Régularité de la procédure de contrôle et qualification du travail dissimulé.

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Régularité de la procédure de contrôle et qualification du travail dissimulé.

Règle de droit applicable

L’article R. 243-59 III du Code de la sécurité sociale impose que, suite à un contrôle ou à un constat d’infraction de travail dissimulé, les agents chargés du contrôle doivent communiquer au représentant légal de la personne morale contrôlée une lettre d’observations, datée et signée, mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, et les observations faites.

Cette exigence vise à garantir la transparence et le droit à la défense de la personne contrôlée, en lui permettant de comprendre les motifs du redressement envisagé.

Documents consultés

L’article R. 243-59 III précise également que la lettre d’observations doit mentionner les documents consultés lors du contrôle. Toutefois, la jurisprudence a établi que la lettre n’encourt pas la nullité si elle vise une pièce, même sans dresser une liste exhaustive des documents.

Ainsi, la mention d’un document dans le corps de la lettre est suffisante pour satisfaire aux exigences légales, comme l’indiquent les arrêts de la Cour de cassation (2e Civ., 24 juin 2021, n°20-10.139 et 2e Civ., 18 février 2010, n°09-65.432).

Motivation de la lettre d’observations

La lettre d’observations doit comporter toutes les mentions nécessaires, y compris l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, et les observations faites, conformément à l’article R. 243-59.

Elle doit également indiquer les textes applicables, la nature et le montant du redressement, ainsi que les majorations et pénalités éventuelles. La jurisprudence a confirmé que la motivation en droit et en fait est essentielle pour la validité de la procédure (2e Civ., 13 novembre 1996, n°94-13.187).

Travail dissimulé

L’article L. 8221-5 1° du Code du travail définit le travail dissimulé comme le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l’embauche.

En application de l’article L. 243-7-5 du Code de la sécurité sociale, les organismes de recouvrement peuvent procéder au redressement des cotisations dues sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé.

La jurisprudence a établi que le lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, est établi lorsque le travail est exécuté sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et de contrôler l’exécution (Soc., 29 avril 2009, n°07.45.409).

Entraide familiale

L’entraide familiale, considérée comme une forme de bénévolat, ne constitue pas une relation de travail tant qu’elle est effectuée de manière occasionnelle, sans rémunération, et sans lien de subordination.

La charge de la preuve de l’existence de cette entraide incombe à celui qui l’invoque. La jurisprudence a précisé que l’entraide doit être ponctuelle et ne pas se substituer à un poste de travail nécessaire au fonctionnement normal de l’entreprise (Cass. soc., 15 juin 1960, Bull. civ. 1960, IV, n°633).

Ainsi, la qualification de travail dissimulé peut être retenue si l’aide apportée excède les limites d’une entraide familiale, notamment si elle est récurrente et essentielle au fonctionnement de l’entreprise.

L’Essentiel : L’article R. 243-59 III du Code de la sécurité sociale impose aux agents de contrôle de communiquer une lettre d’observations au représentant légal de la personne morale, mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et les observations faites. Cette exigence vise à garantir la transparence et le droit à la défense. La lettre doit également comporter les textes applicables, la nature et le montant du redressement, ainsi que les majorations et pénalités éventuelles.
Résumé de l’affaire : Résumé de l’affaire de travail dissimulé

Le 13 juin 2019, lors d’un contrôle de l’URSSAF Ile-de-France dans un restaurant exploité par une société, un agent a constaté la présence d’un individu en action de travail sans déclaration préalable à l’embauche. Un procès-verbal a été établi pour travail dissimulé, et le 27 juin 2019, l’URSSAF a notifié à la société un redressement forfaitaire de 4 711 euros, accompagné de majorations. Malgré les observations de la société, l’URSSAF a maintenu le redressement le 28 août 2019.

Le 19 décembre 2019, l’URSSAF a mis en demeure la société de payer un total de 6 171 euros. Après le rejet de sa requête par la commission de recours amiable, la société a saisi le tribunal judiciaire de Versailles. En parallèle, une mesure de rappel à la loi a été prononcée à l’encontre du dirigeant de la société.

