Responsabilité in solidum des coobligésLa responsabilité in solidum des coobligés est régie par l’article 1200 du Code civil, qui stipule que lorsque plusieurs personnes sont tenues d’exécuter une même obligation, chacune d’elles peut être contrainte à l’exécution intégrale de cette obligation. Cette règle s’applique dans le cadre des relations contractuelles entre le maître d’œuvre et l’assistant à la maîtrise d’ouvrage, qui ont tous deux manqué à leurs obligations respectives envers le maître d’ouvrage, entraînant un préjudice financier. Obligations de conseil et d’informationLes obligations de conseil et d’information incombent aux professionnels du bâtiment, notamment en vertu de l’article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance. Cet article impose au maître d’ouvrage d’informer le maître d’œuvre de la présence de sous-traitants et de veiller à leur agrément. En l’espèce, la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine, en tant que professionnels, avaient l’obligation d’alerter l’Asl sur la nécessité d’agréer les sous-traitants afin d’éviter un risque de double paiement. Partage de responsabilitéLe partage de responsabilité entre coobligés est également encadré par le Code civil, notamment par l’article 1240, qui prévoit que la réparation du préjudice doit être proportionnelle à la faute de chacun des débiteurs. Dans cette affaire, la cour a jugé que la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine avaient contribué de manière équivalente à la réalisation du dommage, entraînant un partage de la condamnation à hauteur de moitié pour chacun. Dépens et frais irrépétiblesLes dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont régies par l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge d’allouer une indemnité à la partie qui a gagné le procès. Dans le cas présent, la cour a condamné les Sarl Candarchitectes et Courtage et Patrimoine à payer des dépens in solidum, tout en précisant que dans leurs rapports entre elles, ces condamnations seraient supportées en proportion du partage de responsabilité établi. |
L’Essentiel : La responsabilité in solidum des coobligés permet à chaque débiteur d’être contraint à l’exécution intégrale d’une obligation. Dans le cadre des relations entre le maître d’œuvre et l’assistant à la maîtrise d’ouvrage, des manquements ont entraîné un préjudice financier. Les professionnels du bâtiment doivent informer le maître d’ouvrage de la présence de sous-traitants. La cour a jugé que les Sarl Candarchitectes et Courtage et Patrimoine avaient contribué de manière équivalente au dommage, entraînant un partage de la condamnation à hauteur de moitié pour chacun.
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Résumé de l’affaire : L’affaire concerne un projet de réhabilitation d’un bâtiment en 30 logements, confié par une association à une société de construction. Cette dernière a sous-traité le lot ascenseur à une autre société, qui a émis plusieurs factures pour un montant total de 29.200 euros hors taxes. Après avoir mis en demeure la société de construction de régler ses factures, la société sous-traitante a informé l’association de son intention d’agir directement contre elle si le paiement n’était pas effectué.
