Sur le licenciement pour faute graveLa faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’article L. 1234-1 du Code du travail précise que le licenciement peut être prononcé pour une faute grave, ce qui implique que l’employeur doit prouver la réalité des faits reprochés. En l’espèce, la cour a constaté que les agissements de M. [X] à l’égard de Mme [S] constituaient des comportements inappropriés, notamment des avances sexuelles et des pressions pour obtenir des faveurs, ce qui a été corroboré par des témoignages et des éléments de preuve. Sur la charge de la preuveIl appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié. En vertu de l’article L. 1235-1 du Code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. La jurisprudence a établi que, même en l’absence de preuves formelles, des témoignages concordants peuvent suffire à établir la réalité des faits reprochés. Sur la prescription des faits fautifsL’article L. 1332-4 du Code du travail stipule qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, sauf si ce fait a donné lieu à des poursuites pénales. Toutefois, la jurisprudence admet que des faits fautifs postérieurs peuvent justifier des poursuites disciplinaires pour des faits antérieurs, lorsque le comportement du salarié s’est poursuivi. Sur le harcèlement sexuelLe harcèlement sexuel est défini par l’article L. 1153-1 du Code du travail comme le fait de harceler une personne par des propos ou comportements à connotation sexuelle, créant une situation intimidante, hostile ou dégradante. Les faits reprochés à M. [X] ont été qualifiés de harcèlement sexuel, justifiant ainsi le licenciement pour faute grave. Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoirePour obtenir une indemnisation au titre du licenciement vexatoire, le salarié doit établir le comportement fautif de l’employeur, caractérisé par des circonstances particulières dans lesquelles s’est déroulé son licenciement. La jurisprudence exige que le salarié prouve que les conditions de son licenciement étaient particulièrement brutales ou humiliantes, ce qui n’a pas été retenu dans le cas présent. Sur les frais irrépétiblesL’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. La cour a confirmé la condamnation de M. [X] à payer des frais à la société GROUPAMA, en raison de sa position de partie perdante dans le litige. |
L’Essentiel : La faute grave est une violation des obligations du contrat de travail rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit prouver la réalité des faits reprochés. En l’espèce, les comportements de M. [X] envers Mme [S] ont été qualifiés de harcèlement sexuel, justifiant le licenciement. La charge de la preuve incombe à l’employeur, qui doit démontrer la régularité de la procédure et le caractère sérieux des motifs. Des témoignages concordants peuvent suffire à établir les faits.
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Résumé de l’affaire : Un salarié, engagé par la société GROUPAMA en tant que délégué commercial, a été licencié pour faute grave le 13 octobre 2021, suite à des accusations de harcèlement sexuel à l’encontre d’une collègue. Après avoir été convoqué à un entretien préalable le 3 septembre 2021, un conseil de discipline s’est tenu le 7 octobre 2021, où des témoignages ont été recueillis concernant des comportements inappropriés du salarié, notamment des gestes et paroles déplacés à l’égard de la victime.
Le salarié a contesté son licenciement en saisissant le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône le 24 décembre 2021, demandant la réintégration et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le 17 avril 2023, le conseil a rejeté ses demandes, confirmant la légitimité du licenciement pour faute grave. Le salarié a alors interjeté appel le 4 mai 2023. Dans ses conclusions, le salarié a demandé l’infirmation du jugement et la reconnaissance de son licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des indemnités conséquentes. De son côté, la société GROUPAMA a demandé la confirmation du jugement initial et a réclamé des frais à la charge du salarié. La cour a examiné les éléments de preuve, notamment les témoignages de collègues et les déclarations de la victime, qui ont corroboré les accusations de harcèlement. Elle a conclu que les comportements du salarié constituaient une violation grave des obligations contractuelles, rendant impossible son maintien dans l’entreprise. En conséquence, la cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant les demandes du salarié et le condamnant à payer des frais à la société GROUPAMA. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la faute grave dans le cadre d’un licenciement ?La faute grave est définie par l’article L. 1331-1 du Code du travail, qui stipule que « la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. » Il appartient à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave. En cas de contestation, les juges doivent également vérifier si les faits reprochés peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, conformément à l’article L. 1232-1 du Code du travail. Ainsi, dans le cas présent, la cour a confirmé que les agissements du salarié à l’égard de la salariée constituaient une faute grave, rendant impossible son maintien dans l’entreprise. Quel est le rôle de la preuve dans le cadre d’un licenciement pour faute grave ?L’article L. 1235-1 du Code du travail précise que « le juge apprécie la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. » Cela implique que l’employeur doit apporter des éléments probants pour justifier le licenciement. Dans cette affaire, l’employeur a produit des témoignages et des éléments de preuve, tels que des échanges de messages et des déclarations de la salariée, qui ont été jugés suffisants pour établir la réalité des faits reprochés. La cour a ainsi considéré que les preuves apportées par l’employeur étaient suffisantes pour justifier le licenciement pour faute grave. Quel est l’impact de la prescription sur les faits reprochés au salarié ?L’article L. 1332-4 du Code du travail stipule qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, sauf si ce fait a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai. Cependant, la