Imputabilité des arrêts de travail : enjeux et présomptions en matière de santé au travail.

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Imputabilité des arrêts de travail : enjeux et présomptions en matière de santé au travail.

Indemnité journalière et présomption d’imputabilité

L’article L.433-1 du Code de la sécurité sociale stipule qu’une indemnité journalière est versée à la victime d’un accident du travail par la caisse primaire, à partir du premier jour suivant l’arrêt de travail consécutif à l’accident, et ce, pendant toute la période d’incapacité de travail jusqu’à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès, ainsi que dans le cas de rechute ou d’aggravation.

La présomption d’imputabilité au travail des soins et arrêts de travail s’étend durant toute la période d’incapacité de travail, précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. Cette présomption est confirmée par plusieurs arrêts de la Cour de cassation (Civ. 2e, 17 février 2011, pourvoi n°10-14981 ; Civ. 2e, 16 février 2012, pourvoi n° 10-27172 ; Civ. 2e, 15 février 2018, pourvoi n° 16-27903 ; Civ. 2e, 4 mai 2016, pourvoi n° 15-16895).

Charge de la preuve et contestation de l’imputabilité

Cette présomption d’imputabilité n’est pas irréfragable. Il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, indépendamment de la continuité des soins et des symptômes, qui ne remettent pas en cause les conditions de cette présomption (Civ. 2e, 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-17626 PBI ; Civ. 2e, 18 février 2021, pourvoi n° 19-21.940 ; Civ. 2e, 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655).

L’arrêt de travail doit établir un lien direct et certain avec la pathologie prise en charge, ce lien étant rompu lorsque l’état pathologique antérieur, même révélé par l’accident du travail, n’évolue plus que pour son propre compte (Civ. 2e, 7 mai 2015, pourvoi n° 14-14064 ; Civ. 2e, 1er décembre 2011, pourvoi n°10-23032).

Appréciation souveraine des éléments de fait

Il appartient au juge du fond de déterminer si la présomption d’imputabilité est utilement combattue par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve présentés (Civ. 2e, 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-20.173). Le juge peut ordonner une mesure d’expertise, mais cette faculté relève de son pouvoir souverain d’appréciation (Civ. 2e, 18 novembre 2010, pourvoi n° 09-16673 ; Civ. 2e, 16 février 2012, pourvoi n° 10-27172 ; Civ. 2e, 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-27209).

Opposabilité des arrêts de travail

La caisse primaire d’assurance maladie doit justifier du paiement des indemnités journalières versées pour que les arrêts de travail soient déclarés opposables à l’employeur. En l’espèce, la caisse a démontré le paiement des indemnités journalières du 22 janvier 2019 au 30 août 2019, ce qui a conduit à la décision de déclarer opposables les arrêts de travail prescrits à Mme [U] [G] (article 700 du Code de procédure civile).

Dépens et article 700 du Code de procédure civile

Conformément à l’article 700 du Code de procédure civile, la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais engagés. Dans cette affaire, la SAS [5] a été condamnée à verser des sommes à la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges, tant en première instance qu’en appel, en raison de sa position de partie perdante.

L’Essentiel : L’article L.433-1 du Code de la sécurité sociale prévoit le versement d’une indemnité journalière à la victime d’un accident du travail, à partir du premier jour d’arrêt de travail, jusqu’à guérison complète ou décès. La présomption d’imputabilité s’applique durant toute la période d’incapacité, mais n’est pas irréfragable. L’employeur contestataire doit prouver le contraire. Le juge apprécie souverainement les éléments de fait et peut ordonner une expertise. La caisse doit justifier du paiement des indemnités pour que les arrêts soient opposables à l’employeur.
Résumé de l’affaire : Le 26 mars 2025, la Cour a rendu un arrêt concernant une affaire d’accident du travail impliquant une victime, une société employeur et une caisse primaire d’assurance maladie.

