Contrôle de la régularité des actes préalables à la rétentionLe juge judiciaire, en tant que garant de la liberté individuelle, est compétent pour examiner les irrégularités qui pourraient affecter les procédures ayant conduit à la décision de placement en rétention administrative. Ce contrôle est essentiel pour assurer le respect des droits individuels, notamment dans les cas où un retour immédiat d’un étranger dans son pays d’origine pourrait être ordonné sans un examen juridictionnel préalable des circonstances de l’interpellation et de la procédure pénale subséquente. Violation des formes prescrites par la loiSelon l’article L. 743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de non-respect des formes légales, le juge ne peut ordonner la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que si cette irrégularité a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l’étranger, et ce, même si une régularisation a eu lieu avant la clôture des débats. Notification des droits en garde à vueLe défaut de notification des droits en garde à vue est considéré comme une irrégularité qui cause nécessairement un préjudice. Il est crucial que l’information transmise par la notification soit effective, et non seulement que les formalités aient été respectées. La charge de la preuve incombe à la personne qui se plaint de l’irrégularité, qui doit démontrer en quoi celle-ci a porté atteinte à ses droits. Incompatibilité des informations dans le procès-verbalDans le cas présent, bien que les officiers de police judiciaire aient procédé à une lecture des pièces relatives à la notification des droits, le procès-verbal de fin de garde à vue indique que la lecture a été faite par l’intéressé lui-même, ce qui est incompatible avec d’autres éléments du dossier. Cela soulève des doutes quant à la conformité de la notification des droits, d’autant plus que l’intéressé a contesté plusieurs éléments de ce procès-verbal. Conséquences de l’irrégularitéL’irrégularité dans la notification des droits a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de M. [F] [I], justifiant ainsi l’infirmation de l’ordonnance de prolongation de sa rétention. Cette décision souligne l’importance d’un contrôle judiciaire rigoureux des actes administratifs affectant la liberté individuelle des étrangers. |
L’Essentiel : Le juge judiciaire est compétent pour examiner les irrégularités affectant les procédures de rétention administrative, garantissant ainsi le respect des droits individuels. Selon l’article L. 743-12, le juge ne peut ordonner la mainlevée que si l’irrégularité a substantiellement porté atteinte aux droits de l’étranger. Le défaut de notification des droits en garde à vue est une irrégularité causant un préjudice, et la charge de la preuve incombe à la personne se plaignant de cette irrégularité.
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Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un étranger, de nationalité moldave, a été retenu dans un centre de rétention administrative. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné la prolongation de sa rétention pour une durée de 26 jours, à compter du 25 mars 2025. Cette décision a été contestée par l’intéressé, qui a interjeté appel le 26 mars 2025, soutenu par son avocat.
Lors de l’audience de la Cour d’appel de Paris, l’étranger a exprimé des préoccupations concernant la régularité de la procédure qui a conduit à son placement en rétention. Il a notamment souligné qu’il n’avait pas bénéficié d’une lecture adéquate du procès-verbal de fin de garde à vue, ce qui a affecté sa capacité à exercer ses droits. Le préfet, représenté par son avocat, a plaidé pour la confirmation de l’ordonnance initiale. La Cour a examiné les irrégularités potentielles dans la procédure antérieure au placement en rétention. Elle a rappelé que le juge judiciaire a la responsabilité de garantir les droits individuels, en particulier dans les cas où un retour immédiat dans le pays d’origine est envisagé. Selon le code de l’entrée et du séjour des étrangers, toute violation des formes légales peut entraîner la nullité de la décision de rétention. La Cour a constaté que l’étranger n’avait pas souhaité bénéficier d’un interprète, mais qu’il ne savait pas lire le français. Les éléments du dossier indiquaient une incohérence dans la notification de ses droits, ce qui a conduit à une atteinte substantielle à ses droits. En conséquence, la Cour a décidé d’infirmer l’ordonnance du préfet, rejetant la prolongation de la rétention et ordonnant la remise en liberté de l’intéressé, tout en lui rappelant son obligation de quitter le territoire français. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le rôle du juge judiciaire dans le contrôle des irrégularités affectant les procédures de rétention administrative ?Le juge judiciaire, en tant que gardien de la liberté individuelle, a pour mission de se prononcer sur les irrégularités qui peuvent affecter les procédures préalables à la décision de placement en rétention. Cette prérogative est essentielle pour garantir un contrôle effectif des droits individuels, notamment dans les cas où un retour immédiat des étrangers dans leur pays d’origine pourrait se produire sans un examen juridictionnel adéquat des circonstances de leur interpellation et de la procédure pénale qui s’ensuit. L’article L. 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que, en cas de violation des formes prescrites par la loi, le juge ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que si cette irrégularité a substantiellement porté atteinte aux droits de l’étranger. Ainsi, le juge doit examiner si les droits de l’individu ont été respectés tout au long de la procédure, et ce, afin de garantir une protection adéquate des libertés individuelles. Quel est l’impact du défaut de notification des droits en garde à vue sur la procédure de rétention ?Le défaut de notification des droits en garde à vue est un élément qui fait nécessairement grief à l’intéressé. L’importance réside dans l’information que permet cette notification, et non dans les circonstances matérielles de sa réalisation. Il appartient à la personne qui s’en plaint de démontrer en quoi l’irrégularité a porté atteinte à ses droits. Les décisions de la Cour de cassation, notamment celles du 18 décembre 2013 et du 8 mars 2017, soulignent que la notification effective des droits est cruciale pour garantir le respect des droits de l’individu. Dans le cas présent, l’intéressé a indiqué ne pas savoir lire le français et a contesté plusieurs éléments du procès-verbal de fin de garde à vue, ce qui soulève des questions sur la validité de la notification de ses droits. Quel est le délai et la procédure pour former un pourvoi en cassation dans le cadre d’une décision de rétention administrative ?Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention, ainsi qu’au ministère public. Selon les dispositions applicables, le délai pour former un pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de la décision. Le pourvoi doit être formé par une déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation, et cela doit être effectué par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Ces règles visent à garantir que les voies de recours soient accessibles et que les droits des individus soient protégés dans le cadre des procédures de rétention administrative. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 27 MARS 2025
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/01649 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CLBDL
Décision déférée : ordonnance rendue le 25 mars 2025, à 13h15, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Stéphanie Gargoullaud, présidente de chambre à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Marie Bounaix, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
M. [F] [I]
né le 19 janvier 1996 à [Localité 1], de nationalité moldave
RETENU au centre de rétention : [Localité 2] 2
assisté de Me Victoria Zoubkova-Allieis, avocat au barreau de Paris,
présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris
INTIMÉ :
LE PREFET DE LA SEINE SAINT DENIS
représenté par Me Alexandre Marinelli du cabinet Adam Caumeil, avocat au barreau de Paris
présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– contradictoire
– prononcée en audience publique
– Vu l’ordonnance du 25 mars 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux rejetant les conclusions, déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant la prolongation de la rétention de l’intéressé au centre de rétention administrative du [Localité 2], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 26 jours à compter du 25 mars 2025 ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 26 mars 2025 , à 08h08 réitéré à 19h37 par M. [F] [I] ;
– Après avoir entendu les observations :
– par visioconférence, de M. [F] [I], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;
– du conseil du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à la confirmation de l’ordonnance ;
Dans sa déclaration d’appel M. [F] [I] relève en substance qu’il ait pu effectivement exercer ses droits en garde à vue car il n’a pas bénéficié d’une lecture du procès-verbal de fin de garde à vue, lequel mentionne des informations relatives à son alimentation qu’il conteste.
Sur le contrôle de régularité des actes antérieurs au placement en rétention
Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l’étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, n° 94-50.005 n° 94-50.006), aux fins de permettre un contrôle effectif des droits individuels, notamment dans les hypothèses qui conduiraient un retour immédiat des personnes étrangères dans le pays dont elles sont ressortissantes, sans aucun examen juridictionnel des circonstances de l’interpellation et de la procédure pénale subséquente.
Aux termes de l’article L. 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le juge saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l’étranger dont l’effectivité n’a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
S’il est constant que le défaut de notification des droits en garde à vue fait nécessairement grief, ce qui importe est l’information que permet la notification effective des droits, non les circonstances matérielles de cette notification dont il appartient à celui qui s’en plaint de démontrer en quoi l’irrégularité relevée a porté atteinte à ses droits ( 1re Civ., 18 décembre 2013, pourvoi n° 13-50.010, Bull. n° 247; 23 septembre 2015, pourvois n° 14-20-647, 14-21.279, et 14-50.059 1re Civ., 8 mars 2017, pourvoi n° 16-13.533).
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’intéressé n’a pas souhaité bénéficier d’un interprète mais a indiqué ne pas savoir lire le français.
S’il est exact que les pièces relatives à la notification des droits en garde à vue et les auditions ont fait l’objet d’une lecture par les officiers de police judiciaire, le procès-verbal de fin de garde à vue mentionne expressément « lecture faite par lui-même », ce qui n’est pas compatible avec les autres informations du dossier et ne permet pas de s’assurer que les droits ont été portées à la connaissance de l’intéressé par une lecture faite par un tiers.
Or M. [F] [I] conteste plusieurs éléments de ce procès-verbal et indique qu’il n’a jamais refusé de s’alimenter. L’irrégularité de la notification porte donc substantiellement atteinte à ses droits.
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance critiquée, de constater l’irrégularité de la procédure et d’ordonner la remise en liberté de M. [I].
INFIRMONS l’ordonnance,
STATUANT À NOUVEAU,
REJETONS la requête du préfet,
DISONS n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [F] [I],
RAPPELONS à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire français,
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l’intéressé par l’intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction orale du dispositif de l’ordonnance dans la langue comprise par l’intéressé ),
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 27 mars 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L’avocat de l’intéressé
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