Atteinte à la vie privée et droit à l’image : enjeux et réparations.

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Atteinte à la vie privée et droit à l’image : enjeux et réparations.

L’Essentiel : Le 27 août 2024, [V] [X] a assigné la société du Figaro pour atteinte à ses droits de la personnalité, suite à un article publié le 3 juillet 2024. Elle a demandé 4 000 euros pour atteinte à sa vie privée, 6 000 euros pour atteinte à son image, ainsi que le retrait de l’article. Le tribunal a conclu que l’article ne relevait pas d’un débat d’intérêt général et a reconnu le préjudice moral subi par [V] [X], lui allouant 5 330 euros au total. La demande de retrait de l’article a été jugée disproportionnée.

Contexte de l’affaire

Le 27 août 2024, [V] [X] a assigné la société du Figaro en justice pour obtenir réparation suite à la publication d’un article sur son site Internet, daté du 3 juillet 2024, qui portait atteinte à ses droits de la personnalité. L’article en question, intitulé “[K] [X] et [T] [O] : leur sortie parisienne qui fait déjà parler”, relatait un moment de détente entre [V] [X] et [T] [O] sans son consentement.

Demandes de la demanderesse

Lors de l’audience, [V] [X] a formulé plusieurs demandes, incluant le versement de 4 000 euros pour atteinte à sa vie privée, 6 000 euros pour atteinte à son image, le retrait de l’article et son déréférencement de Google, ainsi qu’une indemnité de procédure de 3 000 euros. Elle a également demandé que la décision soit exécutée provisoirement.

Réponse de la société du Figaro

La société du Figaro a contesté les demandes de [V] [X], demandant son déboutement et la condamnation de cette dernière aux dépens. Elle a soutenu que l’article ne portait pas atteinte à la vie privée de [V] [X] et que les informations publiées étaient d’intérêt public.

Analyse des atteintes aux droits de la personnalité

Le tribunal a examiné les atteintes aux droits de la personnalité, en se basant sur les articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et 9 du code civil. Il a conclu que l’article ne contribuait pas à un débat d’intérêt général et que les informations divulguées relevaient de la vie privée de [V] [X], sans qu’elle ait donné son consentement.

Évaluation du préjudice

Le tribunal a évalué le préjudice moral subi par [V] [X] en tenant compte de la nature des atteintes, du ton neutre de l’article, et de l’ampleur de sa diffusion. Il a décidé d’allouer 1 500 euros pour l’atteinte à sa vie privée et 1 500 euros pour l’atteinte à son image.

Demande de retrait de l’article

La demande de [V] [X] de retirer l’article et de le déréférencer a été jugée disproportionnée par le tribunal, qui a estimé que son préjudice était suffisamment réparé par les dommages et intérêts accordés.

Décision finale

Le tribunal a condamné la société du Figaro à verser un total de 5 330 euros à [V] [X], incluant les indemnités provisionnelles et les frais de justice. La décision a été rendue exécutoire par provision, et la société du Figaro a été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les atteintes aux droits de la personnalité reconnues dans cette affaire ?

La jurisprudence en matière de droits de la personnalité, notamment en ce qui concerne la vie privée et le droit à l’image, est régie par l’article 9 du Code civil et l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’article 9 du Code civil stipule que :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée. »

Cet article garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée, indépendamment de sa notoriété ou de sa fortune.

De plus, l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme précise que :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »

Dans le cas présent, il a été établi que la publication d’un article sur la vie privée de [V] [X], ainsi que l’utilisation de photographies la représentant dans un moment de détente, constituent une atteinte à son droit au respect de sa vie privée.

Les éléments de l’article, qui décrivent des détails sur un dîner partagé avec [T] [O], sans que [V] [X] ait donné son consentement, renforcent cette atteinte.

Il est également important de noter que la société du Figaro n’a pas démontré que l’intéressée avait autorisé la diffusion de ces informations, ce qui constitue une violation manifeste de ses droits.

Comment le juge a-t-il évalué le préjudice moral subi par [V] [X] ?

L’évaluation du préjudice moral est une question délicate qui repose sur plusieurs critères, comme le souligne la jurisprudence.

L’article 835, alinéa 2, du Code de procédure civile stipule que :

« Le juge peut, en référé, ordonner toutes mesures propres à faire cesser une atteinte à un droit. »

En l’espèce, le juge a pris en compte plusieurs éléments pour apprécier l’étendue du préjudice moral subi par [V] [X].

