la société Trajectoire d’une attestation sur l’honneur, sous peine d’une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d’un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt, d’ordonner à l’huissier de justice instrumentaire de détruire, en quelques mains qu’elles se trouvent, toutes les copies de documents papiers ou électroniques qu’il aura faites ainsi que des procès-verbaux qu’il aura dressés en exécution de sa mission, et de rejeter leurs demandes, alors « que les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande la révocation de l’ordonnance de clôture ou le rejet des débats des conclusions ou productions de dernière heure de l’adversaire sont recevables ; que par leurs conclusions du 4 avril 2022, postérieures à l’ordonnance de clôture, les exposantes demandaient la révocation de l’ordonnance de clôture et, subsidiairement, le rejet des conclusions et pièces notifiées par la société Trajectoire le 1er avril 2022, jour de la clôture ; qu’en statuant toutefois au visa des conclusions notifiées le 1er avril 2021 (lire 2022) par la société Trajectoire et des conclusions notifiées le 25 mars 2022 par la société Neovia, et en déclarant irrecevables les conclusions de la société Neovia du 4 avril 2022, comme étant postérieures à la clôture, la cour d’appel a violé les articles 802 et 907 du code de procédure civile, ensemble l’article 16 du même code. »
Vu les articles 16 et 802, alinéa 2, du code de procédure civile :
5. Il résulte de ces textes que sont recevables les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande la révocation de celle-ci, ou le rejet des débats des conclusions ou productions de dernière heure de l’adversaire.
6. Pour déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la société Neovia le 4 avril 2022, l’arrêt retient qu’elles sont postérieures à la clôture de la procédure intervenue le 1er avril 2022.
7. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de se prononcer sur les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture et de rejet des conclusions, notifiées le jour de la clôture, formulées dans les conclusions remises au greffe le 4 avril 2022, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt qui déclare irrecevables les conclusions notifiées le 4 avril 2022 par la société Neovia entraîne la cassation de tous les autres chefs de dispositif qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
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