Relater dans un ouvrage l’échec d’une collaboration professionnelle (groupe musical) ne relève pas de la vie privée.
Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée, entendue comme les actions et informations relatives à son intimité, et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut en être divulgué et dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation. Ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la même convention. Ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit. En l’espèce, les parties n’étaient ni parents ni amis et leur rencontre a été purement professionnelle. A lire les pages 234 à 246 de Chaos bang, non contestées, les déclarations de M. [X] reproduites en pages 241 à 266 de ce même livre dont été recueillies par M. [M] dans le cadre de trois réunions de travail en visioconférence les 2 et 18 novembre et 11 décembre 2021 : le premier livrant au second la matière du livre à venir. Il ne s’agit donc aucunement de “confessions privées” “en off” ni de confidences faites dans un cadre intime. Leur enregistrement est usuel dans le contexte de l’écriture d’une biographie et rien ne laisse suspecter que celui-ci aurait été fait à l’insu de M. [X]. Du reste ces enregistrements ont été conservés à titre d’archive (ou de preuve) et n’ont jamais été diffusés. |
L’Essentiel : Le 27 octobre 2021, M. [P] [X] et M. [G] [M] signent des contrats d’édition pour *Confidences indochinoises*. Le 3 mars 2022, M. [X] annonce son retrait du projet, entraînant la résiliation des contrats par Flammarion. En septembre, M. [M] publie *Chaos bang !*, incluant des chapitres de M. [X] sans autorisation. Ce dernier accuse M. [M] de contrefaçon et de violation de sa vie privée, assignant ce dernier en justice. Le tribunal conclut à la contrefaçon, condamnant M. [M] à verser 3.000 euros à M. [X] et à cesser l’exploitation des chapitres litigieux.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLe 27 octobre 2021, M. [P] [X], musicien et compositeur, et M. [G] [M], écrivain et journaliste, ont signé des contrats d’édition avec la société Flammarion pour un livre coécrit intitulé *Confidences indochinoises*, ainsi qu’un contrat d’adaptation audiovisuelle. Les redevances étaient partagées également entre les deux co-auteurs. Résiliation des contratsLe 3 mars 2022, M. [X] a informé M. [M] de son intention de ne pas poursuivre le projet de livre ensemble. Par la suite, le 24 mars 2022, Flammarion a résilié les contrats avec M. [X]. En septembre 2022, M. [M] a publié un livre intitulé *Chaos bang ! je vous dis tout [H], [F], [T], [P] [X], les autres … et moi*, dans lequel il a inclus des chapitres écrits par M. [X]. Reproches de M. [X]M. [X] accuse M. [M] d’avoir utilisé sans autorisation le contenu des chapitres qu’il avait validés, ainsi que de divulguer des informations privées qui devaient rester confidentielles. Après une mise en demeure restée sans réponse, M. [X] a assigné M. [M] devant le tribunal. Demandes de M. [X]M. [X] demande au tribunal d’ordonner à M. [M] de cesser l’exploitation des chapitres en question, de restituer tous les enregistrements le concernant, et de lui verser des dommages et intérêts pour préjudice patrimonial, moral et atteinte à sa vie privée, ainsi que de couvrir les frais de justice. Arguments de M. [X]M. [X] soutient qu’il est le co-auteur des chapitres et qu’il n’a cédé aucun droit à M. [M]. Il affirme que l’exploitation de son œuvre par M. [M] constitue une contrefaçon, lui causant un préjudice financier et portant atteinte à sa réputation. Il souligne également que des éléments de sa vie privée ont été publiés sans son consentement. Problèmes de signification de l’assignationL’assignation à l’adresse fournie par M. [M] n’a pas pu être délivrée, car il avait quitté cette adresse. Le tribunal a constaté que l’assignation était régulière malgré l’absence d’une adresse connue pour M. [M]. Décision du tribunalLe tribunal a statué sur la contrefaçon des droits d’auteur, concluant que M. [M] avait effectivement commis des actes de contrefaçon en publiant les chapitres sans le consentement de M. [X]. Le préjudice patrimonial a été évalué à 500 euros, tandis que le préjudice moral a été fixé à 2.500 euros. Atteinte à la vie privéeLes demandes de M. [X] concernant l’atteinte à sa vie privée ont été rejetées, le tribunal considérant que les déclarations reproduites dans *Chaos bang* ne concernaient pas des éléments de sa vie privée. Conclusion et condamnationsM. [M] a été condamné à verser 3.000 euros à M. [X] pour contrefaçon, à cesser l’exploitation des chapitres litigieux, et à payer 2.500 euros au titre des frais de justice. L’exécution provisoire de la décision a été écartée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature