Recevabilité des conclusions tardives et respect du principe de contradiction

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Recevabilité des conclusions tardives et respect du principe de contradiction

Recevabilité des conclusions

Les articles 15 et 16 du Code de procédure civile imposent aux parties de se communiquer mutuellement, en temps utile, les moyens de fait et de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions, afin de garantir le respect du principe de la contradiction.

L’article 135 du même code précise que le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.

L’article 802 du Code de procédure civile stipule qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Ainsi, les conclusions notifiées la veille de la clôture, sans permettre à l’autre partie de répliquer, sont déclarées irrecevables.

Exécution des obligations contractuelles

L’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction applicable, énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1315 du même code impose à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver, tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait ayant produit l’extinction de son obligation.

Les contrats de sous-traitance prévoient que le sous-traitant doit remettre un mémoire définitif des travaux dans un délai de trente jours, et que l’absence de contestation de ce mémoire entraîne l’acceptation du décompte définitif.

Exception d’inexécution

L’article 1219 du Code civil permet à une partie de refuser d’exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne, à condition que cette inexécution soit suffisamment grave.

L’article 1224 précise que la résolution d’un contrat peut résulter d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice en cas d’inexécution suffisamment grave.

L’article 1231-1 impose au débiteur, en cas d’inexécution, de payer des dommages et intérêts s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Les contrats de sous-traitance stipulent que l’entrepreneur principal peut mettre en demeure le sous-traitant de remédier aux malfaçons, et que le sous-traitant supporte les conséquences de sa défaillance.

Indemnisation des préjudices

L’article 7 des contrats de sous-traitance stipule que le sous-traitant doit indemniser l’entrepreneur principal pour toutes les conséquences financières liées aux réclamations des tiers, lorsque le préjudice n’est pas réparé par l’application des pénalités de retard.

Il incombe à la partie qui invoque des préjudices de prouver leur existence et leur imputabilité, conformément à la jurisprudence qui impose au donneur d’ordre de prouver les malfaçons pour s’opposer au paiement.

Les éléments de preuve doivent être suffisants pour établir la réalité des préjudices et leur lien avec les manquements contractuels.

L’Essentiel : Les articles 15 et 16 du Code de procédure civile imposent aux parties de se communiquer mutuellement, en temps utile, les moyens de fait et de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions. L’article 135 précise que le juge peut écarter du débat les pièces non communiquées en temps utile. L’article 802 stipule qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, à peine d’irrecevabilité. Ainsi, les conclusions notifiées la veille de la clôture sont déclarées irrecevables.
Résumé de l’affaire : La société Rochefolle constructions, spécialisée dans le bâtiment et les travaux publics, a sous-traité des travaux de terrassement à la société JF construction dans le cadre de plusieurs projets immobiliers. Cependant, le 5 octobre 2016, la société JF construction a été placée en liquidation judiciaire, avec la société S21Y désignée comme liquidateur. Le 19 juin 2017, la société S21Y a mis en demeure la société Rochefolle constructions de régler 220 046,58 euros pour des factures impayées. Face à l’inaction de la société Rochefolle, la société S21Y a engagé une procédure judiciaire le 25 juillet 2018.

Le tribunal de commerce de Meaux a rendu un jugement le 2 mars 2021, condamnant la société Rochefolle constructions à payer la somme due, ainsi que des intérêts et des frais. La société Rochefolle a interjeté appel de cette décision. En réponse, la société S21Y a soulevé un incident de radiation pour non-exécution de la décision initiale.

Prétentions des parties

Dans ses conclusions, la société Rochefolle constructions a demandé l’infirmation du jugement et le déboutement de la société S21Y, tout en réclamant des frais. De son côté, la société S21Y a demandé la confirmation du jugement et a contesté l’exception d’inexécution soulevée par la société Rochefolle, arguant que cette dernière n’avait pas déclaré sa créance dans le cadre de la liquidation.

Décision de la cour

La cour a déclaré irrecevables les conclusions tardives de la société Rochefolle et a confirmé le jugement initial, condamnant cette dernière aux dépens et à verser 4 000 euros à la société S21Y pour les frais irrépétibles. La cour a également rejeté les demandes de la société Rochefolle concernant l’exception d’inexécution, considérant qu’elle n’avait pas prouvé les manquements de la société JF construction.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de l’irrecevabilité des conclusions de la société Rochefolle construction ?