La société de construction a été placée en redressement judiciaire, et la société sous-traitante a déclaré sa créance auprès du mandataire. En 2015, la société sous-traitante a assigné l’association devant le tribunal pour obtenir le paiement direct de sa créance. En parallèle, l’association a assigné le maître d’œuvre et son assureur pour garantir ses intérêts. Le tribunal a d’abord débouté la société sous-traitante de sa demande, mais celle-ci a fait appel. En mars 2020, la cour d’appel a partiellement infirmé le jugement initial, condamnant l’association à payer la société sous-traitante, en raison d’une faute de l’association qui n’avait pas mis en demeure la société de construction d’agréer le sous-traitant. En septembre 2022, le tribunal a condamné le maître d’œuvre et l’assistant à la maîtrise d’ouvrage à indemniser l’association pour un montant total de 36.418,29 euros. Les deux sociétés ont été jugées responsables in solidum, mais le tribunal a précisé que la charge de la dette serait répartie à hauteur de 30 % pour le maître d’œuvre et 70 % pour l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. Les parties ont interjeté appel, demandant la réformation du jugement. La cour a confirmé la condamnation, mais a modifié la répartition de la responsabilité, décidant que chaque partie supporterait la moitié de la dette. Les dépens ont également été répartis équitablement entre les deux sociétés. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement de la responsabilité de la Sarl Candarchitectes et de la Sarl Courtage et Patrimoine envers l’Asl ?La responsabilité de la Sarl Candarchitectes et de la Sarl Courtage et Patrimoine envers l’Asl repose sur les obligations contractuelles qui leur incombent en tant que maître d’œuvre et assistant à la maîtrise d’ouvrage. Selon l’article 1240 du Code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans ce cas, les deux sociétés ont manqué à leurs obligations de conseil et d’alerte concernant la présence de sous-traitants sur le chantier, ce qui a conduit à un double paiement. En effet, la Sarl Candarchitectes, en tant que maître d’œuvre, avait l’obligation d’informer l’Asl de la présence de sous-traitants et de s’assurer que les conditions de paiement étaient agréées. De même, la Sarl Courtage et Patrimoine, en tant qu’assistant à la maîtrise d’ouvrage, devait également alerter l’Asl sur ces questions. Ainsi, leur manquement à ces obligations a directement causé un préjudice à l’Asl, qui a dû payer des sommes dues à un sous-traitant sans avoir été informée des risques associés à cette situation. Quel est le partage de responsabilité entre la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine ?Le partage de responsabilité entre la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine a été établi par la cour en tenant compte de leurs rôles respectifs dans la réalisation du dommage. La cour a décidé que chacun des coobligés supporterait la charge finale de la condamnation in solidum à hauteur de moitié. Cela signifie que la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine sont chacune responsables à 50 % des dommages causés à l’Asl. Cette décision est conforme à l’article 2224 du Code civil, qui stipule que « la responsabilité est engagée lorsque le dommage est causé par la faute de plusieurs personnes ». En l’espèce, les deux sociétés ont contribué de manière équivalente à la réalisation du dommage, justifiant ainsi ce partage. Quel est le régime des dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile ?Concernant les dépens, la cour a confirmé que la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine supporteront in solidum les dépens de première instance et d’appel. Selon l’article 696 du Code de procédure civile, « les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties ». Dans ce cas, les deux sociétés, en tant que parties succombantes, sont tenues de payer les frais liés à la procédure. En ce qui concerne l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet d’allouer une indemnité à la partie gagnante pour couvrir ses frais d’avocat, la cour a rejeté les demandes d’indemnité formulées par la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine. Au contraire, elles sont condamnées à verser une indemnité à l’Asl, tant pour la première instance que pour l’appel, en raison de leur statut de parties perdantes. Cela reflète le principe selon lequel la partie qui succombe doit supporter les frais de la procédure, conformément à l’article 700. |
ARRÊT N° 120/25
N° RG 22/03936
N° Portalis DBVI-V-B7G-PCV2
CR – SC
Décision déférée du 30 Septembre 2022
TJ de TOULOUSE – 17/00780
S. GAUMET
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 26/03/2025
à
Me Emmanuelle DESSART
Me Sarah WICHERT
Me Sylvie ATTAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
*
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
*
ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT CINQ
*
APPELANTE
S.A.R.L. COURTAGE ET PATRIMOINE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentée par Me Vianney LE COQ DE KERLAND de l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant
INTIMEES
A.S.L. [Adresse 8]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Sarah WICHERT, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. CANDARCHITECTES
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Sylvie ATTAL de la SELAS D’AVOCATS ATCM, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. ROUGER, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
C. ROUGER, présidente
A.M. ROBERT, conseillère
S. LECLERCQ, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats N.DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. ROUGER, présidente et par M. POZZOBON, greffière
L’Asl [Adresse 8] a confié selon devis du 3/01/2011 à la Société Construction Aménagement Modulaire Cam, la réhabilitation en 30 logements d’un bâtiment dit [Adresse 8], sis [Adresse 6] [Localité 9] (31) pour un montant Ht de 1.956.966,64 € Ht.
