Compétence territoriale en matière contractuelle et clause pénale

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Compétence territoriale en matière contractuelle et clause pénale

L’Essentiel : La SCI LE MARQUISAT a engagé une procédure contre monsieur [K] suite à l’absence de justification d’obtention d’un prêt, entraînant la restitution d’un dépôt de garantie de 62 500 euros. Monsieur [K] a contesté la compétence du tribunal de Bordeaux, arguant que le litige devait être traité à Fort de France, son lieu de résidence. Le juge a rappelé que, selon le code de procédure civile, la juridiction compétente est généralement celle du domicile du défendeur. En conséquence, le tribunal de Bordeaux a été déclaré incompétent, et le dossier a été transféré à Fort de France.

Exposé du litige

La SCI LE MARQUISAT a conclu une vente avec monsieur [O] [K] pour un bien immobilier à Sainte-Eulalie, sous condition suspensive d’obtention d’un prêt avant le 26 décembre 2022. L’acte de vente incluait une clause pénale stipulant qu’en cas de manquement, la partie défaillante devait verser 10% du prix de vente, soit 125 000 euros. Un dépôt de garantie de 62 500 euros a également été établi. Un avenant du 21 mars 2023 a prorogé le délai pour l’obtention du prêt jusqu’au 15 avril 2023, stipulant que si monsieur [K] ne justifiait pas l’obtention de son prêt, le notaire devait restituer le dépôt de garantie au vendeur.

Exposé des faits et de la procédure

Le 16 mai 2023, le notaire a versé la somme de 62 500 euros à la SCI LE MARQUISAT, car monsieur [K] n’avait pas justifié de l’obtention de son prêt dans le délai imparti. En réponse, la SCI a assigné monsieur [K] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir le paiement de cette somme, ainsi que des intérêts et des dommages et intérêts. Monsieur [K] a contesté la compétence du tribunal de Bordeaux, soulevant un incident de mise en état le 24 septembre 2024.

Prétentions et moyens des parties

Monsieur [K] a demandé au tribunal de déclarer son incompétence et de condamner la SCI LE MARQUISAT aux dépens et à lui verser 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il soutient que le litige concernant la clause pénale relève de la compétence du tribunal du lieu de résidence du défendeur, soit Fort de France. De son côté, la SCI LE MARQUISAT a demandé la compétence du tribunal de Bordeaux, arguant que le compromis de vente n’était pas caduc et que sa demande de dommages et intérêts était fondée sur un contrat valide.

Motivation

Le juge a rappelé que l’exception d’incompétence est une question de procédure. Selon le code de procédure civile, la juridiction compétente est généralement celle du lieu de résidence du défendeur, sauf disposition contraire. En matière contractuelle, le demandeur peut également saisir la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation. Cependant, le juge a conclu que le litige, étant de nature personnelle et mobilière, devait être porté devant le tribunal de Fort de France, où réside monsieur [K].

Décision finale

Le tribunal judiciaire de Bordeaux a été déclaré incompétent pour statuer sur le litige, et le dossier sera transmis au tribunal judiciaire de Fort de France. Les dépens ont été réservés, et les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été déboutées. La décision a été signée par le juge de la mise en état et le greffier.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence territoriale applicable dans ce litige ?

La compétence territoriale est régie par plusieurs articles du Code de procédure civile.

L’article 42 alinéa 1 précise que, sauf disposition contraire, la juridiction compétente est celle du lieu où demeure le défendeur.

En l’espèce, Monsieur [K] réside à Fort de France, ce qui signifie que, selon cet article, le tribunal judiciaire de Fort de France devrait être compétent pour statuer sur le litige.

Cependant, l’article 46 du même code permet au demandeur de saisir, en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service.

Dans ce cas, la SCI LE MARQUISAT a soutenu que le litige était fondé sur un contrat conclu le 21 mars 2023, ce qui pourrait justifier la compétence du tribunal de Bordeaux.

Néanmoins, le tribunal a conclu que le compromis de vente initial n’était pas caduc et que l’action en paiement de l’indemnité prévue par la clause pénale devait être considérée comme une action personnelle et mobilière, ce qui renvoie à l’article 42.

Ainsi, la compétence territoriale est celle du tribunal où demeure le défendeur, soit le tribunal judiciaire de Fort de France.

Quelles sont les implications de la clause pénale dans ce litige ?

La clause pénale est régie par l’article 1231-5 du Code civil, qui stipule que « la clause pénale est une disposition par laquelle les parties conviennent d’une indemnité forfaitaire en cas d’inexécution de l’obligation ».

