Règle de droit applicableLe droit de passage pour cause d’enclave est régi par les articles 682 et 683 du Code civil. Selon l’article 682, le propriétaire dont les fonds sont enclavés, c’est-à-dire qui n’a pas d’accès direct à la voie publique ou dont l’accès est insuffisant pour l’exploitation de sa propriété, a le droit de réclamer un passage suffisant sur les fonds de ses voisins. Ce passage doit être accordé à charge d’une indemnité proportionnée au dommage causé au propriétaire du fonds sur lequel le passage est établi. L’article 683 précise que le passage doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable pour le propriétaire du fonds sur lequel il est accordé. Cela implique que le juge doit prendre en compte les circonstances particulières de chaque affaire, notamment l’usage antérieur du passage et les désagréments que pourrait causer l’établissement de la servitude. Textes législatifs pertinents– Article 682 du Code civil : « Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. » – Article 683 du Code civil : « Le passage doit être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé. » Ces articles établissent le cadre juridique permettant à un propriétaire d’obtenir une servitude de passage en cas d’enclavement, tout en prévoyant des conditions visant à minimiser les impacts sur le fonds voisin. |
L’Essentiel : Le propriétaire dont les fonds sont enclavés a le droit de réclamer un passage suffisant sur les fonds de ses voisins, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage causé. Le passage doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable pour le propriétaire du fonds sur lequel il est accordé, en tenant compte des circonstances particulières de chaque affaire, notamment l’usage antérieur du passage et les désagréments potentiels liés à l’établissement de la servitude.
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Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, les consorts [R], héritiers d’une défunte, ont revendiqué un droit de passage sur une parcelle appartenant aux époux [C], leurs voisins. Les parcelles des consorts [R] sont enclavées, ce qui a conduit la défunte à demander, de son vivant, une injonction de faire pour obtenir un accès libre à sa propriété. Cette demande avait été rejetée par le tribunal, faute de contrat entre les parties.
En 2015, les consorts [R] ont introduit une action en justice contre les époux [C], arguant d’une dépossession de leur droit de passage. Ils ont demandé la cessation des troubles et la reconnaissance d’une servitude de passage, tant à pied qu’en véhicule, sur la parcelle des époux [C]. Les époux [C] ont contesté ces demandes, soutenant que le passage revendiqué ne permettait pas l’accès de véhicules. Le tribunal de grande instance de Colmar a, en 2018, reconnu une servitude de passage à pied et en voiture pour cause d’enclave, ordonnant aux époux [C] de laisser libre le passage. Cependant, les époux [C] ont interjeté appel, arguant que le passage ne devait être accordé qu’à pied et demandant une indemnité pour le préjudice subi. La cour d’appel de Colmar a confirmé en partie le jugement, mais a limité le droit de passage à un accès à pied, rejetant la demande de passage en voiture. Les consorts [R] ont alors formé un pourvoi en cassation, qui a partiellement abouti, annulant la décision sur le rejet du passage en voiture. L’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Metz, où les époux [C] ont maintenu leur opposition à un passage en voiture, tandis que les consorts [R] ont soutenu que l’accès en véhicule était nécessaire pour l’usage normal de leur propriété. La cour a finalement statué en faveur des consorts [R], confirmant leur droit de passage en voiture et condamnant les époux [C] à ne pas entraver ce passage. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la servitude de passage pour cause d’enclave ?La servitude de passage pour cause d’enclave est régie par les articles 682 et 683 du Code civil. L’article 682 stipule que : « Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. » Cet article établit le droit d’un propriétaire d’obtenir un passage sur les fonds voisins lorsque son propre terrain est enclavé. L’article 683 précise que : « Le passage doit être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé. » Cela signifie que le passage doit être établi de manière à minimiser les désagréments pour le propriétaire du terrain sur lequel il est accordé. Quel est l’impact de la prescription sur la demande d’indemnité des époux ?La demande d’indemnité des époux est déclarée irrecevable en raison de la prescription, conformément à l’article 122 du Code de procédure civile. Cet article stipule que : « La fin de non-recevoir tirée de la prescription est d’ordre public. Elle peut être soulevée à tout moment par les parties ou par le juge. » Dans ce cas, les époux [C] ont vu leur demande d’indemnité déclarée irrecevable car elle était prescrite, ce qui signifie qu’ils n’ont pas agi dans le délai légal pour revendiquer leur droit à une indemnité. Quel est le rôle de l’autorité de la chose jugée dans cette affaire ?L’autorité de la chose jugée est un principe fondamental en droit qui empêche de revenir sur une décision judiciaire définitive. L’article 1355 du Code civil énonce que : « La chose jugée n’est pas seulement celle qui a été décidée, mais aussi celle qui a été nécessairement impliquée dans la décision. » Dans cette affaire, la demande des époux [C] visant à contester des éléments du jugement initial a été déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée, car les points litigieux avaient déjà été tranchés par le tribunal de grande instance. Quel est le critère pour déterminer l’assiette et le mode de la servitude de passage ?L’assiette et le mode de la servitude de passage sont déterminés par l’article 685 du Code civil, qui stipule que : « L’assiette et le mode de servitude de passage pour cause d’enclave sont déterminés par trente ans d’usage continu. » Cela signifie que pour établir une servitude de passage, il faut prouver qu’elle a été utilisée de manière continue pendant une période de trente ans. Dans cette affaire, la cour a constaté que les attestations produites n’établissaient pas un usage continu du passage par des véhicules, ce qui a conduit à la conclusion que la servitude ne pouvait être revendiquée que pour un passage à pied. Quel est le principe de l’indemnité proportionnée au dommage causé par la servitude ?Le principe de l’indemnité proportionnée au dommage causé par la servitude est également énoncé dans l’article 682 du Code civil. Cet article précise que le propriétaire qui accorde une servitude de passage a droit à une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. Cela signifie que si la servitude de passage cause des désagréments ou des pertes au propriétaire du terrain, celui-ci peut demander une compensation financière pour ces dommages. Dans cette affaire, les époux [C] ont demandé une indemnité de 100.000 euros, mais leur demande a été déclarée irrecevable en raison de la prescription. Quel est le rôle de la cour d’appel dans l’examen des demandes de passage en voiture ?La cour d’appel a pour rôle d’examiner les demandes de passage en voiture en se basant sur les éléments de fait et de droit présentés par les parties. Dans cette affaire, la cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal de grande instance en ce qui concerne la servitude de passage à pied, mais a rejeté la demande de passage en voiture. Elle a considéré que l’accès en véhicule automobile correspond à l’usage normal d’un fonds destiné à l’habitation, mais a également noté que les preuves d’un usage continu du passage par des véhicules n’étaient pas suffisantes. Ainsi, la cour d’appel a statué en fonction des éléments de preuve présentés, tout en respectant les principes juridiques applicables. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/00782 – N° Portalis DBVS-V-B7H-F6B3
Minute n° 25/00034
[K] EPOUSE [C], [C]
C/
[R], [R] EPOUSE [Y], [R], [R] EPOUSE [D]
Tribunal de Grande Instance de COLMAR
18 Octobre 2018
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Cour d’appel de COLMAR
Arrêt du 23 Avril 2021
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Cour de cassation
Arrêt du 7 Décembre 2022
COUR D’APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
RENVOI APRES CASSATION
ARRÊT DU 13 MARS 2025
DEMANDEURS A LA REPRISE D’INSTANCES :
Madame [F] [K] épouse [C]
[Adresse 11]
[Localité 10]
Représentée par Me Agnès BIVER-PATE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Sophie ELCHINGER, avocat plaidant au barreau de COLMAR
Monsieur [H] [C]
[Adresse 11]
[Localité 10]
Représentée par Me Agnès BIVER-PATE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Sophie ELCHINGER, avocat plaidant au barreau de COLMAR
DEFENDEURS A LA REPRISE D’INSTANCES :
Monsieur [U] [E] [R]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ
et par Me Nadine HEICHELBECH, avocat plaidant du barreau de COLMAR
Madame [S] [N] [R] épouse [Y]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ
et par Me Nadine HEICHELBECH, avocat plaidant du barreau de COLMAR
Monsieur [Z] [T] [R]
[Adresse 9]
[Localité 10]
Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ
et par Me Nadine HEICHELBECH, avocat plaidant du barreau de COLMAR
Madame [L] [R] épouse [D]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ
et par Me Nadine HEICHELBECH, avocat plaidant du barreau de COLMAR
DATE DES DÉBATS : En application de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Décembre 2024 tenue en double rapporteur par M. Christian DONNADIEU et M.Frédéric MAUCHE, Présidents de chambre, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 13 Mars 2025.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nathalie DOBREMER, adjointe administrative faisant fonction
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : M. DONNADIEU, Président de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
M. MAUCHE, Président de chambre
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. Christiant DONNADIEU, Président de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [U] [E] [R], Mme [S] [N] [Y] née [R], M. [Z] [T] [R] et Mme [L] [D] née [R], (les consorts [R]), sont les héritiers de [A] [V] [R], décédée le 7 août 2014, et à ce titre sont devenus propriétaires de l’immeuble de celle-ci, sis [Adresse 4] à [Localité 10] ((Haut-Rhin), et cadastré section 1 parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3].
Mme [F] [C] et M. [H] [C] sont propriétaires de l’immeuble voisin sis [Adresse 11] à [Localité 10], cadastré section 1 n° [Cadastre 1].
Les parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] sont enclavées.
De son vivant, [A] [R] avait déposé une demande en injonction de faire à l’encontre de ses voisins les époux [C], en demandant que les époux [C] lui laissent à nouveau le passage libre de tout encombrement afin qu’elle puisse accéder à sa propriété sans entrave, y compris en voiture. Cette demande avait été rejetée dès lors qu’elle ne reposait pas sur un contrat passé entre les parties.
