Reconnaissance de la maladie professionnelle et conditions de prise en charge : enjeux et implications.

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Reconnaissance de la maladie professionnelle et conditions de prise en charge : enjeux et implications.

Conditions de prise en charge des maladies professionnelles

Aux termes de l’article L. 461-1, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

L’alinéa 6 du même article précise que si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), dont l’avis s’impose à la caisse.

Délai de prise en charge

Selon le tableau 30 B des maladies professionnelles, les plaques pleurales sont présumées d’origine professionnelle si leur date de première constatation médicale intervient dans un délai de quarante ans après la cessation d’exposition au risque.

Il est également stipulé que l’assuré doit avoir effectué des travaux exposant à l’inhalation de poussières d’amiante, notamment dans des activités telles que l’extraction, la manipulation et le traitement de minerais amiantifères, ainsi que dans la fabrication de produits contenant de l’amiante.

Obligation d’information de l’employeur

L’article R. 461-9, II, du code de la sécurité sociale impose à la caisse d’engager des investigations et d’adresser un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur. Ce questionnaire doit être retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception.

L’article R. 441-18, alinéa 1, du même code dispose que la décision de la caisse doit être motivée. Lorsque le caractère professionnel de la maladie n’est pas reconnu, la notification de cette décision doit être adressée à l’employeur par tout moyen conférant date certaine à sa réception.

Inopposabilité de la décision de prise en charge

Le tribunal a déclaré inopposable à la société [3] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie dont souffrait [O] [Z]. Cette décision repose sur le constat que le délai de prise en charge prévu par le tableau 30 B des maladies professionnelles était dépassé, les premiers signes de la maladie ayant été constatés pour la première fois le 7 janvier 2020, soit plus de quarante ans après la cessation d’exposition au risque.

Frais irrépétibles

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, la CPAM a été condamnée à verser à la société [3] la somme de 1 000 euros sur ce fondement, en raison de l’inéquité de laisser à la charge de la société les frais qu’elle a exposés.

L’Essentiel : Aux termes de l’article L. 461-1, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles. L’alinéa 6 précise que si certaines conditions ne sont pas remplies, la maladie peut être reconnue d’origine professionnelle si elle est directement causée par le travail habituel de la victime. La caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Résumé de l’affaire : Le 20 octobre 2020, un ancien salarié de la société [3], décédé en février 2022, a déposé une déclaration de maladie professionnelle pour des plaques pleurales calcifiées. La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de [Localité 6]-[Localité 5] a accepté cette déclaration le 12 mars 2021, reconnaissant la maladie comme étant d’origine professionnelle liée à l’inhalation de poussières d’amiante. Cependant, la société [3] a contesté cette décision, saisissant la commission de recours amiable (CRA) qui a rejeté son recours le 28 juillet 2021.

Suite à ce rejet, la société [3] a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de [Localité 5] pour contester la décision implicite de la CRA. Le tribunal a rendu un jugement le 19 décembre 2022, déclarant inopposable à la société [3] la décision de prise en charge de la maladie, tout en déboutant les parties de leurs demandes respectives en frais. La CPAM a interjeté appel de ce jugement, se limitant à contester la décision d’inopposabilité et la condamnation aux dépens.

Dans ses conclusions, la CPAM a soutenu que les conditions de prise en charge étaient remplies et a demandé à la cour de déclarer la décision de prise en charge opposable à la société [3]. De son côté, la société [3] a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que la décision de la CPAM manquait de motivation et que le délai de prise en charge était dépassé.

Le tribunal a examiné la régularité de la procédure d’instruction et le caractère professionnel de la maladie. Il a conclu que la CPAM avait respecté ses obligations d’information et que le délai de prise en charge était effectivement dépassé, rendant la présomption d’imputabilité inapplicable. En conséquence, le jugement initial a été confirmé, la CPAM étant condamnée aux dépens et à verser une somme à la société [3] au titre des frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la contestation de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ?