La cour déclare irrecevables les conclusions de la société Rochefolle construction en raison de leur notification tardive, qui a eu lieu la veille de la clôture des débats.

Cette situation est en contradiction avec les dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile, qui stipulent que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait et de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions.

L’article 15 précise que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent ».

De plus, l’article 16 impose au juge de faire observer le principe de la contradiction, en indiquant qu’il ne peut retenir dans sa décision que les moyens et documents sur lesquels les parties ont pu débattre contradictoirement.

Ainsi, la notification tardive des conclusions a empêché la partie adverse de répondre utilement, ce qui justifie l’irrecevabilité prononcée par la cour.

Quel est le principe de la contradiction en matière de procédure civile ?

Le principe de la contradiction est fondamental en matière de procédure civile, comme le stipulent les articles 15 et 16 du code de procédure civile.

L’article 15 impose aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait et de droit, afin que chacune puisse organiser sa défense.

L’article 16, quant à lui, précise que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ». Cela signifie que le juge ne peut retenir dans sa décision que les éléments sur lesquels les parties ont pu débattre.

En conséquence, toute pièce ou conclusion déposée tardivement, comme dans le cas présent, peut être écartée du débat si elle ne permet pas à l’autre partie de répliquer en temps utile, ce qui a été constaté par la cour dans sa décision.

Quel est le rôle des contrats dans l’exécution des obligations entre les parties ?

Les contrats jouent un rôle central dans l’exécution des obligations entre les parties, comme le souligne l’article 1134 du code civil.

Cet article stipule que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements qu’elles ont pris dans le cadre de leurs contrats.

De plus, l’article 1315 du même code précise que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Ainsi, la partie qui se prétend libérée de son obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Dans le cas présent, la société S21Y a produit des décomptes généraux définitifs qui n’ont pas été contestés par la société Rochefolle, ce qui renforce la présomption d’acceptation de ces décomptes par la société Rochefolle.

Quel est le cadre juridique de l’exception d’inexécution ?

L’exception d’inexécution est régie par les articles 1219 et 1224 du code civil.

L’article 1219 stipule qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre partie n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

L’article 1224 précise que la résolution d’un contrat peut résulter soit de l’application d’une clause résolutoire, soit d’une notification du créancier au débiteur en cas d’inexécution suffisamment grave.

Dans le cas présent, la société Rochefolle prétend avoir rencontré des difficultés avec la société JF Construction, justifiant ainsi son refus de paiement. Cependant, la cour a constaté que la société Rochefolle n’a pas apporté la preuve des manquements qu’elle impute à la société JF Construction, ce qui a conduit à rejeter son exception d’inexécution.

Quel est l’impact de la déclaration de créance dans le cadre d’une procédure collective ?

La déclaration de créance est essentielle dans le cadre d’une procédure collective, comme le stipule l’article L.622-24 du code de commerce.

Cet article impose aux créanciers de déclarer leurs créances au passif de la procédure collective, sans quoi ils ne peuvent pas se prévaloir d’une compensation légale.

Dans le cas présent, la société Rochefolle n’a pas déclaré sa créance, ce qui a conduit la cour à conclure qu’elle ne pouvait pas invoquer l’exception d’inexécution.

La société S21Y a donc pu faire valoir que la société Rochefolle ne pouvait pas se prévaloir de cette exception en raison de son défaut de déclaration de créance, ce qui a été confirmé par la cour dans sa décision.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 5

ARRET DU 26 MARS 2025

(n° /2025, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04883 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJAN

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 mars 2021 -tribunal de commerce de Meaux – RG n° 2018006771

APPELANTE

S.A.S. ROCHEFOLLE CONSTRUCTIONS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 23]

[Localité 3]

Représentée à l’audience par Me Audrey FRANCO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1000

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. S21Y pris en la personne de Maître [L] [S], en sa qualité de liquidateur de la SARL JF CONSTRUCTION, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Emmanuelle BOUTIE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère,