jurisprudence indique que ce délai ne s’applique pas si le comportement fautif du salarié s’est poursuivi. Dans cette affaire, la cour a constaté que des faits de même nature avaient été rapportés en juillet 2021, justifiant ainsi la poursuite des investigations et la prise de mesures disciplinaires, même si certains faits remontaient à juillet 2020. Quel est le principe de la charge de la preuve dans le cadre d’un licenciement ?Selon l’article 9 du Code de procédure civile, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver celle-ci. » Dans le cadre d’un licenciement, cela signifie que l’employeur doit prouver la réalité des faits reprochés au salarié. Dans cette affaire, la société GROUPAMA a produit des éléments de preuve, tels que des témoignages et des échanges de messages, pour établir la réalité des comportements reprochés au salarié. La cour a jugé que ces éléments étaient suffisants pour justifier le licenciement pour faute grave. Quel est le cadre juridique des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ?Pour obtenir des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, le salarié doit prouver que son licenciement a été effectué dans des conditions particulièrement brutales ou humiliantes, distinctes de celles liées à la perte de son emploi. La cour a considéré que le simple fait d’être licencié pour un motif contesté et d’avoir été mis à pied conservatoire ne suffisait pas à établir des conditions vexatoires. Ainsi, la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire a été rejetée, confirmant le jugement de première instance. Quel est le rôle de l’enquête interne dans le cadre d’un licenciement pour faute grave ?L’employeur a l’obligation de mener une enquête interne pour vérifier la véracité des faits dénoncés, mais il n’est pas tenu de solliciter le CSE ou la CSSCT, comme le précise la jurisprudence. Dans cette affaire, bien que l’employeur n’ait pas produit de compte rendu formel de l’enquête, la cour a jugé que les vérifications effectuées étaient suffisantes pour établir la réalité des faits reprochés. La cour a ainsi confirmé que l’absence de document formalisé ne remettait pas en cause l’indépendance et l’impartialité de l’enquête. Quel est le principe de la liberté de la preuve dans le cadre d’un licenciement ?Le principe de la liberté de la preuve est établi par l’article 1358 du Code civil, qui stipule que « la preuve peut être apportée par tout moyen. » Cela signifie que l’employeur peut utiliser divers éléments pour prouver la réalité des faits reprochés au salarié. Dans cette affaire, la cour a considéré que les éléments de preuve produits par l’employeur, y compris des témoignages et des échanges de messages, étaient suffisants pour établir la réalité des comportements reprochés au salarié. La cour a ainsi confirmé que la preuve était libre, sous réserve de respecter les principes de légalité et de loyauté. |
C/
Compagnie d’assurance GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE
C.C.C le 20/03/25 à:
– Me MOULIN
-Me LIGIER
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/03/25 à:
– Me TALLENT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 MARS 2025
MINUTE N°
N° RG 23/00250 – N° Portalis DBVF-V-B7H-GFQL
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, décision attaquée en date du 17 Avril 2023, enregistrée sous le n° 21/00305
APPELANT :
[J] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Vincent MOULIN de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON, Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Compagnie d’assurance GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Michel TALLENT de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 4 février 2025 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, président de chambre,
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [J] [X] a été embauché par la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles de Rhône Alpes Auvergne – Groupama Rhône Alpes Auvergne (ci-après société GROUPAMA) le 11 septembre 1995 en qualité de délégué commercial.
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de conseiller en gestion de patrimoine senior.
Le 3 septembre 2021, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement assorti d’une mise à pied conservatoire.
Le 7 octobre 2021, comme prévu par la convention collective des assurances, un conseil de discipline s’est réuni.
Le 13 octobre 2021, il a été licencié pour faute grave.
Par requête du 24 décembre 2021, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône afin de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et à titre principal ordonner sa réintégration et subsidiairement condamner la société aux conséquences indemnitaires afférentes, outre des dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.
Par jugement du 17 avril 2023, le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône a rejeté l’ensemble de ses demandes.
Par déclaration formée le 4 mai 2023, M. [X] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 31 juillet 2023, l’appelant demande de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que le licenciement repose sur une faute grave, l’a débouté de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
à titre principal,
– ordonner sa réintégration, outre le maintien de ses avantages acquis, sur ses missions telles qu’exercées antérieurement à son licenciement,
à titre subsidiaire,
– condamner la société GROUPAMA au paiement des sommes suivantes :
* 18 578,91 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 857,89 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 92 889,05 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 114 569,94 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
– condamner la société GROUPAMA au paiement des sommes suivantes :
* 8 236,65 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire, outre 823,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 18 578,91 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
* 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens,
– juger que l’ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal à compter du ‘prononcé du jugement’.
