Adaptation audiovisuelle non autorisée

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Adaptation audiovisuelle non autorisée

L’Essentiel : L’affaire Charlotte Delbo illustre la complexité des adaptations audiovisuelles. Maître Ingrid-Mery Haziot a défendu avec succès les ayants droit de l’auteure, dont l’œuvre a été adaptée sans autorisation. Les scénaristes avaient tenté de réaliser une fiction télévisée, « Rideau rouge à Raisko », mais n’avaient pas obtenu l’accord nécessaire. La contrefaçon a été établie en raison de la reprise de scènes emblématiques des écrits de Delbo, qui, bien que basées sur des faits historiques, étaient narrées de manière originale. L’exception de courte citation a été écartée, car l’œuvre ne visait pas à critiquer ou à informer, mais à divertir un large public.

Affaire Charlotte Delbo

La frontière entre l’adaptation audiovisuelle libre d’une œuvre littéraire et une adaptation non autorisée est parfois difficile à identifier. Maître Ingrid-Mery HAZIOT a remporté avec succès cette affaire en adaptation audiovisuelle non autorisée de l’œuvre littéraire de Charlotte Delbo, figure emblématique de la résistance, rescapée du camp d’Auscwhitz-Birkenau et auteure de plusieurs œuvres sur son expérience vécue de déportée.

Le légataire universel de  avait été approché par des scénaristes en vue de procéder à une adaptation audiovisuelle de l’œuvre de Charlotte Delbo aux fins de réalisation d’une fiction télévisée. Les parties n’étaient toutefois pas parvenues à un accord sur le scénario dialogué « Rideau rouge à Raisko ». Ayant constaté qu’une fiction reprenant cette trame scénarisée avait été diffusée auprès d’un public professionnel en vue de sa diffusion sur France Télévisions, l’éditeur de l’œuvre littéraire de Charlotte Delbo et le légataire universel ont poursuivi les coauteurs du scénario en contrefaçon et violation de droit moral.

Conditions de la contrefaçon d’oeuvre littéraire

Il est acquis que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou  la  transformation, l’arrangement  ou  la  reproduction  par un art ou un procédé quelconque (L.122-4 du Code de propriété intellectuelle). La contrefaçon s’apprécie selon les ressemblances et non les différences. En matière  littéraire la contrefaçon ne  peut résulter de la reprise d’une idée ou d’un thème mais seulement de la reproduction de l’expression ou de la forme dans laquelle cette idée ou ce thème se trouvent exprimés, notamment dans la composition du sujet, l’enchaînement des situations ou des scènes, et des caractéristiques originales qui donnent à l’œuvre sa physionomie propre.

En premier lieu, la fiction audiovisuelle avait repris 12 scènes caractéristiques des ouvrages revendiqués (les adieux entre Charlotte Delbo et son mari, la description des femmes dans le train de marchandises, un livre de Molière …). Or, si le fait historique ne donne pas prise au droit d’auteur, il en va différemment  de  la  narration originale faite par un auteur de ce fait historique ; en l’espèce les récits de Charlotte Delbo correspondaient certes à des moments vécus par elle au sein des camps, mais ils étaient relatés dans une approche littéraire et une forme qui lui sont propres, sans lien avec un recueil de faits historiques ou même un récit documentaire. Si la déportation de Charlotte Delbo constitue bien un fait historique, les similitudes répétées dans la composition  des oeuvres, le développement, l’agencement des idées, l’emprunt de l’expression originale donnée aux oeuvres premières, l’approche qui leur est propre tout comme la reprise des expressions précises utilisées par Charlotte Delbo dans ses écrits ou encore des situations particulières ou des métaphores, caractérisaient une contrefaçon.

En second lieu, l’adaptation   des   œuvres   de   Charlotte Delbo avait  été clairement revendiquée dans la « note d’intention du réalisateur » saisie dans les locaux de France  Télévisions et remise  au  producteur. Les coauteurs n’ont donc pu faire valoir que les livres de Charlotte Delbo n’ont pas été leur principale source d’inspiration.

En troisième lieu, le téléfilm « Rideau Rouge à Raisko » était par ailleurs clairement présenté comme « inspiré d’une histoire vraie » : la déportation du  personnage  de  Charlotte  (Charlotte  Delbo) et de ses camarades au sein du camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau, puis leur affectation au sein du commando de Raisko, commando spécialisée dans la culture d’une plante appelée le Kok-saghyz et à partir de laquelle est extrait du latex pour la fabrication du caoutchouc.

Exception de courte citation exclue

L’exception de court citation (L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle) a été exclue dès lors que les emprunts étaient répétés et que la fiction ne constituait pas une critique de l’oeuvre de Charlotte Delbo, ni l’instrument d’une polémique ni encore une oeuvre pédagogique, scientifique ou d’information mais une fiction grand public.

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Q/R juridiques soulevées :

Quelle est l’affaire Charlotte Delbo ?

L’affaire Charlotte Delbo concerne une adaptation audiovisuelle non autorisée de l’œuvre de Charlotte Delbo, une figure emblématique de la résistance et rescapée des camps de concentration.

Maître Ingrid-Mery Haziot a représenté avec succès les ayants droit de Delbo dans cette affaire. Les scénaristes avaient tenté d’adapter l’œuvre de Delbo pour une fiction télévisée, mais n’avaient pas obtenu l’accord nécessaire.

Après avoir constaté qu’une fiction reprenant des éléments de l’œuvre avait été diffusée, l’éditeur et le légataire universel de Charlotte Delbo ont intenté une action en contrefaçon et violation de droit moral contre les coauteurs du scénario.

Quelles sont les conditions de la contrefaçon d’œuvre littéraire ?

La contrefaçon d’œuvre littéraire se définit par toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, effectuée sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit.

Selon l’article L.122-4 du Code de propriété intellectuelle, cela inclut également la traduction, l’adaptation ou toute transformation de l’œuvre. La contrefaçon est appréciée selon les ressemblances et non les différences.

Dans le cas de Charlotte Delbo, la fiction audiovisuelle a repris 12 scènes caractéristiques de ses ouvrages, ce qui a été jugé comme une contrefaçon. Les récits de Delbo, bien qu’ancrés dans des faits historiques, étaient narrés de manière originale, ce qui a permis de protéger son expression littéraire.

Comment la contrefaçon a-t-elle été prouvée dans cette affaire ?

La contrefaçon a été prouvée par plusieurs éléments. Premièrement, la fiction audiovisuelle a repris des scènes emblématiques des œuvres de Charlotte Delbo, comme les adieux entre elle et son mari.

Deuxièmement, les coauteurs avaient clairement revendiqué l’adaptation de ses œuvres dans une note d’intention remise à France Télévisions, ce qui a renforcé l’argument de contrefaçon.

Enfin, le téléfilm était présenté comme « inspiré d’une histoire vraie », ce qui a établi un lien direct avec l’œuvre de Delbo et a permis de démontrer que les similitudes étaient intentionnelles et non fortuites.

Pourquoi l’exception de courte citation a-t-elle été exclue ?

L’exception de courte citation, prévue par l’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle, a été exclue dans cette affaire car les emprunts à l’œuvre de Charlotte Delbo étaient répétés et systématiques.

De plus, la fiction ne constituait pas une critique de l’œuvre originale, ni un instrument de polémique, ni une œuvre pédagogique ou d’information.

Elle était destinée à un large public, ce qui a conduit à la conclusion que les conditions d’application de l’exception de courte citation n’étaient pas remplies, justifiant ainsi la décision de contrefaçon.


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