Exécution déloyale du contrat de travail et conséquences financières pour le salarié.

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Exécution déloyale du contrat de travail et conséquences financières pour le salarié.

Irrecevabilité des conclusions

L’article 802 du Code de procédure civile stipule qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. En l’espèce, les conclusions déposées par M. [C] [Y] le 27 novembre 2024, postérieures à l’ordonnance de clôture du 20 novembre 2024, sont déclarées irrecevables.

Obligation de l’employeur

Selon l’article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’employeur est tenu de respecter les dispositions contractuelles, notamment en fournissant le travail prévu et en payant le salaire convenu. Les difficultés financières de l’employeur ne peuvent justifier le manquement à l’obligation de paiement des salaires, et il lui incombe de se déclarer en état de cessation des paiements ou de procéder à un licenciement économique si nécessaire.

Résiliation judiciaire et licenciement sans cause réelle et sérieuse

Les articles 1226 et 1228 du Code civil prévoient que la résiliation judiciaire d’un contrat de travail peut être prononcée lorsque l’inexécution des obligations contractuelles par l’employeur est suffisamment grave. La résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme le précise la jurisprudence (Cass. soc., 24 septembre 2014, n°13-16.563 ; Cass. soc., 4 décembre 2019, n°18-15.947).

Fixation des créances au passif de la liquidation judiciaire

L’article L. 622-21 du Code de commerce indique que le jugement d’ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17. Les sommes dues à M. [C] [Y] sont donc fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS A2SR.

Garantie de l’AGS

Les articles L. 3253-6 et suivants du Code du travail prévoient que l’AGS doit garantir les créances des salariés dans les conditions définies par la loi, notamment pour les créances antérieures au jugement de liquidation judiciaire. L’AGS doit avancer les sommes allouées à M. [C] [Y], à l’exception de celles prononcées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et ce, sous réserve de la justification par le mandataire judiciaire de l’absence de fonds disponibles.

L’Essentiel : L’article 802 du Code de procédure civile stipule qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, à peine d’irrecevabilité. Les conclusions de M. [C] [Y] du 27 novembre 2024, postérieures à l’ordonnance du 20 novembre 2024, sont déclarées irrecevables. Selon l’article L. 1222-1 du Code du travail, l’employeur doit exécuter le contrat de travail de bonne foi, et les difficultés financières ne justifient pas le manquement au paiement des salaires.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un salarié, engagé par la SAS A2SR en tant que peintre, a vu son contrat de travail évoluer d’un CDD à un CDI. Cependant, à partir du 28 novembre 2022, il n’a plus reçu de travail ni de salaire, ce qui a conduit à une situation de conflit avec son employeur. Le salarié a alors saisi le conseil des prud’hommes d’Annecy le 7 février 2023, demandant des rappels de salaire, la résiliation judiciaire de son contrat et une indemnisation pour préjudice.

Le 24 mars 2023, le conseil des prud’hommes a jugé recevables les demandes du salarié et a condamné la SAS A2SR à lui verser des sommes provisionnelles pour les salaires impayés et des dommages et intérêts. Le jugement du 19 juin 2023 a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, considérant que les manquements de l’employeur justifiaient cette décision. La SAS A2SR a été condamnée à verser des indemnités au salarié, y compris des rappels de salaire et des indemnités de licenciement.

Le salarié a interjeté appel le 7 juillet 2023, demandant la confirmation du jugement tout en contestant certaines décisions. Le 22 décembre 2023, la SAS A2SR a été placée en liquidation judiciaire. En mars 2024, le salarié a assigné l’UNEDIC et le mandataire liquidateur pour obtenir le paiement de ses créances.

Le tribunal a finalement confirmé la résiliation judiciaire du contrat, la qualifiant de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a ordonné au mandataire liquidateur de remettre les documents nécessaires au salarié. Les créances du salarié ont été fixées au passif de la liquidation judiciaire, et l’UNEDIC a été tenue de garantir le paiement des sommes dues.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de l’irrecevabilité des conclusions déposées par le salarié ?

