Règle de droit applicableL’article L. 1224-1 du Code du travail stipule que, en cas de changement d’employeur, les contrats de travail en cours sont transférés au nouvel employeur, sauf si le salarié refuse ce transfert. Cette disposition est renforcée par l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002, qui précise les conditions de reprise des contrats de travail dans le secteur de la sécurité. Cet avenant établit que le transfert des contrats de travail doit se faire lorsque les entreprises « entrante » et « sortante » sont liées au même cocontractant, que les marchés sont identiques en termes de volume de prestations, et que la configuration des métiers et des qualifications des effectifs est similaire. Conditions de reprise des contrats de travailLes conditions de reprise des contrats de travail, selon l’avenant du 28 janvier 2011, incluent : – L’existence d’un lien contractuel entre les entreprises « entrante » et « sortante » avec le même client. Ces conditions visent à garantir la continuité de l’emploi et la protection des droits des salariés lors d’un changement de prestataire. Discrimination syndicaleL’article L. 1132-1 du Code du travail interdit toute discrimination à l’égard d’un salarié en raison de ses activités syndicales. En cas de litige, l’article L. 1134-1 impose à l’employeur de prouver que sa décision est fondée sur des éléments objectifs et non discriminatoires. Dans le cas présent, la non-reprise du contrat de travail de M. [H], titulaire d’un mandat de représentant du personnel, soulève des soupçons de discrimination syndicale, car un seul salarié a été repris, et ce salarié n’était pas protégé. Obligations de l’employeurL’employeur a l’obligation de justifier ses décisions en matière de reprise de contrats de travail, notamment en démontrant que les critères de sélection des salariés repris ne sont pas discriminatoires. En l’absence de justification valable, la cour peut conclure à une violation des droits du salarié, entraînant des dommages-intérêts pour préjudice subi. Les articles précités du Code du travail, ainsi que les dispositions de l’accord collectif, établissent un cadre juridique clair pour la protection des droits des salariés lors de transferts de contrats de travail, en particulier dans le secteur de la sécurité. |
L’Essentiel : L’article L. 1224-1 du Code du travail stipule que, en cas de changement d’employeur, les contrats de travail en cours sont transférés au nouvel employeur, sauf refus du salarié. L’avenant du 28 janvier 2011 précise que le transfert doit se faire lorsque les entreprises « entrante » et « sortante » sont liées au même cocontractant, que les marchés sont identiques en volume de prestations, et que les métiers et qualifications des effectifs sont similaires.
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Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un agent de sécurité, employé par la société Cerbère, a été licencié suite à la liquidation judiciaire de son employeur. Engagé en 2010, il a progressivement évolué vers un poste d’agent de sécurité SSIAP 2, avec une rémunération brute moyenne de 1 994,50 euros. En juin 2018, le Tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Cerbère, désignant un mandataire liquidateur pour gérer la situation.