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère,

Mme Héléne BUISSIERE, conseillère,

Greffier, lors des débats : M. Alexandre DARJ

ARRET :

– contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 12 février 2025 et prorogé jusqu’au 26 mars 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Emmanuelle BOUTIE, conseillère faisant fonction de présidente et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Rochefolle constructions qui exerce une activité dans le bâtiment et travaux publics a confié à la société JF construction la sous-traitance de travaux de terrassement et de voile contre terre dans le cadre de plusieurs chantiers :

– suivant contrat du 30 septembre 2014 dans le cadre de la construction de la résidence  » [Adresse 22]  » composé de 64 logements situé au [Adresse 2] à [Localité 12],

– suivant contrat du 20 juin 2014 concernant la construction de la Résidence [Adresse 15] composée de 86 logement et deux maisons en deux phases située [Adresse 1] à [Localité 13],

– suivant contrat du 5 mars 2014 dans le cadre de la construction de logements  » Diagonale  » à [Localité 7],

– suivant contrat du 27 janvier 2015 dans le cadre de la construction d’un immeuble de 31 logements  » [Adresse 21]  » à [Localité 10],

– suivant contrat du 21 janvier 2014 dans le cadre de la construction de la  » Résidence [Adresse 17]  » composée de 28 logements et parkings située à [Localité 20],

– suivant contrat du 30 septembre 2014 dans le cadre de la construction de la résidence  » [Adresse 9] « , ensemble immobilier de 45 logements situé à [Localité 16],

– suivant contrat du 6 février 2015 pour des travaux de terrassement concernant des travaux de démolition-construction et mises aux normes des bâtiments B et C de l’IME [6] à [Localité 19].

Le 5 octobre 2016, la société JF construction a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire auprès du tribunal de commerce de Créteil. La société S21Y a été désignée comme liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juin 2017, la société S21Y a mis la société Rochefolle constructions en demeure de lui régler la somme de 220 046,58 euros au titre de six factures impayées.

Cette mise en demeure étant restée vaine, par acte du 25 juillet 2018, la société S21Y ès qualité a assigné la société Rochefolle construction aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 220 046,58 euros au titre des factures impayées.

Par jugement du 2 mars 2021, le tribunal de commerce de Meaux a statué en ces termes :

Reçoit la société S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JF construction, en sa demande, au fond la dit bien fondée,

Reçoit la société Rochefolle constructions en ses demandes, au fond les dit mal fondées, l’en déboute,

Condamne la société Rochefolle constructions à payer à la société S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JF construction, la somme de 220 046,58 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2017,

Condamne la société Rochefolle constructions à payer à la société S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JF construction, la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision, nonobstant appel et sans caution,

Condamne la société Rochefolle constructions en tous les dépens qui comprendront le coût de l’assignation qui s’élève à 69,11 euros TTC, ainsi que les frais de greffe liquidés à 73,24 euros TTC, en ce non compris le coût des actes qui seront la suite du présent jugement auquel elle demeure également condamnée.

Le 12 mars 2021, la société Rochefolle constructions a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société S21Y, es qualités.

Le 19 juillet 2021, la société S21Y, es qualités, a saisi le conseiller de la mise en état par des conclusions d’incident de radiation faute d’exécution de la décision querellée.

Par ordonnance du 5 mars 2024, le conseiller de la mise en état a :

-constaté le désistement d’incident de radiation de la société S21Y, ès qualités et l’a déclaré parfait,

– dit n’y avoir lieu à relever d’office l’irrecevabilité des conclusions d’intimée de la société S21Y, ès qualités, notifiées le 9 novembre 2022.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2021, la société Rochefolle constructions demande à la cour de :

Déclarer la société Rochefolle constructions recevable et bien fondée en son appel à l’encontre du jugement du 2 mars 2021 ;

Infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

– débouter la société S21Y de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société S21Y à verser à la société Rochefolle constructions la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société S21Y aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, la société S21Y demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Déclarer la société Rochefolle constructions infondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution et de la compensation légale en raison du défaut de déclaration de créance au passif de la procédure, conformément aux articles L. 624-22 et R. 624-22 du code de commerce ;

En conséquence,

Débouter la société Rochefolle constructions de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner la société Rochefolle constructions à payer à la société S21Y la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Rochefolle constructions aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 3 décembre 2024, la société S21Y demande à la cour :

– d’écarter des débats comme tardives les conclusions de l’appelante du 4 novembre 2024 ;

– subsidiairement, déclarer irrecevable la demande subsidiaire formée par l’appelante aux termes de ses conclusions du 4 novembre 2024.