Il a considéré la nature des atteintes, le ton neutre de l’article, et l’ampleur de l’exposition des atteintes sur le site Internet.

Le juge a également noté que l’article n’était accessible qu’après plusieurs clics sur le site, ce qui limite son exposition.

Cependant, le recours à des photographies volées a été jugé comme un facteur aggravant, car cela constitue une intrusion dans la vie privée de [V] [X].

Ainsi, le juge a décidé d’allouer une indemnité provisionnelle de 1 500 euros pour le préjudice moral lié à l’atteinte à sa vie privée, et une somme équivalente pour l’atteinte à son droit à l’image.

Quelles sont les implications de la décision concernant la liberté d’expression ?

La décision rendue par le juge des référés soulève des questions importantes concernant la liberté d’expression, qui est protégée par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.

Cet article stipule que :

« Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations et des idées sans ingérence d’autorités publiques. »

Cependant, cette liberté n’est pas absolue et peut être soumise à des restrictions, notamment pour protéger la vie privée des individus.

Dans cette affaire, le juge a dû trouver un équilibre entre la liberté d’expression de la société du Figaro et le droit de [V] [X] au respect de sa vie privée.

Il a conclu que la publication de l’article ne contribuait pas à un débat d’intérêt général, mais relevait plutôt de la presse à sensation, ce qui justifie une protection plus forte des droits de la personnalité.

Ainsi, la demande de retrait de l’article et de déréférencement auprès de Google a été jugée disproportionnée, car le préjudice de [V] [X] était déjà réparé par l’allocation de dommages et intérêts.

Cette décision souligne l’importance de respecter les droits individuels, même dans le cadre de la liberté d’expression.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 16 JANVIER 2025

N° RG 24/01987 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZXEQ

N° de minute :

Madame [V] [X]

c/

S.A.S. SOCIETE DU FIGARO

DEMANDERESSE

Madame [V] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Vincent TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0859

DEFENDERESSE

S.A.S. SOCIETE DU FIGARO
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Florent DESARNAUTS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0738

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidente : Alix FLEURIET, Vice-présidente, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffière : Divine KAYOULOUD ROSE, Greffière,

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 10 octobre 2024, avons mis l’affaire en délibéré au 12 décembre 2024 prorogé à ce jour.

Faits et procédure

Par acte introductif d’instance du 27 août 2024, [V] [X] a fait assigner la société du Figaro, éditrice du site Internet accessible à l’adresse , afin d’obtenir réparation d’atteintes aux droits de la personnalité qu’elle estime avoir subies du fait de la mise en ligne sur ce site Internet, le 3 juillet 2024, d’un article la concernant intitulé “[K] [X] et [T] [O] : leur sortie parisienne qui fait déjà parler”.

Aux termes de son assignation, développée oralement à l’audience, [V] [X] demande au juge des référés, au visa des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de :

– condamner la société du Figaro à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels du fait de la violation de sa vie privée ;

– condamner la société du Figaro à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels du fait de la violation du droit dont elle dispose sur son image ;

– ordonner le retrait de tous les réseaux de diffusion de l’article intitulé “[K] [X] et [T] [O] : leur sortie parisienne qui fait déjà parler”du site et son déréférencement auprès de Google avec injonction d’avoir à en justifier dans les 15 jours de la signification de la décision à venir ;

– condamner la société du Figaro à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à lui rembourser le procès-verbal de constat du 12 juillet 2024 pour un montant de 330 euros ;

– condamner la société du Figaro aux dépens, avec droit de recouvrement direct à Me Vincent Tolédano ;

– rappeler l’exécution provisoire de la présente décision.