La contestation de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle repose sur les dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que :

« Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. »

Il est également précisé que si certaines conditions ne sont pas remplies, la maladie peut être reconnue d’origine professionnelle si elle est directement causée par le travail habituel de la victime, après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Dans cette affaire, la société [3] conteste le caractère professionnel de la maladie en arguant que le délai de prise en charge est dépassé, ce qui est en lien direct avec les conditions énoncées dans le tableau 30 B des maladies professionnelles.

Quel est le rôle de la caisse primaire d’assurance maladie dans la procédure d’instruction ?

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a un rôle crucial dans la procédure d’instruction des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles. Selon l’article R. 461-9, II, du code de la sécurité sociale, la caisse doit engager des investigations et adresser un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur. Ce questionnaire doit être retourné dans un délai de trente jours francs.

L’article R. 441-18, alinéa 1, précise que la décision de la caisse doit être motivée. Si le caractère professionnel de la maladie n’est pas reconnu, la notification de cette décision doit être adressée à la victime ou à ses représentants, avec mention des voies et délais de recours.

Dans cette affaire, la CPAM a notifié à la société [3] sa décision de prise en charge, en indiquant que la maladie était d’origine professionnelle, ce qui a été contesté par l’employeur.

Quel est l’impact de la motivation de la décision de la caisse sur la contestation de la prise en charge ?

La motivation de la décision de la caisse a un impact significatif sur la contestation de la prise en charge. Selon l’article R. 441-18, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, la décision doit être motivée, et en cas de défaut ou d’insuffisance de motivation, cela permet au destinataire de contester le bien-fondé de la décision sans condition de délai.

Dans cette affaire, la société [3] soutient que la décision de prise en charge est dépourvue de motivation suffisante pour identifier le tableau correspondant à la maladie de son salarié. Cependant, les premiers juges ont conclu que la CPAM avait satisfait à son obligation d’information, ce qui a conduit à rejeter le moyen d’inopposabilité tiré de l’irrégularité de la procédure d’instruction.

Quel est le délai de prise en charge des maladies professionnelles selon le tableau 30 B ?

Le tableau 30 B des maladies professionnelles précise que les plaques pleurales sont présumées d’origine professionnelle si leur date de première constatation médicale intervient dans un délai de quarante ans après la cessation d’exposition au risque.

Il est également stipulé que l’assuré doit avoir effectué des travaux exposant à l’inhalation de poussières d’amiante. En l’espèce, la date de première constatation de la maladie a été fixée au 7 janvier 2020, alors que l’exposition à l’amiante a cessé, selon la CPAM, le 13 avril 1984.

Les premiers juges ont retenu que le délai de prise en charge était dépassé, car les premiers signes de la maladie avaient été constatés plus de quarante ans après la cessation d’exposition.

Quel est le principe de la présomption d’imputabilité de la maladie professionnelle ?

Le principe de la présomption d’imputabilité de la maladie professionnelle est énoncé à l’article L. 461-1, alinéa 5, du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que :

« Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. »

Cependant, si certaines conditions ne sont pas remplies, la maladie peut être reconnue d’origine professionnelle si elle est directement causée par le travail habituel de la victime, après avis motivé d’un CRRMP.

Dans cette affaire, la présomption d’imputabilité ne pouvait s’appliquer en raison du dépassement du délai de prise en charge, ce qui a conduit à la nécessité d’obtenir un avis du CRRMP pour établir un lien entre la pathologie et le travail de la victime.

ARRET

CPAM de [Localité 6]-[Localité 5]

C/

S.A.S. [3]

Copies certifiées conformes

CPAM de [Localité 6]-[Localité 5]

S.A.S. [3]

Me Emilie MERIDJEN

Tribunal judiciaire

Copie exécutoire

Me Emilie MERIDJEN

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 20 MARS 2025

*

N° RG 23/00771 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IVW6 – N° registre 1ère instance : 21/00233

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DOUAI (PÔLE SOCIAL) EN DATE DU 19 DÉCEMBRE 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CPAM de [Localité 6]-[Localité 5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée et plaidant par Mme [J] [U], munie d’un pouvoir régulier

ET :

INTIMEE

S.A.S. [3]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée et plaidant par Me Yasmine MOUSSA, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Emilie MERIDJEN de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 19 décembre 2024 devant Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Nathalie LÉPEINGLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Claire BIADATTI-BERTIN en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe MELIN, président,

Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente,

et M. Renaud DELOFFRE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 20 mars 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffière.