Aux termes de ses dernières conclusions du 28 septembre 2023, la société GROUPAMA demande de :
– confirmer le jugement déféré qui a jugé que le licenciement repose sur une faute grave et a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeter toutes les demandes de M. [X] comme étant non fondées, ni justifiées,
– le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’instance et d’appel.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
I – Sur le bien fondé du licenciement :
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.
Il est par ailleurs constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l’employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n’en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 13 octobre 2021 est rédigée dans les termes suivants :
‘[…]Madame [Y] [R], Responsable de Secteur, nous a informés le 13 juillet 2021, de la situation d’une salariée qui pourrait faire l’objet de faits susceptibles à menacer sa santé et son intégrité physique.
Nous avons entrepris les premières diligences pour obtenir l’identification de la salariée susceptible d’être victime de tels faits.
Dès le retour de congés de celle-ci, qui s’est avérée être Madame [S], nous avons entrepris immédiatement des premières démarches pour tenter d’obtenir des précisions sur la nature des faits susceptibles d’être intervenus.
Dès les premières auditions diligentées dans le cadre de l’enquête début septembre 2021, et notamment à l’occasion de l’audition de Madame [S], ont été rapportés des faits graves vous mettant en cause. Ces faits seraient intervenus le 7 juillet 2021 date à laquelle vous avez formulé des paroles et eu des gestes déplacés à son égard, un comportement à connotation sexuelle, et exercé des pressions dans le but d’obtenir un baiser.
Les agissements ainsi mis en ‘uvre ont été ressentis comme particulièrement dégradants et humiliants par Madame [S] avec la circonstance complémentaire qu’ils ont été de nature à créer une situation de terreur à son détriment.
En outre, la poursuite de l’enquête et des auditions ont permis de mettre en évidence que de tels faits n’étaient pas isolés et que, par le passé, notamment en juillet 2020, vous aviez déjà exercé des pressions à son encontre pour obtenir des faveurs sexuelles et que vous l’avez bloquée et tenté en outre de l’embrasser de force, ces faits pouvant caractériser une agression sexuelle.
L’enquête a mis en évidence le fait que depuis lors vous aviez multiplié les remarques et avances à son détriment, ceci expliquant d’ailleurs que certains de ses collègues aient pu constater l’angoisse de l’intéressée à se retrouver en contact avec vous, voire la terreur subie si elle devait se retrouver seule à votre contact.
Enfin, l’enquête a permis de mettre en évidence qu’outre le harcèlement sexuel dont vous vous êtes rendu l’auteur au détriment de Madame [S], de façon plus générale, vos agissements au détriment de vos collègues salariées notamment auprès des plus jeunes dont le manque d’expérience et dont la position pouvaient les rendre plus vulnérables étaient pour le moins critiquables, considérant notamment vos propos tendancieux et remarques déplacées caractérisant au minimum un manque de considération voire une intrusion dans la sphère privée.
Ces faits d’une gravité toute particulière viennent contrevenir aux règles et à l’éthique de notre entreprise et interdisent la poursuite de votre contrat de travail, et ce d’autant plus que ces agissements viennent directement menacer la santé et la sécurité de salariées.
A l’issue du Conseil, les 6 représentants ont fait connaître leur avis et le compte rendude réunion formalisé.
Les explications recueillies aux différents stades de la procédure ne nous ont pas permis de reconsidérer la décision que nous nous projetions de prendre.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même
temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 13 octobre 2021, sans indemnité de préavis ni de licenciement […]’ (pièce n°10).