Dans le cas présent, la clause pénale stipule que, en cas de manquement à ses obligations, la partie défaillante devra verser 10% du prix de vente, soit 125 000 euros.

Cette clause a été intégrée dans le compromis de vente et a été confirmée par l’avenant du 21 mars 2023, qui a prorogé le délai de réalisation de la condition suspensive.

Monsieur [K] n’ayant pas justifié de l’obtention de son prêt dans le délai imparti, la SCI LE MARQUISAT a pu faire valoir cette clause pour demander le versement de l’indemnité.

Il est important de noter que la clause pénale est considérée comme une garantie pour le créancier, lui permettant d’obtenir une compensation rapide en cas de non-respect des engagements contractuels.

Ainsi, la SCI LE MARQUISAT a légitimement invoqué cette clause pour obtenir le paiement de la somme due.

Comment se prononce le tribunal sur les dépens et les frais irrépétibles ?

Les dépens et les frais irrépétibles sont régis par les articles 696 et 700 du Code de procédure civile.

L’article 696 stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Dans le cas présent, le tribunal a réservé les dépens, ce qui signifie qu’il n’a pas encore statué sur la question de qui devra les payer, laissant cette décision pour le tribunal compétent à Fort de France.

Quant aux frais irrépétibles, l’article 700 précise que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Cependant, le tribunal a débouté les parties de leurs demandes formées sur ce fondement, ce qui signifie qu’aucune des parties ne recevra de compensation pour les frais engagés dans le cadre de cette procédure.

Cette décision est souvent fondée sur des considérations d’équité ou de la situation économique de la partie condamnée, mais dans ce cas, le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu à ces condamnations.

N° RG 23/10022 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YMV2

INCIDENT

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

50G

N° RG 23/10022 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YMV2

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.C.I. LE MARQUISAT

C/

[O] [K]

Grosse Délivrée
le :

à
Avocats :
Me Delphine BRON
Me Marine LEONARD

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

Le QUATORZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ

Nous, Madame Myriam SAUNIER, Vice-Président,
Juge de la Mise en Etat de la 5EME CHAMBRE CIVILE,

Greffier, lors des débats et du prononcé :
Isabelle SANCHEZ

DÉBATS
A l’audience d’incident du 3 décembre 2024

Vu la procédure entre :

DEMANDERESSE AU FOND
DEMANDERESSE A L’INCIDENT

S.C.I. LE MARQUISAT
140 rue Eugene DELACROIX
33560 SAINTE EULALIE

représentée par Maître Delphine BRON, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR AU FOND
DEMANDERESSE A L’INCIDENT

Monsieur [O] [K]
Résidence la Riviéra Quartier Morne Pavillon
97232 LAMENTIN

représenté par Maître Marine LEONARD, avocat au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DU LITIGE
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte du 25 octobre 2022, reçu par [D] [T], notaire, la SCI LE MARQUISAT a conclu au bénéfice de monsieur [O] [K] une vente portant sur un bien immobilier situé 87 rue Alfred Pousson à Sainte-Eulalie (33), sous condition suspensive d’obtention d’un prêt avant le 26 décembre 2022.
L’acte a intégré une clause pénale et prévoit qu’en cas d’absence de régularisation de l’acte authentique et de manquement par l’une des parties à ses obligations, cette dernière devra verser à l’autre partie une somme correspondant à 10% du prix de vente, soit 125 000 euros. Un dépôt de garantie d’un montant de 62 500 euros a été fixé.
Par avenant du 21 mars 2023, la SCI LE MARQUISAT et monsieur [K] ont convenu que l’intégralité du montant de la clause pénale était acquise, prorogé le délai de réalisation de la condition suspensive jusqu’au 15 avril 2023 et ordonné au notaire de verser, à défaut de justification de l’obtention d’un emprunt par l’acquéreur au 15 avril 2023, l’intégralité du montant du dépôt de garantie au vendeur.
Le 16 mai 2023, le notaire a procédé au versement de cette somme.
Monsieur [K] n’ayant pas justifié de l’obtention de son prêt dans le délai imparti, la SCI LE MARQUISAT l’a fait assigner, par acte délivré le 13 novembre 2023, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de condamnation en paiement de la somme de 62 500 euros correspondant à l’indemnité contractuellement prévu dans le compromis de vente avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir ainsi que de dommages et intérêts.
Par conclusions spécialement adressées au juge de la mise en état le 24 septembre 2024, monsieur [K] a soulevé un incident de mise en état tendant à l’incompétence du tribunal judiciaire de Bordeaux, lequel a été audiencé le 3 décembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 24 septembre 2024, monsieur [O] [K] demande au juge de la mise en état de :
– déclarer le tribunal judiciaire de Bordeaux incompétent,
– condamner la SCI LE MARQUISAT aux dépens,
– condamner la SCI LE MARQUISAT à lui régler la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [O] [K] fait valoir que le contentieux de la clause pénale visant à obtenir le paiement, par le créancier, de dommages et intérêts, est une action personnelle et mobilière qui relève de la compétence du tribunal du lieu où demeure le défendeur, autrement dit en l’espèce, du tribunal de Fort de France.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2024, la SCI LE MARQUISAT demande au juge de la mise en état de :