Le 4 octobre 2018, la société Cerbère a informé un client, la société Clichy Victor Hugo, de la cessation de son activité, qui a ensuite signé un contrat avec la société LPN Sécurité Services pour assurer la sécurité de l’hôtel. Malgré la demande du mandataire liquidateur de reprendre les contrats de travail des salariés affectés, la société LPN a refusé de reprendre l’agent de sécurité, invoquant des différences dans les qualifications requises pour le nouveau marché. Le salarié a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, demandant des dommages et intérêts pour non-respect d’un accord collectif sur le transfert des salariés. Le jugement du 31 août 2021 a condamné la société LPN à verser des dommages-intérêts pour mauvaise foi et discrimination syndicale, tout en mettant hors de cause le mandataire liquidateur et l’AGS. La société LPN a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement. La cour a confirmé la décision initiale, soulignant que les conditions de reprise des contrats de travail étaient remplies et que la société LPN n’avait pas justifié son refus de reprendre l’agent de sécurité, qui était également protégé en tant que représentant du personnel. La cour a également condamné la société LPN à verser des dommages-intérêts pour discrimination syndicale. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est l’impact de la mise hors de cause de la société Cerbère et du mandataire liquidateur sur la procédure ?La mise hors de cause de la société Cerbère, représentée par le mandataire liquidateur, est confirmée par la Cour. Cela signifie que la société LPN Sécurité Services ne peut pas poursuivre ses demandes à l’encontre de cette société et de son mandataire. Cette décision est fondée sur le principe selon lequel, en cas de liquidation judiciaire, les créanciers doivent se tourner vers le mandataire liquidateur pour faire valoir leurs droits. L’article L. 641-1 du Code de commerce précise que la liquidation judiciaire entraîne la cessation des paiements et la mise en œuvre d’une procédure collective, ce qui limite les recours contre la société en liquidation. Ainsi, la Cour a statué que la société LPN Sécurité Services ne pouvait pas maintenir son appel contre le mandataire liquidateur, ce qui a pour effet de protéger les droits des créanciers et de garantir l’équité dans le traitement des créances. Quel est le fondement juridique de l’obligation de reprise du personnel lors d’un transfert de marché ?L’obligation de reprise du personnel lors d’un transfert de marché est régie par l’article L. 1224-1 du Code du travail, qui stipule que « lorsqu’un employeur change, les contrats de travail en cours sont transférés à l’employeur entrant ». Cette disposition est renforcée par l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002, qui précise les conditions de reprise des contrats de travail. Selon cet avenant, la reprise doit se faire lorsque les entreprises « entrante » et « sortante » sont liées au même cocontractant, que les marchés sont identiques en termes de volume de prestations, et que la configuration des métiers et qualifications est similaire. Dans cette affaire, la Cour a constaté que toutes ces conditions étaient remplies, ce qui a conduit à la conclusion que la société LPN devait reprendre le contrat de travail de l’agent de sécurité concerné. Quel est le cadre juridique de la discrimination syndicale dans le cadre de la reprise d’un contrat de travail ?La discrimination syndicale est prohibée par l’article L. 1132-1 du Code du travail, qui stipule qu’aucun salarié ne peut être écarté d’une procédure de recrutement ou de nomination en raison de ses activités syndicales. De plus, l’article L. 1134-1 précise que, lorsqu’un litige survient en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Dans le cas présent, la Cour a relevé que l’absence de reprise du contrat de travail de l’agent de sécurité, qui était également représentant du personnel, laissait supposer une discrimination. La société LPN n’ayant pas fourni d’éléments concrets justifiant son choix, la Cour a confirmé la décision de première instance condamnant la société à verser des dommages-intérêts pour discrimination syndicale. Quel est le rôle de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire des frais non couverts par les dépens. Dans cette affaire, la société LPN a été déboutée de sa demande au titre de l’article 700, ce qui signifie qu’elle n’a pas pu obtenir le remboursement de ses frais d’avocat. La Cour a jugé que, compte tenu des circonstances de l’affaire et de la position de la société LPN, il n’était pas justifié d’accorder une telle somme. Cette décision souligne l’importance de la bonne foi dans la conduite des procédures judiciaires et rappelle que les demandes au titre de l’article 700 doivent être étayées par des éléments concrets. |
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 26 MARS 2025
(n° /2025, 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08051 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEM6J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Août 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n°
APPELANTE
S.A.S. LPN SECURITE SERVICES Prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
INTIMES
Monsieur [P] [H]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Aurélie BOUSQUET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 214
S.E.L.A.S. MJS PARTNERS Prise en la personne de Maître [V] [Z], es-qualités de mandataire liquidateur de la société CERBERE
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Vincent JARRIGE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0373
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST, représentée par sa Directrice Nationale, Madame [T] [E],
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Christian GUILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0474
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Didier MALINOSKY, magistrat honoraire, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
M. MALINOSKY Didier, magistrat honoraire rédacteur
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juillet 2010, M. [P] [H] a été engagé par la société Cerbère en qualité d’agent de sécurité, au statut employé, coefficient 130, niveau 3, échelon 1, de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.