Le 16 juin 2022, le tribunal a débouté la société de sa demande d’annulation du redressement, confirmant l’existence de travail dissimulé et condamnant la société à payer la somme due. La société a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et l’annulation du redressement, arguant de l’irrégularité de la procédure et contestant l’existence de travail dissimulé, affirmant que l’individu en question était un membre de la famille aidant sans contrepartie financière.

L’URSSAF a soutenu que la procédure était régulière et que le travail dissimulé était avéré. En appel, la cour a confirmé le jugement de première instance, rejetant les arguments de la société concernant l’irrégularité de la procédure et l’absence de lien de subordination. La cour a également condamné la société aux dépens et à verser 1 000 euros à l’URSSAF au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la régularité de la procédure de contrôle ?

La régularité de la procédure de contrôle est fondée sur l’article R. 243-59 III du code de la sécurité sociale, qui stipule que, à l’issue du contrôle ou lorsqu’un constat d’infraction de travail dissimulé a été transmis, les agents chargés du contrôle doivent communiquer au représentant légal de la personne morale contrôlée une lettre d’observations datée et signée, mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, et les observations faites.

En l’espèce, il a été constaté que le contrôle a été effectué par un seul agent, qui a signé tous les documents, y compris la lettre d’observations. La société n’a pas justifié la présence de plusieurs agents lors du contrôle, ce qui rend la procédure régulière.

Ainsi, la cour a confirmé que la société ne pouvait pas revendiquer l’irrégularité de la procédure sur ce fondement.

Quel est le contenu requis dans la lettre d’observations selon le code de la sécurité sociale ?

Selon l’article R. 243-59 III du code de la sécurité sociale, la lettre d’observations doit mentionner l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, et les observations faites au cours de celui-ci.

Il est également précisé que, lorsqu’une infraction a été constatée, la lettre doit inclure des références aux documents pertinents et les faits constatés. La jurisprudence a établi que la lettre n’encourt pas la nullité si elle vise une pièce, même sans dresser une liste exhaustive des documents consultés.

Dans le cas présent, la lettre d’observations a été jugée conforme, car elle mentionnait les documents consultés et les observations faites, satisfaisant ainsi aux exigences légales.

Quel est le critère de qualification du travail dissimulé selon le code du travail ?

L’article L. 8221-5 1° du code du travail définit le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié comme le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l’embauche.

La jurisprudence a précisé que le lien de subordination est essentiel pour caractériser une relation de travail. Ce lien se manifeste par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et de contrôler l’exécution.

Dans cette affaire, la présence d’un salarié en action de travail sans déclaration préalable a été constatée, ce qui a conduit à la qualification de travail dissimulé.

Quel est le rôle de l’entraide familiale dans la qualification du travail dissimulé ?

L’entraide familiale, selon la jurisprudence, est une forme spécifique de bénévolat qui ne doit pas être confondue avec une relation de travail. Pour qu’elle soit reconnue, l’aide doit être occasionnelle, gratuite, et ne pas se substituer à un poste de travail nécessaire au fonctionnement de l’entreprise.

Dans le cas présent, la société a tenté de justifier la présence d’un membre de la famille comme une entraide. Cependant, il a été établi que cette aide était récurrente et essentielle au fonctionnement du restaurant, ce qui a conduit à rejeter l’argument d’entraide familiale.

La charge de la preuve de l’entraide incombe à celui qui l’invoque, et la société n’a pas réussi à démontrer que l’aide apportée était conforme aux critères d’entraide familiale.

Quel est l’impact des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais exposés pour la défense de ses droits. Dans cette affaire, la société a été condamnée aux dépens d’appel et a également été déboutée de sa demande fondée sur cet article.