Les faits remontent au 10 janvier 2019, lorsque la victime a été embauchée par la société [5] en tant qu’ouvrière non qualifiée. Le 22 janvier 2019, elle a subi un accident en déplaçant un châssis, entraînant une douleur à l’épaule gauche. Un certificat médical a confirmé une scapulalgie aiguë et une tendinopathie de la coiffe. La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu l’accident comme un accident du travail et a pris en charge les soins, plaçant la victime en arrêt de travail jusqu’au 30 août 2019.

Le 16 novembre 2022, la société [5] a contesté l’imputabilité des lésions et des arrêts de travail devant la commission médicale de recours amiable, qui a rejeté sa demande le 5 janvier 2023. La société a alors saisi le tribunal judiciaire d’Épinal, qui, par jugement du 13 mars 2024, a débouté les parties de leurs demandes respectives tout en déclarant la société recevable dans son recours.

La société a interjeté appel, demandant une expertise sur l’origine des lésions. En réponse, la caisse a demandé la confirmation du jugement initial et a réclamé des indemnités pour les frais engagés.

La Cour a finalement confirmé le jugement du tribunal d’Épinal en ce qui concerne le débouté de la société [5], mais a infirmé la décision relative à l’opposabilité des arrêts de travail, déclarant ceux-ci opposables à la société. Elle a également condamné la société à verser des sommes à la caisse au titre des frais de justice.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la présomption d’imputabilité des arrêts de travail et soins ?

La présomption d’imputabilité des arrêts de travail et des soins est régie par l’article L.433-1 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule qu’une indemnité journalière est versée à la victime par la caisse primaire à partir du premier jour suivant l’arrêt de travail consécutif à un accident, et ce, pendant toute la période d’incapacité de travail, jusqu’à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès.

Cette présomption s’étend durant toute la durée d’incapacité de travail, comme l’indiquent plusieurs décisions de la Cour de cassation (civ. 2e 17 février 2011, pourvoi n°10-14981 ; civ.2e 16 février 2012, pourvoi n° 10-27172 ; civ.2e 15 février 2018, pourvoi n° 16-27903 ; civ.2e 4 mai 2016, pourvoi n° 15-16895).

Cependant, cette présomption n’est pas irréfragable. L’employeur qui conteste cette présomption doit apporter la preuve du contraire, indépendamment de la continuité des soins et des symptômes, qui ne remettent pas en cause les conditions de cette présomption (civ.2e 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-17626 PBI ; civ.2e 18 février 2021, pourvoi n° 19-21.940 ; civ.2e 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655).

Quel est le rôle du juge dans l’appréciation de la présomption d’imputabilité ?

Le juge du fond a la responsabilité d’évaluer si la présomption d’imputabilité est utilement contestée, en procédant à une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve présentés devant lui. Selon la jurisprudence (civ.2e 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-20.173), il peut ordonner une mesure d’expertise pour éclairer la situation.

Néanmoins, la décision d’ordonner une telle mesure relève du pouvoir souverain d’appréciation du juge (civ.2e 18 novembre 2010, pourvoi n° 09-16673 ; civ.2e 16 février 2012, pourvoi n° 10-27172 ; civ.2e 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-27209). Cela signifie que le juge peut décider de ne pas ordonner d’expertise si les éléments présentés sont jugés suffisants pour trancher le litige.

Quel est le lien requis entre l’arrêt de travail et la pathologie pour qu’il soit considéré comme imputable à un accident du travail ?

Pour qu’un arrêt de travail soit considéré comme imputable à un accident du travail, il doit exister un lien direct et certain entre l’arrêt de travail et la pathologie prise en charge. La jurisprudence précise que ce lien disparaît lorsque l’état pathologique antérieur, même révélé par l’accident, n’évolue plus que pour son propre compte (civ.2e 7 mai 2015, pourvoi n° 14-14064 ; civ.2e 1er décembre 2011, pourvoi n°10-23032).