Par avenant en date du 29 octobre 2010, à effet du 1er novembre 2010, M. [H] a été promu aux fonctions d’agent de sécurité SSIAP 1, statut employé, coefficient 140, niveau 3, échelon 2, au taux horaire de 9,34 euros.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [H] occupait le poste d’agent de sécurité SSIAP 2 et sa rémunération brute moyenne était de 1 994,50 euros.
M. [H] disposait d’un mandat de représentant du personnel.
Le 6 juin 2018, le Tribunal de commerce de Bobigny a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire de la société Cerbère avec poursuite d’activité jusqu’au 6 septembre 2018. Par le même jugement, Maître [V] [Z] a été désigné mandataire liquidateur de la société Cerbère. Un appel de ce jugement a été interjeté par le comité d’entreprise, jugement qui sera finalement confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 septembre 2018. Par jugement du 17 octobre 2018, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé à la date du 8 octobre 2018, la cessation totale de l’activité de la société Cerbère.
Le 4 octobre 2018, la société Cerbère a informé la société Clichy Victor Hugo, cliente pour le marché de l’hôtel [9] [Adresse 10] de la cessation prochaine de son activité. Dans le même temps, la société Clichy Victor Hugo a signé un nouveau contrat de prestation de services avec la société LPN Sécurité Services pour assurer la sécurité sur le site de l’hôtel [9].
Par courriel en date du 11 octobre 2018, Me [C], comptable de la société Cerbère a adressé les dossiers des salariés de la société en cours de liquidation travaillant au sein de l’hôtel [9].
Le 19 octobre 2018, la société LPN a répondu qu’à la suite du jugement d’ouverture , seul le mandataire liquidateur disposait du pouvoir de gestion de la société Cerbère.
Le 24 octobre 2018, la société LPN a indiqué à la société Clichy Victor Hugo qu’à la suite de la reprise du marché de l’hôtel [9], les contrats de travail des salariés qui y étaient affectés ne pouvaient pas être repris pour effectuer les missions demandées en expliquant que l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel n’était pas applicable au cas d’espèce.
Me [V] [Z], en qualité de mandataire liquidateur de la société Cerbère a convoqué M. [H] à un entretien préalable et a sollicité l’autorisation administrative de licenciement pour motif économique.
Par lettre du 19 novembre 2018, Me [Z] a notifié à M. [H] son licenciement pour motif économique.
M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny, le 5 mars 2019 aux fins de voir notamment condamner la société LPN au paiement de dommages et intérêts pour non application de l’accord du 5 mars 2002, relatif au transfert des salariés suite à la perte du marché de prestation, outre diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 31 août 2021, le conseil de prud’hommes de Bobigny, statuant en formation de départage, a :
– Déclaré la mise hors de cause de la société MJS Partners, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cerbère, et de l’AGS CGEA IDF Est,
– Condamné la société LPN Securité Services à payer à M. [P] [H] les sommes suivantes:
18 000 euros à titre de dommages intérêts pour mauvaise foi dans l’exécution de l’accord collectif de reprise du personnel,
7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,
– Condamné la société LPN Sécurité Services à payer à M. [P] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté la société LPN Sécurité Services de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la société LPN Sécurité Services aux entiers dépens,
– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement sur le fondement de l’article 515 du Code de procédure civile.
Par déclaration au greffe en date du 29 septembre 2021, la société LPN Secuties Services a régulièrement interjeté appel de la décision.
PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses uniques conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 27 décembre 2021, la société LPN Sécurité Services demande à la cour de :
– Juger recevable et bien fondée son appel du jugement de départage rendu le 31 août 2021,
En conséquence,
– Infirmer le jugement en ce qu’il a:
– Condamné la société LPN à payer à M. [P] [H] les sommes suivantes :
18 000 euros à titre de dommages intérêts pour mauvaise foi dans l’exécution de l’accord collectif de reprise du personnel,
7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,
– Condamné la société LPN à payer à M. [P] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté la société LPN de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la société LPN aux entiers dépens,
– Ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile.