Par demande introductive d’instance enregistrée le 11 juin 2015, les consorts [R] ont fait citer Mme [F] [C] et M. [H] [C] devant le tribunal de grande instance de Colmar, en exposant avoir été victimes d’une dépossession de leur droit de passage, en demandant à voir :
Ordonner la cessation du trouble possessoire par le rétablissement de la liberté de passage à pied, vélo, moto, voiture ou tout autre engin.
Subsidiairement
fixer leur droit de passage vers leur propriété, au niveau de la cour du [Adresse 11],
fixer l’assiette de cette servitude sur une bande de 2,45 m longeant la maison des consorts [C] située sur la parcelle section 6 n°[Cadastre 1],
dire et juger que ce droit de passage sera gratuit, pourra se faire à pied, vélo, moto, voiture ou par tout autre engin, pour être exercé dans des conditions d’utilisation normales, de jour comme de nuit et ce au minimum pour tous travaux ou déménagement,
Très subsidiairement,
dire et juger que ce droit de passage sera gratuit, pourra se faire à pied, vélo, moto, voiture ou par tout autre engin, pour être exercé dans des conditions d’utilisation normales, de jour comme de nuit y compris par des véhicules d’entreprise avec un délai de prévenance de trois jours en cas de travaux ou de déménagement, et sans délai pour tout véhicule d’urgence,
En tout état de cause :
faire interdiction aux époux [C] d’entraver l’exercice paisible de ce droit de passage en y entreposant tous véhicules ou autres objets empêchant le passage,
condamner in solidum les époux [C] à leur payer : la somme de 500 euros par violation dûment constatée de l’exercice du droit de passage, et la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice subi.
Les époux [C] se sont opposés à ces demandes.
Le tribunal a procédé à une vue des lieux le 18 mai 2017.
Par jugement du 18 octobre 2018 le tribunal de grande instance de Colmar a :
Dit et jugé qu’une servitude de passage, à pied et en voiture, pour cause d’enclave, est créée sur la parcelle n° [Cadastre 1] au profit des parcelles numéro [Cadastre 2] et [Cadastre 3],
Dit et jugé que les époux [C] doivent laisser libre ledit passage,
rejeté toutes autres prétentions,
Dit et jugé qu’il n’y a lieu à exécution provisoire,
dit et jugé que chaque partie supportera ses frais.
Le tribunal a écarté toute référence à l’existence d’un droit de passage qui aurait été antérieurement acquis par les consorts [R] ou leurs auteurs, en observant qu’une servitude de passage, discontinue, ne s’acquiert pas par prescription et qu’il n’existait en l’espèce aucun titre consacrant l’existence d’une telle servitude.
En revanche le tribunal a considéré que la demande subsidiaire en fixation d’un droit de passage s’analysait en une demande tendant à voir instaurer une servitude de passage pour cause d’enclave, étant observé que la situation d’enclave des parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] n’était pas contestée.
Rappelant les constatations effectuées lors de la vue des lieux, le tribunal a considéré que, sur les quatre passages envisagés, il apparaissait incontestablement que le passage nécessitant le moins d’aménagements se situait devant la maison des époux [C], les seuls obstacles étant du mobilier de jardin et l’un des véhicules des époux [C], susceptibles d’être enlevés. Il a également estimé que, au vu des mesures effectuées, les distances étaient suffisantes pour permettre le passage d’un véhicule de taille modérée de sorte qu’il convenait d’instaurer un droit de passage sur la parcelle numéro [Cadastre 1].
Mme [F] [K] épouse [C] et M. [H] [C] ont interjeté appel de ce jugement, en se prévalant notamment de l’irrecevabilité des demandes des consorts [R], en considérant également que le passage revendiqué ne constituait pas l’accès le moins dommageable, subsidiairement en demandant que la servitude de passage soit limitée à un passage à pieds à l’exclusion de tout véhicule, et en réclamant paiement d’une somme de 50.000 € ou toute somme arbitrée par la cour, à titre d’indemnité pour compenser le dommage causé par la servitude.
Les consorts [R] ont soulevé notamment l’irrecevabilité de la demande tendant à les voir déclarer eux-mêmes irrecevables, et de la demande en paiement d’une indemnité, estimant ces demandes nouvelles à hauteur d’appel. Ils ont maintenu leur argumentaire au fond.
Par arrêt du 23 avril 2021, la cour d’appel de Colmar a :
Déclaré recevable la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en cause de tous les propriétaires des fonds voisins,
rejeté cette fin de non-recevoir, et déclaré la demande des consorts [R] recevable,
Confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Colmar en date du 18 octobre 2018, sauf en ce qu’il a dit et jugé qu’une servitude de passage à pied et en voiture pour cause d’enclave est créée sur la parcelle n° [Cadastre 1] au profit des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3],
Statuant à nouveau de ce chef :
Institué à la charge de la parcelle cadastrée commune de [Localité 10] section 1 n° [Cadastre 1] une servitude de passage à pied au profit des parcelles cadastrées section 1 n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3],
Débouté les consorts [R] de leur demande de passage en voiture,
Ordonné la transcription de l’arrêt au Livre foncier,
Ajoutant au jugement entrepris :
Déclaré la demande d’indemnité des époux [C] irrecevable comme prescrite,
Condamné chaque partie à supporter ses propres dépens d’appel et les frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel.