M. [X] conteste longuement le bien fondé de son licenciement aux motifs que:
– embauché en septembre 1995, il a progressivement évolué au sein de la société pour occuper en dernier lieu le poste de conseiller en gestion de patrimoine senior, statut cadre. Il a toujours donné entière satisfaction à son employeur, ce qui ressort de ses entretiens annuels d’évaluation (pièce n°4),
– outre ses compétences professionnelles, il n’a jamais adopté de comportement déplacé à l’égard de ses collègues de travail, ce que de nombreux anciens collègues ou clients attestent (pièces n°19 à 28 et 46 à 54),
– il n’a fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire en plus de 26 années de présence au sein de la société GROUPAMA ni même du moindre entretien de recadrage en mars 2021 concernant des supposés comportements inadaptés envers ses collègues de travail supposant ‘des agissements sexistes au détriment du personnel féminin’. D’ailleurs la lettre de licenciement ne fait nullement état du recadrage invoqué, ce que son supérieur hiérarchique a confirmé devant le conseil de discipline (pièce n°9),
– dès le mois de mars 2021, Mme [P], responsable commerciale départemental de Saône et Loire, a clairement indiqué à son supérieur hiérarchique qu’il convenait de se séparer de lui au motif d’un prétendu comportement inadapté, pour autant non sanctionné et surtout corroboré par aucun élément. Celle-ci a exercé des pressions envers différents salariés à l’égard desquels il s’est toujours montré présent afin de les soutenir, raison pour laquelle Mme [P] a ‘uvré pour l’écarter, ce que confirme plusieurs salariés (pièces n°44, 53, 54),
– il lui est reproché des agissements de harcèlement sexuel à l’encontre de Mme [S] le 7 juillet 2021 (paroles, gestes déplacés et des pressions visant à obtenir un baiser sur le lieu de travail), des pressions pour obtenir des faveurs sexuelles et des agissements consistant à l’embrasser de force durant le mois de juillet 2020, outre de multiples remarques et avances à son détriment, et d’avoir tenu des propos tendancieux et déplacées à l’égard d’autres salariées de la société. Or la réalité de ces faits n’est pas établie,
– il ressort des témoignages produits par la société que les faits prétendument survenus durant le mois de juillet 2020 sont connus de Mme [R], responsable de secteur, statut cadre, depuis octobre ou novembre 2020. Or il n’a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement que le 3 septembre 2021, de sorte que les faits sont prescrits,
– la société ne produit aucun document ou compte rendu de l’enquête invoquée dans la lettre de licenciement et ni le CSE ou la CSSCT n’y a été associée. Un tel procédé empêche la tenue d’une enquête indépendante et impartiale diligentée par les représentants du personnel, lesquels n’ont pris connaissance des faits reprochés que dans le cadre de la procédure disciplinaire prévue par l’article 90A de la convention collective des sociétés d’assurances, ce qui leur a permis de constater l’absence totale d’élément probant caractérisant un éventuel manquement à l’égard de Mme [S] ou de tout autre salarié (pièce n°9),
– si un doute subsiste, il profite au salarié,
– dans le cadre d’une note en délibéré, le conseil de prud’hommes a demandé la production du dossier communiqué au conseil de discipline. Il ressort de la réponse de la société qu’aucune enquête ou dossier n’a été versé aux débats (pièces n°55 et 56). Pour autant, le premier juge n’a nullement tenu compte de cette carence et résistance de la société en considérant que les faits reprochés étaient avérés,
– afin de vainement tenter de démontrer la réalité des faits qui lui sont reprochés, la société GROUPAMA se contente d’échanges de SMS non datés et dont les interlocuteurs de Mme [S] ne sont pas identifiables et de brefs échanges Messenger entre lui et Mme [S] semblant dater du mois de juillet 2020. Il n’y tient aucun propos tendancieux ou pouvant être assimilé à du harcèlement sexuel à son encontre et au mieux, Mme [S] est agacée et lui demande de cesser lui écrire, ce qu’il a fait. Mme [S] a au contraire eu de nombreux échanges, parfois à son initiative, avec lui postérieurement à la prétendue survenance des faits reprochés (pièce n°34),
– concernant le courrier électronique du 26 mars 2021 supposé justifier l’existence d’un recadrage concernant son comportement avec le personnel féminin, il conteste tout rappel à l’ordre avant son licenciement et il n’a fait l’objet d’aucune sanction ou rappel à l’ordre à la suite de ce prétendu entretien. En tout état de cause, les nombreux témoignages versés aux débats contredisent les allégations formulées par la société sur ce point,