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] [H] de sa demande de condamnation de la société LPN notamment, à lui payer une somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct.
Dès lors et par l’effet dévolutif de l’appel, statuant à nouveau :
– Débouter M. [P] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Condamner M. [P] [H] à payer à la société LPN une somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [P] [H] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques Bellichach, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– Donner acte à la société LPN de ce qu’elle se désiste de son appel dirigé contre Maître [V] [Z] Selas MJS Partners, ès qualité de mandataire liquidateur, de la société Cerbère et contre l’AGS CGEA IDF EST.
Aux termes de ses uniques conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 25 mars 2022, la société MJS Partners prise en la personne de Me [V] [Z], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Cerbère, demande à la cour de :
A titre liminaire :
– Prendre acte de ce que la société LPN se désiste de son appel dirigé contre Maître [Z], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cerbère,
– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a mis hors de cause Maître [Z], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cerbère,
En conséquence :
– Rejeter toute demande de fixation de créance au passif de la société Cerbère,
En tout état de cause :
– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté M. [H] de ses demandes formulées à l’encontre de la liquidation judiciaire de la société Cerbère au titre de la prétendue non application de l’avenant du 28 janvier 2011,
– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté M. [H] de ses demandes formulées à l’encontre de la liquidation judiciaire de la société Cerbère au titre d’un prétendu préjudice moral distinct de la perte de son emploi,
– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté M. [H] de ses demandes formulées à l’encontre de la liquidation judiciaire de la société Cerbère au titre d’une prétendue discrimination syndicale,
– Dire et juger que toute condamnation ne pourra donner lieu qu’à la fixation d’une créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Cerbère,
– Déclarer le jugement opposable à l’AGS CGEA IDF EST.
Aux termes de ses uniques conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 16 mars 2022, l’AGS CGEA d’Ile de France Est demande à la cour de :
– Déclarer irrecevable et mal fondée la société LPN sécurité service en son appel,
Dès lors,
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel en ce qu’il a mis hors de cause l’AGS et Maître [Z] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Cerbère,
En tout état de cause,
– Constater qu’aucune requête n’a mis en cause l’AGS par le demandeur initial à la procédure, en l’occurrence M. [H] [P],
Dès lors,
– Mettre de rechef purement et simplement hors de cause l’AGS, la demande initiale étant nulle envers celle-ci,
Infiniment subsidiairement,
– Débouter M. [H] [P] en l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
– Dire que la garantie de l’AGS, si elle devait être mobilisée, sera limitée à ses plafonds et aux dispositions conjointes des articles L.3253-6 à L.3253-17 inclus du Code du travail.
– Statuer ce que de droit quant aux dépens
Bien que régulièrement constitué, M. [P] [H] n’a pas déposé de conclusions dans les formes et délais requis.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et, en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux dernières conclusions échangées en appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 janvier 2025.
Sur la mise hors de cause de la société Cerbère prise en la personne de Maître [V] [Z] en sa qualité de mandataire liquidateur et de l’AGS CGEA IDF Est
La mise hors de cause de la société Cerbère, prise en la personne de Maître [V] [Z] en sa qualité de mandataire liquidateur ainsi que l’AGS CGEA IDF Est sera confirmée.
Il sera également donné acte à la société LPN Sécurité services de ce qu’elle se désiste de son appel dirigé contre Maître [V] [Z] SELAS MJS Partners ès qualité de Mandataire Liquidateur de la société Cerbère et contre l’A.G.S. ‘ C.G.E.A. I.D.F. EST.
Sur l’application de l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel par la société LPN Sécurité Services (ci-après la société LPN)
Il n’est pas contesté que le litige intervient à l’occasion de la perte d’un marché entre entreprises pour laquelle la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 comporte un dispositif de transfert conventionnel des contrats de travail du personnel affecté sur le marché en cause, régi par l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel.