La cour d’appel a considéré que la demande des époux [C], tendant à voir dire irrecevable la demande des consorts [R] à défaut de mise en cause de l’ensemble des propriétaires voisins, ne constituait pas une demande nouvelle.
En revanche, elle a estimé que la mise en cause de l’ensemble des propriétaires sur lesquels un passage était susceptible d’être pratiqué n’était pas imposée par l’article 682 du code civil, de sorte que la demande des consorts [R] n’encourait aucune irrecevabilité de ce chef.
Sur le fond, la cour d’appel a constaté que l’état d’enclave des parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] n’était pas contesté. Elle a considéré que les dispositions de l’article 685 du code civil, qui énoncent que l’assiette et le mode de servitude de passage pour cause d’enclave sont déterminés par trente ans d’usage continu, n’ont pas uniquement vocation à s’appliquer en cas de modification de l’assiette d’une servitude de passage conventionnelle, mais s’appliquent également pour définir l’assiette d’une servitude légale pour cause d’enclave.
En l’espèce, la cour a relevé que les attestations produites de part et d’autre établissaient de façon concordante que les propriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] accédaient à leur fond, depuis 1945, en passant par la cour de la maison actuellement propriété des époux [C], et que cette utilisation s’était poursuivie de manière continue.
En revanche elle a estimé que les attestations étaient contradictoires entre elles sur le point de savoir si depuis 30 ans ou plus, le passage litigieux avait été utilisé par un ou des véhicules. La cour en a conclu que, en l’absence de toutes preuve, au jour de la demande, d’un usage continu du passage pendant trente ans avec un véhicule automobile, les consorts [R] ne pouvaient revendiquer, en vertu de l’usage trentenaire qu’ils invoquaient, qu’un droit de passage à pied.
La cour d’appel a estimé au surplus qu’il n’était pas démontré que l’usage normal du fonds aurait exigé un accès avec un véhicule, compte tenu de la possibilité de stationner sur la voie publique proche, et alors que l’étroitesse du passage ne permettait pas l’accès à des véhicules de secours.
Quant à la demande d’indemnité formée à hauteur d’appel par les époux [C], si celle-ci constituait l’accessoire des demandes de première instance, pour autant la cour a considéré qu’elle était irrecevable compte tenu de la prescription de l’action en indemnité.
Les consorts [R] ayant formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, la cour de cassation, par arrêt du 7 décembre 2022, a :
Cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il rejette la demande des consorts [R] en revendication d’un accès aux parcelles cadastrées section 1 n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] par un passage en voiture, l’arrêt rendu le 23 avril 2021 entre les parties par la cour d’appel de Colmar,
Remis sur ce point l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Metz,
Condamné M. et Mme [C] aux dépens,
Rejeté les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, la cour de cassation a énoncé qu’aux termes de l’article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.
La cour a rappelé que l’accès en véhicule automobile correspond à l’usage normal d’un fonds destiné à l’habitation, de sorte que la cour d’appel, qui avait constaté que le passage pouvait être emprunté par un véhicule léger, et a rejeté la demande de passage en voiture, a violé l’article 682 précité.
Par déclaration du 28 mars 2023, Mme [F] [K] épouse [C] et M. [H] [C] ont saisi la cour d’appel de Metz.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives déposées au RPVA le 11 janvier 2024, Mme [F] [K] épouse [C] et M. [H] [C] demandent à la cour de :
Déclarer Monsieur [H] [C] et Madame [F] [K] épouse [C] recevables en leur appel,
Les y dire bien fondés,
En conséquence,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu »il a :
Dit et jugé qu’une servitude de passage à pied et en voiture pour cause d’enclave est créée sur la parcelle n°[Cadastre 1] au pro’t des parcelle n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3] ;
Dit et jugé que les époux [C] doivent laisser libre ledit passage ;
Rejeté toutes autres prétentions des époux [C] ;
Statuant à nouveau
Débouter les consorts [R] de l’ensemble de leurs demandes, ‘ns et conclusions
A titre subsidiaire, si servitude de passage il devait y avoir sur la parcelle n°[Cadastre 1] :
Juger que la servitude de passage ne pourra s’effectuer qu’à pied
Débouter les consorts [R] de leur demande de passage en voiture
A titre infiniment subsidiaire, en cas de confirmation du jugement
Condamner in solidum ou solidairement Monsieur [U] [E] [R], Madame [S] [N] [R] épouse [Y], Monsieur [Z] [T] [R] et Madame [L] [R] épouse [D] à payer aux époux [C] la somme de 100 000 € à titre d’indemnité pour compenser le dommage causé par la servitude, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir
En tout état de cause,
Condamner in solidum ou solidairement Monsieur [U] [E] [R], Madame [S] [N] [R] épouse [Y], Monsieur [Z] [T] [R] et Madame [L] [R] épouse [D] à payer aux époux [C] la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du CPC
Condamner in solidum ou solidairement Monsieur [U] [E] [R], Madame [S] [N] [R] épouse [Y], Monsieur [Z] [T] [R] et Madame [L] [R] épouse [D] aux entiers frais et dépens
Débouter les consorts [R] de leur demande de dommages et intérêts pour reprise d’instance abusive ».