L’irrecevabilité des conclusions déposées par le salarié le 27 novembre 2024 repose sur l’article 802 du Code de procédure civile, qui stipule qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

En l’espèce, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 20 novembre 2024, les conclusions déposées par le salarié le 27 novembre 2024 doivent être déclarées irrecevables.

La cour ne peut donc examiner que les conclusions signifiées par le précédent conseil du salarié le 6 octobre 2023, qui étaient antérieures à l’ordonnance de clôture.

Quel est l’impact de la résiliation judiciaire sur le contrat de travail ?

La résiliation judiciaire du contrat de travail, prononcée par le conseil de prud’hommes, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément aux articles 1226 et 1228 du Code civil.

Ces articles précisent que la résiliation judiciaire peut être prononcée lorsque l’inexécution de certaines obligations contractuelles est suffisamment grave pour justifier cette résiliation.

Dans ce cas, le salarié a subi un préjudice financier et moral en raison de l’absence de travail et de rémunération, ce qui a conduit à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Quel est le fondement des demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ?

Les demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sont fondées sur l’article L. 1222-1 du Code du travail, qui impose à l’employeur d’exécuter le contrat de travail de bonne foi.

L’employeur doit respecter les dispositions du contrat et fournir le travail prévu, ainsi que le paiement du salaire convenu.

En l’espèce, le salarié a démontré que l’employeur n’a pas respecté ces obligations, ce qui a causé un préjudice financier et moral, justifiant ainsi l’octroi de dommages et intérêts.

Quel est le rôle de l’AGS dans le cadre de la liquidation judiciaire ?

L’AGS, représentée par l’AGS-CGEA, doit garantir les créances des salariés dans les conditions définies par l’article L. 3253-8 du Code du travail.

Cet article précise que l’AGS doit avancer les sommes dues aux salariés dans la limite des plafonds légaux, et ce, sous certaines conditions.

Dans le cas présent, l’AGS est tenue de faire l’avance des sommes allouées au salarié, à l’exception de celles prononcées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et ce, uniquement sur justification par le mandataire judiciaire de l’absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement.

Quel est le principe de l’exécution des décisions de justice en matière de liquidation judiciaire ?

L’article L. 622-21 du Code de commerce stipule que le jugement d’ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17.

Cela signifie que les créanciers ne peuvent pas poursuivre le débiteur pour le paiement d’une somme d’argent tant que la créance n’est pas reconnue dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Ainsi, les sommes dues au salarié doivent être fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS A2SR, conformément à cette disposition légale.

CS25/070

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 MARS 2025

N° RG 23/01038 – N° Portalis DBVY-V-B7H-HJCC

[C] [Y]

C/ S.E.L.A.R.L. MJ ALPES, liquidateur de la société SASU A2SR etc…

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 19 Juin 2023, RG F 23/00030

APPELANT :

Monsieur [C] [Y]

Chez mme [O]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Ivan MASANOVIC, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro N73065-2023-002011 du 28/02/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CHAMBERY)

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. MJ ALPES, liquidateur de la société SASU A2SR

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

UNEDIC – AGS CGEA D'[Localité 5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

S.A.S. A2SR

[Adresse 1]

[Localité 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 10 Décembre 2024, devant Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, qui s’est chargé(e) du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

et lors du délibéré :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,

Exposé du litige :

M. [C] [Y] a été embauché par la SAS AS2R à compter du 1er juin 2020 par la SAS A2SR en contrat à durée déterminée en qualité de peintre.

La relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 octobre 2020.

La convention collective applicable est la convention collective nationale du bâtiment. La SAS A2SR employait moins de 10 salariés.