Ainsi, il est essentiel que l’accident du travail soit la cause directe de l’incapacité de travail, et que les soins et arrêts prescrits soient en rapport avec les lésions résultant de cet accident. En l’absence de ce lien, l’imputabilité ne peut être retenue.

Quel est le régime des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

Concernant les dépens, le jugement a confirmé la condamnation de la société aux dépens de première instance. En ce qui concerne l’article 700 du code de procédure civile, le jugement a été infirmé en ce qu’il a débouté la caisse de sa demande. La société a été condamnée à verser à la caisse la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 en première instance.

Pour l’appel, la société a également été condamnée à payer une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison des frais engagés par la caisse dans le cadre de l’appel. L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais non compris dans les dépens, ce qui est ici appliqué à la société [5].

ARRÊT N° /2025

SS

DU 26 MARS 2025

N° RG 24/00792 – N° Portalis DBVR-V-B7I-FLD5

Pole social du TJ d’EPINAL

23/19

13 mars 2024

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

S.A.S. [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT – LALLIARD – ROUANET, avocat au barreau de LYON substitué par Me FOLTZ, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Caisse CPAM DES VOSGES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Madame [P] [N], régulièrement munie d’un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme BOUC

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame RIVORY (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 03 Décembre 2024 tenue par Mme BOUC, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Corinne BOUC, présidente, Jérôme LIZET, président assesseur et Dominique BRUNEAU, conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 12 Février 2025 ;puis à cette date le délibéré a été prorogé au 26 Mars 2025 ;

Le 26 Mars 2025, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

Faits, procédure, prétentions et moyens

Le 10 janvier 2019, Mme [U] [G] a été embauchée par la SAS [5] dans le cadre d’une mission à durée indéterminée en qualité d’ouvrière non qualifiée et a été mise à disposition de la société [6].

Le 22 janvier 2019, Mme [U] [G] a été victime d’un accident. Selon la déclaration d’accident du travail établi par la société [5] le 25 janvier 2019, Mme [U] [G] a ressenti une douleur à l’épaule gauche en déplaçant un châssis dans l’ébavureuse dormant.

Aux termes du certificat médical initial du 22 janvier 2019, Mme [U] [G] présentait ‘une scapulalgie gauche aigüe – tendinopathie globale de la coiffe’.

Par décision du 28 janvier 2019, la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges (la caisse) a pris en charge l’accident du travail.

Mme [U] [G] a été placée en arrêt de travail du 22 janvier 2019 au 30 août 2019 et a été déclarée guérie le 30 septembre 2019.

Ce sinistre a été inscrit au compte employeur 2019 de la société [5] à hauteur de 221 jours.

Le 16 novembre 2022, la société [5] a contesté devant la commission médicale de recours amiable de la caisse l’imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail prescrits à Mme [U] [G] au titre de l’accident du travail dont elle a été victime le 22 janvier 2019.

Par décision du 5 janvier 2023, ladite commission a rejeté son recours et confirmé l’imputabilité des arrêts de travail à l’accident du travail du 22 janvier 2019.

Le 10 février 2023, la société [5] a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire d’Épinal.

Par jugement du 13 mars 2024, le tribunal judiciaire d’Épinal a :

– déclaré la société [5] recevable en son recours,

– débouté les parties de leurs demandes respectives,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société [5] aux dépens.

Ce jugement a été notifié à la société [5] par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 15 mars 2024.

Par lettre recommandée du 15 avril 2024, la société [5] a interjeté appel de ce jugement.