Aux termes de ses écritures, notifiées par la voie électronique le 8 octobre 2024 et développées oralement, la société du Figaro demande au juge des référés de :

– débouter [V] [X] de ses demandes ;

– ne lui allouer d’autre réparation que de principe ;

– la condamner aux dépens, ainsi qu’à payer lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance sera contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La publication litigieuse

Il était établi par la production d’un constat d’huissier en ligne réalisé le 12 juillet 2024 que la société du Figaro a publié, le 3 juillet 2024, sur le site Internet accessible à l’adresse un article intitulé “[K] [X] et [T] [O] : leur sortie parisienne qui fait déjà parler”, ayant pour chapô “L’actrice et l’humoriste ont été photographiés ensemble à la sortie d’un restaurant de la capitale, le vendredi 28 juin”, et rédigé comme suit : “Ils ont été aperçus ensemble à la sortie du restaurant [5], à [Localité 6], le vendredi 28 juin. [V] [X] et [T] [O] ont en effet été photographiés côte à côte après “un dîner tardif” selon l’agence Backgrid USA, au sein de l’établissement. “Tous deux auraient quitté leur table vers 2 heures du matin, avant de commander un Uber.
Sur les clichés dévoilés par ladite agence, l’actrice apparaît en train de dissimuler son visage, alors qu’elle s’apprête à entrer dans le véhicule. L’humoriste – doté d’une casquette et vêtu d’un blouson de cuire, d’un pull et d’un jean – l’accompagne, puis prend place à côté d’elle, sur la banquette arière.”

L’article fait apparaître, en guise d’illustration de ses propos, d’une part, une photographie de l’intéressée la représentant marchant dans la rue et d’autre part, un compte X “[V] [X] Updates” consacré à la demanderesse reproduisant quatre clichés la représentant seule ou en compagnie de [T] [O], à la sortie du restaurant [5], puis assise à l’arrière d’un véhicule.

Les atteintes aux droits de la personnalité
 
Les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune ou ses fonctions, le droit au respect de sa vie privée et le droit à la protection de son image.
 
L’article 10 de la même convention protège concurremment la liberté d’expression et l’exercice du droit à l’information.
 
Les droits ainsi énoncés ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre eux et de privilégier, le cas échéant, la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.
 
Pour procéder à leur mise en balance, il y a lieu, suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de la publication ainsi, le cas échéant, que les circonstances de la prise des photographies.
 
Dans son arrêt Hachette Filipacchi Associés (Ici Paris) c. France du 23 juillet 2009 (12268/03), cette Cour précise notamment que « si l’article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine, en particulier, du discours politique (Brasiller c. France, n° 71343/01, §§ 39-41, 11 avril 2006) et, de façon plus large, dans des domaines portant sur des questions d’intérêt public ou général, il en est différemment des publications de la presse dite « à sensation » ou « de la presse du cœur », laquelle a habituellement pour objet de satisfaire la curiosité d’un certain public sur les détails de la vie strictement privée d’une personne (voir en particulier Von Hannover, précité, § 65, et Société Prisma Presse c. France (déc.), nos 66910/01 et 71612/01, 1er juillet 2003). Quelle que soit la notoriété de la personne visée, lesdites publications ne peuvent généralement passer pour contribuer à un débat d’intérêt public pour la société dans son ensemble, avec pour conséquence que la liberté d’expression appelle dans ces conditions une interprétation moins large ».

Les informations ici diffusées entrent dans le champ de la protection de la vie privée instituée par les textes précités pour évoquer un moment de détente et de loisirs partagé par la comédienne avec [T] [O], l’article faisant état de détails relatifs au lieu de leur rencontre, à l’heure à laquelle ils l’ont quitté, ainsi qu’au fait qu’ils sont repartis ensemble en Uber.

En revanche, contrairement à ce qu’elle soutient, l’article ne suppute en rien sur la nature de leur relation.

Or, il n’est pas démontré par la société défenderesse que l’intéressée s’est exprimée sur ce moment passé en compagnie de l’humoriste français, ni qu’elle l’a autorisée à le faire, pas plus qu’il n’est justifié que ces informations relèveraient d’un débat général ou d’un fait d’actualité, s’agissant d’un moment strictement privé qui ne se rattache en rien à une manifestation publique ou de nature professionelle, la notoriété des intéressés étant indifférente à cet égard.

En outre, et contrairement à ce que soutient la société du Figaro, il ne saurait être considéré que le récit de la rencontre dans un restaurant parisien entre [V] [X] et [T] [O] présenterait un caractère anodin, l’article livrant des informations tangibles et précises sur un moment de loisirs qui, s’il peut apparaître banal aux yeux du lecteur, ne saurait être ressenti comme tel par celui qui le vit.

Enfin, la circonstance selon laquelle l’article ne contiendrait aucune information inédite est inopérante dès lors que les publications antérieures auxquelles elle se réfère, faisant état dans les mêmes termes de la rencontre entre [V] [X] et [T] [O], son tout autant illicites que la présente publication pour n’avoir pas été autorisées par la demanderesse.

