Compétence territoriale et connexité des demandes en matière bancaire

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Compétence territoriale et connexité des demandes en matière bancaire

Compétence juridictionnelle

Le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, établit des règles précises sur la compétence des juridictions.

Selon l’article 4, paragraphe 1, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre peuvent être attraites devant les juridictions de cet État, quelle que soit leur nationalité.

L’article 5, paragraphe 1, précise que les personnes domiciliées dans un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées dans les sections 2 à 7 du chapitre II.

L’article 8, premièrement, permet d’assigner une personne domiciliée dans un État membre devant la juridiction du domicile de l’un des co-défendeurs, à condition que les demandes soient liées par un rapport étroit, afin d’éviter des décisions inconciliables.

Responsabilité des établissements financiers

Les établissements financiers ont des obligations de vigilance et de surveillance, notamment en vertu de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

Cette directive impose aux institutions financières de mettre en place des mesures adéquates pour détecter et prévenir les activités frauduleuses, ce qui inclut la responsabilité en cas de manquement à ces obligations.

Les actions en responsabilité intentées par les demandeurs, [B] [R] et [I] [N], reposent sur des allégations de manquements à ces obligations, ce qui engage la responsabilité des établissements concernés pour les pertes subies.

Dépens et frais irrépétibles

L’article 696, alinéa 1er, du code de procédure civile stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

L’article 700 du même code permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour les frais exposés et non compris dans les dépens.

Cette disposition vise à garantir que les frais engagés par la partie gagnante soient compensés, tenant compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

Les parties peuvent produire des justificatifs des sommes demandées, et la somme allouée ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.

L’Essentiel : Le règlement (UE) n° 1215/2012 établit des règles sur la compétence judiciaire. Selon l’article 4, paragraphe 1, les personnes domiciliées dans un État membre peuvent être attraites devant ses juridictions, quelle que soit leur nationalité. L’article 5, paragraphe 1, précise que l’assignation devant d’autres juridictions est soumise à des règles spécifiques. L’article 8 permet d’assigner une personne devant la juridiction du domicile d’un co-défendeur, à condition que les demandes soient liées par un rapport étroit.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un acheteur et une victime ont assigné plusieurs établissements bancaires, dont La Banque Postale, Boursorama Banque et Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria SA (BBVA), devant le tribunal judiciaire de Paris. Ils réclament une indemnisation pour un préjudice résultant d’opérations contestées sur leurs comptes bancaires. L’acheteur a effectué un virement de 68 900 euros sur le compte de sa concubine, qui a ensuite transféré cette somme sur un compte en Espagne ouvert à son nom dans les livres de la BBVA. Suite à des placements immobiliers conseillés par une société de conseil, l’acheteur a également transféré 30 000 euros, qui ont suivi le même chemin.

Ne recevant plus d’intérêts et ne parvenant pas à récupérer leurs fonds, l’acheteur a déposé une plainte pour escroquerie, tandis que la concubine a tenté de récupérer les fonds auprès de La Banque Postale, sans succès. La BBVA a soulevé des exceptions de nullité et d’incompétence territoriale, arguant que les juridictions espagnoles étaient compétentes.

Le juge de la mise en état a rendu une ordonnance qui a déclaré les demandeurs irrecevables dans certaines de leurs demandes, tout en rejetant les exceptions soulevées par la BBVA. Cette dernière a interjeté appel de la décision, contestée par les demandeurs qui soutiennent la compétence du tribunal judiciaire de Paris, invoquant un lien étroit entre les demandes contre les différentes banques.

La cour d’appel a confirmé l’ordonnance du juge de première instance, rejetant l’exception d’incompétence de la BBVA et condamnant cette dernière à payer des frais irrépétibles aux demandeurs. La cour a également statué sur les dépens, confirmant ainsi la compétence du tribunal français pour traiter l’affaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la compétence territoriale dans cette affaire ?

La compétence territoriale est régie par le Règlement Bruxelles 1 Bis, notamment par l’article 4, paragraphe premier, qui stipule que « les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

De plus, l’article 5, paragraphe premier, précise que « les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre. »

Dans cette affaire, les demandeurs, en l’occurrence un acheteur et une victime, invoquent l’article 8, qui permet d’assigner un défendeur devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées par un rapport étroit.

Ainsi, la cour a retenu que les actions en responsabilité intentées par les demandeurs sont connexes, justifiant la compétence du tribunal judiciaire de Paris.

Quel est le rôle de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette décision ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria a été condamnée à payer une somme de 1 000 euros aux demandeurs au titre de cet article.

Cette somme est destinée à couvrir les frais irrépétibles, c’est-à-dire les frais qui ne sont pas inclus dans les dépens, et qui ont été engagés par les demandeurs dans le cadre de la procédure.