Par contrat de sous-traitance du 2 février 2011, la société Cam a confié à la Société Sopa, aux droits de laquelle se trouve la Sas Orona Sud-ouest, le lot ascenseur, pour un montant ferme de 29.200 euros hors taxes.
Concernant l’exécution de ce lot, quatre factures ont été émises entre le 25 janvier et le 21 mai 2012 par la société Sopa à l’attention de la société Cam. Par courriers dont il a été accusé réception le 11 octobre 2012, la société Sopa a, d’une part, mis la société Cam en demeure de lui régler l’intégralité de son marché pour une somme totale de 29.200 euros hors taxes, soit 34.923,20 euros toutes taxes comprises et, d’autre part, adressé copie de cette mise en demeure à l’Asl [Adresse 8], en manifestant son intention de mettre en oeuvre l’action directe du sous-traitant envers le maître de l’ouvrage dans l’hypothèse où la société Cam ne s’acquitterait pas du montant de ses factures.
La société Cam a fait l’objet d’un placement en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux le 6 mai 2013.
Par courrier dont il a été accusé réception le 19 juin 2013, la société Sopa a déclaré auprès du mandataire de la société Cam une créance d’un montant de 29.200 euros hors taxes, soit 34.923,20 euros toutes taxes comprises.
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Par acte d’huissier du 15 avril 2015, la Sas Orona Sud-Ouest venant aux droits de la société Sopa, a fait assigner l’Asl [Adresse 8] devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins d’obtenir le paiement direct de sa créance, instance enrôlée sous le n° RG 15/2000.
Suivant acte d’huissier des 31 janvier et 14 février 2017, l’Asl a fait assigner la Sarl Candarchitectes, maître d’oeuvre titulaire d’une mission complète, et la compagnie Axa, son propre assureur, aux fins de jonction des instances et de condamnation des parties défenderesses à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, instance enrôlée sous le n° RG 17/780.
Les instances n’ont pas été jointes, l’instance principale RG n°15/2000 ayant fait l’objet d’une ordonnance de clôture rendue le 2 février 2017 et étant fixée à plaider au 3 février 2017.
Par jugement rendu le 24 mars 2017 dans l’instance RG 15/2000, le tribunal judiciaire de Toulouse a débouté la Sas Orona Sud Ouest de sa demande en paiement direct à l’encontre de l’Asl [Adresse 8]. La Sas Orona Sud Ouest a relevé appel de ce jugement.
Suivant ordonnance du 8 novembre 2018, il a été sursis à statuer sur les recours exercés par l’Asl dans l’instance RG 17/780 .
Par arrêt rendu le 9 mars 2020, la cour d’appel de Toulouse, infirmant partiellement le jugement du 24 mars 2017, a condamné l’Asl à payer à la Sas Orona Sud Ouest la somme de 28.309,40 euros Ht outre Tva en vigueur à la date du paiement, au titre du solde de son marché au motif d’une faute du maître de l’ouvrage consistant à n’avoir pas mis l’entrepreneur principal en demeure d’exécuter ses obligations de faire accepter ce sous-traitant et agréer les conditions de paiement de son contrat par le maître de l’ouvrage.
Par acte d’huissier du 7 janvier 2021, la Sarl Candarchitectes a fait délivrer assignation d’appel en cause et en garantie à la Sarl Courtage et Patrimoine. Les instances pendantes sur les recours de l’Asl (17/780) et de la Sarl Candarchitectes ont été jointes dans le cadre de la mise en état.