Par courrier du 28 novembre 2022, des salariés dont M. [C] [Y] ont écrit à l’employeur pour lui rappeler qu’ils sont rentrés chez eux à sa demande le même jour. Ils ont également indiqué à leur employeur être en attente des directives de sa part, n’ayant pas eu de travail mis à disposition le jour même. Ils ont indiqué dans le même courrier être en attente de garanties sur la rémunération prochaine et celle des jours travaillés sur le mois passé.

M. [C] [Y] a saisi le conseil des prud’hommes d’Annecy en date du 7 février 2023 en référé ainsi qu’au fond, aux fins de solliciter des rappels de salaire, la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et l’indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance du 24 mars 2023, la formation de référé du Conseil de prud’hommes d’Annecy a :

– Dit et jugé recevables et bien fondées les demandes formulées en référé par M. [C] [Y],

– Condamné la SAS A2SR à payer à M. [C] [Y] les sommes provisionnelles suivantes :

* 2047 € au titre du rappel de salaire du mois de décembre 2022 outre 205 € au titre des congés payés afférents outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 10 janvier 2023 ;

* 2047 € au titre du rappel de salaire du mois de janvier 2023 outre 205 € au titre des congés payés afférents outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 10 janvier 2023 ;

* 2047 € au titre du rappel de salaire du mois de février 2023 outre 205 € au titre des congés payés afférents outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 10 janvier 2023 ;

* 2047 € au titre du rappel de salaire du mois de mars 2023 outre 205 € au titre des congés payés afférents outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 10 janvier 2023 ;

* 5 000 € nets de CSG et CRDS à titre de provision sur dommages et intérêts du fait du préjudice subi du fait du non-paiement du salaire ;

* 960 € au titre de l’article 700 du CPC

– Ordonné à la SAS A2SR de remettre à M. [C] [Y] des bulletins du mois de décembre 2022, janvier 2023, février 2023, mars 2023, sous astreinte de 20 euros par document et par jour de retard, passé le 5ème jour suivant la notification de la décision ;

– S’est réservé le droit de liquider l’astreinte ;

– Condamné la SAS A2SR aux entiers dépens ;

Par jugement du 19 juin 2023, le conseil des prud’hommes d’Annecy a :

– Dit que le contrat de travail de M. [C] [Y] sera résilié judiciairement à la date de la présente décision soit au 19 juin 2023,

– Condamné la SAS A2SR à payer à M. [C] [Y] les sommes suivantes :

* 2 047 euros par mois au titre du rappel de salaire depuis le mois de décembre 2022 outre 204,70 euros au titre des congés payés afférents, assortis des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 10 janvier 2023, et jusqu’au jour de la présente décision ;

* 4 094 € (quatre mille quatre-vingt-quatorze euros) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 409 € (quatre cent neuf euros) au titre des congés payés afférents ;

* 1 620,54 € (mille six cent vingt euros et cinquante-quatre centimes) au titre de l’indemnité de licenciement ;

* 500 € (cinq cent euros) au titre de l’artic1e 700 du Code de procédure civile ;

– Ordonné à la SAS A2SR de délivrer à M. [C] [Y] les bulletins de paie depuis le mois de novembre 2022 et les documents de fin de contrat, sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé le délai de 10 jours suivant la notification de la décision et dans la limite de 30 jours ;

– Dit que 1’exécution provisoire est de droit dans les conditions de l’article-R1454-28 du Code du travail ;

– Débouté M. [C] [Y] de ses autres demandes ;

– Condamné la SAS A2SR aux entiers dépens.

La décision a été notifiée aux parties et M. [C] [Y] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 7 juillet 2023.

