Discrimination salariale et manquements à l’obligation de sécurité : enjeux et conséquences.

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Discrimination salariale et manquements à l’obligation de sécurité : enjeux et conséquences.

Discrimination en matière de rémunération

Les dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail interdisent toute sanction, licenciement ou mesure discriminatoire à l’égard d’un salarié en raison de critères tels que l’origine, le sexe, l’âge, ou d’autres caractéristiques personnelles.

En vertu de l’article L.1134-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait suggérant une discrimination, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dans cette affaire, la salariée a allégué qu’elle n’avait pas reçu une prime COVID-19 alors qu’elle avait travaillé durant la période concernée, tandis que d’autres salariés l’avaient reçue. La cour a considéré que les éléments fournis par la salariée laissaient supposer l’existence d’une discrimination, ce qui a conduit l’employeur à devoir prouver l’absence de discrimination dans ses décisions.

Obligation de sécurité de l’employeur

L’article L.4121-1 du code du travail impose à l’employeur une obligation de sécurité et de protection de la santé de ses salariés. Cette obligation inclut le respect des préconisations formulées par le médecin du travail.

La charge de la preuve du respect de cette obligation incombe à l’employeur. En l’espèce, la salariée a démontré que les préconisations du médecin du travail n’étaient pas respectées, ce qui a été reconnu par l’employeur lui-même.

Cependant, pour obtenir réparation, la salariée devait prouver l’existence d’un préjudice résultant de ce manquement, ce qui n’a pas été établi dans cette affaire.

Non-respect du repos hebdomadaire

Les articles L.3132-1 et suivants du code du travail stipulent que les salariés ont droit à un repos hebdomadaire minimal. Le non-respect de cette obligation par l’employeur entraîne un préjudice automatique pour le salarié, comme l’a confirmé la jurisprudence de la Cour de cassation.

La charge de la preuve du respect des règles relatives au repos hebdomadaire incombe également à l’employeur. Dans cette affaire, la cour a constaté que l’employeur n’avait pas démontré qu’il avait respecté les durées maximales de travail et le repos hebdomadaire, ce qui a conduit à l’octroi de dommages-intérêts à la salariée.

Irrecevabilité des demandes nouvelles

Conformément aux articles 564 et 565 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, sauf exceptions. Une demande n’est pas considérée comme nouvelle si elle tend aux mêmes fins que celles présentées devant le premier juge.

Dans cette affaire, la cour a jugé que la demande de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire n’était pas nouvelle, car elle était accessoire à la demande initiale concernant l’obligation de sécurité, ce qui a permis de la recevoir.

L’Essentiel : Les dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail interdisent toute sanction ou mesure discriminatoire à l’égard d’un salarié en raison de critères tels que l’origine ou le sexe. La salariée a allégué qu’elle n’avait pas reçu une prime COVID-19, tandis que d’autres l’avaient reçue. La cour a considéré que les éléments fournis laissaient supposer l’existence d’une discrimination, obligeant l’employeur à prouver l’absence de discrimination dans ses décisions.
Résumé de l’affaire : Une salariée, employée en qualité d’assistante de vie par la société HUMANE SERVICES depuis le 20 juillet 2015, a été déclarée inapte par le médecin du travail le 1er septembre 2020. Suite à cette déclaration, elle a été licenciée le 11 septembre 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le 13 septembre 2021, elle a saisi le conseil de prud’hommes pour demander des dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et un rappel de salaire au titre de la prime COVID-19.

Le jugement rendu le 4 avril 2023 a partiellement accueilli ses demandes. La société HUMANE SERVICES a interjeté appel le 12 mai 2023, demandant la confirmation du rejet de la demande de rappel de salaire et l’infirmation du jugement pour le surplus. De son côté, la salariée a demandé l’infirmation du jugement concernant les dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et a formulé une nouvelle demande pour non-respect des règles relatives au repos hebdomadaire.

