Indemnisation des préjudices corporelsL’indemnisation des préjudices corporels est régie par les articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, qui prévoient que la victime d’un accident du travail a droit à une réparation intégrale de son préjudice, incluant les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le déficit fonctionnel temporaire (DFT) et le déficit fonctionnel permanent (DFP). Ces articles stipulent que la réparation doit couvrir l’ensemble des préjudices subis par la victime, qu’ils soient économiques ou non économiques, et que l’évaluation de ces préjudices doit se faire en tenant compte des éléments médicaux et des conséquences sur la vie quotidienne de la victime. Date de consolidationLa date de consolidation, qui marque la fin de l’évolution de l’état de santé de la victime, est fixée par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) selon l’article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale. Cette date est déterminante pour la liquidation des préjudices, car elle détermine le moment à partir duquel les souffrances endurées sont considérées comme relevant du déficit fonctionnel permanent. En l’absence de contestation de la date de consolidation par la victime, celle-ci s’impose à toutes les parties, comme le précise l’article L. 142-4 du même code, qui permet de contester cette décision devant la commission médicale de recours amiable ou le tribunal judiciaire. Préjudice d’agrémentLe préjudice d’agrément, qui vise à indemniser l’impossibilité pour la victime de pratiquer des activités de loisirs ou sportives, est distinct du déficit fonctionnel permanent. Il est évalué en fonction des activités que la victime pouvait pratiquer avant l’accident et des limitations qui en résultent après. La jurisprudence a précisé que l’indemnisation ne se limite pas à l’impossibilité de pratiquer une activité, mais inclut également les difficultés psychologiques à poursuivre ces activités. Préjudice sexuelLe préjudice sexuel, quant à lui, est composé de plusieurs éléments, notamment le préjudice morphologique, la perte de plaisir sexuel et les difficultés de procréation. L’évaluation de ce préjudice se fait au cas par cas, en tenant compte des conséquences spécifiques du dommage sur la vie intime de la victime. Il n’existe pas de barème fixe pour ce type de préjudice, ce qui rend son évaluation particulièrement délicate et dépendante des circonstances individuelles de chaque affaire. Frais d’expertise et dépensLes frais d’expertise médicale, nécessaires pour évaluer le préjudice, sont à la charge de l’employeur en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, conformément aux dispositions du Code de la sécurité sociale. De plus, les dépens sont généralement à la charge de la partie perdante, comme le stipule l’article 696 du Code de procédure civile, qui prévoit que les dépens incluent les frais de justice engagés par les parties. L’article 700 du Code de procédure civile permet également d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles, à la charge de la partie perdante, pour couvrir les frais non compris dans les dépens. |
L’Essentiel : L’indemnisation des préjudices corporels inclut la réparation des souffrances, du préjudice esthétique, du déficit fonctionnel temporaire et permanent. La date de consolidation, fixée par la CPAM, marque la fin de l’évolution de l’état de santé et détermine la liquidation des préjudices. Le préjudice d’agrément indemnise l’impossibilité de pratiquer des loisirs, tandis que le préjudice sexuel englobe des éléments comme la perte de plaisir et les difficultés de procréation. Les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur en cas de faute inexcusable.
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Résumé de l’affaire : Le 17 août 2017, un salarié, mécanicien de maintenance, a été victime d’un accident du travail sur le site d’une entreprise spécialisée dans la maintenance industrielle. Cet accident a été causé par l’écoulement de résidus de produits chimiques sur ses pieds lors d’une opération de maintenance. Le lendemain, l’employeur a déclaré l’accident, et un certificat médical a confirmé des brûlures aux pieds. La caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge l’accident au titre des risques professionnels.