– se déclarer compétent au titre de son action fondée sur le contrat du 21 mars 2023,
– le condamner au paiement des dépens de l’incident et à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de la compétence du tribunal de Bordeaux, la SCI LE MARQUISAT expose que le compromis de vente du 25 octobre 2022 est caduc en l’absence de la réalisation d’une de ses conditions suspensives, de sorte que sa demande de dommages et intérêts, qui se fonde sur le nouveau contrat conclu le 21 mars 2023, relève de l’article 46 du code de procédure civile prévoyant la compétence du lieu d’exécution de l’obligation de justification d’obtention du prêt.

MOTIVATION
Sur la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Bordeaux
L’article 789 1°) du code de procédure civile dispose que le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure.
L’exception d’incompétence constitue une exception de procédure.

En vertu de l’article 42 alinéa 1 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.
Toutefois, l’article 46 du même code prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
– en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ;
Ainsi, en matière contractuelle, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service.

En l’espèce, il ressort des termes de l’acte conclu le 21 mars 2023 que les parties ont entendu, par sa conclusion, “proroger le compromis de vente”, étant également précisé que “ces accords sont antérieurs au délai d’expiration de l’avant-contrat ainsi justifiés par les échanges entre les parties” et que “cette prorogation a lieu sans changement des autres conditions figurant dans l’acte”. Dès lors, au regard des termes employés, la convention conclue le 21 mars 2023 constitue un avenant de prorogation au compromis de vente immobilière qui n’a donc pas été frappé de caducité puisque la condition suspensive d’obtention d’une offre de prêt définitive a été repoussée au 15 avril 2023.
Or, si le présent litige est de nature contractuelle, l’option de compétence territoriale offerte au demandeur par application de l’article 46 du code de procédure civile invoquée par la SCI LE MARQUISAT ne concerne que les contrats impliquant la livraison d’une chose ou l’exécution d’une prestation de services qui puisse être localisée, et que tel n’est pas le cas du compromis de vente immobilière, ce qui n’est au demeurant pas contesté.

Ainsi, l’action du demandeur ne tendant qu’au paiement de l’indemnité prévue au titre de la clause pénale, elle doit s’analyser en une action personnelle et mobilière.

La juridiction territorialement compétente est donc celle du lieu où demeure le défendeur, à savoir le tribunal judiciaire de Fort de France puisque celui-ci est domicilié Résidence la Riviéra Quartier Morne Pavillon à LAMENTIN (97).

En conséquence, il convient de déclarer le tribunal judiciaire de Bordeaux territorialement incompétent au profit du tribunal judiciaire de Fort de France et de dire, conformément à l’article 82 du code de procédure civile, que le dossier lui sera transmis par le greffe à l’expiration du délai d’appel.

Sur les frais de la procédure d’incident

En application de l’article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées par application de l’article 700.

Dépens
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. […]

En l’espèce, la procédure poursuivant son cours devant le tribunal judiciaire de Fort de France, il convient de réserver les dépens.
Frais irrépétiblesEn application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : /1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; / […]/ Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. /Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. / […]
En l’espèce, les dépens étant réservés, il convient de débouter les parties de leurs demandes formées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, susceptible de recours selon les modalités de l’article 795 du code de procédure civile, prononcée par mise à disposition au greffe,
Déclare le tribunal judiciaire de Bordeaux incompétent pour statuer sur le litige engagé par la SCI LE MARQUISAT à l’encontre de monsieur [O] [K], au profit du tribunal judiciaire de Fort de France ;
Dit que conformément à l’article 82 du code de procédure civile, le dossier sera transmis par le greffe à la juridiction compétente à l’expiration du délai d’appel ;
Réserve les dépens ;
Déboute la SCI LE MARQUISAT et monsieur [O] [K] de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

La présente décision a été signée par Madame Myriam SAUNIER, Juge de la mise en état, et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ETAT,


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