La cour a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société, a infirmé le jugement en ce qui concerne les dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité, et a condamné la société à verser 500 euros à la salariée pour non-respect du repos hebdomadaire. Les demandes de la salariée concernant la prime COVID-19 et la remise d’un bulletin de paie rectifié ont été rejetées. En ce qui concerne les frais, la cour a confirmé que la salariée devait supporter les dépens de première instance et d’appel, en raison de son échec sur l’essentiel de ses demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du rappel de prime COVID et les conditions de discrimination ?

Le rappel de prime COVID est fondé sur les dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail, qui stipule qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de divers motifs, y compris son état de santé ou sa situation économique.

Cet article précise que les discriminations peuvent être directes ou indirectes, notamment en matière de rémunération. En application de l’article L.1134-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait suggérant une discrimination, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments laissent supposer l’existence d’une telle discrimination.

Dans ce cas, la salariée a exposé qu’elle n’avait pas bénéficié de la prime de 1 000 euros alors qu’elle avait travaillé durant le confinement, contrairement à d’autres salariés. L’employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Quel est le cadre juridique concernant l’obligation de sécurité de l’employeur ?

L’obligation de sécurité de l’employeur est régie par l’article L.4121-1 du code du travail, qui impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

La charge de la preuve du respect de cette obligation incombe à l’employeur. Dans le cas présent, la salariée a soutenu que l’employeur n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail, ce qui constitue un manquement à cette obligation.

Les préconisations médicales doivent être respectées, et tout manquement peut entraîner des conséquences sur la santé du salarié. Toutefois, pour obtenir réparation, la salariée doit prouver le lien entre le manquement et le préjudice subi.

Quel est le cadre juridique relatif au non-respect des règles de repos hebdomadaire ?

Les règles relatives au repos hebdomadaire sont régies par les articles L.3132-1 et suivants du code du travail. Ces articles stipulent que tout salarié a droit à un repos hebdomadaire minimal, et le non-respect de cette obligation peut entraîner un préjudice automatique pour le salarié.

Dans cette affaire, la salariée a formulé une demande indemnitaire pour non-respect de son repos hebdomadaire, arguant que cela constitue un préjudice automatique selon la jurisprudence. L’employeur, de son côté, a contesté cette demande en la qualifiant de nouvelle et irrecevable.

Cependant, la cour a jugé que cette demande n’était pas nouvelle, car elle tendait aux mêmes fins que celles initialement présentées, à savoir la réparation d’un préjudice résultant d’une exécution fautive du contrat de travail.

Quel est le principe de la charge de la preuve en matière de respect des durées maximales de travail ?

La charge de la preuve du respect des durées maximales de travail incombe à l’employeur, comme le stipule le code du travail. En cas de non-respect, cela peut entraîner un préjudice pour le salarié.

Dans cette affaire, la société HUMANE SERVICES n’a pas réussi à prouver qu’elle avait respecté les durées maximales de travail. La cour a donc conclu que le grief de la salariée était fondé, entraînant l’allocation de dommages-intérêts pour le non-respect du repos hebdomadaire.

Il est important de noter que le non-respect des durées maximales de travail et du repos hebdomadaire minimal cause nécessairement un préjudice au salarié, ce qui justifie l’indemnisation.

S.A.R.L. HUMANE SERVICES

C/

[Y] [E]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/03/25 à:

-Me PELEIJA

-Me MENDEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 MARS 2025

MINUTE N°

N° RG 23/00261 – N° Portalis DBVF-V-B7H-GFWC

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section AD, décision attaquée en date du 04 Avril 2023, enregistrée sous le n° 21/00215

APPELANTE :

S.A.R.L. HUMANE SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Maïté PELEIJA de la SELARL AVO’DROIT, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉE :

[Y] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-21231-2023-3904 du 31/08/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Dijon)

représentée par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL – VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Maître Inès PAINDAVOINE, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 4 février 2025 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, président de chambre,

Fabienne RAYON, présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [Y] [E] a été embauchée par la société HUMANE SERVICES le 20 juillet 2015 en qualité d’assistante de vie.

Le 1er septembre 2020, elle a été déclarée inapte par le médecin du travail.

Le 11 septembre suivant, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 13 septembre 2021, elle a saisi cette juridiction d’une demande de dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité outre un rappel de salaire au titre de la prime COVID.