– les témoignages de Mme [R] et de MM. [U] et [K] sont indirects et ne font que reprendre les propos que de Mme [S] et MM. [K] et [U] n’hésitent pas à procéder par voie d’affirmations afin de le dénigrer. En outre, Mme [Z] atteste que Mme [R] est une personne sachant ‘manier habillement le mensonge et la manipulation’ (pièce n°29) et Mmes [A] et [L] contestent le témoignage de M. [U], affirmant ne jamais avoir été harcelée de quelque manière que ce soit par lui (pièces n°30 et 31),
– en réalité, de tels témoignages inexacts ne font que confirmer la proximité entretenue entre Mme [S] et ses collègues sur l’agence du CREUSOT (pièce n°52),
– ces témoignages ne résultent pas des prétendues investigations ou enquête réalisées par la société puisqu’ils ont été rédigés pour les seuls besoins de la cause en février et mars 2022,
– les allégations de Mme [S] ont évolué entre septembre 2021 et mars 2022 et en tout état de cause ne sauraient démontrer à elles seules la réalité des faits reprochés, la salariée n’ayant par ailleurs nullement déposé plainte alors même qu’elle fait état de prétendus agressions sexuelles. Une telle contradiction ne manque pas d’interroger et la cour rejettera ses tentatives d’explication sur sa volonté de ne pas informer ‘son entourage familial’, le dépôt d’une plainte n’étant pas public, pas davantage que la dénonciation des faits opérées auprès de ses collègues de travail et de sa hiérarchie,
– Mme [S] a accepté de récupérer des dossiers supplémentaires afin de travailler avec lui en juin 2021 et Mme [R], supérieure hiérarchique de Mme [S], a validé sans difficulté cette répartition des dossiers tout en attestant être au courant de ses agissements depuis fin 2020,
– il conteste le témoignage de M. [T] faisant état de remarques déplacées concernant Mme [S] et à supposer qu’ils aient effectivement été tenus, c’était hors la présence de Mme [S] et la tenue de tels propos n’est pas visé dans la lettre de licenciement,
– il ressort du témoignage de Mme [I], avec qui il a échangé des messages le 1er janvier 2015, qu’il n’a formulé vis à vis d’elle aucun propos susceptible de ‘menacer la santé et la sécurité de salariées’ (pièce n°5) et qu’au contraire il a présenté ses excuses dans l’hypothèse où celle-ci aurait été gênée ou dérangée par ses messages,
– l’attestation de Mme [N], directrice RH, sera écarté en ce qu’elle est signataire de la lettre de licenciement (pièce n°5),
– concernant les faits du 7 juillet 2021, les allégations de la société ne sont corroborés par aucun autre élément que les affirmations de Mme [S] et il n’est pas contesté que Mme [R] ou MM. [K] et [U] n’étaient pas présents. En tout état de cause, sa présence au sein de l’agence du Creusot se justifie tant par la nécessité d’échanger avec la clientèle que de pouvoir disposer occasionnellement d’un bureau afin d’y travailler. Il avait organisé à l’agence un rendez-vous avec un client (Mme [H]) le 7 juillet 2021 à 14h30, ce que celle-ci confirme même si le rendez-vous n’a pu être honoré (pièces n°32 et 33). Dès le lendemain, Mme [S] a spontanément échangé à diverses reprises avec lui par messagerie ‘TEAMS’ en lui demandant à deux reprises de l’appeler (pièce n°34),
– concernant les faits de juillet 2020, les allégations de la société ne sont là non plus corroborés par aucun autre élément que les affirmations de Mme [S] et il n’est pas contesté que Mme [R] ou MM. [K] et [U] n’étaient pas présents. N’étant pas le supérieur hiérarchique de Mme [S] ni ne travaillant sous la responsabilité de la responsable de cette dernière, à savoir Mme [R], ce n’est pas lui qui a organisé la réunion d’équipe du 9 juillet 2020. Il a néanmoins spontanément proposé de mettre à disposition un lieu privé en extérieur appartenant à ses parents pour que ladite réunion se déroule dans un cadre convivial malgré la crise sanitaire, ce que la société a accepté. En tout état de cause, il conteste sans ambiguïté avoir adopté un quelconque comportement déplacé ou non consenti à l’égard de Mme [S] durant cette réunion d’équipe. S’il reconnaît sans difficulté, comme il l’a toujours fait, avoir échangé un baiser avec elle après la fin de la réunion d’équipe, en dehors des horaires de travail, et donc dans un contexte privé, il n’a en aucun cas adopté de geste non consenti par elle contrairement à ce qu’elle soutient. Il est évident que si il avait réellement adopté durant de nombreux mois les agissements pré-cité, Mme [S] aurait quitté dès que possible la réunion d’équipe et ne serait pas resté seule avec lui à la fin de celle-ci,
– concernant les prétendus comportements déplacés au détriment d’autres salariées, la lettre de licenciement est imprécise en ce qu’elle ne cite aucun nom, empêchant toute défense de sa part. D’autre part, la carence probatoire de la société est là encore manifeste, se limitant au témoignage de Mme [I] qui ne fait état que de quelques très brefs échanges de SMS 6 ans avant le licenciement.