*

* *

DECISION

Le 20 octobre 2020, [O] [Z], salarié de la société [3] du 12 mars 1959 au 13 avril 1984, décédé le 17 février 2022, a complété une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical initial du 30 septembre 2020 mentionnant de multiples plaques pleurales calcifiées bilatérales.

Après enquête et avis de son médecin conseil, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de [Localité 6]-[Localité 5] a, par courrier du 12 mars 2021, notifié à la société [3] sa décision de prise en charge de la maladie plaques pleurales au titre du tableau 30 relatif aux affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante.

La société [3] a contesté cette décision en saisissant, par courrier recommandé du 7 mai 2021, la commission de recours amiable (CRA) de la caisse, laquelle n’a pas statué dans le délai de deux mois.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 20 juillet 2021, la société [3] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de [Localité 5] aux fins de contester la décision implicite de rejet de la CRA.

Lors de sa séance du 28 juillet 2021, la CRA a rejeté le recours de la société [3].

Le 20 septembre 2021, le tribunal a été saisi par la société [3] d’une contestation de cette décision explicite de rejet.

Par jugement rendu le 19 décembre 2022, le tribunal a :

– ordonné la jonction des affaires respectivement enregistrées sous les numéros RG 21/00233 et 21/00282, l’affaire étant dorénavant appelée sous le seul numéro RG 21/00233,

– déclaré inopposable à la société [3] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie dont souffrait [O] [Z],

– débouté chacune des parties de leur demande respective en paiement de frais irrépétibles,

– condamné la CPAM de [Localité 6]-[Localité 5] aux dépens.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 24 janvier 2023, la CPAM de [Localité 6]-[Localité 5] a interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été notifié le 3 janvier 2023.

Cet appel est limité aux dispositions déclarant inopposable à la société [3] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie dont souffrait [O] [Z], et à celles condamnant la CPAM de [Localité 6]-[Localité 5] aux dépens.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 19 décembre 2024.

Aux termes de ses conclusions réceptionnées le 22 août 2024, reprises oralement par sa représentante, la CPAM de [Localité 6]-[Localité 5], appelante, demande à la cour de :

– infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de [Localité 5] du 19 décembre 2022 ayant déclaré inopposable à la société [3] la décision de prise en charge de la maladie professionnelle d'[O] [Z],

et statuant à nouveau,

– dire et juger que les conditions de prise en charge de la maladie déclarée par [O] [Z] et instruite au titre du tableau 30 B2 sont réunies,

– déclarer la décision de prise en charge de la maladie professionnelle d'[O] [Z] opposable à la société [3],

– rejeter la demande de la société [3] tendant à ce qu’elle soit condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société [3] de l’ensemble de ses demandes.

Elle fait valoir que les conditions prévues par le tableau 30 B des maladies professionnelles sont remplies, de sorte qu’il appartient à l’employeur d’apporter la preuve d’une cause totalement étrangère.

La caisse estime que les pièces du dossier mis à disposition de la société [3] lui ont permis d’identifier la pathologie prise en charge.

Elle affirme que le délai de prise en charge n’est pas dépassé puisque la première constatation médicale de la maladie a été fixée par le médecin conseil au 7 janvier 2020 et que l’assuré a cessé d’être exposé au risque à compter du 13 avril 1984. L’organisme de sécurité sociale relève que la liste des travaux prévue par le tableau 30 B est simplement indicative, que l’exposition, qui peut être environnementale, ne doit pas être permanente mais régulière.