Le 17 avril 2019, le salarié a demandé une conciliation pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, qu’il considérait responsable de son accident. Après l’échec de cette conciliation, il a saisi le tribunal de grande instance de Périgueux pour obtenir la reconnaissance de cette faute et une expertise médicale pour évaluer son préjudice corporel. Le jugement du 27 janvier 2022 a débouté le salarié de sa demande, entraînant un appel le 9 février 2022. Le 16 novembre 2023, la cour d’appel de Bordeaux a infirmé partiellement le jugement précédent, reconnaissant la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice. Elle a ordonné une expertise judiciaire pour évaluer les préjudices subis par le salarié. L’expert a déposé son rapport en novembre 2024, et l’affaire a été fixée pour plaidoiries en janvier 2025. Le salarié a demandé une indemnisation pour divers préjudices, tandis que l’employeur et l’entreprise utilisatrice ont contesté les montants demandés. La cour a finalement fixé l’indemnisation complémentaire à 30 682,50 euros, tout en déduisant une provision de 5 000 euros déjà versée. Les deux sociétés ont été condamnées à rembourser les indemnités et à payer les dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de l’indemnisation des souffrances endurées par la victime ?L’indemnisation des souffrances endurées par la victime est fondée sur l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale, qui précise que les préjudices subis par la victime d’un accident du travail doivent être réparés. Cet article stipule que la réparation doit couvrir toutes les souffrances physiques et morales subies par la victime depuis le jour de l’accident jusqu’à la date de consolidation de son état. En l’espèce, l’expert a évalué les souffrances endurées par la victime à 4 sur une échelle de 7, ce qui a conduit la cour à allouer une somme de 12 000 euros pour ce chef de préjudice. Il est important de noter que la date de consolidation, fixée par la caisse primaire d’assurance maladie, est déterminante pour la liquidation du préjudice. En l’occurrence, cette date a été fixée au 30 septembre 2018 et n’a pas été contestée, ce qui a permis de retenir cette date pour l’évaluation des souffrances. Quel est le régime juridique applicable au préjudice esthétique temporaire et permanent ?Le préjudice esthétique est également régi par l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale, qui prévoit la réparation de l’altération de l’apparence physique de la victime. Ce préjudice se divise en deux catégories : le préjudice esthétique temporaire et le préjudice esthétique permanent. Le préjudice esthétique temporaire est évalué en fonction de l’impact sur l’apparence de la victime avant la consolidation de son état. Dans le cas présent, l’expert a retenu un préjudice esthétique temporaire lié à l’utilisation d’un fauteuil roulant et à la visibilité des pansements, ce qui a conduit à une indemnisation de 500 euros. Quant au préjudice esthétique permanent, il est évalué après la consolidation et prend en compte les séquelles durables. L’expert a évalué ce préjudice à 1,5 sur 7, ce qui a permis d’allouer une somme de 2 000 euros à la victime. Quel est le cadre juridique du préjudice d’agrément et pourquoi la demande a-t-elle été rejetée ?Le préjudice d’agrément est destiné à réparer l’impossibilité pour la victime de pratiquer des activités de loisirs ou sportives qu’elle exerçait avant l’accident. Ce préjudice est distinct du déficit fonctionnel permanent, qui évalue la perte de qualité de vie après la consolidation. Dans cette affaire, la victime a soutenu qu’elle ne pouvait plus pratiquer certaines activités, comme la moto ou le ski, en raison de son état. Cependant, la cour a rejeté sa demande, car la victime n’a pas produit de justificatifs prouvant qu’elle pratiquait effectivement ces activités avant l’accident. Ainsi, le manque de preuves tangibles a conduit à un débouté de sa demande de préjudice d’agrément. Quel est le régime juridique applicable au déficit fonctionnel temporaire et comment a-t-il été évalué ?Le déficit fonctionnel temporaire est destiné à indemniser l’invalidité subie par la victime pendant la période de maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à la consolidation de son état. Ce préjudice est évalué en tenant compte des périodes d’hospitalisation et de la perte de qualité de vie. Dans le cas présent, l’expert a établi un rapport détaillant les périodes de déficit fonctionnel temporaire total et partiel, avec des taux variant de 15 % à 100 %. La cour a retenu une indemnisation totale de 3 382,50 euros, calculée sur la base de 25 euros par jour d’incapacité, en tenant compte des jours d’incapacité totale et partielle. Quel est le cadre juridique du préjudice sexuel et comment a-t-il été pris en compte dans cette affaire ?Le préjudice sexuel est un préjudice complexe qui comprend plusieurs composantes, notamment le préjudice