Il est donc établi que la société éditrice a porté atteinte au respect dû à la vie privée de [V] [X].

En outre, l’illustration de l’article litigieux par plusieurs clichés volés, la représentant dans le cadre d’un moment de détente et de loisirs, sans qu’il soit démontré par la société éditrice qu’elle a consenti à cette diffusion, prolonge cette atteinte tout en violant le droit qu’elle a sur son image, sans que cela soit rendu nécessaire là encore par un débat d’intérêt général ou un rapport avec l’actualité.

Les atteintes alléguées sont ainsi constituées avec l’évidence requise en référé et commandent que le juge statue sur les demandes formées.

Les mesures de réparation

La seule constatation de l’atteinte par voie de presse au respect dû à la vie privée et à l’image ouvre droit à la réparation d’un préjudice qui, comme l’affirme la Cour de cassation, existe par principe et dont l’étendue dépend de l’aptitude du titulaire des droits lésés à éprouver effectivement le dommage.

La forme de la réparation est laissée à la libre appréciation du juge qui tient, tant de l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile que de l’article 9, alinéa 2, du code civil, le pouvoir de prendre en référé toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l’atteinte et accorder une provision au titre de ses conséquences dommageables, l’évaluation du préjudice étant appréciée au jour où il statue.

En l’espèce, l’étendue du préjudice moral causé à [V] [X] doit être appréciée en considération de :

– la nature des atteintes relevées, l’article faisant état en l’espèce d’un dîner partagé au restaurant [5] avec [T] [O], en ne se livrant toutefois à aucune supputation sur leur relation,

– le ton particulièrement neutre de l’article,

– l’ampleur donnée à l’exposition des atteintes, sur le site Internet litigieux, qui demeure relative, l’article n’étant accessible par l’internaute qu’après qu’il se soit rendu dans la rubrique “Culture” depuis la page d’accueil du site, puis ait cliqué sur l’onglet “Célébrités”, et fait dérouler plusieurs articles apparaissant prioritairement à la publication litigieuse,

– l’importance cependant de la consultation du site du journal Madame Figaro,

– et le recours à un procédé de surveillance pour la captation des clichés photographiques d’illustration, en lui-même générateur d’un trouble par l’intrusion qu’il opère dans des moments de vie privée, le caractère public du lieu de fixation ne pouvant être regardé comme propre à annihiler le préjudice en résultant.

Il convient en revanche de préciser que le cliché, figurant sous le titre de l’article, ne constitue pas un cliché volé mais une photographie détournée de son contexte de fixation, ce qui n’est pas contesté en demande.

S’agissant de la réitération, invoquée par la demanderesse, des atteintes à ses droits de la personalité par la société éditrice, elle ne saurait être retenue en l’absence de production des articles premiers, outre que, dans sa réponse adressée par lettre du 22 mai 2024 au conseil de la demanderesse, la société du Figaro indique expressément que, si elle accepte de supprimer de deux articles qu’elle a édités, certains passages critiqués, elle n’en reconnaît pas néanmoins le caractère fautif.

En outre, c’est de manière pertinente que la société défenderesse invite le juge des référés à relativiser l’intensité du préjudice subi par la demanderesse au regard des circonstances entourant la parution de l’article, soulignant le fait que lors de sa publication, de nombreux médias, notamment en ligne, avaient déjà traité le même sujet dans des termes similaires. En effet, les informations dont s’agit ne constituent dans ces conditions que la reprise d’une révélation antérieure, dans le sillage immédiat de laquelle elle s’inscrit, cette circonstance, si elle n’annihile pas le préjudice subi, est néanmoins de nature à en diminuer l’intensité, le dommage causé résidant moins, ici, dans le dévoilement de l’information que dans l’ampleur supplémentaire donnée à sa diffusion, étant précisé en l’espèce que [V] [X] ne produit aucun élément propre à caractériser les conséquences particulières qu’a eu, sur sa personne, le rappel opéré par cette publication seconde. 

La société du Figaro oppose également à [V] [X] sa complaisance à l’égard des médias et son exposition sur Instagram. Elle produit pour ce faire deux articles de presse, une interview donnée par l’actrice au magazine Gala, ainsi que des publications Instagram issues de son compte.