Par dernières conclusions déposées le 5 octobre 2023 et signifiées le 6 octobre 2023, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, M. [C] [Y] demande à la cour d’appel de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Jugé que le contrat de travail de M. [C] [Y] sera résilié judiciairement à la date de la présente décision soit le 19 juin 2023 ;

– Condamné la SAS A2SR à payer à M. [C] [Y] les sommes suivantes :

* 2 047 euros par mois au titre du rappel de salaire depuis le mois de décembre 2022 outre 204,70 euros au titre des congés payés afférents, assortis des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 10 janvier 2023 et jusqu’au jour de la présente décision

* 4 094 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 409 euros au titre des congés payés afférents

* 1 620,54 euros au titre de l’indemnité de licenciement

– Ordonné à la SAS A2SR de délivrer à M. [C] [Y] les bulletins de paie depuis le mois de novembre 2022 et les documents de fin de contrat, sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé le délai de 10 jours suivant la notification de la décision et dans la limite de 30 jours

– Condamné la SAS A2SR aux entiers dépens

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Condamné la SAS A2SR à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Débouté M. [C] [Y] de ses autres demandes

Statuant à nouveau :

– Juger que la SAS A2SR a exécuté le contrat de travail de manière fautive et déloyale ;

– Juger que la résiliation judiciaire avec effet au 19 juin 2023 résulte des manquements de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Condamner la SAS A2SR les sommes suivantes :

* 10 000 euros nets de CSG et de cRDS à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice subi du fait de l’exécution fautive et déloyale du contrat de travail ;

* 7 164,50 euros nets au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail (article L. 1235-3 du code du travail, entre 3 et 3,5 mois de salaire et sauf à parfaire à la date du prononcé de la décision)

* 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance

Y ajoutant :

– Condamner la SAS A2SR la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel outre les dépens

Par jugement du tribunal de commerce en date du 22 décembre 2023, la SAS A2SR a été placée en liquidation judiciaire.

Le 11 mars 2024, Me Ivan Masanovic s’est constitué en lieu et place de Me Audrey Guichard.

Le 28 mars 2024, M. [C] [Y] a assigné en intervention forcée l’UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 5] ainsi que le mandataire liquidateur Maître [V] [T], SELARL MJ ALPES es qualité de mandataire liquidateur de la SAS A2SR.

L’UNEDIC, délégation AGS CGEA D'[Localité 5] n’a pas constitué avocat.

La SELARL MJ ALPES, prise en la personne de Maître [V] [T], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS A2SR, n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 novembre 2024. Le dossier a été appelé à l’audience du 10 décembre 2024. A l’issue, l’affaire a été mise en délibéré le 20 mars 2025.

Le 27 novembre 2024, M. [C] [Y] a déposé, par l’intermédiaire de son conseil Me Masanovic, son dossier de plaidoirie dans lequel figurait des nouvelles conclusions.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Il doit être rappelé à titre liminaire que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Faute de conclusions déposées par Maître [V] [T], SELARL MJ ALPES es qualité de mandataire liquidateur de la SASU A2SR et de l’AGS, la cour est saisie par les seuls moyens de M. [C] [Y] tendant à la réformation ou à l’annulation du jugement. La cour ne peut faire droit à la demande de l’appelant que si elle estime régulière, recevable bien-fondé, ce conformément au deuxième alinéa de l’article 472 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité des conclusions déposées le 27 novembre 2024

Il résulte de l’article 802 du code de procédure civile qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Il est de principe que lorsque le juge est saisi de conclusions tendant à la condamnation au paiement d’une somme d’argent, il lui appartient de se prononcer d’office sur l’existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, « peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement » (Soc., 10 novembre 2021, n°20-14529, publié ; Soc, 2 février 2022 n°20-15.520, NP).

En l’espèce, M. [C] [Y], par l’intermédiaire de son conseil Me Masanovic, a déposé son dossier de plaidoirie dans lequel figuraient des nouvelles conclusions le 27 novembre 2024. Ces conclusions sont identiques aux conclusions signifiées par le précédent conseil de l’appelant le 6 octobre 2023.

L’ordonnance de clôture ayant été rendue le 20 novembre 2024, les conclusions déposées par M. [C] [Y] le 27 novembre 2024 doivent être déclarées irrecevables.

La Cour n’est donc saisie que des conclusions du précèdent conseil de M. [C] [Y], Me Audrey Guichard, signifiées le 6 octobre 2023.