Par jugement du 4 avril 2023, le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône a en partie accueilli les demandes de la salariée.

Par déclaration formée le 12 mai 2023, la société HUMANE SERVICES a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 30 octobre 2023, l’appelante demande de :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [E] de sa demande de rappel de salaire concernant la prime COVID-19,

– l’infirmer pour le surplus,

– juger irrecevable la demande de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire comme étant une demande nouvelle en cause d’appel,

– débouter Mme [E] de l’ensemble de ses demandes,

– la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 28 septembre 2023, Mme [E] demande de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société HUMANE SERVICES à lui verser la somme de 2 250 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et l’a déboutée de l’ensemble de ses autres demandes,

à titre principal,

– condamner la société HUMANE SERVICES à lui verser :

* 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,

à titre subsidiaire,

– condamner la société HUMANE SERVICES à lui verser 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives au repos hebdomadaire,

en tout état de cause,

– dire que les dispositions de la décision unilatérale de l’employeur du 26 novembre 2020 prévoyant le versement de la prime Covid aux bénéficiaires d’un contrat de travail à la date du versement de ladite prime et être toujours dans l’entreprise au 26 novembre 2020 sont nulles et sans effet,

– condamner la société HUMANE SERVICES à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de rappel de salaire concernant la prime COVID-19,

– condamner la société HUMANE SERVICES à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner à lui remettre une fiche de paye conforme à la décision à intervenir,

– la condamner aux dépens de première instance et d’appel,

– la débouter de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I – Sur le rappel de prime :

Il résulte des dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

En application de l’article L.1134-1du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au titre des éléments qui lui incombe d’apporter, Mme [E] expose que les salariés de la société ont bénéficié d’une prime de 1 000 euros pour avoir travaillé durant le premier confinement en 2020 mais qu’elle n’en a pas bénéficié alors qu’elle avait travaillé durant cette période (pièces n°22 et 23), l’employeur ayant décidé unilatéralement que cette prime exceptionnelle ne serait pas versée aux salariés qui ne seraient plus présents dans l’entreprise au 26 novembre 2020.

La cour considère que la salariée présente des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination, de sorte qu’il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La société HUMANE SERVICES oppose que :

– Mme [E] omet d’invoquer et d’établir qu’elle aurait été discriminée pour une des raisons visées par l’article L.1132-1 précité invoquées ci-dessus,

– le Conseil départemental a alloué une somme à la société à titre de compensation financière permettant le versement d’une prime exceptionnelle liée au COVID 19 d’un montant de 1 000 euros. A la suite d’une discussion entre l’employeur et le CSE, il a été décidé que cette prime serait versée aux salariés titulaires d’un contrat de travail à la date de versement de la prime ou à la date de signature de la décision unilatérale mettant en ‘uvre la prime, soit le 26 novembre 2020, qui ont travaillé sur la période de mars et/ou avril 2020 et qui sont toujours dans l’entreprise au 26 novembre 2020 (pièce n°45),

– ces modalités ont été confirmées comme étant ‘recevables’ par le Conseil départemental (pièce n°46), et conclut que dès lors que Mme [E] n’était plus salariée de l’entreprise au 26 novembre 2020 du fait de son licenciement (pièce n°32), elle ne remplit pas les conditions pour être attributaire de la prime.

Il est constant que l’employeur peut accorder une prime à certains salariés dans des conditions qu’il définit lui-même à condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans la même situation puissent en bénéficier et que les règles déterminant l’octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables et ne soient pas fondées sur l’un des motifs discriminatoires visés par l’article L.1132-1 du code du travail.

En l’espèce, nonobstant le fait que Mme [E] omet de préciser sur quel motif illicite la discrimination qu’elle invoque serait fondée, il résulte des conclusions et pièces de l’employeur que trois conditions objectives applicables à l’ensemble des salariés ont été fixées auxquelles Mme [E] ne répond pas pour deux d’entre elles.

La société HUMANE SERVICES reverse donc la supposition de discrimination alléguée par Mme [E] et celle-ci n’étant pas fondée à réclamer le bénéficie de cette prime, le jugement déféré qui a rejeté sa demande sera confirmé.