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Par jugement du 30 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
-rejeté l’irrecevabilité tirée de la prescription de l’action de l’Asl soulevée par la Sarl Courtage et Patrimoine,
-condamné la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine in solidum à payer à l’Asl [Adresse 8] la somme de 36.418,29euros toutes taxes comprises,
-rejeté toute demande et tout recours formés à l’encontre de la Sa Axa France Iard,
-dit que dans les rapports entre co-obligés, la charge finale de la dette sera supportée à hauteur de 30% par la Sarl Candarchitectes et de 70% par la Sarl Courtage et Patrimoine, proportions dans lesquelles il est fait droit au recours de la Sarl Candarchitectes,
-condamné la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine in solidum aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Sarah Wichert,
-condamné la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine in solidum à payer à l’Asl [Adresse 8] la somme de 3.000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit que dans les rapports entre co-obligés, la charge finale de la dette au titre des dépens et frais irrépétibles alloués à l’Asl sera supportée dans les proportions ci-dessus fixées dans lesquelles il est fait droit au recours de la Sarl Candarchitectes,
-condamné la Sarl Candarchitectes à payer à la Sa Axa France Iard la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Ecartant toute garantie de l’assureur de l’Asl, la société Axa, le premier juge a retenu qu’en qualité de maître d’oeuvre chargé d’une mission complète, la Sarl Candarchitectes n’ignorait ni la présence du sous-traitant sur le chantier de la société Cam, ni sa qualité de sous-traitant, ni l’absence d’agrément provoqué par l’entreprise principale et qu’elle devait aviser l’Asl, association non professionnelle de la construction ou de l’immobilier, tant de la présence du sous-traitant que de son obligation de mettre l’entreprise principale en demeure de le faire agréer ainsi que ses conditions de paiement tout comme des conséquences à ne pas procéder à la mise en demeure de l’entreprise principale de faire agréer son sous-traitant, susceptibles d’aboutir à un double paiement. Il a estimé que le préjudice découlant du manquement à ces obligations incluait l’ensemble des sommes que l’Asl [Adresse 8] avait dû débourser suite à ce défaut d’information.
A l’égard de la Sarl Courtage et Patrimoine, assistant à la maîtrise d’ouvrage et destinataire des comptes-rendus de chantier, il a retenu que, chargée d’une mission à caractère financier destinée à la protection des intérêts financiers du maître de l’ouvrage ayant pour objectif d’assurer le respect de l’enveloppe financière de l’opération et d’éviter tout surcoût ou dérapage du coût de l’opération, elle se devait, comme le maître d’oeuvre, d’alerter le maître de l’ouvrage de la présence d’un sous-traitant et de ses obligations quant à la mise en demeure de l’entreprise principale en vue de l’agrément du sous-traitant et des conditions de paiement de son marché et qu’il n’était pas justifié de l’accomplissement de cette obligation de conseil, estimant qu’elle devait être tenue in solidum avec le maître d’oeuvre des conséquences préjudiciables de ce manquement, mais que s’agissant de la contribution à la dette, la faute de la Sarl Courtage et Patrimoine avait eu une part prépondérante dans la survenance du dommage financier subi par l’Asl.
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Par déclaration du 10 novembre 2022, la Sarl Courtage et Patrimoine a relevé appel de toutes les dispositions de ce jugement, à l’exception de celle ayant rejeté la fin de non-recevoir qu’elle avait soulevée, intimant uniquement l’Asl [Adresse 8] et la Sarl Candarchitectes.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 juillet 2023, la Sarl Courtage et Patrimoine, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 2224 du code civil, ainsi que de l’article 16 du code de procédure civile, de :
-réformer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 30 septembre 2022,
Statuant à nouveau,
-débouter la société Candarchitectes de toutes ses demandes à l’égard de la société Courtage et Patrimoine,
-débouter l’Asl [Adresse 8] de sa demande de condamnation de la société Courtage et Patrimoine,
-rejeter l’appel incident et les demandes de la société Candarchitectes,
À titre subsidiaire,
-juger que la responsabilité de la société Courtage et Patrimoine ne saurait excéder 5 %,
En conséquence,
-condamner la société Candarchitecte à garantir et relever indemne la société Courtage et Patrimoine intégralement ou à hauteur a minima de 95 % ;