Cependant :

– il n’est pas démontré que l’article publié dans le magazine People (pièce n° 19) a été autorisé par la demanderesse, outre qu’il ne cite aucun propos tenu par cette dernière,

– quant à l’article publié dans le magazine en ligne Télé-Loisirs (pièce n° 20), il établit seulement le fait que [V] [X] a confirmé son divorce avec [R] [M] sans en livrer aucun détail, la scène qui s’est tenue entre elle et [I], évoquée dans cet article, apparaissant en outre notoire pour avoir été filmée lors d’un événement public.

De même, s’il résulte de son interview accordée au magazine Gala en ligne, publiée le 5 avril 2024 (pièce n° 22), que la demanderesse a évoqué avoir déjà changé de pays par amour, ce qui en l’espèce constitue un élément notoire, et que, telle une parisienne, elle a pris l’habitude de se rendre au marché quasiment tous les jours pour y acheter des produits frais et de saison, il ne saurait s’en déduire qu’elle donne accès au public, par ces propos, au coeur même de son intimité.

Quant aux publications Instagram litigieuses (pièce n° 21), s’il est exact qu’elle y apparaît en compagnie d’amies dans les rues ou musée parisiens, force est de constater d’une part, qu’elles ne sont pas datées, et d’autre part, qu’elles ne se comptent qu’au nombre de trois, ce qui est somme toute relativement limité au regard de l’ancienneté de sa carrière et de sa très grande notoriété.

Par ailleurs, la complaisance de [T] [O] ne saurait être opposée à la demanderesse dès lors que, à la supposer admise, elle ne démontre en rien une moindre aptitude de la demanderesse à éprouver le dommage causé par l’atteinte à ses droits de la personnalité, lequel doit être apprécié en sa seule personne.

Enfin, il importe de relever que les clichés litigieux ne représentent pas l’intéressée sous un jour qui lui est défavorable.

Au regard de ce qui précède, et en l’absence de production d’éléments extrinsèques à l’article litigieux, il y a lieu de lui allouer une somme de 1 500 euros à valoir sur la réparation du préjudice moral subi à la suite de l’atteinte portée à sa vie privée, cette somme étant augmentée d’une indemnité provisionnelle de 1 500 euros au titre de l’atteinte au droit qu’elle a sur son image, les obligations de la société défenderesse n’apparaissant pas sérieusement contestables à hauteur de ces montants.

La demande de suppression de l’article du site et de déréférencement auprès de Google

Il convient de rappeler que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que constituent les réparations civiles que dans les cas où celles-ci, prévues par la loi et poursuivant un but légitime dans une société démocratique, constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’exercice de cette liberté.

Au regard de la très forte volatilité des informations contenues par la publication litigieuse, et du fait qu’elles ont été reprises par de nombreux autres médias, la demande de retrait et de déréférencement présentée par [V] [X] sera considérée comme disproportionnée et dès lors rejetée, son préjudice se trouvant en outre intégralement réparé par l’allocation de dommages et intérêts.

Les demandes accessoires

Succombant au litige, la société du Figaro, sera condamnée à payer à [V] [X] la somme de 2 330 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, incluant le coût du constat d’huissier de justice réalisé le 12 juillet 2024, ainsi qu’à supporter les dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Vincent Tolédano.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, rendue en premier ressort par mise à disposition au greffe le jour du délibéré,

CONDAMNONS la société du Figaro à payer à Mme [V] [X] une indemnité provisionnelle de mille cinq cents euros (1 500 €) à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte au respect dû à sa vie privée par la publication d’un article la concernant et de photographies la représentant sur le site Internet accessible à l’adresse ;

CONDAMNONS la société du Figaro à payer à Mme [V] [X] une indemnité provisionnelle de mille cinq cents euros (1 500 €) à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte au droit dont elle dispose sur son image par la publication de photographies la représentant sur le site Internet accessible à l’adresse

CONDAMNONS la société du Figaro à payer à Mme [V] [X] la somme de deux mille trois cent trente euros (2 330 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETONS toute demande plus ample ou contraire ;

CONDAMNONS la société du Figaro aux dépens, dont distraction au profit de Me Vincent Tolédano ;

RAPPELONS que la présente décision est exécutoire par provision.

FAIT À NANTERRE, le 16 janvier 2025.

LA GREFFIÈRE

Divine KAYOULOUD ROSE, Greffière

LA PRÉSIDENTE

Alix FLEURIET, Vice-présidente


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