La cour a condamné la société à payer à l’URSSAF la somme de 1 000 euros, en raison de sa position dans le litige. Cela souligne que la société, ayant succombé dans ses demandes, doit supporter les frais liés à la procédure, conformément aux dispositions de l’article 700.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88G

Ch.protection sociale 4-7

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 MARS 2025

N° RG 22/02919 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VN3S

AFFAIRE :

S.A.R.L. [7]

C/

URSSAF ILE DE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juin 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de VERSAILLES

N° RG : 20/01029

Copies exécutoires délivrées à :

Me Faeza HAMLADJI KEDADOUCHE

Copies certifiées conformes délivrées à :

S.A.R.L. [7]

URSSAF ILE DE FRANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. [7]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Faeza HAMLADJI KEDADOUCHE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Julien BAOUADI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 359

APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division Recours Amiables et Judiciaires

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par M. [G] [Y] (Représentant légal) en vertu d’un pouvoir général

INTIMEE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Janvier 2025, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Charlotte MASQUART, conseillère chargée d’instruire l’affaire.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère faisant fonction de présidente,

Madame Charlotte MASQUART, conseillère,

Madame Julie MOUTY-TARDIEU, conseillère,

Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Juliette DUPONT,

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d’un contrôle dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, le 13 juin 2019, au sein du restaurant exploité par la société [7] (la société), l’URSSAF Ile-de-France (l’URSSAF), constatant la présence de M. [L] [O] en action de travail, sans déclaration préalable à l’embauche, a établi un procès verbal relevant le délit de travail dissimulé, le 25 juin 2019, transmis au procureur de la République.

Parallèlement, l’URSSAF a notifié à la société une lettre d’observations, datée du 27 juin 2019, envisageant un redressement forfaitaire pour travail dissimulé, pour un montant de 4 711 euros de cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS et de 1 178 euros de majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé.

La société a fait part de ses observations par courrier du 27 juillet 2019. L’URSSAF a maintenu le redressement par courrier du 28 août 2019.

L’URSSAF a notifié à la société une mise en demeure du 19 décembre 2019, pour le paiement de la somme totale de 6 171 euros, dont 4 711 euros de cotisations, 1 178 euros de majorations de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé et 282 euros de majorations de retard.

Après rejet de sa requête par la commission de recours amiable de l’URSSAF, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles.

Parallèlement, à la suite du constat de travail dissimulé, une mesure de rappel à la loi a été prononcée le 6 août 2020 à l’encontre du dirigeant de la société.

Par jugement du 16 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a :

– débouté la société de sa demande en annulation du redressement en raison de l’irrégularité de la procédure,

– débouté la société de sa demande en annulation du redressement en l’absence de travail dissimulé,

– condamné la société à payer à l’URSSAF la somme de 6 171 euros, en ce compris les cotisations pour un montant de 4 711 euros, les majorations de redressement pour 1 178 euros et les majorations de retard provisoires afférentes au redressement pour 282 euros,

– débouté la société de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société aux dépens.

La société a relevé appel de cette décision. Après mise en état, l’affaire a été plaidée à l’audience du 21 janvier 2025.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour d’infirmer le jugement et d’annuler le redressement.

Elle expose, en substance, que la lettre d’observations est irrégulière en l’absence de signature des trois inspecteurs de l’URSSAF ayant procédé au contrôle, en l’absence d’indication dans la lettre d’observations de l’ensemble des documents consultés par l’inspecteur et en l’absence de motivation de la lettre d’observations.

La société conteste l’existence du travail dissimulé. Elle fait valoir que M. [L] [O], retraité et père du gérant, vient aider occasionnellement et sans contrepartie financière, son fils, gérant du restaurant, et qu’il s’agit donc d’une entraide familiale. La société précise que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, l’aide ponctuelle de M. [O] n’est pas essentielle au bon fonctionnement de l’activité de la société, dès lors qu’elle est partenaire de trois plateformes de commandes et de livraisons ([8], [6], [4]), ce qui permet au gérant de travailler de manière complètement autonome, sans aide, le restaurant recevant rarement du public.

La société soutient que l’URSSAF ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un contrat de travail, d’un lien de subordination ou d’une rémunération versée à M. [O] permettant de caractériser le travail dissimulé.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’URSSAF demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.

Elle fait valoir, pour l’essentiel de son argumentation, que la procédure de contrôle est régulière dès lors qu’un seul inspecteur a procédé au contrôle inopiné du 13 juin 2019, a auditionné le gérant dans les locaux de l’URSSAF, a signé le courrier de réponse aux observations de la société et a signé la lettre d’observations.

Elle expose également que la lettre d’observations mentionne la liste des documents consultés, sans qu’elle ne soit tenue de dresser une liste exhaustive desdits documents.