Par conclusions communiquées le 22 octobre 2024, soutenues oralement par avocat, la société [3], intimée, demande à la cour de :

– la recevoir en ses conclusions et l’en dire bien fondée,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de [Localité 5] le 19 décembre 2022 en ce qu’il lui a déclaré inopposable la décision de prise en charge rendue par la CPAM le 12 mars 2021,

– reconnaître l’absence de caractère professionnel de la maladie reconnue le 12 mars 2021 par la CPAM,

– condamner la CPAM aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la décision de prise en charge est dépourvue de motivation en ce qu’elle ne lui permet pas d’identifier le tableau correspondant à la maladie de son salarié.

La société [3] considère que le délai de prise en charge est dépassé dès lors que la fin de l’éventuelle exposition à l’amiante se situe au 6 mai 1974 et que la maladie a été constatée pour la première fois le 7 janvier 2020, ce dont il résulte que le dossier aurait dû être soumis pour avis à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

L’employeur estime que la procédure d’instruction est irrégulière, la caisse s’étant contentée de reprendre les affirmations du salarié.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la contestation de la régularité de la procédure d’instruction

Aux termes de l’article R. 461-9, II, du code de la sécurité sociale, la caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.

L’article R. 441-18, alinéa 1, du même code dispose que la décision de la caisse mentionnée à l’article R. 461-9 est motivée. Lorsque le caractère professionnel de la maladie n’est pas reconnu, la notification de cette décision, qui comporte la mention des voies et délais de recours, est adressée à la victime ou ses représentants par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Dans le cas contraire, la notification, qui comporte la mention des voies et délais de recours, est adressée à l’employeur par tout moyen conférant date certaine à sa réception.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que :

– la déclaration de maladie professionnelle renseignée par [O] [Z] le 20 octobre 2020 mentionne « plaques pleurales multiples bilatérales calcifiées »,

– le certificat médical initial établi le 30 septembre 2020 fait état de « multiples plaques pleurales calcifiées bilatérales au niveau plèvre ainsi que du diaphragme » et précise qu’ « il paraît licite de solliciter une demande de reconnaissance en maladie professionnelle au titre du tableau 30B »,

– lors de l’enquête administrative, l’enquêteur agréé et assermenté a retenu comme maladie « plaques pleurales »,

– le questionnaire adressé à l’employeur précise « plaques pleurales »,

– le colloque médico-administratif complété par le médecin-conseil le 17 novembre 2020 indique « plaques pleurales » et le code syndrome 030ABG92,

– la décision de prise en charge du 12 mars 2021 informe l’employeur que la maladie plaques pleurales inscrite dans le tableau n°30 relatif aux affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante est d’origine professionnelle.

Les premiers juges ont exactement déduit de l’ensemble de ces éléments que la caisse avait satisfait à son obligation d’information de l’employeur sur la maladie prise en charge et le tableau correspondant.

Il convient, en outre, de rappeler que le défaut ou le caractère insuffisant ou erroné de la motivation de la décision de la caisse, à le supposer établi, permet seulement à son destinataire d’en contester le bien-fondé devant le juge sans condition de délai.

Le moyen d’inopposabilité tiré de l’irrégularité de la procédure d’instruction ne peut qu’être rejeté.

Sur la contestation du caractère professionnel de la maladie

Aux termes de l’article L. 461-1, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

L’alinéa 6 du même article dispose que si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un CRRMP. L’avis du comité s’impose à la caisse.

En l’espèce, seule la condition tenant au délai de prise en charge est contestée par la société [3].

Selon le tableau 30 B des maladies professionnelles, les plaques pleurales sont présumées d’origine professionnelle si leur date de première constatation médicale intervient dans un délai de quarante ans après la cessation d’exposition au risque, et si l’assuré a effectué des travaux exposant à l’inhalation de poussières d’amiante, notamment :

– extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères,

– manipulation et utilisation de l’amiante brut dans les opérations de fabrication suivantes : amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile ; amiante-caoutchouc ; carton, papier et feutre d’amiante enduit ; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction contenant de l’amiante ; produits moulés ou en matériaux à base d’amiante et isolants,

– travaux de cardage, filage, tissage d’amiante et confection de produits contenant de l’amiante,

– application, destruction et élimination de produits à base d’amiante : amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l’amiante ; démolition d’appareils et de matériaux contenant de l’amiante, déflocage,

– travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l’amiante,

– travaux d’équipement, d’entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d’amiante,

– conduite de four,

– travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l’amiante.

