CJUE, 22 juin 2021
CJUE, 22 juin 2021
Type de juridiction : CJUE Juridiction : CJUE Thématique : Publicité des médicaments non soumis à prescription médicale

Résumé

La réglementation de la publicité pour les médicaments non soumis à prescription médicale est essentielle pour protéger la santé publique. En effet, une publicité mal orientée peut inciter les consommateurs à acheter et consommer ces médicaments sans évaluation objective de leur nécessité. Cela peut mener à une utilisation excessive et irrationnelle, compromettant ainsi la santé des individus. La directive 2001/83 définit la publicité pour les médicaments de manière large, englobant toute forme d’incitation à leur consommation. Par conséquent, même des promotions sur des médicaments indéterminés doivent être soumises à des restrictions pour éviter des conséquences néfastes sur la santé.

Il est loisible au législateur de réglementer strictement la publicité des médicaments non soumis à prescription médicale ni remboursables en fonction d’un critère économique lié au prix de ces médicaments (interdiction des soldes, rabais, opérations commerciales …).

En effet, ces médicaments sont susceptibles de conduire les consommateurs à acheter et à consommer lesdits médicaments sans qu’il ait été procédé à une évaluation objective fondée sur les propriétés thérapeutiques de ces derniers et sur des besoins médicaux concrets.

Or, une publicité qui détourne le consommateur de l’évaluation objective de la nécessité de prendre un médicament encourage l’utilisation irrationnelle et excessive de ce médicament (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007, Gintec, C-374/05, EU:C:2007:654, point 56).

Notion de publicité pour les médicaments

L’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 définit la notion de « publicité pour des médicaments » comme « toute forme de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments ».

Cette disposition n’opérant aucun renvoi aux droits nationaux, cette notion doit être considérée comme étant une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière, en tenant compte non seulement des termes de ladite disposition, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C-872/19 P, EU:C:2021:507, point 42 et jurisprudence citée].

Opérations sur les prix : une forme de publicité

La diffusion d’informations qui encouragent l’achat de médicaments en justifiant la nécessité d’un tel achat par le prix de ces médicaments, en annonçant une vente spéciale ou en indiquant que lesdits médicaments sont vendus avec d’autres médicaments, y compris à un prix réduit, ou d’autres produits, relève de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition, même lorsque ces informations visent non pas un médicament déterminé, mais des médicaments indéterminés.

Publicité pour des médicaments : une interprétation extensible

En ce qui concerne, en premier lieu, les termes de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83, il importe de relever que cette disposition fait systématiquement référence aux « médicaments » au pluriel. En outre, la notion de « publicité pour des médicaments » est définie, dans ladite disposition, de manière très large, comme couvrant « toute forme » de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation, y compris, notamment, la « publicité pour les médicaments auprès du public », qui n’est pas expressément exclue par l’article 86, paragraphe 2, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2011, MSD Sharp & Dohme, C-316/09, EU:C:2011:275, point 29).

Dans ces conditions, il ne saurait être déduit des termes de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 que la publicité pour des médicaments indéterminés serait exclue de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition.

Concernant, en deuxième lieu, le contexte dans lequel l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 s’inscrit, il y a lieu de relever que, parmi les dispositions des titres VIII et VIII bis de cette directive, certaines font référence à la publicité pour « des médicaments », suggérant ainsi que cette publicité peut concerner des médicaments indéterminés, tandis que d’autres se réfèrent à la publicité faite à l’égard d’« un médicament ».

Cependant, s’agissant, d’une part, des dispositions du titre VIII de la directive 2001/83, à savoir celles figurant aux articles 86 à 88 de cette directive, ces dispositions énoncent les règles générales et fondamentales relatives à la publicité pour les médicaments (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2011, Novo Nordisk, C-249/09, EU:C:2011:272, points 22, 24 et 25).

Ces dispositions ont vocation à s’appliquer à toute action visant à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments.

Ainsi, même si, contrairement à l’article 88 de ladite directive, l’article 87 de celle-ci se réfère textuellement à la publicité faite à l’égard d’« un médicament », cet article 87 a déjà été interprété par la Cour en ce sens qu’il comporte des principes généraux s’appliquant à tous les types et éléments de publicité pour les médicaments (arrêt du 5 mai 2011, Novo Nordisk, C-249/09, EU:C:2011:272, point 25 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007, Gintec, C-374/05, EU:C:2007:654, points 51 et 55).

D’autre part, quant aux dispositions figurant sous le titre VIII bis de la directive 2001/83, il est vrai que les articles 89 et 90 de celle-ci, qui prévoient des règles spécifiques applicables à la publicité auprès du public, se réfèrent à « un médicament », au singulier, et que, comme le relève la juridiction de renvoi, l’article 89, paragraphe 1, sous b), premier tiret, de cette directive dispose qu’une telle publicité doit comporter au moins le nom du médicament.