II – Sur les dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité :

Au visa de l’article L.4121-1 du code du travail, Mme [E] soutient que :

– les 27 mars et 27 mai 2019, elle a consulté le médecin du travail qui a préconisé ‘compte-tenu de l’état de santé actuel : poursuivre le travail avec contre-indication aux efforts de manutention lourde : contre-indique les aides au lever et au coucher, et les toilettes de personnes à mobilité réduite. Se limiter aux tâches de ménage ordinaire, aux courses à l’accompagnement. Entre 2 demi-journées, réserver suffisamment de temps pour permettre un repos effectif à la maison’ (pièce n°6 et 7),

– le 22 octobre 2019, le médecin du travail a préconisé ‘Reprise du travail à temps partiel thérapeutique sans dépasser 4 heures par jour, qui doivent être consécutives, et en préservant 2 jours de repos par semaine. Poursuite des contre-indications aux efforts de manutention lourde : contre-indique les transferts de personnes ne tenant pas debout seules, les manipulations de lève-malades et les toilettes de personnes à mobilité réduite (sauf, avec une collègue, à ne pratiquer que le lavage sans le soutien), les manipulations de meubles lourds. Se limiter aux tâches de ménage ordinaire, aux courses, à l’accompagnement, aux aides au lever ou au coucher de personnes capables de se tenir debout. Revoir à la reprise à temps complet ou plus tôt en cas de difficulté’ (pièce n°8),

– le 23 octobre 2019, Mme [L], coordinatrice, a écrit au médecin du travail pour lui indiquer qu’elle devra tout de même effectuer des levers et des couchers avec des personnes capables de se tenir debout (pièce n°16). En réalité les prescriptions du médecin du travail n’étaient pas respectées par l’employeur,

– le 6 février 2020, le médecin du travail a indiqué qu’elle ne devait pas effectuer de manutention lourde, notamment l’aide au lever et au coucher ou le transfert des personnes, ni travailler plus de 4 heures d’affilée (pièce n°9). Or ses plannings démontrent qu’à compter de la semaine du 17 avril 2020, elle travaillait le lundi dès 7h30 jusqu’à 12h15, soit 4 h45 minutes d’affilée puisqu’il faut comptabiliser les temps de trajet entre ses différentes visites domiciliaires. A compter de la semaine du 24 avril 2020, elle travaillait le mercredi dès 7h40 jusqu’à 12h40, soit 5 heures d’affilée (pièce n°21),

– le 13 mai 2020, le médecin du travail a préconisé qu’elle bénéficie de ‘2 jours de repos par semaine pour permettre un repos effectif à la maison’ (pièce n°10). Or elle a travaillé du 11 au 18 mai 2020, soit 8 jours consécutifs, puis du 18 au 24 mai 2020 en ne bénéficiant que d’un jour de repos (le mardi) (pièce n°21),

– le 23 mai 2020, elle a informé le médecin du travail que son employeur ne respectait pas ses précautions (pièce n°27),

– ses missions ne correspondaient pas non plus aux préconisations du médecin du travail. Ainsi le 10 juillet 2020, elle a du effectuer la toilette de Mme [V] qui était en fin de vie et donc invalide (pièces n°17 et 18), ce que confirme Mme [Z] (pièce n°22). Elle devait aussi effectuer des levers et des couchers sans que les personnes soient capables de se tenir debout (Mme [C] – pièce n°20), ce que confirment Mmes [A] et [M] (pièces n°23 et 24).

Elle conclut que la société a manqué à son obligation de sécurité, ce qui lui porte nécessairement préjudice puisque sa santé physique est fragile (pièces n°25 et 26). Elle ajoute que le non-respect des préconisations du médecin du travail caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et peut aussi être constitutif d’un harcèlement moral et sollicite en conséquence la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Il est constant que la charge de la preuve du respect par l’employeur de son obligation de sécurité et de protection de la santé des salariés incombe à ce dernier.