Suivant ses conclusions reçues au greffe le 28 novembre 2024, la SAS [5] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 13 mars 2024 par le pôle social du tribunal judiciaire d’Epinal en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

– ordonner au choix de la cour, l’une des mesures d’instruction légalement admissibles (consultation orale à l’audience, consultation sur pièces ou expertise judiciaire sur pièces) portant sur l’origine et l’imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail indemnisés par la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges au titre de l’accident du travail dont Mme [U] [G] était victime le 25 janvier 2019 ;

Dans ce cadre,

– choisir l’expert sur l’une des listes dressées en application de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 ou, à défaut, parmi les médecins spécialistes ou compétents pour l’affection considérée ;

– impartir des délais aux parties et au technicien pour la communication de leurs pièces et le dépôt de ses rapports (pré-rapport et rapport définitif) ;

A l’expert de :

– prendre connaissance des pièces qui lui auront été communiquées par les parties ;

– tirer toutes les conséquences d’un défaut de transmission du rapport médicat par l’organisme de sécurité sociale et/ou le service médical lui étant rattaché ;

– prendre connaissance des observations du docteur [R] [E] et répondre aux arguments médicaux qu’il a soulevés ;

– rechercher l’existence d’une cause étrangère au travail, d’un état pathologique préexistant ou d’une pathologie intercurrente à l’origine des lésions indemnisées ;

– éclairer la cour sur la durée de l’arrêt de travail imputable à l’accident litigieux ;

– rappeler qu’en vertu du principe du contradictoire, l’expert devra associer les parties aux opérations d’expertise en leur permettant de lui adresser des observations après leur avoir notifié un pré-rapport ;

– ordonner au technicien commis de notifier son rapport écrit au médecin désigné par l’employeur en application des dispositions de l’article R. 142-1 6-4 du code de la sécurité sociale, lequel est le docteur [D] [T] ;

– statuer sur le fond du litige à l’issue de la mesure d’instruction ;

– condamner la CPAM des Vosges aux entiers dépens.

Suivant ses conclusions reçues au greffe par courrier le 2 décembre 2024, la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d’Epinal, sauf en ce qu’il a l’a déboutée de ses demandes et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter la société [5] de son recours et de ses demandes ;

– confirmer la décision prise le 5 janvier 2023 par sa commission médicale de recours amiable ;

– déclarer opposable à la société [5] l’arrêt de travail prescrit à Mme [U] [G] jusqu’au 30 août 2019, dans les suites de son accident du travail du 22 janvier 2019 ;

– condamner la société [5] à lui verser une somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en raison des frais engagés en première instance ;

– condamner la société [5] à lui verser une somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en raison des frais engagés à hauteur d’appel ;

– condamner la société [5] aux dépens.

Pour l’exposé des moyens des parties, il sera renvoyé aux conclusions sus mentionnées, auxquelles les parties se sont rapportées.

Plaidé à l’audience du 3 décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 12 février 2025, prorogé au 26 mars 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la présomption d’imputabilité des arrêts de travail et soins

Aux termes de l’article L.433-1 du code de la sécurité sociale, une indemnité journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l’arrêt du travail consécutif à l’accident pendant toute la période d’incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d’aggravation.

La présomption d’imputabilité au travail des soins et arrêts s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime (civ. 2e 17 février 2011 pourvoi n°10-14981 ; civ.2e 16 février 2012 pourvoi n° 10-27172 ; civ.2e 15 février 2018 pourvoi n° 16-27903 ; civ.2e 4 mai 2016 pourvoi n° 15-16895).

Cette présomption d’imputabilité au travail n’est cependant pas irréfragable et il appartient à l’employeur qui la conteste d’apporter la preuve contraire, peu important la continuité des soins et symptômes et arrêts qui n’est pas de nature à remettre en cause les conditions de cette présomption (civ.2e 9 juillet 2020 pourvoi n° 19-17626 PBI ; civ.2e 18 février 2021 pourvoi n° 19-21.940 ; civ.2e 12 mai 2022 pourvoi n° 20-20.655).

L’arrêt de travail doit avoir un lien direct et certain avec la pathologie prise en charge (civ.2e 7 mai 2015 pourvoi n° 14-14064), ce lien disparaissant lorsqu’un état pathologie antérieur, même révélé par l’accident du travail ou la maladie professionnelle, n’évolue plus que pour son propre compte (civ.2e 1er décembre 2011 pourvoi n°10-23032).

