Compétence du juge judiciaire en matière de maintien en zone d’attenteLe juge judiciaire, lorsqu’il est saisi d’une demande de prolongation du maintien d’un étranger en zone d’attente, n’est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions administratives de refus d’admission sur le territoire, ainsi que des motifs retenus par l’administration à cette fin. Cette règle est établie par la jurisprudence constante, notamment par l’arrêt de la 2e chambre civile du 7 juin 2001 (pourvoi n° 99-50.053). Conditions de prolongation du maintien en zone d’attenteConformément aux articles L 342-1 et L 342-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé par le juge des libertés et de la détention. Cette prolongation ne peut excéder huit jours et doit se faire en tenant compte de l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger. Exclusion des garanties de représentation comme critère de décisionLe législateur a souhaité, par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, exclure la possibilité pour le juge judiciaire de décider d’une remise en liberté sur le seul critère de l’existence de garanties de représentation. Cette exclusion a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, qui a précisé que le législateur pouvait limiter le contrôle du juge des libertés et de la détention sans méconnaître l’article 66 de la Constitution. Nature du contentieux et compétence du juge administratifLe contentieux relatif à la décision de placement en zone d’attente et au refus d’entrée relève de la compétence exclusive du juge administratif. Ainsi, les motifs avancés par le magistrat du siège, qui critiquent la décision de placement en zone d’attente, ne peuvent pas être pris en compte par le juge judiciaire, ce qui justifie le rejet de la demande de remise en liberté de l’étranger. |
L’Essentiel : Le juge judiciaire, saisi d’une demande de prolongation du maintien d’un étranger en zone d’attente, n’est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions administratives de refus d’admission. Conformément aux articles L 342-1 et L 342-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers, le maintien au-delà de quatre jours peut être autorisé par le juge des libertés, sans excéder huit jours. Le législateur a exclu la possibilité de décider d’une remise en liberté sur le seul critère de garanties de représentation.
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Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, le ministre de l’Intérieur, représenté par le préfet de police, a interjeté appel d’une ordonnance rendue par un magistrat du tribunal judiciaire de Bobigny. Cette ordonnance stipulait qu’il n’y avait pas lieu de prolonger le maintien d’un étranger en zone d’attente à l’aéroport, et ordonnait la restitution de ses affaires personnelles, y compris son passeport.
Le préfet de police a contesté cette décision, arguant que les motifs de maintien en zone d’attente n’avaient pas été correctement pris en compte. En réponse à cet appel, le tribunal a décidé d’infirmer l’ordonnance initiale et a ordonné la prolongation du maintien de l’étranger en zone d’attente pour une durée de huit jours supplémentaires. Le tribunal a fondé sa décision sur les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers, qui permettent au juge des libertés et de la détention de prolonger le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours, sous certaines conditions. Il a également rappelé que le juge n’est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions administratives relatives à l’admission sur le territoire, ce qui inclut le placement en zone d’attente. En conclusion, le tribunal a jugé que les arguments présentés par le préfet de police étaient valides et que la prolongation du maintien en zone d’attente était justifiée, en l’absence d’autres moyens susceptibles de conduire à la remise en liberté de l’étranger. Cette décision souligne la distinction entre les compétences du juge judiciaire et celles de l’administration en matière de contrôle des mesures de maintien en zone d’attente. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la prolongation du maintien en zone d’attente ?La prolongation du maintien en zone d’attente est fondée sur les articles L 342-1 et L 342-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ces articles stipulent que « le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours ». Il est également précisé que « l’existence de garanties de représentation de l’étranger n’est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente ». Ainsi, le juge doit examiner l’exercice effectif des droits de l’étranger, sans se limiter à la seule existence de garanties de représentation. Quel est le rôle du juge judiciaire dans les décisions de maintien en zone d’attente ?Le juge judiciaire, lorsqu’il est saisi d’une demande de prolongation du maintien d’un étranger en zone d’attente, n’est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions administratives de refus d’admission sur le territoire. Cette position est confirmée par une jurisprudence constante, notamment par l’arrêt de la 2e chambre civile du 7 juin 2001, qui précise que le juge ne peut pas remettre en cause les motifs retenus par l’administration pour le placement en zone d’attente. Le contrôle du juge se limite à l’examen des conditions d’exercice des droits de l’étranger, sans entrer dans le fond des décisions administratives. Quel impact a eu la loi n° 2016-274 sur le contrôle judiciaire des prolongations de maintien en zone d’attente ?La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 a introduit un changement significatif en ajoutant le principe selon lequel le juge statue « sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger ». Cette modification vise à renforcer le contrôle judiciaire tout en maintenant les limites imposées par le législateur. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-631 DC, a validé cette limitation, affirmant que le législateur pouvait exclure que l’existence de garanties de représentation soit suffisante pour justifier la remise en liberté. Ainsi, le juge doit se concentrer sur l’exercice effectif des droits, sans se laisser influencer par des garanties qui ne sont pas directement liées à la question de l’admission sur le territoire. Quel est le lien entre la décision de maintien en zone d’attente et la compétence du juge administratif ?La décision de placement en zone d’attente et le refus d’entrée relèvent de la compétence exclusive du juge administratif. En effet, le juge judiciaire ne peut pas remettre en cause ces décisions, car elles sont fondées sur des considérations administratives qui échappent à son contrôle. Dans l’affaire en question, la motivation du magistrat du siège a critiqué la décision de placement en zone d’attente, ce qui n’est pas de son ressort. Le juge judiciaire doit se limiter à examiner si les droits de l’étranger ont été respectés, sans entrer dans le fond des décisions administratives qui sont du domaine du juge administratif. Ainsi, le moyen soulevé par l’étranger n’était pas de nature à entraîner sa remise en liberté. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 340-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 27 MARS 2025