Le préambule de l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord collectif du du 5 mars 2002 rappelle qu’il est conclu en vue de conserver les effectifs qualifiés et de préserver l’emploi des salariés dans la profession à l’occasion d’un changement de prestataire; ses dispositions doivent donc s’apprécier à la lumière de cet objectif .
Cet avenant prévoit en son article 1 : ‘Pour la compréhension des dispositions du présent accord, il est expressément convenu que par les termes de « périmètre sortant », il faut entendre à la fois le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l’ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire’.
L’obligation de reprise du personnel lors d’un transfert de marché entre prestataires doit donc s’opérer sous les conditions suivantes :
– les entreprises « entrante » et « sortante » sont contractuellement liées au même cocontractant, directement au client utilisateur final, ou à une entreprise intermédiaire;
– deux marchés sont identiques s’agissant du volume des prestations de l’entreprise « entrante » et de l’entreprise « sortante »;
– la configuration des métiers, des emplois et les qualifications de l’ensemble des effectifs sont identiques.
Selon le contrat de travail produit aux débats, M. [H] a été engagé en qualité d’agent de sécurité, statut employé au coefficient 130 niveau 3 échelon 1. Il était précisé que le salarié s’engageait à ‘accepter à la demande de l’employeur justifiée par les besoins de l’exploitation d’exercer une autre activité que celle pour laquelle il a été recruté lié aux métiers de la sécurité dans le respect des textes en vigueur’. Selon avenant au contrat de travail en date du 29 octobre 2010, M. [H] exercera en qualité de SSIAP 1, les autres clauses du contrat demeurant inchangées. A partir de novembre 2023, il occuppait selon la pièce produite un poste de SSIAP 2.
Il apparaît des pièces versées et de la chronologie mise en évidence que la société LPN annonçait par courrier en date du 6 octobre 2018 au Groupe Cerbère avoir pris le marché en ces termes: ‘ la société [9] nous a mandaté par courrier en date du 5 octobre 2018 pour la prise du marché de la prestation de gardiennage et sécurité sur son site, au profit de notre entreprise. Conformément à l’article L.1224-1 du code du travail et de son avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel des entreprises de sécurité nous vous remercions de bien vouloir nous adresser les dossiers de votre personnel proposé au transfert..(..)’.
Le 22 octobre 2018, le liquidateur es qualité lui demandait de lui communiquer la liste du personnel transférable afin qu’il puisse opérer le transfert conventionnel dans les meilleurs délais.
Par courrier du 25 octobre 2018, l’inspecteur du travail notait que l’assertion de la société LPN ‘selon laquelle en l’espèce les conditions d’application de l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 ne sont pas remplies n’est étayée sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux compétents par aucun élément de fait ou de droit’.
Le 26 octobre 2018, la société LPN interrogeait le client pour lui demander s’il avait retrouvé l’avis favorable de la commission de sécurité incendie pour ‘ que nous puissions savoir si vous devez ou pas déployer des agents de sécurité incendie dans votre établissement en plus des agents de sécurité (sûreté) traditionnels’.
Il ressort également des pièces versées que l’entreprise ‘sortante’ agissant sur instruction du liquidateur avait déjà communiqué la liste des salariés à transférer suite à la demande formulée par la société LPN. Il n’est par ailleurs pas contesté, ainsi que le souligne le premier juge, que M. [H] était en possession d’une carte professionnelle du 24 mars 2015 au 24 mars 2020 l’autorisant à exercer l’activité de ‘surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou gardiennage’, ce qui démontre conformément aux termes de son contrat de travail et des avenants qu’il était tout autant qualifié à exercer des fonctions de gardiennage et de surveillance que des fonctions liées à la sécurité incendie pour la période en cause. Enfin, la société LPN n’ignorait pas cette situation pour avoir eu en sa possession les dossiers des salariés ‘ transférables’.