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, la société GROUPAMA expose et produit les éléments suivants :
– comme le précise la lettre de licenciement du 13 octobre 2021, la société a été informée d’une situation de mal-être au travail d’une salariée le 13 juillet 2021. Les premières diligences mises en ‘uvre ont permis d’identifier la salariée en la personne de Mme [S], alors en arrêt de travail pour maladie puis en congés, de sorte qu’elle n’a pu être entendue que début septembre. À cette occasion, elle a pu expliciter les faits dont elle a été victime le 7 juillet 2021 sur son lieu de travail et la situation de terreur et de désespoir dans laquelle elle s’est trouvée (pièce n°11). Elle a confirmé par écrit les différents agissements dont elle avait été victime (pièces n°13 et 20),
– durant l’enquête mise en ‘uvre, la société a également été informée de faits de même nature survenus en juillet 2020 au détriment de Mme [S] en marge d’une réunion (pièce n°16) et via des SMS (pièce n°12),
– M. [X] soutient désormais que son licenciement reposerait sur un autre motif que celui visé dans la lettre de licenciement, ce qui est erronées et en toute hypothèse indifférent,
– le salarié soutient que l’enquête diligentée n’aurait pas été indépendante et impartiale et n’aurait pas associé le CSE ou la CSSCT. Or en présence d’un harcèlement moral et/ou sexuel, la société devait de mettre en ‘uvre une enquête et rien ne l’obligeait à solliciter le CSE ou le CHSCT,
– il est démontré que la société n’a effectivement eu connaissance des faits tant de juillet 2020 que de juillet 2021 qu’aux termes des investigations mises en ‘uvre en juillet et août 2021 (pièce n°23) et Mme [S] avait en juillet 2020 expressément demandé à Mme [R] de ne pas rapporter ces informations à ses responsables hiérarchiques, considérant qu’elle pouvait tenter de ramener le salarié à la raison sur ses comportements et le conduire à changer d’attitude (pièce n°19). En toute hypothèse, la prescription de 2 mois n’est attachée qu’à l’existence d’un fait fautif isolé. Lorsque des faits fautifs postérieurs de même nature sont commis, l’employeur est fondé à invoquer des faits fautifs antérieurs de plus de 2 mois,
– les attestations produites, par ailleurs corroborées par différentes pièces complémentaires (échanges de SMS – pièces n°11 et 12) ou les propres déclarations de M. [X] (pièce n° 7) démontrent la réalité des faits reprochés,
– sur les faits de juillet 2020, Mme [S] atteste précisément des agissements du salarié à son détriment (pièces n°7,13, 20) et Mme [R] comme deux autres salariés rapportent également les faits (pièces n°11, 17 et 18). La peur et la détresse provoquées par le salarié, perceptibles par les tiers présents, démontrent si besoin était le caractère unilatéral et imposé de ses agissements et il est inexact de prétendre que Mme [S] aurait accepté de rester seule avec lui à l’issue de la réunion dès lors que l’autre salarié qui devait la raccompagner avait dû s’absenter pour une communication téléphonique (pièce n°17). Enfin, les échanges de SMS par la suite confirment l’insistance et les avances de M. [X], de même que les refus réitérés de Mme [S] (pièce n°12),
– les collègues de travail de Mme [S] ont constaté les agissements pour le moins déplacés et inconvenants de M. [X] cherchant tout prétexte pour provoquer des gestes ou attitudes inconvenantes au détriment de celle-ci (pièces n°18 et 19),
– sur les faits du 7 juillet 2021, le salarié, qui disposait pourtant d’une salle au rez-de-chaussée, a plusieurs fois demandé à Mme [S] de se rendre dans la salle de réunion sous des prétextes variés pour y exercer un chantage afin d’obtenir des faveurs et en tout cas un baiser (‘bisou’) et tenir des propos et réaliser des gestes déplacés (pièces n°13 et 20). Devant le conseil de discipline, il a soutenu que ‘C’est Madame [S] qui lui aurait demandé s’il voulait boire un thé et si elle pouvait venir bosser à côté de lui et qu’elle allait passer sous la table pour brancher l’ordi […]’ (pièce n°7). L’absurdité de cette version est confirmée par les éléments démontrant le refus de ses avances par Mme [S] qui, en réponse à sa demande de ‘passer boire un thé’ lui a répondu ‘mais tu deviens flippant [J]’ (pièce n°12),
– il a été constaté à l’occasion de l’enquête que M. [X] avait, de façon plus générale, un comportement pour le moins critiquable de nature à caractériser des agissements sexistes au détriment du personnel féminin (Mme [I] – pièce n°22). Ainsi, M. [U] atteste que ‘Je l’ai vu à plusieurs reprises s’approcher d’elle et lui passer une main furtive’ (pièce n°17) et M. [K] indique qu’il ‘avait régulièrement les mains baladeuses’ (pièce n°18). Cette situation a d’ailleurs donné lieu à recadrage de l’intéressé en mars 2021 (pièce n°14) et il a ainsi été rapporté que des salariées ont refusé de travailler avec lui en raison de son manque de considération à leur égard (pièce n°15). Lors de la réunion du conseil de discipline, M. [X] a reconnu et revendiqué une attitude débridée, libérée voire volontairement agressive auprès du personnel féminin sous prétexte d’être ‘coquin’. Or un tel comportement n’a aucune place dans le périmètre du travail et une salariée n’a pas à subir ou supporter les humeurs ou envies d’un autre salarié.
– sur la prescription :
En application de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Il est toutefois de jurisprudence constante que ces dispositions ne font pas obstacle à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, lors que le comportement du salarié s’est poursuivi.