A ce titre, la société HUMANE SERVICES oppose que :

– s’agissant des levers et des couchers de personnes capables de tenir debout, le fait que Mme [L], coordinatrice, ait écrit à la médecine du travail le 23 octobre 2019 pour indiquer qu’elle devrait tout de même effectuer des levers et des couchers avec des personnes capables de se tenir debout n’est pas contradictoire avec les préconisations du médecin du travail du 22 octobre 2019 qui contre-indiquaien seulement les transferts de personne ne tenant pas debout (pièce n°23).

Par ailleurs, s’agissant de Mme [W], celle-ci atteste ‘ne jamais avoir eu de l’aide à la marche. En effet, je me déplace seule avec une canne. Les auxiliaires venant à mon domicile sont juste là pour la toilette et reste tout de même à côté de moi sans me tenir pour surveiller si je ne tombe pas’ (pièce n°41), ce que confirment Mmes [I] et [L] (pièce n°42 et 43). Quant à Mme [C], sa fiche client ne mentionne aucunement qu’elle tomberait si elle n’est pas soutenue et Mmes [I] et [O] attestent du contraire (pièce n°40 et 42), de sorte que Mme [E] n’a réalisé aucune tâche contraire aux préconisations du médecin du travail,

– s’agissant de l’affirmation selon laquelle elle aurait effectuée seule la toilette Mme [V] qui est invalide, celle-ci est mensongère puisque cette tâche était confiée aux aides-soignantes du SSIAD, ce qui ressort de sa propre pièce n°18 et que confirme Mme [B], chef de service SSIAD (pièce n°47) et Mmes [O] (pièce n°40) et [T] (pièce n°44). Par ailleurs, Mme [N] qui atteste en sa faveur a été salariée du 8 août 2020 au 7 mai 2021 et n’a donc jamais travaillé avec Mme [E] qui était en arrêt de travail du 29 juillet au 11 septembre 2020 puis licenciée. Elle ne peut donc dire ce que Mme [E] faisait ou pas, – s’agissant de l’affirmation selon laquelle elle aurait dû porter des cartons de protections, elle n’est pas exact et en tout état de cause ne contredit pas les préconisations du médecin du travail interdisant les efforts de manutention lourde qu’il décrit comme ‘ aides au lever

et au coucher, les transferts, manipulations de lève-malades et toilettes de personnes à mobilité réduite (sauf à ne pratiquer que le lavage sans le soutien)’,

– s’agissant de la durée du travail, l’employeur ne conteste pas que cela a pu arriver à de rares occasions mais la salariée n’explique pas en quoi cela constituerait un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur et la salariée n’a d’ailleurs subi aucune lésion en travaillant ces jours-là. En tout état de cause, les exemples qu’elle cite ne sont pas démontrés par les tableaux excel qu’elle produit en pièce n°22 qui sont imprécis. Au contraire, le planning du 20 avril au 3 mai 2020 établit que le mercredi elle a travaillé de

7h40 à 11h55 et non 12h40 (pièce n°48).

Elle ajoute qu’en tout état de cause elle ne démontre aucun préjudice ni même de lien entre les prétendus manquements de l’employeur aux préconisations du médecin du travail et sa lombalgie, rappelant qu’il n’y a pas eu d’accident du travail ou de maladie professionnelle, ce d’autant que l’attestation du kinésithérapeute qu’elle produit évoque une lombalgie chronique suite à un traumatisme physique survenu en juin 2016 or sa demande indemnitaire se fonde sur de prétendus manquements entre mars et octobre 2019.

En premier lieu, la cour relève que si Mme [E] évoque dans ses conclusions que le non-respect des préconisations du médecin du travail ‘peut aussi être constitutif d’un harcèlement moral’, elle n’invoque aucunement que les manquements de l’employeur à cet égard serait effectivement constitutifs d’un harcèlement moral, se bornant à rappeler certaines décisions de jurisprudence en ce sens, focalisant sa demande sur un manquement à l’obligation de sécurité, de sorte que la cour ne s’estime pas saisie d’une quelconque demande à ce titre.