S’il appartient au juge du fond de rechercher si la présomption d’imputabilité est ou non utilement combattue par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits devant eux (civ.2e 20 décembre 2012 pourvoi n° 11-20.173) et s’il peut à cet égard ordonner une mesure d’expertise ( civ.2e, 16 juin 2011 pourvoi n° 10-27.172), il n’en demeure pas moins que la faculté d’ordonner une telle mesure relève de son pouvoir souverain d’appréciation (civ.2e 18 novembre 2010 pourvoi n° 09-16673 ; civ.2e 16 février 2012 pourvoi n° 10-27172 ; civ.2e 28 novembre 2013 pourvoi n° 12-27209).

En l’espèce, le docteur [T], mandaté par la société, écrit :

‘Le 22/01/2019, le CM (Certificat Médical Initial) est rédigé par Madame le docteur [C] [Z], Médecin Généraliste, au motif ‘Scapulalgie gauche aiguë en poussant une charge. Tendinopathie de la coiffe’, suivi un arrêt de travail 15 jours jusqu’au 05/02/2019.

Du 05/02/2019 jusqu’au 28/02/2019 suivent deux CMP (Certificat Médical de Prolongation), soit une période de 23 jours, tous deux sous la signature de Madame le docteur [A] [I], Médecin Généraliste, au motif de ‘PASH’ (Péri Arthrite Scepulo Humérale).

Le 28/02/2019 au 08/05/2019, nouveau CMP du docteur [K] [V], Médecin Généraliste au motif soulevé de ‘Coiffe du rotateur gauche avec douleur et limitation des amplitudes articulaires, notamment en abduction (limité à 60°) : YOCUM +, GERBER +, NEER +. Attente de résultats I.RM’.

Le 28/02/2019, réalisation de l’IRM : ‘Ascension de la tête humérale avec hydarthrose et épanchement liquidien péricéphalique huméral avec épanchement au niveau de la gouttière bicipitale’.

A partir du 15/03/2019 jusqu’au 30/08/2019, la prise en charge est assurée par un binôme spécialiste de Chirurgie Orthopédiste et Traumatologue, les docteurs [R] [S] [L] et [F] [M], en rapportant. les précision clinique de ‘Suspicion de SLAT’ et de ‘Lésion BANKIT articulaire épaule gauche’.

Le 30/08/2019, Monsieur le Docteur [L] [R] [S], Chirurgien Orthopédiste et Traumatologue signe le dernier CMP de 1 mois au motif de ‘Douleur épaule gauche avec reprise de travail temps complet le 31/08/2019.

Le 03/06/22, l’assuré répond à la consultation du Service Médical.

Le 21/11/2022 et par un courrier recommandé, Maître [X] [B] saisi la Commission Médicale de Recours Amiable d’un recours gracieux en contestant l’imputabilité à l’accident des soins et. arrêts de travail prescrits à Madame [U] [G].

Le 23/11/2022, Monsieur le Docteur [H], Médecin Conseil, remet son Rapport Médical en concluant qu’il apparaît une continuité des soins et des symptômes jusqu’à la date de reprise du travail au 31/08/2019.’

Le 05/01/2023, curieusement et bien plus précocement que d’habitude, l’envoi de ce recours donne lieu à une décision prise au titre de rejet par la CMRA Grand Est en sa réunion du jour, contraignant ainsi la Société de saisir le Pôle Social du Tribunal Judiciaire.

ANALYSE DES PIÈCES et DISCUSSION MÉDICO-LÉGALE

Elle s’ouvre sur la remarque d’une prise en charge directement et pendant 1,5 mois d un fait générateur de traumatologie de l’épaule par un simple suivi en Médecine Générale, alors que les données acquises actualisés de la science imposent un examen échographique le plus rapidement avant l’IRM.

