Règle de droit applicableL’accident du travail est défini par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, qui stipule qu’est considéré comme accident du travail tout événement survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée, entraînant une lésion corporelle. Cette disposition établit une présomption d’imputabilité lorsque l’accident survient au temps et au lieu de travail, sous la subordination de l’employeur. Présomption d’imputabilitéLa présomption d’imputabilité, prévue par l’article L. 411-1, impose à l’employeur de prouver que l’accident résulte d’une cause totalement étrangère au travail pour renverser cette présomption. En l’espèce, la société [5] n’a pas apporté d’éléments probants permettant de démontrer que le décès de la salariée était dû à une cause étrangère au travail, ce qui a conduit à la confirmation de la décision de prise en charge de l’accident par la CPAM. Obligations de la CPAMConformément à l’article R. 441-8 du code de la sécurité sociale, en cas de décès de la victime, la caisse doit procéder à une enquête sans questionnaire préalable et mettre à disposition un dossier comprenant la déclaration d’accident, les certificats médicaux, et les constats faits par la caisse. L’absence d’un certificat médical initial ne rend pas la décision de prise en charge inopposable à l’employeur, dès lors que la caisse a respecté ses obligations d’enquête. Mesures d’instructionL’article 144 du code de procédure civile permet au juge d’ordonner des mesures d’instruction lorsque les éléments disponibles ne suffisent pas à statuer. Toutefois, l’article 146 précise qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour prouver son allégation. En l’espèce, la société [5] n’ayant pas apporté de preuves suffisantes concernant un état pathologique préexistant, sa demande d’expertise a été rejetée. Dépens et frais irrépétiblesL’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour couvrir les frais non compris dans les dépens. Dans cette affaire, la société [5] a été condamnée à verser 1 000 euros à la CPAM des Flandres, justifiant ainsi la décision de débouter la société de sa demande de frais irrépétibles. |
L’Essentiel : L’accident du travail est défini par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, considérant tout événement survenu par le fait ou à l’occasion du travail entraînant une lésion corporelle. La présomption d’imputabilité impose à l’employeur de prouver une cause étrangère pour renverser cette présomption. En l’espèce, la société n’a pas démontré que le décès de la salariée était dû à une telle cause, entraînant la confirmation de la prise en charge par la CPAM.
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Résumé de l’affaire : Le 1er février 2021, une salariée de la société [5], occupant le poste d’aide comptable, a subi un malaise mortel sur son lieu de travail. Après sa pause déjeuner, elle a été retrouvée inanimée à son poste. La société a déclaré l’accident à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Flandres, qui a ensuite décidé de prendre en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels. Cependant, la société [5] a contesté cette décision, arguant que les circonstances de l’accident n’étaient pas claires.
Le 9 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Lille a statué en faveur de la CPAM, déclarant la décision de prise en charge opposable à la société [5] et déboutant cette dernière de ses demandes. En réponse, la société [5] a interjeté appel, soutenant que la CPAM n’avait pas respecté le principe de la contradiction lors de l’instruction du dossier et que le décès de la salariée était dû à une cause étrangère au travail. La CPAM, en tant qu’intimée, a demandé la confirmation du jugement initial, affirmant avoir respecté ses obligations d’instruction et que l’accident était bien survenu au temps et au lieu de travail, ce qui établissait la présomption d’imputabilité. Elle a également souligné que l’absence de certificat médical initial ne remettait pas en cause la décision de prise en charge. La cour a examiné les arguments des deux parties et a confirmé que la CPAM avait mené une enquête adéquate, sans obligation de recueillir l’avis d’un médecin-conseil. Elle a également noté que la société [5] n’avait pas prouvé que le décès était dû à une cause étrangère au travail. En conséquence, la cour a confirmé le jugement du tribunal de Lille, condamnant la société [5] aux dépens d’appel et à verser une somme à la CPAM au titre des frais. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la décision de prise en charge de l’accident du travail ?La décision de prise en charge de l’accident du travail repose sur l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, qui stipule que « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. » Cet article établit une présomption d’imputabilité pour les accidents survenant au temps et au lieu du travail. En l’espèce, la victime a été retrouvée inanimée à son poste de travail, ce qui permet d’appliquer cette présomption. Il appartient à l’employeur de renverser cette présomption en prouvant que l’accident résulte d’une cause totalement étrangère au travail. La société [5] n’a pas réussi à apporter cette preuve, ce qui justifie la décision de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de prendre en charge l’accident. Quel est le rôle de la caisse primaire d’assurance maladie dans l’instruction des accidents du travail ?Conformément à l’article R. 441-8 du code de la sécurité sociale, en cas de décès de la victime, la caisse doit procéder à une enquête sans adresser de questionnaire préalable. Cette enquête doit être réalisée dans un délai de soixante-dix jours à compter de la déclaration d’accident. L’article R. 441-14 précise que le dossier constitué par la caisse doit comprendre la déclaration d’accident, les certificats médicaux, les constats faits par la caisse, ainsi que les informations communiquées par la victime ou ses représentants et par l’employeur. Il est important de noter que la caisse est libre de déterminer les modalités d’investigation et n’est pas tenue de recueillir l’avis du médecin-conseil sur les causes et circonstances du décès. Dans cette affaire, la caisse a respecté ces obligations en procédant à une enquête et en mettant le dossier à disposition des parties. Quel est le principe de la contradiction dans le cadre de l’instruction des accidents du travail ?Le principe de la contradiction est un élément fondamental du droit procédural, garantissant que chaque partie a la possibilité de présenter ses arguments et de contester les éléments de preuve. Dans le cadre de l’article R. 441-8, la caisse doit mettre à disposition le dossier constitué, permettant ainsi à l’employeur de prendre connaissance des éléments sur lesquels se fonde la décision de prise en charge. Dans cette affaire, la société [5] a eu accès à l’ensemble du dossier, y compris la déclaration d’accident et les résultats de l’enquête. Les premiers juges ont conclu que la caisse n’avait pas violé le principe de la contradiction, car l’employeur avait pu consulter le dossier et n’a pas démontré que des éléments essentiels manquaient. Quel est le critère pour renverser la présomption d’imputabilité d’un accident du travail ?L’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale établit que l’employeur peut renverser la présomption d’imputabilité en prouvant que l’accident résulte d’une cause totalement étrangère au travail. Cela signifie que l’employeur doit apporter des éléments de preuve concrets démontrant que le décès de la victime n’est pas lié à son activité professionnelle. Dans le cas présent, la société [5] a tenté de prouver que la victime était détendue et que les conditions de travail n’étaient pas stressantes. Cependant, ces affirmations ne suffisent pas à renverser la présomption d’imputabilité, surtout en l’absence de preuves tangibles d’une cause étrangère au travail. Quel est le cadre juridique pour la demande d’expertise médicale sur pièces ?L’article 144 du code de procédure civile permet au juge d’ordonner des mesures d’instruction lorsque les éléments disponibles ne sont pas suffisants pour statuer. L’article 146 précise qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour prouver ses allégations. Dans cette affaire, la société [5] n’a pas apporté de preuves suffisantes concernant l’existence d’un état pathologique préexistant ou d’une cause étrangère au travail. Par conséquent, la demande d’expertise médicale sur pièces a été rejetée, car elle ne répondait pas aux critères établis par le code de procédure civile. Quels sont les principes relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles dans cette affaire ?Les dépens sont régis par l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens. Dans cette affaire, la société [5] a succombé en ses prétentions, ce qui justifie la confirmation du jugement en ce qui concerne les dépens. Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 du même code prévoit que la partie qui gagne peut demander une indemnité pour couvrir ses frais non compris dans les dépens. La CPAM des Flandres, n’ayant pas succombé, ne peut pas être condamnée à verser une indemnité à la société [5]. En revanche, il a été jugé équitable de condamner la société [5] à verser 1 000 euros à la CPAM au titre de l’article 700, pour couvrir les frais exposés. |
