CJUE, 3 février 2021
CJUE, 3 février 2021
Type de juridiction : CJUE Juridiction : CJUE Thématique : Accès à la publicité audiovisuelle régionale

Résumé

La CJUE souligne que l’interdiction de diffuser de la publicité régionale par les organismes de radiodiffusion nationaux privés n’est pas contraire à la liberté d’expression. Cette mesure vise à protéger le financement des diffuseurs régionaux, garantissant ainsi leur pérennité et leur contribution au pluralisme des médias. En équilibrant la liberté d’expression commerciale et la nécessité de préserver une offre télévisuelle diversifiée, cette restriction peut être justifiée par un objectif d’intérêt général. Elle doit répondre à des raisons impérieuses et ne pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Selon la CJUE, si la liberté des médias dont bénéficient les organismes de radiodiffusion télévisuelle nationaux privés et non subventionnés est limitée en ce qu’il leur est interdit de diffuser de la publicité régionale dans le cadre de la diffusion de programmes à portée nationale, il ne s’agit que d’une méthode de diffusion de publicité et, partant, que d’une source de revenus parmi d’autres pour ces opérateurs. Cette interdiction n’est pas contraire à la liberté d’expression.

Protection des diffuseurs locaux

Cette interdiction est légale dès lors qu’elle vise à réserver les recettes de la publicité télévisée régionale aux organismes de radiodiffusion télévisuelle régionaux et locaux en vue d’assurer leur financement et, partant, leur pérennité, afin de leur permettre de contribuer au caractère pluraliste de l’offre des programmes de télévision par la voie de la fourniture de contenus à caractère régional et local. Cet objectif, en ce qu’il vise la protection du pluralisme des médias à l’échelle régionale et locale, constitue un objectif d’intérêt général.

Restriction à la liberté d’expression

Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’article 10, paragraphe 2, de la CEDH que les autorités nationales jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de l’existence d’un besoin social impérieux susceptible de justifier une restriction à la liberté d’expression. Selon cette jurisprudence, ceci est particulièrement indispensable en matière commerciale et spécialement dans un domaine aussi complexe et fluctuant que la publicité (arrêt du 23 octobre 2003, RTL Television, C-245/01).

Mise en balance de libertés

L’interdiction de publicité régionale procède essentiellement d’une mise en balance entre, d’une part, la liberté d’expression à caractère commercial des organismes de radiodiffusion télévisuelle nationaux et des annonceurs de diffuser de la publicité télévisée régionale dans le cadre de programmes destinés à l’ensemble des téléspectateurs nationaux, et, d’autre part, la protection du pluralisme des médias à l’échelle régionale et locale auquel les organismes de radiodiffusion télévisuelle régionaux et locaux ne peuvent contribuer que si leur financement et, partant, leur pérennité sont assurés en leur réservant des revenus suffisants provenant de la publicité régionale.

Restriction à la libre prestation de services justifiée

Une mesure nationale qui interdit aux organismes de radiodiffusion télévisuelle de diffuser dans le cadre de leurs programmes nationaux de la publicité télévisée régionale au profit, notamment, d’annonceurs établis dans d’autres États membres, comporte une restriction à la libre prestation de services au détriment tant des fournisseurs de services publicitaires que sont ces organismes de radiodiffusion télévisuelle que des destinataires de ces services que sont lesdits annonceurs désireux de promouvoir leurs produits ou services dans un autre État membre, tout en limitant cette promotion à un niveau régional (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 1999, ARD, C-6/98, EU:C:1999:532, point 49, et du 17 juillet 2008, Corporación Dermoestética, C-500/06, EU:C:2008:421, point 33).

Cette entrave à la libre prestation de services peut toutefois être justifiée par un objectif légitime, à savoir, réserver les recettes de la publicité télévisée régionale aux organismes de radiodiffusion télévisuelle régionaux et locaux en leur assurant ainsi une source de financement et, partant, leur pérennité, afin de leur permettre de contribuer au caractère pluraliste de l’offre des programmes de télévision par la voie de la fourniture de contenus à caractère régional et local.

Cette restriction ne peut être admise qu’à la condition que la mesure nationale en cause réponde à une raison impérieuse d’intérêt général, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir en ce sens, notamment, arrêts du 4 mai 2017, Vanderborght, C-339/15, EU:C:2017:335, point 65, et du 11 décembre 2019, TV Play Baltic, C-87/19, EU:C:2019:1063, point 37).

La préservation du caractère pluraliste de l’offre des programmes de télévision qu’entend garantir une politique culturelle peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une restriction à la libre prestation de services (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium e.a., C-250/06, EU:C:2007:783, points 41 et 42, ainsi que du 22 décembre 2008, Kabel Deutschland Vertrieb und Service, C-336/07, EU:C:2008:765, points 37 et 38).

 

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