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : Q N° RG 25/01653 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CLBDZ
Décision déférée : ordonnance rendue le 25 mars 2025, à 15h11, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny
Nous, Stéphanie Gargoullaud, présidente de chambre à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Marie Bounaix, greffièreaux débats et au prononcé de l’ordonnance
LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR REPRÉSENTÉ PAR LE PRÉFET DE POLICE
représenté par Me Alexandre Marinelli du cabinet Adam Caumeil, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ
M. [P] [M] [L]
né le 10 Mars 1983 en Somalie, de nationalité Somalienne
Libre, non comparant, non représenté, convoqué en zone d’attente à l’aéroport de [1], dernier domicile connu
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– réputée contradictoire
– prononcée en audience publique
-Vu l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny du 25 mars 2025 à 15h11, disant n’y avoir lieu de prolonger le maintien de M. [P] [M] [L], en zone d’attente de l’aéroport de [1] et rappelant que l’administration doit restituer à l’intéressé l’intégralité de ses affaires personnelles, y compris son passeport et ses documents de voyage ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 25 mars 2025, à 16h57, par le conseil du préfet de Police ;
– Après avoir entendu les observations du conseil du préfet de Police tendant à l’infirmation de l’ordonnance ;
En application d’une jurisprudence constante, le juge judiciaire, saisi d’une demande de prolongation du maintien d’un étranger en zone d’attente, n’est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions administratives de refus d’admission sur le territoire et de placement en zone d’attente en particulier les motifs retenus par l’administration à cette fin (2e Civ., 7 juin 2001, pourvoi n° 99-50.053).
Aux termes des articles L 342-1 et L 342-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que « le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours » et que » l’existence de garanties de représentation de l’étranger n’est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente ».
Il résulte des travaux parlementaires que le législateur de 2011 avait souhaité exclure la faculté pour le juge judiciaire de décider d’une remise en liberté sur le seul critère de l’existence de garanties de représentation suffisantes. Par la suite, l’article 55 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, relative au droit des étrangers en France, a ajouté le principe selon lequel le juge statue » sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger « .
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, a validé (considérants 29 et 30) cette limitation du contrôle du juge des libertés et de la détention. A titre d’éclairage de cette décision, il peut être relevé que le commentaire officiel sur le site du Conseil constitutionnel indique que « En excluant que l’existence de garanties de représentation de l’étranger soit à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente, le législateur a entendu mettre un terme à une jurisprudence contraire de la Cour de cassation. Celle-ci juge en effet que le [juge] peut refuser la prolongation au motif que l’étranger présente des garanties de représentation, telles qu’un billet de retour, la présence de membres de sa famille en France, une réservation d’hôtel’ Pour les requérants, cette restriction de l’office du juge judiciaire, dans sa compétence de protecteur de la liberté individuelle, méconnaissait l’article 66 de la Constitution. Si l’article 13 restreint le pouvoir d’appréciation du [juge] en lui interdisant de mettre un terme, pour certains motifs, à une mesure privative de liberté, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur pouvait, sans méconnaître l’article 66 de la Constitution, estimer que les garanties de représentation de l’étranger sont sans rapport avec l’objet de la réglementation du maintien en zone d’attente. Ainsi qu’il a déjà été dit, ce régime repose sur le postulat que l’intéressé n’est pas encore entré sur le territoire français. Dès lors, le régime de la non-admission peut lui être opposé. Au contraire, si le maintien en zone d’attente n’est pas décidé ou prolongé, l’intéressé entre sur le territoire français. Seul le régime de l’irrégularité du séjour pourra alors lui être opposé. Le législateur pouvait donc, sans méconnaître la Constitution, exclure que le critère des garanties de représentation conduise, à lui seul, à priver d’effet la décision de non-admission. »
En l’espèce, la motivation retenue par le magistrat du siège correspond à l’examen des conditions d’entrée au regard de l’article L. 311-1 du code précité, des circonstances dans lesquelles la personne a voyagé, au regard des explications données et des documents produits postérieurement à son arrivée à la frontière. Ce faisant, ces motifs critiquent en réalité la décision de placement en zone d’attente et le refus d’entrée qui en est la base légale, mais dont le contentieux échappe au juge judiciaire pour relever de la seule compétence du juge administratif, de sorte que le moyen soulevé n’était pas de nature à entraîner la remise en liberté de la personne étrangère.
Il convient donc d’infirmer l’ordonnance querellée et d’ordonner, en l’absence d’autres moyens et au regard de la régularité de la procédure quant à l’exercice effectif des droits reconnus à la personne, la prolongation du maintien en zone d’attente.
INFIRMONS l’ordonnance,
STATUANT à nouveau,
ORDONNONS la prolongation du maintien de M. [P] [M] [L] en zone d’attente de l’aéroport de [1] pour une durée de huit jours,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris, le 27 mars 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Pour information :
L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant
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