des droits d’auteur en matière de collaboration selon le Code de la propriété intellectuelle ?Les droits d’auteur en matière de collaboration sont régis par le Code de la propriété intellectuelle, notamment par l’article L.111-1 qui stipule que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif. Cet article précise que ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’article L.113-3 définit l’œuvre de collaboration comme celle à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Il est précisé que cette œuvre est la propriété commune des auteurs, qui doivent exercer leurs droits d’un commun accord. Ainsi, dans le cas d’une œuvre coécrite, chaque co-auteur détient des droits sur l’œuvre dans son ensemble, et aucune exploitation ne peut être réalisée sans le consentement de l’autre co-auteur. Quelles sont les conséquences juridiques de la contrefaçon des droits d’auteur ?La contrefaçon des droits d’auteur entraîne des conséquences juridiques significatives, notamment en vertu de l’article L.335-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui prévoit que toute reproduction ou représentation d’une œuvre sans l’autorisation de l’auteur constitue une contrefaçon. Cette contrefaçon peut donner lieu à des actions en justice, où l’auteur lésé peut demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Les dommages et intérêts peuvent inclure des préjudices patrimoniaux, tels que la perte de redevances, ainsi que des préjudices moraux, qui peuvent être évalués en fonction de l’atteinte à la réputation de l’auteur. En cas de contrefaçon, le tribunal peut ordonner la cessation de l’exploitation de l’œuvre contrefaite, ainsi que la restitution des bénéfices réalisés par le contrefacteur. Comment le droit à la vie privée est-il protégé par la loi française ?Le droit à la vie privée est protégé par l’article 9 du Code civil, qui stipule que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Ce droit est également renforcé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Ces dispositions confèrent à chaque individu le droit de contrôler la divulgation d’informations relatives à son intimité et à sa vie personnelle. Toute divulgation non autorisée peut être considérée comme une atteinte à la vie privée, et la personne concernée peut demander réparation pour le préjudice subi. Cependant, ce droit doit être concilié avec la liberté d’expression, qui est également protégée par l’article 10 de la même convention. Ainsi, la publication d’informations peut être justifiée si elle répond à un intérêt public légitime, mais cela ne doit pas porter atteinte de manière disproportionnée à la vie privée de l’individu. Quelles sont les implications de la résiliation d’un contrat d’édition sur les droits d’auteur ?La résiliation d’un contrat d’édition a des implications importantes sur les droits d’auteur, notamment en ce qui concerne l’exploitation de l’œuvre. Selon l’article L.132-1 du Code de la propriété intellectuelle, la résiliation d’un contrat d’édition entraîne la restitution des droits d’exploitation à l’auteur, sauf stipulation contraire. Cela signifie que, une fois le contrat résilié, l’auteur retrouve la pleine propriété de ses droits d’auteur et peut décider de l’exploitation de son œuvre, y compris la possibilité de conclure de nouveaux contrats d’édition. Cependant, si l’œuvre a été publiée avant la résiliation, l’éditeur peut conserver certains droits sur les exemplaires déjà diffusés, mais ne peut plus exploiter l’œuvre sans l’accord de l’auteur. Il est donc crucial pour les co-auteurs de clarifier les modalités de résiliation et les conséquences sur leurs droits respectifs dans le cadre de leur contrat d’édition. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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3ème chambre
2ème section
N° RG 23/00502
N° Portalis 352J-W-B7G-CYUPA
N° MINUTE :
Assignation du :
10 Janvier 2023
JUGEMENT
rendu le 13 Décembre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [P] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2] FRANCE
représenté par Maître Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0925
DÉFENDEUR
Monsieur [G] [M]
[Adresse 3]
[Localité 5] (ROYAUME UNI)
défaillant
Copies exécutoires délivrées le :
– Maître LAUTIER #B925
Décision du 13 Décembre 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 23/00502 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYUPA
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,
assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier
DÉBATS
En application des l’articles L.212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et 839 du code de procédure civile, et après avoir recueilli l’accord des parties, la procédure s’est déroulée sans audience.
Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort
Le 27 octobre 2021, M. [P] [X], musicien et compositeur, et M. [G] [M], écrivain et journaliste, ont conclu chacun avec la société Flammarion un contrat d’édition d’un livre écrit en collaboration entre eux intitulé Confidences indochinoises et un contrat d’adaptation audiovisuelle, les redevances étant les mêmes pour chacun des deux co-auteurs.
Le 13 décembre 2021, M. [M] a communiqué à l’éditeur deux chapitres validés par M. [X].
Le 3 mars 2022, M. [X] a signifié à M. [M] que “ça ne va pas le faire pour le livre ensemble” et, le 24 mars 2022, la société Flammarion a formalisé la résiliation des deux contrats avec M. [X].
En septembre 2022, M. [M] a publié un livre intitulé Chaos bang ! je vous dis tout [H], [F], [T], [P] [X], les autres … et moi (ci-après Chaos bang).
M. [X] reproche à M. [M] d’avoir, dans ce livre, repris le contenu des deux chapitres écrits par lui et divulgué des confidences relatives à sa vie privée destinées à rester confidentielles, sans autorisation.
Une lettre de mise en demeure du 10 novembre 2022 (adressée à l’adresse à Saint-Hilaire-les-Cambrai figurant sur le contrat ainsi qu’à l’adresse ultérieurement donnée par M. [M] à [Localité 4] au Royaume-Uni, et dont l’accusé de réception n’est pas versé) étant restée sans réponse, M. [X] a fait assigner M. [M] devant le présent tribunal il demande au tribunal de : Décision du 13 Décembre 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 23/00502 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYUPA
– ordonner à M. [M] de mettre un terme à l’exploitation des deux chapitres dont il est l’auteur dans Chaos bang,
– ordonner à M. [M] de lui restituer tous les enregistrements faits de lui et de ne plus les exploiter,
– condamner M. [M] à lui payer la somme de 9.000 euros en réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon de ses droits d’auteur et celle de 15.000 euros en réparation du préjudice moral,
– condamner M. [M] à lui payer la somme de 8.000 euros en réparation du préjudice du fait des atteintes à sa vie privée,
– condamner M. [M] aux dépens et à lui payer la somme de 7.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :- il est l’auteur des chapitres reproduits en pages 287 à 372 de Chaos bang, comme cela ressort d’ailleurs explicitement du livre, et n’a cédé aucun droit à M. [M]
– l’exploitation de son œuvre par un tiers est une contrefaçon, qui lui cause un préjudice important en le privant des redevances d’auteur et en l’empêchant de publier son autobiographie
– M. [M] a également altéré son œuvre en y ajoutant des ajouts de son cru attirant la curiosité sur sa vie privée et lui attribuant faussement des propos, ce qui porte atteinte à sa réputation dans le milieu musical et à son droit moral
– M. [M] a également porté atteinte à son droit de divulgation
– les considérations relatives à sa vie privée et la mention de ses propos tenus dans un cadre privé et enregistrés à son insu ont été publiées sans autorisation et portent atteinte à son honneur dans le livre Chaos bang, sur internet et sur son blog.