Le dispositif de ces conclusions, déposées antérieurement au jugement de placement en liquidation judiciaire de la SAS A2SR, ne contient que des demandes de condamnation et non de fixation au passif de la société en liquidation judiciaire.

Toutefois, au regard de la jurisprudence susvisée, il appartient à la cour de se prononcer sur la fixation au passif des créances alléguées par le salarié, le nouveau conseil de M. [C] [Y] justifiant avoir appelé le liquidateur judiciaire et l’AGS dans la cause.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [C] [Y] soutient que les manquements de la SAS A2SR sont caractérisés par l’absence de fourniture de travail depuis le 28 novembre 2022, le non-paiement des salaires depuis le mois de décembre 2022 et le non-respect de l’obligation de loyauté. Ces manquements justifient la confirmation du jugement sur les rappels de salaire mais également une condamnation à des dommages et intérêts ; que le fait que la société avait visiblement moins de commandes suite à la perte d’un marché avec un assureur ne saurait excuser les manquements en ce que :

– il ressort des éléments déposés au greffe du Tribunal de Commerce que l’arrêt du paiement des salaires est concomitant avec le changement de présidence de la société ;

– les salariés n’ont eu aucune information quant aux difficultés invoquées, difficultés n’ayant jamais été étayées ;

– quand bien même la société avait des difficultés, il lui appartenait de faire le nécessaire auprès du Tribunal de Commerce pour que les salariés puissent à tout le moins être payés, notamment en se déclarant en état de cessation des paiements ou en engageant une procédure de licenciement économique.

Le salarié soutient que cette attitude lui a causé un préjudice financier considérable du fait de l’absence de revenu de remplacement, le contrat étant en cours, mais également moral et physique, M. [C] [Y] ayant été soumis à un fort sentiment d’anxiété induit par la situation.

M. [C] [Y] soutient enfin que c’est par erreur que le conseil de prud’hommes a considéré que les salariés auraient parfaitement pu et dû saisir le tribunal de commerce avant de saisir le conseil de prud’hommes et de faire porter sur eux la responsabilité de l’absence d’ouverture d’une procédure collective, démarches qui incombent à l’employeur (étant rappelé que la société n’a jamais prouvé la moindre difficulté économique à ce jour).

La SAS A2SR n’a pas conclu.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.

Les difficultés financières ne peuvent justifier le manquement à l’obligation de payer les salaires et il appartient à l’employeur qui ne peut assurer la pérennité du travail et le règlement des salaires, soit de licencier le salarié pour ce motif économique, soit de se déclarer en état de cessation des paiements (Soc. 20 juin 2006: RDT 2006. 252, obs. [G]; D. 2006. IR 1845; Dr. soc. 2006. 1051, obs. Radé.

En l’espèce, il est constant que M. [C] [Y], comme l’ensemble des salariés de la SAS A2SR, ne se sont plus vus fournir de travail ni de rémunération depuis le mois décembre 2022.

Si l’ensemble des salariés a été informé, le 2 janvier 2023, que la gérance de la SAS A2SR était désormais confiée à la société RLC5 par l’intermédiaire de son gérant M. [U] [L], il n’en demeure pas moins qu’aucun travail n’a été fourni ni aucune rémunération versée à la suite de cette information.

La SAS A2SR a été mise en demeure par les salariés de verser les rémunérations par courrier recommandé du 10 janvier 2023.

L’inspection du travail a également adressé un courrier le 23 janvier 2023 par lequel elle a demandé à l’employeur de justifier du paiement mensuel du salaire et lui a rappelé de l’obligation de payer le salaire.