Toutefois, l’article 89, paragraphe 1, de ladite directive prévoit qu’il s’applique sans préjudice de l’article 88 de celle-ci.

La circonstance que les règles spécifiques contenues aux articles 89 et 90 de la même directive portent sur la publicité pour un médicament déterminé n’est pas de nature à remettre en cause la définition très large de la notion de « publicité pour des médicaments » contenue à l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 ni la portée générale des règles énoncées aux articles 86 à 88 de cette directive.

Il ne saurait dès lors être déduit de l’article 89 de ladite directive que la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de l’article 86, paragraphe 1, de la même directive, doit être comprise comme couvrant uniquement la publicité faite à l’égard d’un médicament déterminé.

Sauvegarde de la santé publique

En ce qui concerne, en troisième lieu, les finalités poursuivies par la directive 2001/83, il ressort du considérant 2 de celle-ci qu’elle a pour objectif essentiel de sauvegarder la santé publique.

À cet égard, la Cour a déjà jugé que la publicité pour des médicaments est susceptible de nuire à la santé publique (arrêt du 5 mai 2011, Novo Nordisk, C-249/09, EU:C:2011:272, point 32 et jurisprudence citée), au vu des conséquences graves pour la santé qui peuvent découler d’un mauvais usage ou d’une surconsommation de médicaments soumis à prescription médicale (arrêt du 5 mai 2011, MSD Sharp & Dohme, C-316/09, EU:C:2011:275, point 30) et des risques qui peuvent également s’attacher à une utilisation excessive ou inconsidérée de médicaments non soumis à prescription médicale [voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, A (Publicité et vente de médicaments en ligne), C-649/18, EU:C:2020:764, points 80 et 94].

Il convient, en effet, de souligner le caractère très particulier des médicaments, dont les effets thérapeutiques les distinguent substantiellement des autres marchandises (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C-222/18, EU:C:2019:751, point 73 et jurisprudence citée).

Ces effets thérapeutiques ont pour conséquence que, si des médicaments sont consommés sans nécessité ou de manière incorrecte, ils peuvent gravement nuire à la santé, sans que le patient soit en mesure d’en prendre conscience lors de leur administration. Une surconsommation ou une utilisation incorrecte de médicaments entraîne, par ailleurs, des risques pour l’équilibre financier des systèmes nationaux de sécurité sociale (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a., C-171/07 et C-172/07, EU:C:2009:316, points 32 et 33).

C’est ainsi que, d’une part, l’article 87, paragraphe 1, et l’article 88, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/83 interdisent, sans exception, respectivement toute publicité faite à l’égard d’un médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché conforme au droit de l’Union n’a pas été délivrée et toute publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale et que, d’autre part, l’article 88, paragraphe 3, de cette directive permet aux États membres d’interdire sur leur territoire la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments qui sont remboursables.

De même, répond à l’objectif essentiel de sauvegarde de la santé publique l’article 88, paragraphe 2, de ladite directive, lu à la lumière du considérant 45 de celle-ci, selon lequel la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments non soumis à prescription médicale est autorisée, sous réserve du respect des conditions et des restrictions prévues par la même directive (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C-322/01, EU:C:2003:664, point 109, et du 11 juin 2020, ratiopharm, C-786/18, EU:C:2020:459, point 40), cette publicité étant, ainsi qu’il résulte de ce considérant 45, susceptible d’affecter la santé publique si elle est excessive et inconsidérée.

Or, l’objectif essentiel de sauvegarde de la santé publique serait largement compromis si l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2001/83 était interprété en ce sens qu’une activité de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation visant à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments sans faire référence à un médicament déterminé ne relève pas de la notion de « publicité pour des médicaments », au sens de cette disposition, et, partant, échappe aux interdictions, aux conditions et aux restrictions prévues par cette directive en matière de publicité.

En effet, dans la mesure où une publicité pour des médicaments indéterminés, telle qu’une publicité visant toute une classe de médicaments destinés à traiter la même pathologie, peut également concerner des médicaments soumis à prescription médicale ou des médicaments remboursables, l’exclusion d’une telle publicité du champ d’application des dispositions de la directive 2001/83 en matière de publicité reviendrait à priver largement de leur effet utile les interdictions édictées à l’article 88, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, de cette directive, en ce qu’elle ferait échapper à ces interdictions toute publicité ne visant pas spécifiquement un médicament relevant de cette classe.

Une publicité faite à l’égard d’un ensemble indéterminé de médicaments non soumis à prescription médicale, telle qu’une publicité visant toute la gamme des médicaments disponibles à la vente dans une pharmacie, peut, au même titre qu’une publicité faite à l’égard d’un seul médicament déterminé, être excessive et inconsidérée et, dès lors, nuire à la santé publique, en incitant les consommateurs à une utilisation irrationnelle ou à une surconsommation des médicaments concernés.

 

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