Elle soutient également que la lettre d’observations est motivée dès lors qu’elle contient l’ensemble des mentions prescrites par les textes.

L’URSSAF considère que le redressement est bien fondé dès lors que lors du contrôle, M. [O], père du dirigeant, était en situation de travail sans déclaration préalable à l’embauche, et qu’il ne peut s’agir d’une entraide familiale, la fonction de M. [O] étant essentielle au bon fonctionnement du restaurant.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société sollicite la condamnation de l’URSSAF au paiement de la somme de 2 000 euros. L’URSSAf, quant à elle, sollicite la somme de 1 000 euros.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la procédure

Sur la signature de la lettre d’observations

Selon l’article R. 243-59 III du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, à l’issue du contrôle ou lorsqu’un constat d’infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l’article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu’il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d’observations datée et signée par eux mentionnant l’objet du contrôle réalisé par eux ou par d’autres agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.

En l’espèce, par courrier du 13 juin 2019, M. [E] [U], inspecteur du recouvrement agréé et assermenté, a adressé à la société un avis précisant que suite au contrôle dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, et lui a demandé de se présenter dans les locaux de l’URSSAF le 20 juin 2019 en vue de son audition.

Le procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé mentionne ‘nous, [E] [U], inspecteur agréé et assermenté de l’URSSAF Ile-de-France, habilité à rechercher et à verbaliser le délit de travail dissimulé en application des dispositions (…) et disposant des pouvoirs d’investigations des articles (…) avons procédé au contrôle (…)’. Il est signé de M. [E] [U].

Le document d’informations consécutif à l’établissement du procès-verbal de constat de travail dissimulé est signé de M. [E] [U] et précise : ‘les informations communiquées ci-dessous résultent des infractions de travail dissimulé qui ont été constatées par l’inspecteur du recouvrement (…)’ (souligné par la cour).

La lettre d’observations indique que l’affaire est suivie par M. [E] [U] et est signée par ce dernier.

Le courrier de réponse aux observations de la société est également signé par M. [E] [U].

Il en résulte que le contrôle a été effectué par un seul agent de l’URSSAF, M. [E] [U], qui a signé tous les documents de la procédure de contrôle, dont la lettre d’observations conformément au texte précité.

Si la lettre d’observations doit être signée par tous les agents quand plusieurs agents ont procédé au contrôle, encore faut-il que la société contrôlée justifie de l’existence de trois contrôleurs.

Or, la société ne justifie pas de la participation de trois agents au contrôle.

Si le texte susvisé mentionne, dans son III, ‘les agents chargés du contrôle’, il s’agit d’un pluriel général, pour insister sur le fait que tous les agents doivent signer la lettre d’observation s’ils sont plusieurs mais le texte utilise tantôt le singulier tantôt le pluriel pour viser l’agent chargé du contrôle, sans imposer une collégialité pour procéder à un contrôle.

En outre, et contrairement à ce qu’allègue la société, la commission de recours amiable de l’URSSAF n’a pas reconnu la présence de plusieurs inspecteurs le jour du contrôle.

Il résulte de tout ce qui précède que la procédure de contrôle est régulière. La société sera déboutée de sa demande en annulation du redressement et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les documents consultés

Selon l’article R. 243-59 III, du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, à l’issue du contrôle ou lorsqu’un constat d’infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l’article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu’il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d’observations datée et signée par eux mentionnant l’objet du contrôle réalisé par eux ou par d’autres agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.

Lorsqu’une infraction mentionnée à l’article L. 8221-1 du code du travail a été constatée, la lettre d’observations mentionne en outre :

1° La référence au document prévu à l’article R. 133-1 ou les différents éléments listés au premier alinéa de cet article lorsque l’infraction a été constatée à l’occasion du contrôle réalisé par eux ;

2° La référence au document mentionné à l’article R. 133-1 ainsi que les faits constatés par les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail lorsque le constat d’infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l’article L. 8271-6-4 du code du travail.