Le conseil de prud’hommes a pour sa part retenu que les conditions de reprise prévues par l’accord collectif du 5 mars 2002 et l’avenant du 18 janvier 2011 étaient remplies.
La société LPN conclut toutefois à l’absence de concordance du marché entrant et du marché sortant, un contrat conclu pour assurer des missions de prévention des incendies par des agents SSIAP et un contrat portant sur la surveillance et le gardiennage procédant de deux champs de qualification distincts. Le périmètre du marché entrant n’étant pas identique à celui du marché sortant, elle soutient que l’avenant du 28 janvier 2011 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.
Elle produit à cette fin le contrat de prestation de services qu’elle a conclu avec la société Clichy Victor Hugo, soit le même cocontractant, pour le site [9], lequel définit l’objet du contrat de la façon suivante: ‘assurer la sûreté, la surveillance et la sécurité incendie de l’établissement du client’ par la mise à disposition d’un agent en 24/24 h, 365 jours par an. Elle évoque également les articles 2 et 3.3 dudit contrat qui se réfèrent à des missions de surveillance et de gardiennage et non des missions de sécurité incendie contrairement au contrat conclu selon elle avec la société Cerbère.
La société LPN se réfère également au planning du site par agents d’octobre 2018 à janvier 2020 faisant apparaître la présence d’un nombre supérieur de salariés (dont plusieurs agents de ‘sécurité’) pour soutenir un volume supérieur de prestations. Elle produit enfin un extrait de ce qu’elle présente comme les ‘ conditions particulières du contrat commercial’ conclu entre les sociétés Clichy Victor Hugo et la société Cerbère et qui limiterait son intervention à la seule prestation de sécurité incendie. Toutefois, la lecture du document produit se limite à évoquer pour la période du 1er avril au 31 décembre 2010 une prestation par un agent SSIAP 1 et la mission spécifique du poste liée à la sécurité incendie sans identification de la société.
Il sera cependant relevé que le périmètre de la prestation confiée à la société LPN par la société Clichy Victor Hugo englobait des missions de surveillance et de gardiennage et des missions de prestations incendie.
Si la société LPN fait valoir à juste titre que la sécurité privée et la sécurité incendie sont deux activités distinctes qui relèvent de deux règlementations différentes, il n’est pour autant pas prohibé qu’un agent soit titulaire à la fois d’une qualification en matière de sécurité privée et d’une autre en matière de sécurité incendie ni qu’il exerce successivement les deux activités. Or, M. [H] disposait d’une carte professionnelle ainsi qu’il a été évoqué ci-avant lui permettant d’exercer des activités de surveillance et avait plus de 4 ans d’ancienneté. Il n’est par ailleurs pas contesté que la société LPN a repris un salarié sur les quatre qui étaient ‘ transférables’ sous couvert d’un nouveau contrat non produit sans pour autant opposer la différence de périmétre et de qualification, d’emploi ou de métier. Enfin, s’agissant du volume des prestations, seul est communiqué un extrait des conditions particulières applicables prévoyant une prestation 24 heures sur 24, sept jours sur sept du 1er avril au 30 juin 2010 mais non du 1er juillet au 31 décembre 2010 sans autre précision sur la société .
Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’augmentation de la prestation de service, tel que l’allègue la société LPN, ne peut avoir pour effet une diminution des effectifs, la société n’ayant repris qu’un seul salarié sur les quatre présents antérieurement, étant rappelé que l’accord du 5 mars 2002 et son avenant de janvier 2011 ont pour objectif la préservation de l’emploi des salariés concernés.
Il résulte de l’ensemble de ses éléments que toutes les conditions de reprise, prévues par l’accord collectif du 5 mars 2002 et l’avenant du 18 janvier 2011, étaient remplies, et que c’est à tort que le contrat de travail de M. [H] n’a pas été repris par la société LPN.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu que la société LPN devait reprendre le contrat de travail de M. [H], salarié transférable et en ce qu’il a alloué à celui-ci des dommages-intérêts, exactement évalués par les premiers juges en réparation de la faute de cette société résultant de la violation des obligations conventionnelles et à l’origine de son préjudice eu égard à la mesure de licenciement et à la perte de huit années d’ancienneté.