L’employeur n’a donné aucune suite à ces sollicitations, alors même que la SAS A2SR n’avait pas encore fait l’objet de l’ouverture d’une liquidation judiciaire. L’employeur n’a par ailleurs pas comparu à l’audience de référé du conseil de prud’hommes du 17 mars 2023 à l’issue de laquelle il a été condamné à verser, à titre provisionnel, les salaires de décembre 2022 à mars 2023 ainsi qu’à des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sans que l’employeur ne donne une quelconque information à ses salariés dans l’intervalle, la SAS A2SR a finalement fait l’objet d’une liquidation judiciaire en date 22 décembre 2023.

A ce titre, si tant est que les difficultés économiques existent, il ne saurait être reproché aux salariés de ne pas avoir saisi le tribunal de commerce aux fins de provoquer l’ouverture d’une procédure collective, cette responsabilité incombant à l’employeur au regarde de l’arrêt susvisé.

Il résulte de ce qui précède que le comportement de l’employeur est constitutif d’un manquement de l’employeur à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail.

Ce manquement a causé un préjudice financier à M. [C] [Y] qui n’a pas été rémunéré et n’a reçu aucun revenu remplacement entre décembre 2022 et le 19 juin 2023, date de rupture du contrat prononcée par le conseil de prud’hommes.

Il a également subi un préjudice moral caractérisé par une situation anxiogène sur sa situation professionnelle, qui n’a d’autre cause que le comportement fautif de son employeur à qui revenait la responsabilité de se déclarer en état de cessation des paiements ou de rompre les contrats par une procédure de licenciement économique si ses difficultés étaient avérées.

Ainsi, le jugement sera confirmé s’agissant du rappel de salaire à compter du mois de décembre 2022 jusqu’à la date du jugement du conseil de prud’hommes ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat.

Le jugement sera toutefois infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et l’employeur sera condamné à lui verser la somme de 2 000 € à ce titre.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [C] [Y] soutient que les manquements susvisés ont conduit le conseil de prud’hommes à prononcer la résiliation judiciaire du contrat en précisant que : « les faits sont d’une gravité suffisante pour qu’il soit mis fin à la relation de travail ». Or, en considérant : « qu’il n’existe pas d’article du Code du travail qui conduit à ce que la résiliation judiciaire du contrat de travail s’assimile de droit à un licenciement sans cause réelle et sérieuse », le conseil de prud’hommes n’a pas tiré toutes les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail et a refusé au salarié son droit à la réparation du préjudice subi du fait de la rupture de son contrat de travail.

La SAS A2SR n’a pas conclu.

Sur ce,

Sur le fondement des dispositions des articles 1226 et 1228 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier si l’inexécution de certaines des dispositions résultant d’un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Dans l’hypothèse où la résiliation judiciaire est justifiée, celle-ci produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Les difficultés financières ne peuvent justifier le manquement à l’obligation de payer les salaires et il appartient à l’employeur qui ne peut assurer la pérennité du travail et le règlement des salaires, soit de licencier le salarié pour ce motif économique, soit de se déclarer en état de cessation des paiements.

A ce titre, sont des manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur le non-respect de l’obligation de verser le salaire (Cass. soc., 24 sept. 2014, n°13-16.563) ainsi que le fait de ne pas fournir de travail à un salarié et de ne pas le licencier (Cass. soc., 4 déc. 2019, n°18-15.947).

En l’espèce, il a été relevé que M. [C] [Y], à l’instar des neufs autres salariés de la SAS A2SR, ne s’était plus vu fournir de travail et n’avait pas été rémunéré depuis décembre 2022 et ce jusqu’à ce que le conseil de prud’hommes ne prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail en date du 19 juin 2023. Il en est résulté sept mois de salaire impayés.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] [Y], condamné la SAS A2SR au paiement de l’indemnité légale de licenciement ainsi qu’à l’indemnité compensatrice de préavis dont la durée est fixée à 2 mois par la convention collective applicable et il convient d’ajouter que cette résiliation judiciaire doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie d’infirmation du jugement déféré.