N°
S.A.S. [5]
C/
CPAM des Flandres
Copies certifiées conformes
S.A.S. [5]
CPAM des Flandres
Me Christine CARON-DEBAILLEUL
Tribunal judiciaire
Copie exécutoire
CPAM des Flandres
COUR D’APPEL D’AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 20 MARS 2025
*
N° RG 23/00765 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IVWR – N° registre 1ère instance : 21/02192
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (PÔLE SOCIAL) EN DATE DU 09 JANVIER 2023
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. [5]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée et plaidant par Me Marion HUERTAS, avocat au barreau de LILLE, substituant Me Christine CARON-DEBAILLEUL de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de LILLE
ET :
INTIMEE
CPAM des Flandres
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée et plaidant par Mme [B] [X], munie d’un pouvoir régulier
DEBATS :
A l’audience publique du 19 décembre 2024 devant Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Nathalie LÉPEINGLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Claire BIADATTI-BERTIN en a rendu compte à la cour composée en outre de :
M. Philippe MELIN, président,
Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente,
et M. Renaud DELOFFRE, conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 20 mars 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffière.
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DECISION
Le 1er février 2021 à 14 heures 10, [I] [W], salariée de la société [5] en qualité d’aide comptable, a été victime d’un malaise mortel aux temps et lieu du travail.
Le 3 février 2021, la société [5] a complété une déclaration d’accident du travail, indiquant « la victime était à son poste de travail. Après sa pause déjeuner, la victime a été retrouvée inanimée à son poste de travail. Après intervention des services de secours, elle a été transportée au CHU. Nous ignorons les circonstances de l’accident ».
Après avoir diligenté une enquête, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Flandres a, par courrier du 11 mai 2021, notifié à la société [5] sa décision de prise en charge de l’accident survenu à [I] [W] au titre de la législation sur les risques professionnels.
Contestant le caractère professionnel de l’accident, la société [5] a, par courrier recommandé avec accusé de réception du 1er juillet 2021, saisi la commission de recours amiable (CRA) de l’organisme, laquelle n’a pas statué dans le délai de deux mois.
Saisi par la société [5] d’une contestation de cette décision implicite de rejet, le pôle social du tribunal judiciaire de Lille a, par jugement rendu le 9 janvier 2023 :
– déclaré opposable à la société [5] la décision de la CPAM des Flandres du 11 mai 2021 relative à la prise en charge de l’accident du travail du 1er février 2021 de [I] [W],
– débouté la société [5] de ses plus amples demandes,
– condamné la société [5] aux dépens de l’instance.
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 23 janvier 2023, la société [5] a interjeté appel de l’ensemble des dispositions de ce jugement, qui lui avait été notifié le 12 janvier 2023.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 19 décembre 2024.
Aux termes de ses conclusions communiquées le 27 juin 2024, reprises oralement par son avocat, la société [5], appelante, demande à la cour de :
– dire l’appel recevable et bien fondé,
– annuler et/ou réformer en conséquence le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille le 9 janvier 2023,
– constater que la CPAM n’a pas respecté le principe de la contradiction lors de l’instruction du dossier,
– constater que la CPAM a été défaillante lors de l’instruction du dossier,
– annuler en conséquence la décision implicite de la CRA de la CPAM des Flandres,
– lui déclarer en conséquence inopposable la décision de la CPAM des Flandres de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l’accident dont a été victime [I] [W] le 1er février 2021,
– subsidiairement, dire que le décès est dû à une cause totalement étrangère au travail,
– très subsidiairement, ordonner avant dire droit la mise en ‘uvre d’une expertise médicale sur pièces confiée à un médecin expert en neurologie aux fins de dire si le malaise puis le décès de [I] [W] sont en lien direct avec son travail,
– condamner la CPAM aux entiers dépens en ce compris la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de sa demande d’inopposabilité, elle fait valoir que le dossier constitué par la caisse comportait certes l’acte civil de décès, mais pas le certificat médical de décès, alors même que cette pièce, indispensable à l’instruction, permet de se prononcer sur l’imputabilité du décès au fait accidentel.