Le juge a également pris en compte l’équité et la situation économique de la partie condamnée, ce qui est une prérogative prévue par l’article 700.

Quel est l’impact de l’exception d’incompétence soulevée par la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria ?

L’exception d’incompétence soulevée par la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria a été rejetée par le juge, qui a confirmé la compétence du tribunal judiciaire de Paris.

Cette décision repose sur l’article 74 du Code de procédure civile, qui permet de soulever une exception d’incompétence territoriale.

La cour a considéré que les demandes des demandeurs étaient suffisamment liées aux actions des différentes sociétés, justifiant ainsi le maintien de la compétence du tribunal français.

Le juge a également noté que les actions en responsabilité étaient connexes, ce qui est essentiel pour éviter des décisions inconciliables, conformément à l’article 8 du Règlement Bruxelles 1 Bis.

Quel est le lien entre les demandes des parties et la directive européenne sur la prévention du blanchiment d’argent ?

Les demandeurs invoquent des manquements à leurs obligations de surveillance et de vigilance, en se référant à la directive n° 2005/60 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005.

Cette directive vise à prévenir l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

Les demandeurs soutiennent que les sociétés impliquées, y compris la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria, ont failli à leurs obligations en permettant des virements suspects sur des comptes ouverts par une société frauduleuse.

Ainsi, les demandes des parties sont fondées sur des faits qui relèvent de la même situation de fait et de droit, ce qui renforce la nécessité de juger ces affaires ensemble pour éviter des solutions contradictoires.

La cour a donc pris en compte ce lien pour justifier la compétence du tribunal judiciaire de Paris.

RÉPUBLIQUE FRAN’AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRÊT DU 12 MARS 2025

ARRÊT SUR COMPÉTENCE

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/12801 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJYHC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Mai 2024 – Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris 9ème chambre 3ème section – RG n° 23/09568

APPELANTE

Société BANCO [Localité 7] VIZCAYA ARGENTARIA SOCIEDAD ANONIMA société de droit espagnol, immatriculée au registre du commerce de Vizcaya sous le numéro 000008526, EUID : ES48001.000008526, Tomo 2.083, Folio1, Hoja BI-17-A

[Adresse 12]

[Localité 7] (Espagne)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de Paris, toque : C2477

INTIMÉS

Monsieur [B], [F] [R]

né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Madame [I] [N]

née le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 13]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Virginie LARCHERON de la SELARLU LARCHERON LAW, avocat au barreau de Paris, toque : D1802

S.A. LA BANQUE POSTALE

[Adresse 2]

[Localité 8]

N° SIREN : 421 100 645

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

non constituée (signification de l’assignation à jour fixe en date du 27 septembre 2024 – procès-verbal de remise à personne morale en date du 27 septembre 2024)

S.A. BOURSORAMA

[Adresse 6]

[Localité 9]

N° SIREN : 351 058 151

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud-Gilbert RICHARD de la SAS RICHARD ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : B1070

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président de chambre

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. Vincent BRAUD dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par actes des 11 et 17 juillet 2023, [B] [R] et [I] [N] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Paris les sociétés La Banque postale, Boursorama Banque et Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria SA (ci-après « BBVA ») aux fins notamment d’obtenir l’indemnisation de leur préjudice consécutif à des opérations contestées et effectuées par l’intermédiaire de leurs comptes bancaires.

Ils exposent qu’en vue de réaliser un placement immobilier conseillé par la société Compagnie financière européenne (C. F. E.), [B] [R] a procédé le 6 septembre 2022 à un virement de son compte Boursorama au crédit du compte de sa concubine, [I] [N], auprès de la Banque postale d’un montant de 68 900 euros, avant que [I] [N] ne procède elle-même le 9 septembre suivant au virement de cette somme sur un compte bancaire ouvert en Espagne au nom de [B] [R] dans les livres de la BBVA.

La C. F. E. ayant versé en octobre et novembre 2022 les intérêts mensuels contractuellement prévus, [B] [R] a souscrit à un autre placement proposé par cette société et a derechef procédé le 21 octobre 2022 à un virement de 30 000 euros sur le compte de [I] [N] ouvert à la Banque postale, avant que [I] [N] ne vire cette somme le 25 octobre suivant sur un compte ouvert à la BBVA au nom de son concubin.

Ne percevant plus d’intérêts et ne parvenant pas à récupérer les sommes investies, [B] [R] a déposé une plainte pour escroquerie le 5 décembre 2022. [I] [N] a demandé le retour des fonds auprès de la Banque postale, en vain.