Dans ses conclusions notifiées le 3 décembre 2024, la société Rochefolle demande à la cour de :

– rejeter la demande de la société S21Y tendant à écarter comme tardives les conclusions d’appelante n°2 de la société Rochefolle constructions du 4 novembre

2024 ;

– déclarer recevable la demande subsidiaire formée par la société Rochefolle constructions dans ses conclusions d’appelante n°2 du 4 novembre 2024.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 5 novembre 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 4 décembre 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des conclusions n°2 de la société Rochefolle constructions

Moyens des parties

La société S21Y fait valoir que la société Rochefolle constructions, qui avait conclu au fond en juin 2021, a attendu la veille de la clôture pour conclure à nouveau et former notamment à titre subsidiaire une demande nouvelle.

Elle expose que cette notification tardive viole le respect de la contradiction tel qu’il résulte des dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile, mettant l’intimée dans l’impossibilité de répliquer.

En réponse, la société Rochefolle constructions soutient qu’elle a sollicité un report de la clôture pour permettre à la société S21Y de réponse à ses écritures et que cette dernière n’a pas soutenu sa demande.

Elle précise n’avoir produit aucune nouvelle pièce dans le cadre de la notification de ses conclusions d’appelante n°2 et que sa demande subsidiaire n’est destinée qu’à répliquer aux conclusions et pièces de l’intimée.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

Selon l’article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

L’article 135 du code de procédure civile dispose encore que le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.

Enfin, il résulte des dispositions de l’article 802 du même code qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Si, par application de l’article 802 du code de procédure civile, les pièces et conclusions déposées postérieurement à l’ordonnance de clôture doivent être d’office déclarées irrecevables, celles déposées antérieurement, y compris le jour de celle-ci, sont, en principe, recevables (Com., 4 juillet 2006, n° 04-19.577, Bull n° 164 ; Com., 5 avril 2011, n° 09-72.820 ; 3e Civ, 3 mai 2011, n° 10-18.500).

Il est toutefois fait exception à cette recevabilité lorsqu’elles sont notifiées trop tard pour que les autres parties disposent du temps nécessaire pour y répondre utilement (2e Civ., 4 mars 2004, n° 02-15.270, Bull n° 91), en méconnaissance du principe de la contradiction et des droits de la défense (1re Civ., 25 janvier 2000, n° 98-10.090) ainsi que de l’exigence de loyauté des débats (2e Civ., 8 juillet 2004, n° 00-17.615).

Le dépôt de pièces ou de conclusions la veille ou le jour de l’ordonnance de clôture ne constituant pas à lui seul une atteinte au principe de la contradiction, les juges du fond doivent donc constater l’impossibilité matérielle d’y répliquer en temps utile (2e Civ., 7 juin 2001, n° 99-21.730, Bull n° 115 ; 3e Civ., 12 juin 2002, n° 01-01.233, Bull n° 139 ; 2e Civ., 4 décembre 2003, n° 01-17.604, Bull n° 363 ; 1re Civ., 17 février 2004, n° 01-16.659, Bull n° 53 ; 2e Civ., 11 janvier 2006, n° 04-14.305 ; 3e Civ., 18 septembre 2012, n° 11-17.701 ; 2e Civ., 27 février 2014, n° 12-27.907 ; 3e Civ., 6 juin 2019, n° 18-14.070 ; 3e Civ., 16 novembre 2021, n° 20-20.381).

Au cas d’espèce, la société Rochefolle constructions, après avoir conclu pour la première fois le 8 juin 2021, a notifié ses conclusions n°2 le 4 novembre 2024 à 17h24, veille de la clôture prononcée le 5 novembre 2024 à 9h.