Il convient, en outre, de préciser que, s’il est incontestable que la lettre d’observations se doit de mentionner l’ensemble des documents consultés par l’inspecteur du recouvrement et qui ont servi à établir le bien-fondé du redressement (2e Civ., 24 juin 2021, n°20-10.139), le texte précité n’exige pas que la mention ou le visa de chacune de ces pièces figure impérativement dans un «’inventaire’», dès lors que la lettre d’observations vise une pièce, il doit être considéré que l’exigence est satisfaite et que la lettre n’encourt pas la nullité (2e Civ., 18 février 2010, n°09-65.432).

Le texte n’exige pas un formalisme particulier pour la présentation de la lettre d’observations et ne saurait interdire la présentation de pièces consultées dans le corps de la lettre d’observations, en dehors du cadre intitulé «’LISTE DES DOCUMENTS CONSULTES POUR CE COMPTE’» qui fait apparaître, de façon synthétique, les documents consultés lors du contrôle.

En l’espèce, dans le cadre, page 2, intitulé «’LISTE DES DOCUMENTS CONSULTES POUR CE COMPTE’», est précisé qu’ont été consultés la ‘DADS/DSN, les relevés de comptes bancaires, les déclarations préalables à l’embauche, la comptabilité et les bilans’».

La société prétend qu’elle aurait fourni à l’inspecteur, lors de son audition dans les locaux de l’URSSAF, les documents suivants : un extrait Kbis de la société, les statuts de la société, le registre du personnel, les contrats salariés, les talons de chèque qui ne seraient pas repris dans la liste des documents consultés.

Dans la partie relative au chef de redressement, l’inspecteur du recouvrement a mentionné que ‘les éléments recueillis lors du contrôle et lors de notre entretien, n’ont pas permis de déterminer de façon irréfutable la date précise d’emploi du salarié non déclaré, le nombre réel d’heures travaillées, ainsi que le montant des rémunérations perçues’ (souligné par la cour), ce qui tend à démontrer que toutes les pièces consultées sont répertoriées dans la lettre d’observations.

Ainsi, c’est à juste titre que le tribunal a pu relever que l’URSSAF n’avait commis aucune irrégularité dès lors que l’article R. 243-59 précité n’exige pas de dresser une liste exhaustive des documents consultés et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la motivation de la lettre d’observations

Vu l’article R. 243-59 précité :

A la lecture de la lettre d’observations, il appert que celle-ci comporte toutes les mentions nécessaires prévues par l’article susvisé, mentionne l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication des textes applicables, de la nature, du mode de calcul et du montant du redressement et des éventuelles majorations et pénalités, indique à la société qu’elle dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu’elle a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix.

La lettre d’observations comporte la motivation, la base et les modalités de calcul des cotisations et contributions dues pour le chef de redressement, en précisant le taux et le montant ainsi que les majorations de retard . Il est également précisé qu’il est procédé à l’application d’un redressement forfaitaire calculé sur 25 % du plafond annuel par salarié dissimulé, tel que prévu à l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, par salarié non déclaré.

La lettre d’observations conclut que la vérification entraîne un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et AGS d’un montant total de 4 711 euros.

La lettre d’observations est donc motivée en droit et en fait. Le moyen tiré de la nullité de la procédure de contrôle apparaît dénué de pertinence et doit être rejeté.

Le jugement sera dès lors confirmé sur ce point.

Sur le bien fondé du redressement

Selon l’article L. 8221-5 1° du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l’embauche.

En application des dispositions de l’article L. 243-7-5 du code de la sécurité sociale, les organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 peuvent procéder au redressement des cotisations et contributions dues sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé qui leur sont transmis par les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail. Ces organismes ainsi que ceux mentionnés à l’article L. 611-8 du présent code mettent en recouvrement ces cotisations et contributions.

Le lien de subordination qui constitue le critère majeur du contrat de travail est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc., 13 nov. 1996, no 94-13.187, Bull. V, no 386, Soc. 29 avril 2009, no 07.45.409).

Il est de jurisprudence constante que l’entraide familiale qui constitue une forme spécifique de bénévolat permettant de faire participer les membres d’une même famille aux activités d’une entreprise, est exclusive de toute relation de travail exercée dans un rapport de subordination (rappr. Cass. soc., 15 juin 1960 : Bull. civ.1960, IV, n°633. Cass. soc., 2juill.1997, n°95-43.629 Cass. soc., 17 mai 1973, n°72-40.490 : Bull. civ. 1973), procédant de la volonté d’assistance de son auteur.