L’assignation à l’adresse à [Localité 4] indiquée par M. [M] comme son adresse à partir d’octobre 2021 a été transmise à l’autorité compétente au Royaume-Uni le 10 janvier 2023 mais l’acte n’a pu être délivré le 3 novembre 2023 au motif “the bailiff stated that the defendant has left the address given” (c’est-à-dire l’huissier a déclaré que le défendeur a quitté l’adresse indiquée). En l’absence d’adresse connue, le commissaire de justice a dressé un procès-verbal de recherches infructueuses après avoir fait des recherches sur l’annuaire électronique.
L’article 1 de la convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale prévoit que cette convention ne s’applique pas lorsque l’adresse du destinataire de l’acte n’est pas connue. Le retour du 3 novembre 2023 démontre que c’est le cas en l’espèce.
L’article 687-1 du code de procédure civile prévoit “S’il ressort des éléments transmis par l’autorité requise ou les services postaux que le destinataire n’habite pas à l’adresse indiquée et que celui-ci n’a plus ni domicile ni résidence connus, l’huissier de justice relate dans l’acte les indications ainsi fournies et procède à la signification comme il est dit aux alinéas 2 à 4 de l’article, de sorte que l’assignation est régulière”.
Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, le tribunal ne fera droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2024. M. [X] a donné son accord pour une procédure sans audience par message RPVA du 28 juin 2024.
I . Sur la contrefaçon de droits d’auteur
L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’article L. 113-3 du même code définit l’œuvre de collaboration comme celle “à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques”, l’article 113-3 précise qu’elle est “la propriété commune des auteurs” qui doivent exercer leurs droits d’un commun accord.
Il résulte de ses propres pièces (contrats du 27 octobre 2021 et courriel du 13 décembre 2021) que M. [X] n’est pas l’auteur des deux chapitres litigieux mais seulement le co-auteur. Il ne saurait donc être suivi lorsqu’il affirme en être l’unique auteur et avoir des droits exclusifs sur ceux-ci.
Ces deux chapitres (85 pages) sont la mise en forme de souvenirs personnels et d’opinions racontés par M. [X] à M. [M]. Ils constituent à eux seuls une œuvre littéraire, dont le contenu et le style expriment la personnalité de leurs deux co-auteurs, de sorte qu’ils sont ensemble protégés par le droit d’auteur.
M. [M] a intitulé “Confidences indochinoises” la 3ème et dernière partie (pages 287 à 372) de son livre Chaos bang. La note liminaire de cette partie indique qu’il s’agit de la retranscription “en l’état” des deux chapitres validés par M. [X] dans le cadre des contrats d’édition du 27 octobre 2021 “pour qu’il ne soit pas perdu pour tout le monde, parce qu’il était de toute façon destiné à être publié”.
En les éditant dans un ouvrage publié et vendu sous son seul nom sans le consentement du coauteur, M. [M] a exercé des droits qui ne pouvait l’être que d’un commun accord avec M. [X] et a ainsi commis des faits de contrefaçon.
M. [X] allègue une première atteinte à ses droits patrimoniaux en ce qu’il ne peut dorénavant exploiter son œuvre dans le cadre d’un autre projet éditorial mais il n’aurait en toute hypothèse pu le faire qu’avec le consentement de son co-auteur, de sorte que ce préjudice n’est pas établi.
Il fait grief également de n’avoir pas été rémunéré au titre de la vente des exemplaires de Chaos bang, vendus au prix éditeur de 15,99 euros. Le nombre d’exemplaires vendus n’est pas connu et aucun droit d’information n’est sollicité. Si il s’évince des contrats du 27 octobre 2021 que les co-auteurs avaient vocation à percevoir des redevances de droit d’auteur égales, Chaos bang est un ouvrage différent de celui envisagé par les partie : ses 280 premières pages portent sur la rédaction d’œuvres biographiques en général et celles précédemment écrites par M. [M] en particulier, parties de l’œuvre à laquelle M. [X] n’a pas participé.
Au regard de ces éléments, le préjudice résultant des atteintes aux droits patrimoniaux de M. [X] est fixé à la somme de 500 euros.