Le médecin-conseil a fixé la date de première constatation de la maladie au 7 janvier 2020, date mentionnée sur le certificat médical initial.

Pour vérifier si la condition tenant au délai de prise en charge est remplie, il convient de déterminer la date à laquelle l’assuré a cessé d’être exposé à l’inhalation de poussières d’amiante.

La caisse affirme qu'[O] [Z] a cessé d’être exposé au risque à compter du 14 avril 1984, date à laquelle il a quitté les effectifs de la société [3] et pris sa retraite.

L’employeur rétorque que si l’assuré a pu être exposé au risque, cette exposition a pris fin lorsqu’il a été muté au poste de metteur à table, le 6 mai 1974.

Après avoir précisé qu'[O] [Z] présentait de multiples plaques pleurales calcifiées bilatérales au niveau de la plèvre et du diaphragme, Mme [M], praticien hospitalier dans le service de pathologies professionnelles et environnement du centre hospitalier régional universitaire de [Localité 6], a indiqué, dans le certificat médical initial, ce qui suit : « (‘) d’un point de vue professionnel, [O] [Z] dit avoir exercé : de 1943 à 1958, comme ouvrier agricole. Puis à compter du 1959 jusqu’en 1984, il dit avoir travaillé comme surveillant de puits puis aide-opérateur et opérateur dans la verrerie Boussois à [Localité 2]. Dans ce cadre, il décrit être toujours présent à la sortie du four ou à proximité des modules de fabrication des plaques en verre. Il décrit la présence d’amiante à différents niveaux du four et des modules de fabrication (plaques, joints). Il dit qu’il assurait la réfection des joints en amiante, plusieurs fois par semaine (préparation et application de ciment contenant de la poudre d’amiante qu’il diluait dans de l’eau). Il dit avoir utilisé également des gants en amiante. Enfin, il dit qu’il était présent lors de la réfection des fours et exposé aux poussières lors du retrait de joints ou de matériaux réfractaires. Il décrit l’absence de protections respiratoires adaptées (‘) ».

Complétant le questionnaire mis à sa disposition par la caisse, [O] [Z] a précisé avoir été employé par la société [3] de mars 1959 à avril 1984 en qualité d’aide opérateur, puis d’opérateur dans une verrerie, au contact des fours, à raison de huit heures par jour, sept jours sur sept.

Il a indiqué que ses tâches consistaient à régler et à surveiller les machines pour produire les feuilles de verre, à nettoyer et à entretenir le four.

L’assuré a déclaré avoir :

– été exposé la majorité du temps à la chaleur dégagée par les fours chauffant le verre,

– réalisé des travaux d’entretien, de réparation, ou de maintenance sur des matériaux chauds, pendant 25 ans,

– usiné ou remplacé des joints,

– manipulé des enduits à base de plâtre, de mortier, de la colle, du mastic, pendant 25 ans.

Il ressort du questionnaire renseigné par l’employeur, du rapport adressé par celui-ci à la caisse et des avenants aux contrats de travail d'[O] [Z] que ce dernier a occupé, au sein de la société [3], les fonctions suivantes :

– surveillant de puits du 12 mars 1959 au 1er janvier 1962, poste exposant à la chaleur,

– homme de plancher du 2 janvier 1962 au 30 septembre 1965, poste consistant à surveiller la ligne de fabrication du verre et à effectuer des opérations de maintenance,

– opérateur four du 1er octobre 1965 au 31 janvier 1974, fonction consistant à aider au chargement et au déchargement du four 3,

– metteur à table du 1er octobre 1974 au 1er mai 1975, aux fins de vérifier et/ou réparer le verre,

– découpeur – metteur à table du 2 mai 1975 au 6 février 1978, poste nécessitant, en plus du contrôle du verre, de la découpe selon le type de production,

– service nettoyage du 7 février 1978 au 31 décembre 1978, en raison de réductions de postes,

– agent de caisserie du 1er janvier 1979 au 13 avril 1984, poste consistant à conditionner le verre en caisse avant la livraison au client.