La société [5] ajoute que si la caisse n’était pas en possession d’un certificat médical, il lui appartenait de solliciter l’avis de son médecin-conseil sur l’imputabilité des lésions et l’existence d’un état pathologique indépendant.
Contestant le caractère professionnel de l’accident, elle indique que la victime entretenait de bonnes relations avec sa hiérarchie et ses collègues de travail, n’occupait aucune fonction d’encadrement qui aurait pu être génératrice d’un quelconque stress, n’effectuait aucune heure supplémentaire, et était parfaitement détendue dans les instants précédant son malaise, ce dont il résulte que le décès est dû à une cause étrangère au travail.
Par conclusions réceptionnées le 7 août 2024, soutenues oralement par sa représentante, la CPAM des Flandres, intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 9 janvier 2023,
– juger qu’elle a respecté les obligations mises à sa charge lors de la procédure d’instruction,
– juger que la matérialité de l’accident du travail du 1er février 2021 dont a été victime [I] [W] est établie,
– déclarer la décision de prise en charge de l’accident du travail du 11 mai 2021 opposable à la société [5],
– débouter la société [5] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la société [5] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l’absence de certificat médical initial n’entraîne pas l’inopposabilité de la décision de prise en charge à l’égard de l’employeur, dès lors qu’il est établi qu’elle a mis à disposition de ce dernier le dossier constitué pour l’instruction dans le délai réglementaire.
La caisse ajoute qu’aucun texte ne lui impose de recueillir l’avis du médecin-conseil sur l’imputabilité du décès au travail, lorsque celui-ci est survenu aux temps et lieu du travail alors que la victime se trouvait sous la subordination de l’employeur.
Elle affirme que la présomption d’imputabilité prévue à l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale doit s’appliquer, l’accident étant survenu au temps et au lieu du travail, et qu’il appartient à l’employeur de la renverser, ce qu’il ne fait pas.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la contestation du caractère contradictoire de la procédure d’instruction
En application de l’article R. 441-8 du code de la sécurité sociale, en cas de décès de la victime, la caisse procède obligatoirement à une enquête, sans adresser de questionnaire préalable.
A l’issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur.
Aux termes de l’article R. 441-14 du même code, le dossier mentionné à l’article R. 441-8 constitué par la caisse primaire comprend :
1°) la déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l’employeur ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.
Il convient de rappeler que la caisse est libre de déterminer les modalités d’investigation et qu’aucune disposition ne lui impose de recueillir l’avis du médecin-conseil quant aux causes et circonstances du décès d’un assuré.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la caisse a procédé à une enquête en auditionnant, d’une part, le conjoint de la victime, d’autre part, les représentants de l’employeur.
Considérant que l’accident de [I] [W] devait bénéficier de la présomption d’imputabilité en ce qu’il était survenu alors que la salariée était au temps et au lieu du travail, sous la subordination de l’employeur, la caisse n’a pas interrogé son médecin-conseil.
Lors de la consultation du dossier, la société [5] a pris connaissance des pièces suivantes : la déclaration d’accident du travail, l’acte civil de décès, la synthèse de l’enquête administrative accompagnée des procès-verbaux d’audition, son courrier de réserves auquel était joint un rapport d’expertise.
Dès lors qu’il n’existe aucun avis du médecin-conseil, ni aucun certificat médical de décès, il ne peut être reproché à la caisse de ne pas les avoir fait figurer au dossier mis à disposition des parties.
En outre, la circonstance que la caisse n’ait pas suivi les recommandations de la charte AT/MP l’invitant à constituer un dossier rigoureux et documenté pour répondre notamment à la question de l’existence d’un état pathologique évoluant pour son propre compte ou d’une cause totalement étrangère au travail, ne saurait rendre la décision de prise en charge inopposable à l’employeur.