Alors que ces dernières écritures notifiées la veille de la clôture en fin de journée comportent une demande subsidiaire formulée aux termes d’une argumentation motivée, la partie adverse n’a pas pu disposer matériellement du temps nécessaire pour répondre utilement à ces conclusions.

En conséquence, il y a lieu de les déclarer irrecevables.

Sur la demande principale

Moyens des parties

La société Rochefolle soutient que lors de l’exécution des travaux, elle a subi des difficultés importantes avec la société JF Construction sur les chantiers de [Localité 14], [Localité 16], [Localité 11], [Localité 7] et [Localité 20] ce qui la conduit à ne pas régler en totalité les marchés sous-traités.

Elle avance que l’absence de demande de paiement de la société JF Construction démontre qu’un accord était intervenu entre les parties, une compensation légale ayant été opérée entre les dettes et les créances antérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

En réplique, la société S21Y fait valoir que la société JF Construction a fourni des décomptes généraux définitifs qui n’ont pas été contestés par la société Rochefolle constructions et que les délais de contestation sont acquis, la société Rochefolle constructions étant réputée avoir accepté ces décomptes généraux définitifs.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1315 du même code dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il résulte des éléments du dossier que plusieurs contrats de sous-traitance ont été régularisés entre les parties s’agissant des chantiers de :

– [Localité 11] suivant contrat du 30 septembre 2014,

– [Localité 13] suivant contrat du 20 juin 2014,

– [Localité 7] suivant contrat du 5 mars 2014,

– [Localité 10] suivant contrat du 27 janvier 2015,

– [Localité 20] suivant contrat du 21 janvier 2014,

– [Localité 16] suivant contrat du 30 septembre 2014,

– [Localité 19] suivant contrat du 6 février 2015.

Il résulte des dispositions de l’article 6 des contrats de sous-traitance sus-visés que :

 » Dans un délai de trente jours à compter de la réception des travaux ou de la résiliation du présent contrat, le sous-traitant remet à l’Entrepreneur principal un mémoire définitif des travaux qu’il estime lui être dus en application du contrat de sous-traitance.

Si le mémoire définitif n’est pas remis à l’Entrepreneur principal dans le délai fixé ci-dessus, ce dernier l’établit de plein droit aux frais du sous-traitant.

L’Entrepreneur principal examine le mémoire définitif et établit le décompte définitif des sommes dues en exécution du contrat de sous-traitance. Il notifie au sous-traitant ce décompte définitif dans un délai de 60 jours à compter de la réception du mémoire définitif.

Le sous-traitant dispose d’un délai de 15 jours à compter de cette notification pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles à l’Entrepreneur principal. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif « .

Au soutien de sa demande en paiement, la société S21Y produit aux débats plusieurs situations de travaux relatives aux chantiers réalisés s’agissant de :

– une situation de travaux du 31 août 2014 relative au chantier de [Localité 13]

– une situation de travaux du 17 juillet 2015 relative au chantier de [Localité 10]

– le décompte général définitif établi 13 octobre 2015 par la société Rochefolle concernant le chantier de [Localité 10],

– une situation de travaux du 19 mai 2015 concernant au chantier de [Localité 18] ainsi qu’un décompte général définitif établi le 11 septembre 2015 par la société Rochefolle pour le même chantier,

– un décompte général définitif établi le 11 mars 2015 par la société Rochefolle au titre du chantier de [Localité 16],

– un décompte général définitif établi par la société Rochefolle le 9 avril 2015 pour le chantier de [Localité 11],

– une situation de travaux du 30 juillet 2015 relative au chantier de [Localité 19],

– un décompte général définitif établi le 10 septembre 2014 par la société Rochefolle au titre du chantier de [Localité 20],

– un décompte général définitif établi le 16 septembre 2014 par la société Rochefolle au titre du chantier de [Localité 7],

– un décompte général définitif établi le 17 septembre 2014 par la société Rochefolle au titre du chantier de [Localité 8],

– une lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2017 mettant la société Rochefolle en demeure de régler la somme de 220 046,58 euros au titre des retenues de garantie et soldes impayés.