morphologique, le préjudice lié à l’acte sexuel et le préjudice lié à la procréation. Il n’existe pas de barème fixe pour son évaluation, qui se fait au cas par cas. Dans cette affaire, bien que l’expert ait initialement indiqué qu’il n’y avait pas de préjudice sexuel, la victime a fait valoir que son état avait affecté sa vie sexuelle. La cour a finalement reconnu l’existence d’un préjudice sexuel et a alloué une somme de 3 000 euros, en tenant compte des perturbations dans ses relations sexuelles et de la gêne ressentie par la victime. Quel est le fondement juridique du déficit fonctionnel permanent et comment a-t-il été évalué ?Le déficit fonctionnel permanent est un préjudice non économique qui résulte de la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime. Il est évalué après la consolidation de l’état de santé de la victime et se base sur un pourcentage d’incapacité. Dans cette affaire, l’expert a fixé le déficit fonctionnel permanent à 5 % pour la victime, en tenant compte des séquelles des brûlures. La cour a donc alloué une indemnisation de 9 800 euros, calculée sur la base d’une valeur du point d’incapacité permanente partielle, ce qui a permis de reconnaître la gravité des séquelles et leur impact sur la vie quotidienne de la victime. |
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
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ARRÊT DU : 20 MARS 2025
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 22/00659 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRDL
Monsieur [K] [Z]
c/
S.A.S. [4]
S.A.S.U. [7] [Localité 10]
CPAM DE [Localité 8]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 janvier 2022 (R.G. n°19/00286) par le Pôle social du TJ de PERIGUEUX, suivant déclaration d’appel du 09 février 2022.
APPELANT :
Monsieur [K] [Z]
né le 14 Juin 1994 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
assisté de Me Claire COURAPIED substituant Me Virginie LEMAIRE de la SELARL LEMAIRE VIRGINIE AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉES :
La S.A.S. [4] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 13]
assistée de Me Mandy BECQUE substituant Me Valéry ABDOU de la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
La S.A.S.U. [7] [Localité 10], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 12]
assistée de Me Julie AUZAS de la SELARL RUFF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
La CPAM DE [Localité 8] prise en la personne de son directeur en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
dispensée de comparution
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 janvier 2025, en audience publique, devant Madame Marie-Hélène Diximier, Présidente magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Hélène Diximier, présidente
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Valérie Collet, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Evelyne Gombaud,
ARRÊT :
– contradictoire
Faits et procédure
1 – Le 17 août 2017, M. [K] [Z] ‘ salarié de la société [4] et mis à disposition, en qualité de mécanicien de maintenance, de la société [7] [Localité 10], spécialisée dans le domaine de la maintenance industrielle sous le nom commercial [3] ‘ a été victime d’un accident du travail sur le site de l’entreprise [9], située à [Localité 5].
2 – Le 18 août 2017, la société [4] a complété une déclaration d’accident du travail de la façon suivante : ‘ Au cours d’une opération de maintenance (déconsignation) qui nécessitait la dépose d’une bride, des résidus de produits chimiques restant dans la tuyauterie se sont écoulés sur les pieds de M. [Z]’.
Le certificat médical initial établi le jour de l’accident mentionnait : ‘brûlures à l’acide nitrique peu profondes des deux pieds’ .
Le 23 août 2017, la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] (la caisse en suivant) a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
3 – Le 17 avril 2019, Monsieur [Z] l’a saisie d’une demande de conciliation dans le cadre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l’origine selon lui de son accident du travail du 17 août 2017.
4 – A la suite de l’échec de la conciliation, il a saisi par requête du 28 juin 2019 le pôle social du tribunal de grande instance de Périgueux, aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société [4] avec toutes les conséquences subséquentes tenant à la majoration maximale de la rente et à l’organisation avant-dire droit d’une expertise médicale afin d’évaluer son préjudice corporel.
5 – Par jugement du 27 janvier 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux a :
– débouté M. [Z] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [4] et en conséquence de ses demandes incidentes ;
– rejeté les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamné M. [Z] au paiement des dépens.
6 – Par déclaration du 9 février 2022, M. [Z] a interjeté appel de cette décision.
7 – L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 20 septembre 2023.