Les premiers juges ont retenu avec justesse que l’enquête de la caisse avait pour objet de déterminer si un accident était survenu au temps et au lieu du travail, s’il avait causé une lésion, et n’impliquait aucune investigation médicale.
Après avoir constaté que l’employeur avait pu consulter l’entier dossier constitué par la caisse, ils ont, par une exacte application des dispositions susvisées, considéré que la caisse, qui n’était pas tenue de procéder à de plus amples investigations, notamment de nature médicale sur les causes du décès, n’avait pas violé le principe de la contradiction.
Sur la contestation du caractère professionnel de l’accident
Aux termes de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret 85-1353 du 17 décembre 1985, applicable au litige, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
Constitue un accident du travail un événement ou une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.
Dans ses rapports avec l’employeur, il appartient à la caisse d’apporter la preuve de la matérialité de l’accident dont elle a admis le caractère professionnel.
L’employeur peut renverser la présomption d’imputabilité prévue à l’article L. 411-1 précité s’il démontre que l’accident résulte d’une cause totalement étrangère au travail.
En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident du travail complétée le 3 février 2021 par la société [5] que [I] [W] a été « retrouvée inanimée à son poste de travail » le 1er février 2021, à 14 heures 10, alors qu’elle travaillait de 8 heures à 12 heures et de 13 heures à 17 heures, et que l’employeur en a immédiatement été informé.
Lors de l’enquête diligentée par la caisse, les représentants de l’employeur ont précisé que les faits s’étaient produits alors que la victime « était assise à son bureau, en pause-café, en compagnie de ses deux collègues », ajoutant qu’« elle se trouvait bien en poste, dans le cadre de son activité habituelle, sous [leur] subordination à l’heure des faits ».
L’acte de décès mentionne que [I] [W] est décédée le 1er février 2021, à 22 heures 23.
Il se déduit de ces éléments la survenance d’un accident au temps et au lieu du travail permettant l’application de la présomption d’imputabilité.
Le seul fait pour l’employeur d’affirmer que la salariée était détendue, que les conditions de travail n’étaient pas stressantes, ne suffit pas à détruire cette présomption.
La production d’un rapport d’expertise étranger à la situation de [I] [W] ne constitue pas davantage un élément permettant de douter de l’imputabilité du décès au travail.
La société [5] ne rapportant pas la preuve d’une cause totalement étrangère au travail, le tribunal en a exactement déduit que la décision de prise en charge de l’accident survenu au préjudice de [I] [W] le 1er février 2021, au titre de la législation sur les risques professionnels, lui était opposable.
Sur la demande d’expertise médicale sur pièces
Aux termes de l’article 144 du code de procédure civile, les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.
L’article 146 du même code dispose qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
L’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale permet à la juridiction d’ordonner toute mesure d’instruction, qui peut prendre la forme d’une consultation clinique ou sur pièces exécutée à l’audience, par un consultant avisé de sa mission par tous moyens, dans des conditions assurant la confidentialité, en cas d’examen de la personne intéressée.
En l’espèce, la société [5] n’apportant aucun commencement de preuve de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ou d’une cause étrangère au travail auxquels se rattacheraient exclusivement la lésion de [I] [W], elle ne peut qu’être déboutée de sa demande d’expertise.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société [5] succombant en ses prétentions, il convient de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et, y ajoutant, de la condamner aux dépens d’appel.
Ne supportant pas tout ou partie des dépens, la CPAM des Flandres ne peut voir mettre à sa charge une indemnité au titre des frais irrépétibles, ce qui justifie que la société [5] soit déboutée de sa demande en ce sens.
Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la CPAM des Flandres les frais, non compris dans les dépens, qu’elle a exposés, ce qui justifie de condamner la société [5] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille le 9 janvier 2023 ;
Y ajoutant,
Condamne la société [5] aux dépens d’appel ;
Déboute la société [5] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la société [5] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière, Le président,
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