Aucune précision clinique n’est aussi apportée, ni sur la vélocité et l’intensité du traumatisme, ni sur les éventuels signes généraux (douleur codifiée en EVA, oedème, hématome), ni sur la la thérapeutique initiale (immobilisation, antalgique, anti-inflammatoire).

Tout en soulignant cependant la rapidité du recours obtenu pour le rendez-vous IRM en un mois et 6 jours (22/01/2019 au 28/02/2019).

C’est donc au niveau de la prise en charge secondaire spécialisée en orthopédie que va se centrer la discussion.

1. Le 04/06/2019, après l’échec d’une infiltration, Monsieur le docteur [F] [M] revient sur le diagnostic de simple « tendinite » posé par son confrère orthopédiste, Monsieur le docteur [L] [R] [S] , en évoquant quant à lui un «SLAT». Mais, d’une part la lésion n est apparemment pas évoquée à l’IRM, et d’autre part la lésion SLAT (de l’anglais « Superior Labral Antero-Posterior Lesion ») correspond à un traumatisme généralement et nécessairement très violent, arrachant la partie supérieure du labrum en association avec une rupture du tendon du long biceps. En dehors d’un âge avancé ou d’un état antérieur traumatique et/ou chirurgical, les deux causes principales pouvant générer une lésion SLAP sont :

‘ Premièrement, une chute sur la paume de le main, coude tendu. Une telle chute peut en effet causer une compression du muscle par la tête humérale et ainsi engendrer un traumatisme de l’épaule. Ce qui ne correspond pas aux circonstances décrites pour le dossier en référence.

‘ Deuxièmement, la rupture du tendon du biceps / triceps peut faire suite à un mouvement de lancer violent pendant la pratique d’un sport spécifique. L’arrachement des tendons peut en effet se produire lors de ce geste brutal, faux mouvement, ou mouvement forcé. Ainsi, les personnes pratiquant intensivement un sport comme le lancer, le volley, le tennis, le rugby, le Football, ou encore le baseball, sont plus exposés au risque de SLAP lésion de l’épaule. Ce qui ne correspond pas aussi aux circonstances décrites pour le dossier en référence.

2. Le 17/07/2019, il est rapporté par le même praticien orthopédiste (Rapport Médical du Docteur [H], Médecin Conseil) une « Lésion Bankit articulaire épaule G ». Mais le «bankit» ne correspond pas à une appellation traumatologique ou orthopédique. Par contre «l’opération de BANKART» est une opération qui consiste à venir réparer le bourrelet du labrum arraché ou déchiré le plus souvent en avant de l’épaule. Et à ce titre il n est pas fourni de preuve au titre d’u CRO (Compte Rendu Opératoire) d’une telle intervention !

Ce qui laisse donc à reprendre le quantum excessif en Arrêt de Travail accordé par les spécialistes orthopédistes. En effet, les barèmes habituellement consultés s’accordent sur une fourchette du quantum entre 35 et 90 jours maximum en IJ/AT :

HAS [1] : Travail physique léger / Charge ponctuelle 25 kg un arrêt de 90 jours.

Barème barème indicatif des arrêts de travail en traumatologie [2] : Page 18. § 5323 PASH (Péri Arthrite Scapulo humérale) / Traitement médical ou acromioplastie simple / 3 semaines à 3 mois.

En subsidiarité il faut remarquer que l’Assurance n’a pas précocément organisé de contrôle avant 132 jours 4 mois et 12 jours (132 jours) d’arrêt de Travail en continue (du 22/01/2019 au 03/06/2022).