Les époux [C] maintiennent leur opposition à ce qu’une servitude de passage en véhicule soit accordée aux consorts [R] sur leur fond, soutenant qu’aucun véhicule n’a jamais circulé sur le passage existant sur leur parcelle, et que [A] [R] n’empruntait ce passage que à pied.
Ils exposent qu’une telle servitude serait particulièrement malcommode à exercer, dès lors que, selon le constat qu’ils ont fait effectuer par huissier, le passage entre leur maison et leur grange est d’une largeur maximum de 2,55 mètres à l’aplomb de leur cuisine, mais est réduit en d’autres endroits à 2,49 mètres et 2,36 mètres, et que selon les conclusions de M. [I], architecte, la largeur réelle disponible n’est que de 1,90 mètre ce qui rend impossible tout passage de véhicule.
Ils ajoutent que des conduites de chauffage, allant de la grange où est installée leur chaudière, vers leur habitation, sont situées sous ce passage, à une profondeur incompatible avec le passage d’un véhicule, ainsi qu’il résulte de l’étude qu’ils ont sollicitée.
Ils font encore valoir que cette servitude de passage d’un véhicule serait une importante source de nuisances pour eux, dès lors qu’ils ne disposent que de cette minuscule cour comme espace extérieur pour y garer leurs véhicules et y installer du mobilier de jardin.
Ils soutiennent en outre qu’un autre tracé est possible pour la servitude de passage revendiquée par les consorts [R], puisque le juge de la mise en état lors de la vue des lieux avait relevé qu’un passage était possible depuis la [Adresse 12].
Ils font valoir qu’en application de l’article 683 du code civil, le passage doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable, et exposent qu’un tracé depuis la [Adresse 12] nécessiterait uniquement de mettre en place une porte pour permettre l’accès aux parcelles enclavées, travaux bien moins dommageables que la détérioration de leur installation de chauffage.
Ils concluent à l’infirmation du jugement déféré, et subsidiairement, si un passage était autorisé, demandent que celui-ci soit limité à un passage à pied.
Ils s’estiment par ailleurs recevables à solliciter une indemnité, en faisant valoir que les consorts [R] ne rapportent pas la preuve d’un usage continu du passage pendant plus de trente ans, de sorte que leur action n’est pas prescrite.
Sur le quantum de cette indemnité et compte tenu des nombreux désagréments résultant pour eux de la nécessité de laisser le passage à un véhicule, et de la dévalorisation en résultant pour leur immeuble, ils sollicitent un montant de 100.000 euros.
Enfin ils s’opposent à la demande adverse de dommages-intérêts pour une reprise d’instance abusive, dès lors que la cour de cassation avait bien renvoyé les parties devant la cour d’appel de Metz.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 4 avril 2024, M. [U] [E] [R], Mme [S] [N] [Y] née [R], M. [Z] [T] [R] et Mme [L] [D] née [R], demandent à voir :
Statuant après cassation,
Déclarer irrecevables car définitivement jugées les demandes suivantes :
« -Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé qu’une servitude de passage à pied pour cause d’enclave est créée sur la parcelle n°[Cadastre 1] au profit des parcelle n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3], a dit et jugé que les époux [C] doivent laisser libre ledit passage, et a rejeté toutes autres prétentions des époux [C] ;
Débouter les consorts [R] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions (à l’exception du passage en voiture)
Condamner in solidum ou solidairement Monsieur [U] [E] [R], Madame [S] [N] [R] épouse [Y], Monsieur [Z] [T] [R] et Madame [L] [R] épouse [D] à payer aux époux [C] la somme de 100 000 € à titre d’indemnité pour compenser le dommage causé par la servitude, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir. »
S’agissant du doit de passage en voiture, seul point soumis à discussion devant la Cour d’appel de METZ, la Cour de Cassation ayant « Cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar du 23 avril 2021 mais seulement en ce qu’il rejette la demande des consorts [R] en revendication d’un accès aux parcelles cadastrées section 1 n° [Cadastre 2] et n° [Cadastre 3] par un passage en voiture » :
Déclarer l’appel des époux [C] mal fondé ;
Confirmer le jugement du 18 octobre 2018 ;
Y Ajoutant,
Condamner M. [C] et Mme [K] épouse [C] à libérer le passage dès signification de l’arrêt et sous peine d’astreinte de 100 € par jour de retard,
Ordonner la transcription du jugement du 18 octobre 2018 et de l’arrêt de la Cour de céans au Livre Foncier,
Débouter les époux [C] de l’ensemble de leurs demandes ;
Les condamner à payer aux concluants une indemnité de 5000 € en réparation du préjudice résultant de leur procédure abusive,
Condamner M. [C] personnellement en raison de son comportement agressif à payer aux concluants une indemnité de 5000 € en réparation de leur préjudice ;
Condamner M. [C] et Mme [K] épouse [C] à payer aux concluants une indemnité de 5000 € au titre de l’article 700 du CPC ;
Les condamner aux dépens ».