En diffusant ces chapitres, M. [M] a porté atteinte au droit de divulgation de M. [X]. Cette atteinte est aggravée par les circonstances de cette divulgation que sont leur intégration dans un ouvrage (centré sur les ouvrages biographiques et l’expérience personnelle de l’auteur de l’écriture de tels ouvrages) bien différent de celui convenu à l’origine (une biographie de M. [X]) et après une deuxième partie comportant des éléments critiques à l’égard de M. [X], en ce qu’il y est présenté comme ayant “planté” son co-auteur sans aucune justification et exprimant de façon agressive et revancharde un fort ressentiment contre un tiers célèbre.
Le grief d’atteinte à l’intégrité de l’œuvre par des ajouts et commérages manque en fait dès lors que ceux-ci ne figurent pas dans la retranscription des pages 278 à 372 mais dans des anecdotes rapportées pages 242 à 253.
L’atteinte au droit moral de divulgation de M. [X] justifie d’ordonner à M. [M] de mettre un terme à l’exploitation des deux chapitres en litige et le préjudice en résultant est fixé à la somme de 2.500 euros.
II . Sur l’atteinte à la vie privée
Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée, entendue comme les actions et informations relatives à son intimité, et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut en être divulgué et dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.
Ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la même convention. Ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit.
M. [M] et M. [X] n’étaient ni parents ni amis et leur rencontre a été purement professionnelle. A lire les pages 234 à 246 de Chaos bang, non contestées, les déclarations de M. [X] reproduites en pages 241 à 266 de ce même livre dont été recueillies par M. [M] dans le cadre de trois réunions de travail en visioconférence les 2 et 18 novembre et 11 décembre 2021 : le premier livrant au second la matière du livre à venir. Il ne s’agit donc aucunement de “confessions privées” “en off” ni de confidences faites dans un cadre intime. Leur enregistrement est usuel dans le contexte de l’écriture d’une biographie et rien ne laisse suspecter que celui-ci aurait été fait à l’insu de M. [X]. Du reste ces enregistrements ont été conservés à titre d’archive (ou de preuve) et n’ont jamais été diffusés.
Au surplus, sur le fond, il s’agit d’anecdotes narrées par M. [X] sur le leader du groupe [H] ou son entourage proche. Aucune ne porte sur la vie privée (personnelle ou intime) de M. [X].
S’agissant des déclarations de M. [M] sur Internet ou son blog relatives à M. [X] et l’échec de leur collaboration, certaines sont très négatives mais elle ne portent pas plus sur sa vie privée.
Il y a donc lieu de rejeter l’ensemble des demandes fondées sur l’atteinte à la vie privée de ce dernier.
III . Dispositions finales
M. [M], qui succombe, est condamné aux dépens de l’instance et à payer à M. [X] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [M] n’a pas été touché par l’assignation, signifiée à une adresse où il ne demeure plus, et M. [X] ne justifie pas de recherches de son adresse actuelle alors même que les chances de succès de telles recherches étaient réelles puisque M. [M] est l’auteur de plusieurs livres publiés par des éditeurs français en activité. De plus, les pièces versées aux débats ne donnent aucune indication sur les échanges entre les parties alors que M. [M] en évoque plusieurs dans son livre.
Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
Condamne M. [G] [M] à payer à M. [P] [X] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon de ses droits d’auteur sur l’œuvre de collaboration constituée par les deux chapitres intitulés “confessions indochinoises” du livre Chaos bang ! je vous dis tout [H], [F], [T], [P] [X], les autres … et moi
Ordonne à M. [G] [M] de mettre un terme à l’exploitation de ces deux chapitres
Rejette les demandes de M. [P] [X] fondées sur l’atteinte à sa vie privée :
Condamne M. [G] [M] aux dépens de l’instance
Condamne M. [G] [M] à payer à M. [P] [X] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Ecarte l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
Fait et jugé à Paris le 13 Décembre 2024
Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC
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