CONCLUSION

Le Mardi 22/01/2019 à 07 h 00 (horaire journalier contractuel de 05 h 00 à 13 h 00), Madame [G] [U], 29 ans 8 mois et 13 jours au moment du fait générateur, embauchée depuis seulement 12 jours (10/01/2019) au titre d’Ouvrière Non Qualifiée intérimaire, SANS présence d’un témoin, est victime en temps lieu et place d’un Accident du Travail : « [U] [G] déplaçait un châssis dans l’ébavureuse dormant. Elle aurait ressenti une douleur à l’épaule gauche». L’assuré va ensuite bénéficier d un arrêt total de 221 jours en IJ/AT !

Bien entendu, il faut effectivement reconnaître l’imputabilité de cet Accident du Travail, relevant effectivement de l’article L.411.1 code de la sécurité sociale faisant état qu’il est acquis que l’accident survenu au temps et lieu de travail, est, quel qu’en soit la cause, présumé être en accident du travail. Il est également constant que la présomption d’imputabilité

au travail de l’accident qui est survenu en ses temps et lieu s’étend aux lésions survenues entre la date du sinistre et celle de la guérison ou de la consolidation des séquelles». Tout en rappelant cependant l absence de témoin, ce qui n’exclue donc pas la possibilité d’un violent traumatisme antérieur, de quelque nature que ce soit, mais indépendamment en temps et lieu du poste de travail, pouvant alors rendre compte d’une fragilité rendant possible une telle lésion en relation avec un traumatisme mineur sur le lieu de travail.

Dans le cadre de ce dossier, il faut cependant retenir une prise en charge de spécialité étatique et contradictoire à l’origine d’une durée excessive d’un arrêt de travail qui, selon barèmes habituellement consultés, qui n aurait pas dû dépasser les limites d’une fourchette de quantum entre 45 et 90 jours maximum en IJ/AT.

Plaise donc à la CMRA, voire au pôle Social du Tribunal Judiciaire, de revoir sa décision finale.’

Il en ressort que :

– les explications du docteur [T] sont parfois absconses,

– il ne reprend pas l’avis circonstancié du médecin-conseil de la caisse, se contentant de ses conclusions aux termes desquelles les arrêts de travail sont en lien avec la lésion consécutive à l’accident,

– il remet en cause la prise en charge de la lésion au titre des risques professionnels et ses dires entretiennent la confusion entre l’origine de la lésion et l’imputabilité des arrêts et soins qui en ont suivis,

– il se fonde sur des hypothèses de diagnostic émises par les médecins spécialistes.

Dans ces conditions, l’avis médical produit ne justifie pas de la remise en cause de l’avis du médecin-conseil de la caisse, ni de la nécessité de recourir à une mesure d’instruction.

Dès lors, le jugement sera confirmé en qu’il a débouté la société [5] de sa demande aux fins de mesure d’instruction.

Sur l’opposabilité des arrêts de travail et de soins

Au regard de ce qui précède et la caisse justifiant du paiement des indemnités journalières versées du 22 janvier 2019 au 30 août 2019 (pièce 7 de la caisse), il sera fait droit à sa demande de déclarer opposable à la société [5] les arrêts de travail prescrits du 22 janvier 2019 au 30 août 2019 et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

1- en première instance

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société [5] aux dépens de première instance.

Il sera infirmé en ce qu’il a débouté la caisse de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société [5] sera condamnée à payer à la caisse la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

2- en appel

Partie perdante, la société [5] sera condamnée aux dépens d’appel et au paiement d’une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu le 13 mars 2024 par le tribunal judiciaire d’Épinal en ce qu’il a débouté la SAS [5] de ses demandes et en ce qu’il a condamné la société aux dépens de première instance,

Infirme le dit jugement en ce qu’il a débouté la caisse de sa demande d’opposabilité et de celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Déclare opposable à la SAS [5] les arrêts de travail prescrits à Mme [U] [G] du 22 janvier 2019 au 30 août 2019 dans les suites de son accident du travail du 22 janvier 2019,

Condamne la SAS [5] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,

Y ajoutant,

Condamne la SAS [5] aux dépens d’appel,

Condamne la SAS [5] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Madame Corinne BOUC, Présidente de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

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