A cet égard, M. [X] soutient que les faits de juillet 2020 seraient prescrits pour avoir été connus de Mme [R], cadre responsable de secteur, depuis cette date. Néanmoins, il ressort des conclusions et des pièces produites par l’employeur qu’en juillet 2021, celui-ci a été informé de nouveaux faits de même nature que ceux de juillet 2020, lesquels ont justifié que soient effectuées des vérifications, en particulier l’identification et l’audition de la salariée concernée, lesquelles ont abouti en septembre 2021, soit immédiatement avant sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Il s’en déduit que dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi, la fin de non recevoir tirée de la prescription n’est pas fondée.
– sur le véritable motif du licenciement :
L’article L.1235-1 du code du travail rappelle qu’il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. Il est à cet égard constant qu’apprécier la cause réelle du licenciement implique également de rechercher le motif véritable du licenciement.
En l’espèce, M. [X] soutient que depuis mars 2021, Mme [P], responsable commerciale départemental de Saône et Loire, aurait clairement manifesté sa volonté de se séparer de lui en raison du soutien qu’il aurait manifesté auprès de salariés qui rencontraient des difficultés de management avec elle. Toutefois, M. [X] ne justifie d’aucun élément utile de nature à corroborer l’affirmation d’une volonté cachée de l’employeur, volonté en tout état de cause contredite par la chronologie des faits, la procédure de licenciement ayant été engagée immédiatement après confirmation des dernières révélations de Mme [S] le mettant en cause, et par les termes même de la lettre de licenciement qui n’expose que des griefs comportementaux, à l’exclusion de tout autre motif.
– sur l’enquête invoquée par l’employeur :
Le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n’impose pas que, dans le cadre d’une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d’autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu’il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu’il soit entendu, dès lors que la décision que l’employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement.
En l’espèce, nonobstant l’absence de document ou de compte rendu formalisant les vérifications effectuées, et peu important que la société n’ait pas sollicité le CSE ou la CSSCT, ce qui ne s’imposait pas à elle, la cour considère que les vérifications menées par l’employeur, qu’elle qu’en soit la forme, ne suffisent pas pour établir que celles-ci n’auraient pas été ‘indépendantes et impartiales’. Le moyen n’est donc pas fondé.
– sur la mise à l’écart de l’attestation de Mme [N], directrice RH :
La cour constate que M. [X] ne formule dans le dispositif de ses conclusions aucune demande visant à ce que la dite attestation soit écartée des débats, de sorte que la cour n’en est pas saisie.
Au surplus, la cour rappelle qu’en tout état de cause la preuve est libre en la matière, sous réserve de respecter les principes de légalité et de loyauté et peut être apportée par tout moyen, la force probante des éléments produits étant laissée à l’appréciation du juge, et que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique.
– sur le fond :
La cour relève en premier lieu que les compétences professionnelles du salarié, l’absence de tout antécédent disciplinaire et l’affirmation par d’anciens collègues de travail et clients qu’ils n’ont jamais constaté de comportement ou de parole déplacés de sa part n’est aucunement exclusif du bien fondé des accusations portées par d’autres salariés, en particulier Mme [S].
A cet égard, peu important que cette dernière n’ait pas déposé plainte, il ressort des pièces produites et plus particulièrement de ses déclarations réitérées écrites en des termes précis et circonstanciés, qu’en juillet 2020, en marge d’une réunion à laquelle participaient plusieurs autres salariés, M. [X] l’a bloquée contre un placard, embrassée sur les épaules et passé ses mains sous sa ‘combine’ avant de la tourner vers lui en se frottant contre elle et en l’embrassant malgré ses refus (pièces n°13 et 20).
Si M. [X] peut utilement faire valoir que nul n’a été témoin de cette scène qu’il conteste, admettant seulement avoir échangé un baiser qu’il dit consenti, ce qui au demeurant reste un comportement inapproprié dans le contexte d’une réunion de travail entre une salariée et son supérieur hiérarchique, il ne saurait être ignoré qu’un autre participant à cette réunion avait préalablement constaté qu’il ne cessait de lui ‘faire des avances’ (M. [U] – pièces n°11 et 17) et aussi que certains autres ont immédiatement reçu les confidences de la salariée sur ce qui venait de se passer, voire constaté par eux-mêmes la situation de mal-être dans laquelle elle se trouvait alors, situation peu compatible avec un prétendu échange de baiser consenti (Mme [R] et M. [U] – pièces n°11 et 17). Il s’en déduit que ce fait, qui par sa nature caractérise une violence de nature sexuelle et pas seulement un comportement ‘coquin’ (pièce n°7), est établi nonobstant les dénégations du salarié.