Le salarié, embauché 1er juin 2020 et dont le contrat a été rompu par la décision du conseil de prud’hommes du 19 juin 2023, bénéficiait d’une ancienneté de trois années et percevait un salaire brut mensuel moyen de 2 047 €.

Il sera porté au passif de la liquidation judiciaire de la SAS A2SR une indemnité de 2 047 € correspondant à un mois de salaires conformément au minimum prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail pour cette ancienneté dans une entreprise employant moins de onze salariés, le salarié ne justifiant d’aucun préjudice permettant de lui allouer un montant supérieur.

Sur la remise d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de salaire rectifiés :

Il convient d’ordonner, par voie de confirmation du jugement déféré, à la SELARL MJ ALPES, prise en la personne de Maître [V] [T], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS A2SR, de remettre à M. [C] [Y] l’ensemble des bulletins de salaire et une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d’exercer son droit aux prestations sociales, conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l’éventuel acquiescement à la présente décision.

La cour précise qu’il peut être transmis soit un bulletin de paie rectifié par mois, soit un bulletin de paie rectifié récapitulatif, pour l’ensemble de la période en litige.

La demande d’astreinte sera rejetée car elle n’est pas utile à l’exécution dans la présente décision, par voie d’infirmation du jugement déféré.

Sur la procédure collective en cours :

Il résulte des dispositions de l’article L. 622-21 du code de commerce que le jugement d’ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.

En conséquence, les sommes susvisées seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS A2SR.

Sur la garantie de l’UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 5] :

L’UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 5] devra sa garantie à M. [R] [A] dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail dès lors qu’il s’agit de créances antérieures au jugement du 22 décembre 2023 prononçant la liquidation judiciaire de la SAS A2SR.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.

La SELARL MJ ALPES, prise en la personne de Maître [V] [T], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS A2SR sera condamnée aux dépens d’appel.

M. [C] [Y] a été contraint d’engager des frais non taxables de représentation en justice ; il est contraire à l’équité de les laisser à sa charge. La créance du salarié en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS A2SR à la somme globale de 1 000 € tant au titre de la procédure de première instance que d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

PRONONCE l’irrecevabilité des conclusions déposées par M. [C] [Y] le 27 novembre 2024,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

– Débouté M. [C] [Y] de ses autres demandes ;

– Ordonné à la SAS A2SR de délivrer à M. [C] [Y] les bulletins de paie depuis le mois de novembre 2022 et les documents de fin de contrat, sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé le délai de 10 jours suivant la notification de la décision et dans la limite de 30 jours ;

– Condamné la SAS A2SR à la somme suivante :

* 500 € (cinq cent euros) au titre de l’artic1e 700 du Code de procédure civile ;

LE CONFIRME pour le surplus ,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS A2SR les sommes ayant fait l’objet d’une condamnation et confirmées en cause d’appel,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

DIT que la résiliation judiciaire prononcée par le conseil de prud’hommes le 19 juin 2023 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS A2SR les sommes suivantes :

* 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 2 047 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE à la SELARL MJ ALPES, prise en la personne de Maître [V] [T], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS A2SR de délivrer à M. [C] [Y] les bulletins de paie depuis le mois de novembre 2022 et les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

REJETTE la demande d’astreinte ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SELARL MJ ALPES, prise en la personne de Maître [V] [T], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS A2SR aux dépens ;

FIXE au passif de la liquidation de la SAS A2SR, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1000 euros pour la première instance et l’appel ;

DIT que le présent arrêt est opposable à l’AGS représentée par l’AGS-CGEA d'[Localité 5] et qu’elle doit sa garantie dans les conditions définies par l’article L.3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux ;

DIT que l’obligation de l’AGS de faire l’avance des sommes allouées à M. [C] [Y] devra couvrir la totalité des sommes allouées à M. [C] [Y] à l’exception de la condamnation prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que son obligation de faire l’avance des sommes allouées à M. [C] [Y] ne pourra s’exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l’absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement.

Ainsi prononcé publiquement le 20 Mars 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente


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