Ainsi, alors que la société Rochefolle ne conteste pas la réalisation des travaux et au regard des justificatifs produits aux débats relatifs à l’exécution des chantiers contractuellement prévus, il y a lieu de condamner la société Rochefolle à payer à la société S21Y es qualités la somme de 220 046,58 euros au titre des retenues de garantie et soldes impayés, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

Sur l’exception d’inexécution

Moyens des parties

La société Rochefolle construction soutient qu’elle a rencontré des difficultés importantes avec la société JF construction l’ayant conduite à ne pas régler en totalité les marches sous-traités.

Elle explique avoir dû imputer des moins-values sur son décompte général définitif compte tenu des retards et des fautes commises par la société JF construction.

Elle ajoute avoir dû palier la mauvaise exécution des obligations de la société JF construction et n’avoir eu d’autre choix que de ne pas régler la retenue de garantie compte-tenu du non-respect des obligations contractuelles de la société JF construction.

Enfin, l’appelante fait valoir que la société JF construction ne lui a jamais réclamé aucun paiement ce qui s’explique par l’accord existant entre les parties relatifs aux dettes et aux créances existantes de part et d’autre qui a entraîné une compensation légale avant l’ouverture du redressement judiciaire de la société JF construction intervenu le 13 juillet 2016.

En réplique, la société S21Y précise que l’appelante ne rapporte pas la preuve des manquements qu’elle impute à la société JF Construction et ne produit pas de mise en demeure adressée à la société JF Construction aux fins de reprendre elle-même ou faire reprendre les travaux imputés à la société JF Construction et ne justifie pas de la notification d’un décompte général définitif à la société JF Construction ce qui ne lui a pas permis d’émettre d’éventuelles observations sur ce décompte et sur les moins-values dont se prévaut la société Rochefolle constructions.

De plus, elle argue que la société Rochefolle constructions ne peut se prévaloir de l’exception d’inexécution alors qu’elle n’a pas déclaré sa créance au passif de la procédure collective en application de l’article L.622-24 du code de commerce de sorte qu’aucune compensation ne peut intervenir.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation alors même que celle-ci est exigible si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Aux termes de l’article 1224 du même code, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

Aux termes de l’article 1231-1 de ce code, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il résulte des dispositions de l’article 3 du contrat de sous-traitance régularisé par les parties dans son paragraphe intitulé  » Non façons et reprise des malfaçons « ,  » Lorsque des malfaçons ou non-façons sont constatées, l’Entrepreneur principal peut mettre en demeure le sous-traitant d’y remédier dans le délai qu’il impartira. Si le sous-traitant ne défère pas à cette mise en demeure, l’entrepreneur principal peut exécuter lui-même ou faire exécuter les travaux correspondants.

Le sous-traitant supportera l’intégralité des conséquences liées à sa défaillance.

Les dispositions qui précèdent n’interdisent pas à l’entrepreneur principal de prononcer la résiliation du contrat de sous-traitance conformément aux dispositions de l’article 13 ci-après.  »

Lorsque l’exécution des travaux n’est pas contestée, il appartient au donneur d’ordre de prouver les malfaçons qu’il invoque pour s’opposer au paiement (3ème Civ., 14 février 1996, pourvoi n°94-12.268, Bulletin 1996 III N°46).

Il résulte des développements précédents que la société S21Y justifie de la réalisation des travaux prévus aux contrats de sous-traitance par la société JF Rochefolle et la société Rochefolle invoque le bénéfice de l’exception d’inexécution en soutenant que les manquements de la société JF Construction ont eu des conséquences graves sur leurs relations contractuelles et sur les maîtres d’ouvrage et qu’elle n’a eu de cesse de palier les erreurs, malfaçons, inexécution et non-respect des obligations contractuelles de son sous-traitant en s’exécutant en ses lieux et place.

S’agissant du chantier situé à Chatenay Malabry, la cour, à l’instar du tribunal, relève que l’appelante ne rapporte pas la preuve de ses allégations au titre du non-respect des mesures de protection tels que le port des équipements de protection par les salariés, en l’absence de production du rapport légal de visite du chantier du coordonnateur SPS sur le non-respect des mesures de prévention, le simple courriel daté du 22 avril 2015 faisant état de la visite du coordinateur sur le chantier étant insuffisant à caractériser un manquement du sous-traitant à ce titre.