La société BBVA a régularisé devant le juge de la mise en état des conclusions d’incident soulevant une exception de nullité de l’assignation, ainsi qu’une exception d’incompétence territoriale au profit des juridictions espagnoles.

Par ordonnance contradictoire en date du 17 mai 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

Déclaré [B] [R] et [I] [N] irrecevables en leurs demandes tendant que soit ordonné le retrait des conclusions d’incident no 1 de la société BBVA de toutes références faites aux décisions numéros 12 à 15 et 20 à 25 aux pages 8 à 17, et écartées des débats les décisions de jurisprudences citées portant les numéros 12 à 15 et 20 à 25 ;

‘ Déclaré la société BBVA SA recevable en ses exceptions de nullité et d’incompétence ;

‘ Rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la société BBVA SA ;

‘ Rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société BBVA SA ;

‘ Rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 28 juin 2024 pour les conclusions de la société BBVA SA avant le 7 juin 2024 et réplique des demandeurs ;

‘ Rejeté le surplus des demandes ;

‘ Réservé les dépens.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 17 juillet 2024, la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria Sociedad Anonima a interjeté appel de cette décision contre toutes les autres parties, en ce que l’ordonnance attaquée a statué sur les chefs suivants : – « REJETTE l’exception d’incompétence soulevée par la société BBVA SA » ; – « REJETTE les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile », mais uniquement lorsqu’elle rejette la demande de la société BANCO [Localité 7] VIZCAYA ARGENTARIA SOCIEDAD ANONIMA ; – « RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état du 28 juin 2024 pour les conclusions de la société BBVA SA avant le 7 juin 2024 et réplique des demandeurs » ; – « REJETTE le surplus des demandes » mais uniquement lorsqu’elle rejette les demandes de la société BANCO [Localité 7] VIZCAYA ARGENTARIA SOCIEDAD ANONIMA ; – « RESERVE les dépens ».

Par ordonnance du délégué du premier président de la cour d’appel de Paris en date du 9 septembre 2024, la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria Sociedad Anonima a été autorisée à assigner [B] [R], [I] [N], les sociétés La Banque postale et Boursorama pour l’audience du 14 janvier 2025.

Par exploits en date du 27 septembre 2024, la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria Sociedad Anonima a assigné [B] [R], [I] [N], et les sociétés La Banque postale et Boursorama.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 17 juillet 2024, la société espagnole Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria Sociedad Anonima demande à la cour de :

– DECLARER la société BBVA recevable et bien fondée en son appel de l’ordonnance rendue le 17 mai 2024 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris

Y faisant droit,

– INFIRMER l’ordonnance susvisée et datée en ce qu’elle a :

‘ REJETÉ l’exception d’incompétence au profit du tribunal matériellement compétent du ressort de Bilbao (Espagne) ;

‘ REJETÉ les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile mais uniquement lorsqu’elle rejette la demande de la société BANCO [Localité 7] VIZCAYA ARGENTARIA SOCIEDAD ANONIMA ;

‘ RESERVE les dépens.

ET STATUANT A NOUVEAU :

A titre principal,

– CONSTATER qu’au regard des textes de droit français et européen et en particulier du Règlement Bruxelles 1 Bis, la juridiction territorialement compétente en l’espèce pour statuer sur les demandes formulées par les Demandeurs à l’encontre de BBVA n’est pas le Tribunal judiciaire de Paris mais le tribunal matériellement compétent en première instance du ressort de Bilbao (Espagne) ;

En conséquence :

– RECEVOIR l’exception d’incompétence territoriale soulevée par BBVA en application de l’article 74 du Code de procédure civile ;

– RENVOYER Monsieur [B] [R] et Madame [I] [N] à mieux se pourvoir devant le tribunal matériellement compétent en première instance du ressort de Bilbao (Espagne).

En tout état de cause :

– DEBOUTER Monsieur [B] [R] et Madame [I] [N] de tous leurs moyens et de toutes leurs demandes en ce qu’ils sont dirigés à l’encontre de la société BBVA.

– CONDAMNER Monsieur [B] [R] et Madame [I] [N] à payer à BBVA la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’au remboursement intégral des frais de traduction ;

– CONDAMNER Monsieur [B] [R] Madame [I] [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 2 octobre 2024, [B] [R] et [I] [N] demandent à la cour de :

CONFIRMER en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris du 17 mai 2024, en ce qu’elle a :

JUGER qu’en application de l’article 8-1° du Règlement UE n°1215 du 12 décembre 2012, Madame [I] [N] et Monsieur [B] [R] justifient que les demandes formées contre les sociétés BOURSORAMA BANQUE, LA BANQUE POSTALE et BBVA PRIVATE BANKING, sont liées entre elles par un rapport étroit dans la situation de fait et de droit et d’un risque de décisions inconciliables en cas d’absence d’unicité de juridiction saisie,