Par ailleurs, il ressort de son courrier du 20 septembre 2021 que son attention a déjà été appelée concernant des comportements inadaptés envers ses collègues de travail féminins (pièce n°7), comportement que Mme [I], MM. [U] et [K] décrivent d’ailleurs comme habituel, la notion de ‘mains caresseuses ‘ étant même explicitement évoquée (pièces n°17, 18 et 22). Il en est de même du fait de dire à un client, parlant de Mme [S] et peu important que ce ne soit pas en sa présence, ‘je vais la payer en nature’ (M. [T] – pièce n°21 et 24).
Enfin, M. [K] rapporte s’agissant d’une dénommé [O] que ‘Dans le passage généreux qui mène à l’escalier lorsque [O] timbre le courrier ou fait des photocopies […] Si [J] venait à passer derrière, il avait régulièrement les mains ‘caresseuses’ et des propos déplacés ‘oh tu as mis ta petite robe pour moi’ (pièce n°18). Il s’en déduit que le grief relatif à un comportement déplacés habituel à l’égard d’autres salariées est également établi.
L’examen des SMS produits démontre également une réelle insistance de sa part et une absence de prise en compte des réponses qui lui sont faites (pièce n°12).
En conséquences des développements qui précèdent, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le bien fondé du second grief relatif aux faits de juillet 2021, la cour considère que le comportement et les propos inappropriés répétés de M. [X] à l’égard d’autres salariées de la société et ses agissements violents à l’égard de Mme [S] lui imposant un baiser et des attouchements, caractérisent un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Le jugement déféré qui a dit que le licenciement repose sur une faute grave et rejeté les demandes de M. [X] afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, y compris la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, sera confirmé.
II – Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire :
M. [X] soutient avoir été licencié dans des conditions particulièrement brutales et vexatoires après plus de 26 années exemplaires au sein de la société GROUPAMA, ayant été mis à pied à titre conservatoire dès son retour de congés payés avant même d’avoir pu être entendu sur la nature des faits reprochés et se retrouvant littéralement mis à la porte du jour au lendemain pour des motifs extrêmement humiliants et dégradants.
Il ajoute que :
– la société a poursuivi son entreprise de dénigrement postérieurement au licenciement dans une lettre du 1er mars 2022 où il a été accusé de détournement d’informations confidentielles ‘au profit de son nouvel employeur’ alors qu’il était sans emploi (pièce n°35). Bien qu’ayant contesté cette allégation dès le lendemain (pièce n°36), sa demande de communication de la totalité de ses justificatifs de formation depuis 2016 afin de pouvoir reprendre une activité professionnelle dans son secteur d’activité et de justifier des habilitations nécessaires est restée sans suite (pièces n°36 et 37), ce qui l’a contraint à engager des frais afin de suivre une nouvelle fois les formations nécessaires à l’éventuelle poursuite de missions similaires au sein d’une autre structure que la société GROUPAMA,
– le 27 mai 2022, la société l’a accusé d’avoir menacé M. [T] (pièces n°39 et 40),
– ces allégations, faisant directement suite à celles ayant entraînées son licenciement pour faute grave, n’ont pas manqué d’impacter sa santé et d’engendrer un préjudice moral supplémentaire dont il demande réparation à hauteur de 18 578,91 euros.
Pour obtenir une indemnisation au titre du licenciement vexatoire, il appartient au salarié d’établir le comportement fautif de l’employeur, caractérisé par des circonstances particulières (brusques, humiliantes ou vexatoires) dans lesquelles s’est déroulé son licenciement ainsi que le préjudice que celles-ci lui ont causé, distinct de celui occasionné par la perte injustifiée de son emploi.
En l’espèce, le seul fait d’avoir été licencié pour un motif qu’il conteste et pour la société d’avoir mis en oeuvre une mesure de mise à pied conservatoire ne saurait caractériser les conditions ‘particulièrement brutales et vexatoires’ qu’il invoque.
Par ailleurs, sous couvert d’un licenciement vexatoire, M. [X] ne saurait invoquer des circonstances qui, si elles s’inscrivent dans le contentieux qui l’oppose à son ancien employeur, sont survenues plusieurs mois après la rupture du contrat de travail.
La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé.
III – Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
M. [X] sera condamné à payer à la société GROUPAMA le somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
La demande de M. [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel sera rejetées,
M. [X] succombant, il supportera les dépens d’appel.
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
REJETTE la fin de non recevoir,
CONFIRME le jugement rendu le 17 avril 2023 par le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône
y ajoutant,
CONDAMNE M. [J] [X] à payer à la société GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE, Caisse Régionale d’Assurance Mutuelle Agricole de RHÔNE-ALPES AUVERGNE, la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
REJETTE la demande de M. [J] [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
CONDAMNE M. [J] [X] aux dépens d’appel,
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.
Le greffier Le président
Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION
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