Il résulte de ces dispositions que la relation salariale est caractérisée par une prestation de travail, un lien de subordination ou à tout le moins un travail dans un cadre organisé par l’employeur, lequel dispose du pouvoir de donner des directives et d’en contrôler l’exécution, assorti de celui de sanctionner, et une rémunération.

L’entraide se caractérise par une aide ou une assistance effectuée de manière occasionnelle et spontanée, en dehors de toute rémunération et de toute contrainte. L’aide apportée ne doit être ni durable ou régulière, ni accomplie dans un état de subordination, ni se substituer à un poste de travail nécessaire au fonctionnement normal d’une entreprise ou d’une activité professionnelle.

L’entraide familiale ou amicale n’est donc susceptible de faire obstacle à la qualification de travail dissimulé qu’à la condition que la personne qui prête son concours le fasse sans obligation contractuelle, de manière ponctuelle, occasionnelle et non durable, gratuitement et sans contrepartie de quelque nature que ce soit, en dehors de toute sujétion juridique envers la personne qui la sollicite.

La charge de la preuve de l’entraide est à la charge de celui qui l’invoque.

En l’espèce, aux termes du procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé, il est mentionné que le 13 juin 2019 à 12h45, il a été constaté la ‘présence du gérant et la présence d’un salarié en action de travail, à savoir Monsieur [O] [L] né le 08/07/1954, affairé en salle à servir les clients pendant que le gérant est affairé en cuisine à la préparation des mets. Des recherches effectuées, auprès de nos services, il s’avère que Monsieur [O] [L] n’a pas fait l’objet de déclaration préalable à l’embauche à la date et heure du contrôle’. Il est également précisé que lors de son audition dans les locaux de l’URSSAF, le responsable légal de la société a reconnu que M. [L] [O], son père, ‘vient l’aider de temps en temps’.

Enfin, il convient de rappeler que les mentions du procès-verbal des agents de contrôle, dont la lettre d’observations est un élément constitutif, font foi jusqu’à preuve contraire.

La société allègue que son comptable lui aurait indiqué que M. [L] [O] ‘pouvait venir aider sans que cette aide ne fasse l’objet de déclaration préalable à l’embauche s’agissant d’une entraide familiale’. Cependant, la cour relève que la société ne produit aucun document du comptable confirmant cette allégation.

Par ailleurs, si le gérant soutient que la fonction de M. [L] [O] n’est pas essentielle au bon fonctionnement de la société, il est parfaitement établi que la société ne dispose d’aucun salarié, à part le gérant. En outre, s’il est fait état de l’existence d’un associé, en la personne de M. [V] [D], aucune pièce comptable ne vient corroborer ces allégations.

La société ne peut utilement faire état de partenariats avec des plateformes internet de commandes et de livraison de repas pour considérer que l’aide de M. [L] [O] était ponctuelle et occasionnelle dès lors que les chiffres d’affaires produits aux débats, bien qu’ils ne soient pas certifiés par un expert comptable, permettent cependant de constater que l’activité de la société ne repose pas uniquement sur la vente à emporter mais également sur la prise de repas sur place, ce qui nécessite la présence d’une personne pour le service en salle.

L’activité qui a été déployée par M. [L] [O] excédait ainsi les limites d’une entraide ponctuelle puisque non seulement elle était récurrente mais également parce que sans sa participation, le gérant qui travaillait seul, n’aurait pu faire fonctionner son commerce.

Il convient en conséquence de rejeter le moyen tiré de l’entraide familiale.

En outre, il est constant qu’à la suite du constat de travail dissimulé, une mesure de rappel à la loi a été prononcée le 6 août 2020 à l’encontre du dirigeant de la société. Par ailleurs, la cour relève que l’extrait Kbis produit aux débats par la société, daté du 29 décembre 2024, mentionne M. [L] [O] comme étant le gérant de la société.

Le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens d’appel et corrélativement déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sera, sur ce même fondement, condamnée à payer à l’URSSAF la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société [7] aux dépens d’appel ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [7] et la condamne à payer à l’URSSAF Ile-de-France, la somme de 1 000 euros ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.

La greffière La conseillère faisant fonction de présidente


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