Sur le fond, nonobstant le fait que la société HUMANE SERVICES, sur qui pèse la charge de la preuve du respect de son obligation de sécurité et de prévention, apporte des éléments de nature à contredire les affirmations de la salariée et les attestations que celle-ci produit, la cour constate que l’employeur admet dans ses conclusions que ‘à de rares occasions’ les préconisation du médecin du travail ont pu ne pas être respectées s’agissant de la durée du travail et des temps de repos, ce qui suffit à caractériser le manquement invoqué par la salariée, les préconisation du médecin du travail s’imposant à lui.

Toutefois, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l’espèce, si par les éléments médicaux qu’elle produit Mme [E] justifie d’une pathologie ancienne (2016), aucun élément ne détermine un lien entre le manquement à l’obligation de sécurité ci-dessus exposé et la dégradation de son état de santé à compter de mars 2019, ce qui ne résulte que de ses propres déclarations aux différents praticiens ayant assuré sa prise en charge. L’avis d’inaptitude du 1er septembre 2020 ne mentionne pas non plus un quelconque lien avec ses conditions de travail. Dans ces conditions, faute pour Mme [E] de justifier de la réalité d’un préjudice distinct, la demande à ce titre sera rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

III – Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives au repos hebdomadaire :

A titre subsidiaire, Mme [E] formule au visa des articles L.3132-1 et suivants du code du travail la même demande indemnitaire pour non-respect du repos hebdomadaire, sans omettre de préciser qu’il s’agit d’un cas de préjudice automatique selon la jurisprudence de la Cour de cassation.

La société HUMANE SERVICES oppose que :

– cette demande, formulée pour la première fois à hauteur de cour, est irrecevable pour être nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile,

– en tout état de cause, la salariée n’indique pas quand elle n’aurait pas pu bénéficier de son repos hebdomadaire ni en quoi, si cela était vrai, elle serait bien fondée à solliciter une indemnisation à hauteur de 5 000 euros représentant 4 mois de salaire.

a) sur la fin de non recevoir :

Selon les articles 564 et 565 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Il est par ailleurs constant que la demande n’est pas nouvelle si elle est l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles présentées devant le premier juge ou tend aux mêmes fins que ces dernières.

En l’espèce, cette demande et celle initialement formulée sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité tendent dans les deux cas à la réparation d’un préjudice résultant d’une exécution fautive du contrat de travail par l’employeur fondée sur le non respect des préconisations du médecin du travail, de sorte qu’elles tendent aux mêmes fins. Il s’en déduit que la demande n’est pas nouvelle et que la fin de non recevoir doit être rejetée.

b) sur le fond :

Nonobstant l’imprécision de la demande de la salariée, il est constant que la charge de la preuve du respect du repos hebdomadaire minimal et aussi du repos quotidien minimal et des durées maximales de travail incombe à l’employeur.

En l’espèce, la société HUMANE SERVICES qui se borne à invoquer l’imprécision de la demande ainsi formulée, ne permet pas à la cour de constater qu’elle a respecté les durées maximales de travail prévues par le droit interne. Il s’en déduit que le grief est fondé.

Etant rappelé que le dépassement de la durée maximale du travail induit par le non respect du repos hebdomadaire minimal cause nécessairement un préjudice au salarié, il sera alloué à Mme [E] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

IV – Sur les demande accessoires :

sur la remise documentaire :

La demande de rappel de salaire de Mme [E] étant rejetée, sa demande aux fins de remise d’un bulletin de paye rectifiée est sans objet et sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sauf en ce qu’il a condamné la société HUMANE SERVICES aux dépens.

Les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel seront rejetées,

Mme [E] succombant pour l’essentiel, elle supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

REJETTE la fin de non recevoir,

INFIRME le jugement rendu le 4 avril 2023 par le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône sauf en ce qu’il a :

– rejeté les demandes de Mme [Y] [E] :

* à titre de rappel de prime COVID,

* au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* au titre de la remise documentaire,

– rejeté la demande de la société HUMANE SERVICES au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REJETTE la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

CONDAMNE la société HUMANE SERVICES à payer à Mme [Y] [E] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le non respect du repos hebdomadaire minimal

REJETTE les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

CONDAMNE Mme [Y] [E] aux dépens de première instance et d’appel,

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.

Le greffier Le président

Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION


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