En conséquence :

REJETER l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la société BBVA PRIVATE BANKING au regard de l’article 8-1 du Règlement UE n°1215 du 12 décembre 2012,

DECLARER le Tribunal Judiciaire de PARIS compétent ratione loci pour juger l’ensemble des demandes formulées par Madame [I] [N] et Monsieur [B] [R] à l’encontre des sociétés BOURSORAMA BANQUE, LA BANQUE POSTALE et BBVA PRIVATE BANKING,

CONDAMNER la société BBVA PRIVATE BANKING à payer à Madame [I] [N] et Monsieur [B] [R] une somme de 3.000 euros (TROIS MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du CPC,

CONDAMNER la société BBVA PRIVATE BANKING aux entiers dépens de première instance

et d’appel.

La société anonyme Boursorama a constitué avocat mais ne conclut pas.

La société anonyme La Banque postale, assignée à personne, n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé à l’ordonnance déférée et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

CELA EXPOSÉ,

Sur la compétence :

L’ordonnance frappée d’appel n’est pas critiquée en ce qu’elle statue sur la compétence par application du règlement no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Aux termes de l’article 4, paragraphe premier, du chapitre II Compétence dudit règlement, sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

Aux termes de l’article 5, paragraphe premier, du chapitre II Compétence dudit règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.

[B] [R] et [I] [N] se prévalent de la compétence du tribunal judiciaire de Paris pour connaître de leurs demandes dirigées contre la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria Sociedad Anonima, sur le fondement, notamment, de l’article 8, premièrement, de la section 2 Compétences spéciales du chapitre II du règlement susdit, aux termes duquel une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite, s’il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

La société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria Sociedad Anonima, qui a son siège à [Localité 7], en Espagne, conteste l’application de ce texte au motif que les conditions n’en sont pas remplies car :

‘ la présence de plusieurs défendeurs n’entraîne pas de risque d’inconciliabilité des décisions ;

‘ les défenderesses ne sont pas dans une même situation de fait parce qu’elles ont agi de manière indépendante et non concertée, et que l’appréciation du respect de leurs obligations se fondera sur des éléments de fait différents ;

‘ les défenderesses ne sont pas dans une même situation de droit parce qu’elles sont soumises à des corpus réglementaires nationaux différents, et que leur responsabilité est de nature délictuelle pour la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria et contractuelle pour les autres ;

‘ la compétence des juridictions françaises ne présente pas pour l’appelante un haut degré de prévisibilité au regard des éléments de rattachement à l’Espagne.

En l’occurrence, ainsi que l’a exactement retenu le premier juge, [B] [R] et [I] [N] ont assigné en responsabilité notamment les sociétés La Banque postale, sise à [Localité 11], et Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria, en ce qu’elles ont concouru à la réalisation d’un même dommage, soit la perte des fonds investis en septembre et octobre 2022, par deux virements effectués sur des comptes ouverts par une société fraudeuse. Ils invoquent contre elles des manquements à leurs obligations de surveillance et de vigilance issues notamment de la directive no 2005/60 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de sorte que les demandes, qui se rapportent aux mêmes faits et qui tendent à des fins identiques, posent des questions communes qui appellent des réponses coordonnées, notamment sur la matérialité et l’étendue du préjudice, l’analyse des causes du dommage et la part de responsabilité éventuelle de chaque société. Par ailleurs, la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria, qui avait ouvert dans ses livres des comptes à des sociétés ayant usurpé l’identité de la C. F. E. (pièce no 21 intimés), et recevant des virements en provenance de France susceptibles d’avoir un caractère frauduleux, pouvait s’attendre à être attraite devant les juridictions françaises.

Il s’en déduit que les actions en responsabilité intentées par [B] [R] et [I] [N] sont connexes en ce qu’elles s’inscrivent dans une même situation de fait et de droit et que, pour éviter tout risque d’inconciliabilité des solutions, il y a lieu de les juger ensemble, peu important que les demandes soient éventuellement fondées sur des lois différentes (1re Civ., 26 sept. 2012, no 11-26.022 ; 17 fév. 2021, no 19-17.345). Sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen pris de l’article 7, deuxièmement, du règlement susdit, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle écarte l’exception d’incompétence.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’appelante en supportera donc la charge.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1o À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2o Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.

Sur ce fondement, la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria sera condamnée à payer à [B] [R] et [I] [N] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

CONFIRME l’ordonnance ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria Sociedad Anonima à payer à [B] [R] et [I] [N], ensemble, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Banco [Localité 7] Vizcaya Argentaria Sociedad Anonima aux dépens d’appel ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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