8 – Par arrêt avant dire droit en date du 16 novembre 2023, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la cour d’appel de Bordeaux a :
– confirmé le jugement déféré dans ses dispositions qui déboutent les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles;
– infirmé le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions;
– statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
– dit que l’accident dont a été victime M. [Z] le 17 août 2017 résulte de la faute inexcusable de la société [7] [Localité 10], entreprise utilisatrice;
– ordonné à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] de majorer à son maximum le montant de la rente qui viendrait à être versée à M. [Z] au titre d’une aggravation ou d’une rechute donnant lieu à la fixation d’un taux d’incapacité permanente partielle;
– ordonné, avant dire droit sur la liquidation des préjudices subis par M. [Z], une expertise judiciaire et désigné le docteur [R] [S] pour y procéder, investi de la mission habituelle en la matière.
9 – L’expert a déposé son rapport le 4 novembre 2024.
10- L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 23 janvier 2025.
*
11 – Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2024, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, M. [Z] demande à la cour de :
– fixer ses préjudices consécutifs à la faute inexcusable de son employeur aux sommes suivantes:
* 4 054,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire;
* 9 800 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent;
* 20 000 euros au titre des souffrances endurées;
* 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire;
* 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
* 10 000 euros au titre du préjudice d’agrément;
* 10 000 euros au titre du préjudice sexuel;
– déduire la provision de 5 000 euros déjà versée à M. [Z] au titre de l’indemnisation de ses préjudices définitifs;
– juger que ces sommes seront avancées par la CPAM de [Localité 8];
– condamner la SAS [4] et la Société [7] [Localité 10] à lui payer à la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamner la SAS [4] et la Société [7] [Localité 10] aux dépens et frais éventuels d’exécution. »
12 – Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2025, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SAS [4] demande à la cour de :
– fixer l’indemnisation de M. [Z] au titre du déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 3 111,9 euros ;
– fixer à 8 000 euros l’indemnisation de M. [Z] au titre des souffrances endurées ;
– fixer à 500 euros l’indemnisation de M. [Z] au titre du préjudice esthétique temporaire;
– fixer à9 800 euros l’indemnisation de M. [Z] au titre du déficit fonctionnel permanent ;
– fixer à 2 000 euros l’indemnisation de M. [Z] au titre du préjudice esthétique permane;
– rejeter la demande d’indemnisation de M. [Z] au titre du préjudice d’agrément ;
– rejeter la demande d’indemnisation de M. [Z] au titre du préjudice sexuel ;
– rejeter la demande d’indemnisation de M. [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– déduire de l’indemnisation des préjudices de M. [Z], l’indemnité provisionnelle de 5 000 euros versée par l’employeur en application de l’arrêt rendu le 16 novembre 2023;
– subsidiairement ;
– réduire à de plus justes proportions la demande de M. [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– en tout état de cause ;
– débouter les parties adverses de toutes demandes plus amples ou contraires ;
– dire que la CPAM de [Localité 8] fera l’avance des indemnités.
13- Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2025, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société [7] [Localité 10] demande à la cour de :
– accueillir la société [7] [Localité 10] en ses présentes écritures, fins et conclusions, l’y
déclarer recevable et bien fondée;
– en conséquence,
– juger que le quantum de l’indemnisation totale de M. [Z] ne saurait excéder la somme totale hors provision de 24 645,70 euros se décomposant comme suit :
* souffrances endurées : 10 000 euros
* préjudice esthétique temporaire : 500 euros
* préjudice esthétique permanent : 1 500 euros
* déficit fonctionnel temporaire : 2 845,70 euros
* déficit fonctionnel permanent : 9 800,00 euros
– débouter M. [Z] de toute demande au titre de son préjudice d’agrément allégué
– débouter M. [Z] de toute demande au titre de son préjudice sexuel allégué
– ramener à de plus justes proportions l’indemnisation sollicitée au titre des frais irrépétibles sans que la somme octroyée à M. [Z] n’excède 1 000 euros.
14 – Par dernières conclusions reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la CPAM de [Localité 8] demande à la cour de lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à l’appréciation de la cour quant au montant des indemnités alloués à M.[Z].