Sur la discrimination syndicale
La société LPN soutient que M. [H] ne présentait aucun élément justifiant d’une discrimination syndicale consécutivement à l’absence de reprise de son contrat de travail et conclut à l’infirmation du jugement.
En l’absence de conclusions du salarié, le conseil des prud’hommes avait retenu que celui-ci présentait des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination découlant d’une part, de la non contestation de ses mandats de représentant du personnel et que la reprise d’un seul salarié non protégé sur les quatre intervenant sur l’hôtel, ne reposait sur aucun élément concret d’adaptation ou d’exigence au poste que ne possédait pas M. [H].
L’article L. 1132-1 du code du travail dispose que, ‘aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou a une période de formation en entreprise, aucun salarie ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (…) en raison de (…) de ses activités syndicales ou mutualistes’.
L’article L.1134-1 du même code dispose que ‘lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, (…) le salarie présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte (…).
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.
En l’espèce, il est acquis aux débats que M. [H] était titulaire d’un mandat de représentation du personnel de la société Cerbère et qu’il était actif dans la société.
Il est aussi acquis aux débats qu’un seul salarié de la société Cerbère a été repris par la société LPN, étant précisé que ce salarié n’était pas salarié protégé, et que parmi les trois autres salariés non repris un autre était aussi titulaire d’un mandat de représentation du personnel alors que le volume du nouveau contrat permettait le transfert de l’ensemble des contrats de travail.
Ces éléments laissent supposer l’existence d’une discrimination à l’égard de M. [H] et il appartient à la société LPN de justifier que l’absence de reprise de son contrat de travail est étrangère à toute discrimination.
Si la société LPN avance que si, sur les quatre salariés concernés par un transfert de leur contrat de travail, elle n’a accepté de reprendre qu’un seul salarié et selon un nouveau contrat non produit aux débats, elle ne fournit aucun élément permettant de différencier les compétences des salariés, seuls le fait que deux avaient un mandat de représentation étant allégué.
Cependant, alors que le volume de prestations du nouveau contrat était, a minima, similaire à l’ancien permettant la reprise de l’ensemble des salariés affectés sur la site, la cour relève que la société ne justifie nullement que le salarié repris avait plus de compétence que M. [H] qui cumulait les activités de sécurité incendie au niveau SSIAP et de sûreté par la possession de sa carte professionnelle.
Ainsi, la société LPN ne justifiant pas que sa décision de refus de reprise du contrat de travail de M. [H] reposait sur des éléments étrangers à toute discrimination en raison de son activité syndicale, la cour, par voie de confirmation du jugement entrepris, condamne la société à payer à celui-ci la somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice issu d’une discrimination syndicale.
Sur la confirmation du rejet de la demande de dommages intérêts pour un préjudice distinct du salarié
La société LPN sollicite la confirmation du jugement déféré sur la demande en première instance de M. [H] de dommages intérêts pour un préjudice distinct.
M. [H] ne formulant aucune demande incidente, il y a lieu de confirmer, à ce titre, le jugement déféré.
Sur les autres demandes
La société LPN Sécurité Services, qui succombe à l’instance, sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens d’appel.
Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais irrépétibles seront confirmées.
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Donne acte à la société LPN Sécurité services de ce qu’elle se désiste de son appel dirigé contre Maître [V] [Z] SELAS MJS Partners ès qualité de mandataire liquidateur de la société Cerbère et contre l’A.G.S- C.G.E.A. I.D.F. EST;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 31 août 2021;
Y ajoutant,
Déboute la société LPN Sécurité Services de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société LPN Sécurité Services aux dépens d’appel.
Le greffier La présidente de chambre
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