Les consorts [R] répliquent tout d’abord que l’arrêt de la cour d’appel de Colmar n’a été cassé que très partiellement, uniquement sur la disposition de l’arrêt ayant rejeté leur revendication concernant un droit de passage en voiture.
Ils en concluent que sont définitives les dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar ayant :
déclaré recevable, mais rejetée la fin de non-recevoir qui leur était opposée à raison de l’absence de mise en cause de tous les propriétaires des fonds voisins,
déclaré leur demande recevable,
confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Colmar, à l’exception de la disposition ayant exclu la servitude de passage à pied et en voiture telle que définie par le premier juge, cette disposition étant cassée à partir du terme « sauf » y figurant
Institué à la charge de la parcelle des époux [C] une servitude de passage à pied, cette disposition n’étant cassée qu’en ce que le passage en voiture n’est pas mentionné
déclaré la demande d’indemnité des époux [C] irrecevable comme prescrite.
Ils font valoir par conséquent que sont irrecevables devant la cour de renvoi toutes les demandes des époux [C] se heurtant à l’autorité de la chose jugée par la cour d’appel de Colmar, à savoir leur demande d’infirmation pure et simple du jugement du tribunal de grande instance, leur demande tendant au débouté des consorts [R] (à l’exception de la demande tendant au passage en voiture), et leur demande en paiement d’une indemnité de 100.000 euros.
Sur le fond, les consorts [R] affirment que le passage qu’ils revendiquent était déjà utilisé par leurs parents et notamment par [E] [R], né en 1923 et décédé en 1993, qui était exploitant agricole, cultivait des vignes, et a toujours utilisé ce passage pour rentrer dans sa propriété du foin, du bois ou du raisin ainsi qu’il résulte des documents qu’ils produisent. Ils soutiennent notamment que [E] [R] utilisait bien pour ce faire un tracteur, et qu’il a également utilisé une voiture, ce que faisait également leur mère, jusqu’à ce que le comportement des époux [C] l’en empêche, ceux-ci étant devenus menaçants vis à vis d’elle de sorte qu’elle avait fini par garer sa voiture ailleurs.
Ils rappellent que le juge de la mise en état, qui s’était déplacé sur les lieux, a pu constater qu’incontestablement, le passage qui nécessitait le moins d’aménagements se situait devant la maison des époux [C].
En droit ils font valoir que l’arrêt de la cour de cassation est particulièrement clair, et que la servitude de passage du fait de l’enclavement inclut le passage en voiture, qui fait partie de l’usage normal d’un fonds destiné à l’habitation.
Ils considèrent que la largeur du passage litigieux n’est pas un obstacle puisqu’elle permet la circulation de la plupart des véhicules qui font moins de 2 mètres de largeur. Ils soutiennent en revanche que, alors que le passage était autrefois dégagé, les époux [C] l’ont encombré avec toute sorte d’objets.
Ils récusent les conclusions de l’architecte mandaté par les époux [C], qui réduit manifestement les distances par rapport à ce qui avait été antérieurement mesuré, notamment par le juge de la mise en état.
Quant à l’impossibilité alléguée d »utiliser le passage avec une voiture en raison de la présence de conduites de chauffage enterrée, les consorts [R] observent que la profondeur de ces gaines n’est pas connue, de sorte que l’on ne peut en déduire une détérioration future de celles-ci à raison du passage d’une voiture, étant en outre observé qu’il peut être remédié à cette situation.
Ils estiment enfin que le fait de laisser un passage dans les lieux n’en interdit pas l’usage aux époux [C] qui conservent notamment la possibilité de garer dans la cour l’un de leurs deux véhicules.
Ils rappellent encore que la demande indemnitaire des époux [C] a été jugée irrecevable, et subsidiairement font valoir qu’il n’est pas démontré de préjudice occasionné par l’usage du passage, la somme réclamée étant en outre manifestement exagérée eu égard à la valeur du bien des époux [C].
Enfin ils estiment que la reprise d’instance effectuée par les époux [C] est abusive, dès lors que, compte tenu du caractère particulièrement clair de l’arrêt, il était inutile de saisir la cour d’appel de renvoi afin que le jugement de première instance devienne définitif. Ils soulignent qu’ils subissent un préjudice important dès lors que leur bien est vacant depuis dix ans alors qu’il aurait pu être loué, et qu’ils en paient quand même les charges.
De plus ils soutiennent être victime de l’agressivité de M. [C] qui profère des menaces de mort à leur encontre, ce qui justifie également l’allocation de dommages et intérêts.