15- En liminaire, il convient de rappeler que la date de consolidation est fixée par la caisse primaire, au vu du certificat final descriptif établi par le médecin traitant ou, en cas de désaccord, d’après l’avis émis par l’autorité compétente (CSS, art. L. 431-2).
La notification par la caisse de la date de la guérison ou de la consolidation constitue une décision d’ordre médical pouvant faire l’objet, le cas échéant, d’une contestation devant la commission médicale de recours amiable puis, le cas échéant, devant le tribunal judiciaire (CSS, art. L. 142-4).
A défaut de contestation dans les délais, la date de consolidation fixée par la CPAM s’impose à tous.
16 – Au cas particulier, la date de consolidation de M.[Z], fixée par la CPAM au 30 septembre 2018, n’a jamais été contestée par M.[Z] devant la CMRA puis devant le pôle social.
Elle est donc devenue définitive et s’impose à tous.
C’est elle qui doit être retenue dans le cadre de la liquidation du préjudice corporel de l’assuré, à l’exclusion de celle fixée par l’expert au 10 septembre 2019, date de l’arrêt des soins.
SUR LA LIQUIDATION DU PREJUDICE CORPOREL
– Sur les chefs de préjudice visés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale
* sur les souffrances physiques et morales endurées
17 – Ce poste de préjudice a pour objet de réparer toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime par suite de l’atteinte à son intégrité physique subis par la victime du jour de l’accident à celui de sa consolidation.
En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.
18- Au cas particulier, l’expert retient que l’accident de travail dont M.[Z] a été victime le 17 août 2017 a été à l’origine d’un traumatisme initial suivi de soins pendant une semaine puis de deux périodes d’hospitalisation de six jours ainsi que de deux journées passées à l’hôpital, de soins infirmiers longs et douloureux, de rééducation, de prise d’antalgiques et du mal vécu de cet évènement.
La consolidation a été prononcée par la CPAM, non contestée par M.[Z], au 30 septembre 2018.
Le docteur [S] a évalué les souffrances endurées à 4 sur une échelle de 7.
19- Les termes du rapport d’expertise n’étant contestés par aucune des parties, il convient de les retenir et d’allouer la somme de 12 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées par M.[Z] .
* sur le préjudice esthétique
20 – Ce poste de préjudice a pour objet de réparer l’altération de l’apparence physique de la victime avant et après la consolidation. Le préjudice esthétique temporaire est en effet un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent et doit être évalué en considération de son existence avant consolidation de l’état de la victime.
21- Au cas particulier, l’expert a retenu un préjudice esthétique temporaire représenté par un déplacement en fauteuil roulant qui s’est étalé du 30 août 2017 au 1 novembre 2017
(excepté la période du 12 septembre 2017 au 18 septembre 2017), la visibilité des pansements et le port de chaussettes de contention.
22- Les parties sont en désaccord avec l’indemnisation à retenir.
Au vu des pièces produites et des explications des parties, il sera alloué de ce chef à M.[Z] une somme de 500 €.
23 – Par ailleurs, l’expert décrit les cicatrices portées par M.[Z] sur les cuisses et les pieds.
Il retient ainsi un préjudice esthétique permanent chiffré à 1,5 /7.
24- Les parties sont en désaccord avec l’indemnisation à retenir.
Au vu des pièces produites et des explications des parties, il sera alloué de ce chef à M.[Z] une somme de 2000 €.
* sur le préjudice d’agrément
25 – Ce poste de préjudice répare l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et non plus, comme auparavant, la perte de qualité de vie subie après consolidation laquelle est prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent.
L’indemnisation du préjudice d’agrément ne se limite pas à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.
Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités, ainsi que
l’impossibilité psychologique de pratiquer l’activité antérieure.
Son appréciation se fait in concreto, en fonction des justificatifs, de l’âge et du niveau sportif.
26- Au cas particulier, M.[Z] fait valoir que du fait de son état, il ne peut plus rester en position debout prolongée et que ceci a un impact dans le cadre de ses activités d’agrément, à savoir la moto et leur entretien, le ski et les activités maritimes et nautiques.
Il affirme qu’avant l’accident, comme il pratiquait ces activités, son préjudice d’agrément tel que défini par la dernière jurisprudence est caractérisé.