De même, elle ne justifie pas de retard dans l’exécution des travaux, le seul courriel adressé à la société JF Construction le 8 juin 2015 étant insuffisant à justifier de l’existence d’un retard en l’absence d’autres éléments objectifs produits aux débats.

En outre, s’agissant des chantiers situés à [Localité 20] et [Localité 7], si la société Rochefolle soutient avoir été contrainte de reprendre les travaux réalisés par la société JF Construction en raison de leur mauvaise exécution ou de leur inexécution partielle, les seuls courriers et photographies produits aux débats par la société Rochefolle sont insuffisantes à caractériser l’existence de manquements imputables à la société JF Construction en l’absence de tout autre élément objectif permettant d’établir la réalité et la consistance de ces derniers.

De plus, la société Rochefolle ne justifie pas d’une mise en demeure adressée à la société JF Construction aux fins de reprendre elle-même ou de faire reprendre les travaux suite aux manquements imputés au sous-traitant.

C’est donc à tort que la société Rochefolle se prévaut d’une exception d’inexécution à son profit, le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Par ailleurs, s’agissant de l’existence de préjudices causés aux tiers, invoqués par la société Rochefolle construction, l’article 7 du contrat de sous-traitance, intitulé  » Calendriers d’exécution « , dispose que  » Le sous-traitant est, en outre, tenu d’indemniser l’Entrepreneur principal de toutes les conséquences financières liées aux réclamations des tiers (‘), dès lors que le préjudice subi n’est pas réparé par l’application des pénalités de retard.

Le montant de cette indemnisation est fixé, éventuellement à titre provisionnel, lors de l’établissement du décompte définitif « .

En l’espèce, la société Rochefolle Construction invoque l’existence de dégradations commises par le sous-traitant sur les chantiers de [Localité 14], [Localité 18] et [Localité 11].

S’agissant du chantier de [Localité 18], si la société Rochefolle construction fait état de  » désagréments  » qu’elle a rencontrés avec la mairie et imputables à la société JF construction, force est de constater que le courrier de la mairie de [Localité 18] informant la société Rochefolle construction de dégradations survenues sur la voie publique n’est pas produit aux débats de sorte que le seul courrier du maître d »uvre assorti de photographies en noir et blanc et peu lisibles sont insuffisants à caractériser l’existence de dégradations commises sur la voie publique imputables à la société JF Construction.

Il en va de même concernant le chantier de [Localité 14] pour lequel la société Rochefolle invoque l’existence de dégradations sur le revêtement en granit causées par la société JF Construction. Ainsi, les courriers adressés par la société Rochefolle construction à la société JF construction faisant état de la dégradation d’un trottoir et de potelets ne sont confortés par aucun autre élément objectif produit aux débats.

En outre, s’agissant du chantier situé à [Localité 11], la société Rochefolle produit un courrier adressé le 26 mars 2015 au sous-traitant faisant état de plaintes de propriétaires de l’immeuble voisin suite à la projection de béton sur leurs vitres ayant causé des éclats et fissures mais aucune autre pièce permettant de caractériser l’existence des désordres et leur imputabilité à la société Rochefolle.

Enfin, le tribunal a justement retenu que la société Rochefolle construction ne fournit aucune mise en demeure, ni aucune facture justifiant des moins-values financières qu’elle impute à la société JF Construction, les seuls tableaux de moins-values sur les décomptes généraux définitifs fournis par elle-même ainsi que les photographies des travaux produites aux débats étant insuffisants à caractériser l’existence de ces moins-values.

Ainsi, il y a lieu de rejeter l’ensemble des demandes formulées par la société Rochefolle construction à l’encontre de la société JF Construction.

Sur les frais du procès

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, la société Rochefolle construction, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société S21Y en qualité de liquidateur de la société JF constructions la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevables les conclusions de la société Rochefolle construction notifiées le 4 novembre 2024 ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Rochefolle construction aux dépens d’appel ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Rochefolle Construction et la condamne à payer à la société S21Y en qualité de liquidateur de la société JF constructions la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,


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