I- Sur l’étendue de la saisine de la cour d’appel de renvoi.
Les consorts [R] font valoir à juste titre que la cassation intervenue est très limitée, et que seule a été cassée la disposition de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar ayant rejeté leur demande en revendication d’un droit de passage.
Il s’évince des termes de cet arrêt, que ne sont pas atteintes par la cassation les dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar ayant :
rejeté cette fin de non-recevoir, et déclaré la demande des consorts [R] recevable,
Confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Colmar en date du 18 octobre 2018, en ce que celui-ci a instauré une servitude de passage à pied pour cause d’enclave sur la parcelle n°[Cadastre 1] au profit des parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3],
Déclaré la demande d’indemnité des époux [C] irrecevable comme prescrite.
Les dispositions précitées, non atteinte par la cassation, sont par conséquent définitives et hors de la saisine de la cour de renvoi.
Ainsi, se trouvent irrecevables en application de l’article 122 du code de procédure civile, comme se heurtant à l’autorité irrévocable de la chose jugée, la demande des époux [C] tendant à l’infirmation de toute disposition du jugement dont appel à l’exception de celle concernant le passage en voiture, ainsi que celles tendant à voir débouter les consorts [R] de l’ensemble de leurs demandes, à l’exception de celle portant sur le passage en voiture, et tendant à voir condamner in solidum ou solidairement les consorts [R] à leur payer une somme de 100.000 euros à titre d’indemnité pour le dommage causé par la servitude.
II- Sur la demande tendant à obtenir un droit de passage en voiture
Selon les articles 682 et 683 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.
Le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins il doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.
En l’espèce, compte tenu des points définitivement tranchés, il n’y a pas lieu de revenir sur les arguments développés par les époux [C], concernant la possibilité de créer un passage ailleurs que sur leur fonds, que ce soit à raison de l’existence d’un tracé différent, d’un usage antérieur, ou à raison des désagréments que provoque cette solution.
Par ailleurs l’accès en véhicule automobile correspond à l’usage normal d’un fonds destiné à l’habitation de sorte qu’il n’est pas nécessaire de se préoccuper d’un éventuel usage trentenaire tel qu’évoqué à l’article 685 du code civil pour déterminer l’assiette et le mode de servitude de passage.
Enfin aucun élément du dossier ne fait preuve de ce que le passage d’un véhicule serait impossible.
Les vérifications opérées par le juge de la mise en état lors de la vue des lieux du 18 mai 2017, établissent que le passage litigieux, situé entre la maison d’habitation et la grange des époux [C], est mesuré à :
2,90 m de la dépendance des époux [C] jusqu’au muret devant leur maison
3,10 m de la dépendance des époux [C] jusqu’à la façade de leur maison,
2,58 m de la dépendance des époux [C] jusqu’à la gouttière devant leur maison,
2,30 m de l’ancien mur du poulailler (détruit) jusqu’à la première marche de l’escalier de la maison des époux [C].
Les conclusions écrites de M. [I], architecte mandaté directement par les époux [C], et réalisées sans mesures effectuées sur place, sont contestables et ne sont pas de nature à contredire efficacement les constatations et mesures effectuées par le juge de la mise en état lors de la vue des lieux.
Il en résulte que le passage d’un véhicule d’un gabarit modeste est possible et il appartiendra aux consorts [R] d’utiliser un véhicule compatible avec les mesures précitées.
Quant à l’incidence de la présence de conduites de chauffage passant sous les pavés du passage, la cour relève que l’avis technique produit par les époux [C], émanant du bureau d’étude Cocyclique, précise que, s’il est peu probable que la gaine entourant les tuyaux enterrés soit située à plus de 25 à 30 cm sous les pavés, un sondage destructif nécessitant la dépose des pavés serait nécessaire pour affirmer la profondeur exacte de la gaine par laquelle passent les tuyaux en cuivre du chauffage.
En l’état il n’apparaît pas qu’un tel sondage ait été réalisé de sorte que la profondeur exacte d’enfouissement de la gaine et des tuyaux n’est pas connue.
Par ailleurs la cour observe que la date d’installation sous les pavés de ces tuyaux n’est pas davantage connue. Compte tenu des attestations et photos produites, desquelles il résulte que le passage litigieux a déjà été emprunté par le passé, et à une époque assez ancienne, aussi bien par le véhicule de [A] [R] jusqu’à ce qu’elle renonce à utiliser en voiture ce passage, que par le petit engin agricole avec lequel son époux rentrait du bois, du fourrage ou autre, voire par d’autres voitures dont les photos, anciennes, sont produites, la cour considère que ces conduites ont pu être installées alors que des véhicules circulaient déjà, de sorte qu’il était nécessaire de tenir compte de cette contingence lors de leur pose.
Enfin, il n’existe en l’état aucune preuve de ce que ces conduites seraient dégradées par le passage d’un véhicule, ou que leur intégrité serait réellement menacée. A l’inverse, les consorts [R] versent aux débats un plan émanant du distributeur d’eau, duquel il résulte que leur canalisation d’eau potable passe également sous le passage litigieux, sans que cette circonstance pose problème.