27 – Cependant, force est de constater qu’il ne produit aucun justificatif de nature à établir qu’il pratiquait effectivement ces activités.
Il doit donc être débouté de sa demande formée de ce chef.
– Sur les chefs de préjudice non visés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale
* sur le déficit fonctionnel temporaire
28- Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation.
Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime durant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique).
29- Au cas particulier, M.[Z] a été victime d’un accident du travail le 17 août 2017 et a été déclaré consolidé par la CPAM le 30 septembre 2018, sans attribution de taux d’incapacité.
Aux termes de son rapport établi le 15 octobre 2024, le docteur [S] a retenu :
– un déficit fonctionnel temporaire total du 24/08/2017 au 29/08/2017 ; du 13/09/2017 au 18/09/2017 ; 30/10/2018 durant l’hospitalisation au CHU de [Localité 11] et 22/08/2018 durant le retrait de l’agrafe du pied,
– un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 17/08/2017 au 23/08/2018 ;
– un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % du 30/08/2017 au 12/09/2017 ; du 19/09/2017 au 01/11/2017 durant les périodes pendant lesquelles l’assuré se déplaçait en fauteuil roulant,
– un déficit fonctionnel temporaire partiel de 35% du 02/11/2017 au 21/03/2018,
– un déficit fonctionnel temporaire partiel de 15% du 23/03/2018 au 29/10/2018 ; du 31/10/2018 au 09/04/2019.
30- L’évaluation des éléments pré cités ne fait l’objet d’aucune contestation de la part des parties quant au taux des pourcentages de déficit fonctionnel temporaire retenu par l’expert.
En revanche, la société [7] maintient ses contestations quant à la date de consolidation de l’état de santé de M.[Z] retenue par l’expert.
M.[Z] ne fait valoir aucune observation sur ce point.
31- Cela étant, compte tenu des lésions initiales et des soins nécessaires pour l’assuré outre la date de consolidation des lésions retenue par la CPAM, M.[Z] a subi une gêne dans l’accomplissement des actes de la vie courante et une perte temporaire de qualité de vie qui doivent être indemnisées à hauteur de 25 € le jour d’incapacité temporaire totale :
-13 jours x 25 € =325 €
– 6 jours x 25 € x 50% = 75 €
-56 jours x 25 € x 75 % =1050 €
– 139 jours x 25€ x 35% = 1216,25€
– 191 jours x 25€ x 15% = 716,25€
soit au total la somme de 3382,50 € sur l’ensemble de la période d’incapacité temporaire considérée.
* sur le préjudice sexuel
32- Il convient de convient de rappeler que le préjudice sexuel présente trois composantes:
– le préjudice morphologique lié à une atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi,
– le préjudice lié à l’acte sexuel lui – même qui repose sur la perte du plaisir sexuel lié à l’accomplissement de l’acte sexuel,
– le préjudice lié à une difficulté ou impossibilité de procréer.
Il n’existe pas de taux et l’évaluation se fait au cas par cas en fonction des conséquences précises du dommage décrit par l’expert, de l’âge et de la situation de la victime.
33- Au cas particulier, l’expert a indiqué qu’il n’y avait pas de préjudice sexuel, qu’il n’était pas allégué et qu’il ne le retenait pas.
34- M.[Z] explique qu’il a vu la fréquence de ses relations sexuelles disparaître pendant plusieurs années car il était gêné et honteux par l’aspect de son corps, qu’il a préféré se couper des relations féminines et que lorsqu’il est sorti de son isolement, il a eu une perte de plaisir en raison de ses difficultés avec ses cicatrices.
Il relève que l’expert se contredit en indiquant qu’il n’existe pas de préjudice tout en retenant que les blessures ont engendré des perturbations dans ses relations sexuelles.
35- Les sociétés soutiennent qu’il n’existe pas de préjudice sexuel et que de ce fait, l’appelant doit être débouté de ses demandes formées de ce chef.
36- Cela étant, compte tenu de l’ensemble de ces éléments dont il résulte qu’en dépit des explications contradictoire de l’expert telles qu’elles ont été justement relevées par M.[Z] alors que le préjudice est établi et qu’il l’a lui – même relevé, il convient de fixer à la somme de 3000€ le dommage subi par M.[Z] de ce chef.