Selon la société [3], il ne pouvait être exclu qu’à l’occasion des opérations de maintenance, M. [Z] avait :

– manipulé de l’amiante ou des matériaux en contenant, quelle qu’en soit la forme,

– effectué des travaux d’isolation ou de calorifugeage avec des matériaux contenant de l’amiante,

– réalisé des travaux d’entretien, de réparation, ou de maintenance sur des matériaux chauds,

– utilisé des protections en amiante contre la chaleur.

L’employeur a précisé que le salarié avait cessé ces activités au mois de novembre 1973, lors de sa mutation au verre froid.

Dans le rapport établi le 1er février 2021, l’agent enquêteur a mentionné qu'[O] [Z] avait été exposé au risque à l’occasion de la maintenance des fours par la réfection des joints en amiante, lors de l’application de ciment contenant de la poudre d’amiante, outre le fait que les protections étaient amiantées.

Il a retenu une fin d’exposition au risque au 13 avril 1984 tout en indiquant que la « durée d’exposition au risque constaté ou avéré » se situait entre le 12 mars 1959 et le 31 décembre 1973.

Pour dire que le délai de prise en charge était dépassé, les premiers juges ont retenu que la caisse n’établissait pas le contenu des postes de metteur à table et d’agent de caisserie, occupés par [O] [Z] respectivement à compter du 1er octobre 1974 puis du 1er janvier 1979, et qu’aucun élément ne faisait ainsi ressortir les conditions d’exercice de ces emplois, ce dont il résultait que l’exposition à l’amiante avait cessé le 30 septembre 1974.

La caisse fait valoir qu’après sa mutation au verre froid, [O] [Z] était toujours exposé à l’amiante, que s’il ne réalisait pas de travaux repris dans la liste indicative des travaux du tableau 30 B, l’exposition au risque était alors environnementale.

Toutefois, comme l’ont relevé les premiers juges, la caisse n’apporte aucune preuve de l’exposition du salarié à l’inhalation de poussières d’amiante postérieurement à son changement de poste intervenu le 1er octobre 1974.

La production de décisions reconnaissant la faute inexcusable de la société [3] dans la survenance de maladies professionnelles contractées par d’autres salariés (pièce n°10 de la caisse) ne renseigne aucunement sur les conditions de travail d'[O] [Z], ni sur son exposition au risque.

Il résulte de ce qui précède que les premiers juges ont exactement retenu que le délai de prise en charge prévu par le tableau 30 B des maladies professionnelle était dépassé, les premiers signes de la maladie ayant été constatés pour la première fois le 7 janvier 2020, soit plus de quarante ans après la cessation d’exposition au risque fixée au 30 septembre 1974.

En considérant que la présomption d’imputabilité de la maladie ne pouvait s’appliquer et qu’il était par conséquent nécessaire d’obtenir l’avis d’un CRRMP afin de savoir si la pathologie dont souffrait [O] [Z] avait été causée par son travail habituel, le tribunal a fait une exacte application des dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

Il convient, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer inopposable à la société [3] la décision rendue le 12 mars 2021 par la CPAM de [Localité 6]-[Localité 5] pour prendre en charge la maladie déclarée par [O] [Z] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La CPAM de [Localité 6]-[Localité 5] succombant en ses prétentions, il convient de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et, y ajoutant, de la condamner aux dépens d’appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société [3] les frais, non compris dans les dépens, qu’elle a exposés, ce qui justifie de condamner la CPAM de [Localité 6]-[Localité 5] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de [Localité 5] le 19 décembre 2022 en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 6]-[Localité 5] aux dépens d’appel ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 6]-[Localité 5] à verser à la société [3] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président,


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