Ainsi, les éléments versés aux débats ne sont pas de nature à faire preuve de ce que le passage d’un véhicule, nécessairement de petit gabarit compte tenu de la faible largeur mesurée, serait incompatible avec la présence de conduites passant sous le dallage, et constituerait un obstacle légitime à la circulation d’une voiture.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit et jugé qu’une servitude de passage en voiture pour cause d’enclave est créée sur la parcelle n° [Cadastre 1] au profit des parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3], et en ce qu’il a dit que les époux [C] doivent laisser libre ledit passage, ce qui implique de ne pas l’obstruer avec des objets mobiliers divers.
Compte tenu de l’ancienneté de la situation et de la résistance opposée par les époux [C], il sera prévu une astreinte de 100 euros par refus ou obstacle constaté, ce pendant une période de huit mois passée laquelle il pourra à nouveau être statué.
III- Sur les demandes de dommages-intérêts présentées par les consorts [R] :
La cour de cassation avait renvoyé les parties devant la cour d’appel de Metz, et par ailleurs la cassation opérée si elle censurait le raisonnement de la cour d’appel de Colmar, ne valait pas confirmation du jugement de première instance et laissait la possibilité aux époux [C] de se prévaloir d’une éventuelle impossibilité matérielle de mettre en place une servitude de passage d’un véhicule.
Leur déclaration de saisine ne constituait donc nullement un abus de droit, et la demande de dommages-intérêts présentée sur ce fondement est rejetée.
Quant à la demande formée uniquement à l’encontre de M. [C] à raison des menaces de mort proférées par celui-ci, la cour observe qu’elle ne se fonde que sur les plaintes déposées par trois des consorts [R] auprès des services de gendarmerie, mais qu’il n’est produit aucun témoignage venant conforter les faits tels que relatés, non plus que les propos prêtés à M. [C].
Dans ces conditions la demande de dommages-intérêts formée sur ce fondement sera également rejetée faute de preuves.
IV- Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement de première instance est confirmé pour ce qui concerne la charge des dépens.
A hauteur d’appel, M. et Mme [C] qui succombent, supporteront les entiers dépens d’appel, devant la cour d’appel de Colmar et devant la présente cour de renvoi, étant rappelé qu’aux termes de l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
L’équité commande en outre d’allouer aux consorts [R] une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevables les demandes de Mme [F] [K] épouse [C] et de M. [H] [C] tendant à voir :
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’une servitude de passage à pied pour cause d’enclave est créée sur la parcelle n° [Cadastre 1] au profit des parcelles n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3], en ce qu’il a dit et jugé que les époux [C] doivent laisser libre ledit passage, et a rejeté toutes autres prétentions des époux [C],
débouter les consorts [R] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, à l’exception de la demande tendant au débouté de la demande en constitution d’une servitude de passage en voiture,
condamner in solidum ou solidairement Monsieur [U] [E] [R], Madame [S] [N] [R] épouse [Y], Monsieur [Z] [T] [R] et Madame [L] [R] épouse [D] à payer aux époux [C] la somme de 100 000 € à titre d’indemnité pour compenser le dommage causé par la servitude, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir
Confirme le jugement du 18 octobre 2018 en ce qu’il a :
dit qu’une servitude de passage en voiture pour cause d’enclave est créée sur la parcelle n°[Cadastre 1] au profit des parcelles numéro [Cadastre 2] et [Cadastre 3],
dit et jugé que chacune des parties supportera ses frais,
Y ajoutant,
Condamne Mme [F] [K] épouse [C] et M. [H] [C] à libérer le passage traversant leur parcelle, sous astreinte provisoire de 100 euros par refus ou obstacle constaté, à compter du trentième jour suivant la signification du présent arrêt et pour une période de huit mois passée laquelle il pourra être à nouveau statué,
Ordonne la transcription au Livre foncier de la servitude constituée par le jugement du 18 octobre 2018 et par le présent arrêt,
Déboute Monsieur [U] [E] [R], Madame [S] [N] [R] épouse [Y], Monsieur [Z] [T] [R] et Madame [L] [R] épouse [D] de leur demande en dommages-intérêts pour reprise d’instance abusive,
Déboute Monsieur [U] [E] [R], Madame [S] [N] [R] épouse [Y], Monsieur [Z] [T] [R] et Madame [L] [R] épouse [D] de leur demande en dommages-intérêts à l’encontre de M. [H] [C],
Condamne in solidum Mme [F] [C] et M. [H] [C] aux entiers dépens d’appel y compris ceux issus de la procédure devant la cour d’appel de Colmar,
Condamne in solidum Mme [F] [C] et M. [H] [C] à verser à Monsieur [U] [E] [R], Madame [S] [N] [R] épouse [Y], Monsieur [Z] [T] [R] et Madame [L] [R] épouse [D] ensemble, une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président de chambre
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