* sur le déficit fonctionnel permanent
37-Il s’agit du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel.
Il s’agit d’un déficit définitif, après consolidation, c’est à dire que l’état de la victime n’est plus susceptible d’amélioration par un traitement médical adapté.
Il est défini par la Commission européenne (conférence de Trèves de juin 2000) et par le rapport Dintilhac comme :
« la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours ».
Il permet d’indemniser non seulement l’atteinte à l’intégrité physique et psychique au sens strict, mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence. Le préjudice moral ne doit donc plus faire l’objet d’une indemnisation autonome, puisqu’il est pris en compte au titre du déficit fonctionnel permanent.
Son évaluation médico-légale se fait en pourcentage d’incapacité permanente partielle ou d’atteinte fonctionnelle du corps humain, une incapacité de 100% correspondant à un déficit fonctionnel total.
Le prix du point d’incapacité permanente partielle est fixé selon les séquelles conservées, le taux d’incapacité et l’âge de la victime. Plus le taux d’incapacité est élevé, plus le prix du point augmente ; le prix du point d’incapacité diminue avec l’âge.
38- Au cas particulier, l’expert a fixé à 5% le DFP pour un homme âgé de 24 ans au moment de la consolidation de son état de santé en expliquant que le DFP est constitué par les séquelles des brûlures des pieds pour lesquelles il prend en compte:
– les dysfonctionnements des échanges de la peau avec une sudation plus marquée des pieds, les sensations de chaleur ressenties et de pieds ‘ gelés’
– une fragilité cutanée avec des ampoules et des coupures plus fréquentes.
39- M.[Z] en déduit qu’il peut prétendre à une indemnisation de ce chef de préjudice d’un montant de 9800€.
40 – Les sociétés intimées ne s’y opposent pas.
41- Il convient en conséquence de fixer l’indemnisation à cette somme, calculée sur le fondement d’une valeur du point de 1960€.
En conclusion :
42 – La réparation du préjudice de M. [Z] s’établit comme suit :
– 12000,00 euros au titre des souffrances endurées
– 500, 00 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
– 2000, 00 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
– 3382,50 euros au titre du DFT
– 3000,00 euros au titre du préjudice sexuel
– 9 800,00 euros au titre du DFP
43- La provision d’un montant de 5000 euros doit en être déduite.
SUR LES DÉPENS
45- Les entiers dépens doivent rester à la charge de la société [4] .
46- Il n’est pas inéquitable de condamner la SAS [4] et la société [7] [Localité 10] à payer à M.[Z] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour d’appel, statuant par décision mise à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Vu l’arrêt prononcé par la cour d’appel de Bordeaux le 16 novembre 2023,
Fixe l’indemnisation complémentaire de M.[Z] comme suit :
– 12000,00 euros au titre des souffrances endurées
– 500, 00 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
– 2000, 00 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
– 3382,50 euros au titre du DFTT
– 3000,00 euros au titre du préjudice sexuel
– 9 800,00 euros au titre du DFP
Soit à un total de 30682, 50 euros
Déboute M.[Z] de sa demande d’indemnisation de son préjudice d’agrément,
Dit que la provision de 5000€ doit être déduite du total de l’indemnisation complémentaire,
Dit que la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] versera directement à M.[Z] les sommes dues au titre de l’indemnisation complémentaire ;
Condamne l’employeur principal, la SAS [4] à rembourser à la CPAM de [Localité 8]:
– l’ensemble des indemnisations complémentaires versées à la victime conformément aux articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale,
– les frais de l’expertise médicale ordonnée,
Condamne l’entreprise utilisatrice, la société [7], auteur de la faute inexcusable à l’origine de l’accident, à relever et garantir l’employeur principal, la SAS [4], de l’ensemble des postes de réparation sollicités et de la condamnation aux dépens et aux frais d’expertise,
Condamne la SAS [4] aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne la SAS [4] et la SASU [7] [Localité 10] à payer à M.[Z] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Hélène Diximier, présidente, et par Madame Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E. Gombaud MH. Diximier
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