-condamner toute partie défaillante au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-les condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 juillet 2023, la société Asl [Adresse 8], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1194, 1231-3 et 1240 du code civil, de :
-confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 30 septembre 2022,
-condamner in solidum la Sarl Candarchitectes et Sarl Courtage et Patrimoine à régler à l’Asl [Adresse 8] la somme de 36.418,29 euros toutes taxes comprises,
-débouter la Sarl Courtage et Patrimoine de ses demandes,
-rejeter l’appel incident de la Sarl Candarchitecte,
-condamner tout succombant à payer la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’instance dont distraction faite au profit de Maître Sarah Wichert.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 mai 2023, la Sarl Candarchitectes, intimée, appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 1231-1 du code civil, de :
À titre principal,
-confirmer le jugement en ce qu’il a estimé que la société Courtage et Patrimoine avait commis une faute dans le cadre de l’exécution sa mission,
-réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société Candarchitectes dans une proportion de 30% à indemniser l’Asl [Adresse 8] sur un quantum de 36.418,29 euros, 3.000 euros au titre de l’article 700 du cpc et des dépens,
Statuant à nouveau,
À titre principal,
-débouter l’Asl [Adresse 8] de toutes ses demandes de condamnation de la société Candarchitectes,
-débouter la société Courtage et Patrimoine de toutes ses demandes à l’encontre de la société Candarchitectes,
Par voie de conséquence,
-mettre la société Candarchitectes hors de cause,
À titre subsidiaire,
-condamner la société Courtage et Patrimoine en sa qualité d’assistant à maître d’ouvrage à relever et garantir la société Candarchitectes en totalité de toutes éventuelles condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre en principal, frais accessoires et dépens,
À titre très subsidiaire,
-confirmer le jugement dont appel en date du 30 septembre 2022,
-condamner tous succombants à régler à la concluante une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 avril 2024 et l’affaire a été examinée à l’audience du 21 mai 2024 à 14h.
Au regard des seuls chefs de dispositif concernés par la déclaration d’appel et en l’absence d’appel incident ou provoqué sur les chefs non visés à la déclaration d’appel, la cour n’est pas saisie des dispositions du jugement concernant la société Axa France Iard, non intimée, ni de celle par laquelle le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la Sarl Courtage et Patrimoine.
1°/ Sur la responsabilité de la Sarl Candarchitectes et de la société Courtage et Patrimoine à l’égard de l’Asl [Adresse 8]
Selon contrat d’architecte du 31/01/2011, la Sarl Candarchitectes a été chargée par l’Asl du [Adresse 8] d’une mission de maîtrise d’oeuvre complète concernant l’opération de réhabilitation du Château de Cabirol en appartements, comprenant notamment la mission d’assistance pour la passation des contrats de travaux, l’organisation et la direction des réunions de chantier, la vérification de l’avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché, la vérification des situations des entrepreneurs, l’établissement des propositions de paiement, la vérification des mémoires établis par les entreprises, l’établissement du compte définitif et la proposition de règlement du solde, le constat dans les comptes-rendus de chantier par l’architecte de tout manquement de l’entrepreneur à ses obligations, et l’établissement, si nécessaire d’une mise en demeure par le maître de l’ouvrage.
Dans le cadre de l’exécution de cette mission le maître d’oeuvre était notamment tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de l’obligation d’informer ce dernier de la présence de sous-traitants et de lui conseiller de se les faire présenter, et, le cas échéant, de les agréer et de définir les modalités de règlement de leurs situations tout comme des conséquences pouvant résulter de l’absence de mise en ‘uvre de la procédure d’agrément.
Par ailleurs, selon contrat du 17/01/2011, l’Asl [Adresse 8] a confié à la Sarl Courtage et Patrimoine un contrat d’assistance à la maîtrise d’ouvrage afin de l’assister dans le suivi et la réalisation de son projet de transformation du Château, initialement à usage de clinique, en 30 logements, moyennant une rémunération conséquente de 300.379€. Selon ce contrat, l’assistant à la maîtrise d’ouvrage était notamment chargé de contresigner tous les bons de paiement établis par le maître d’oeuvre suite à la réception de chaque situation d’entreprise, cette méthode pouvant être appliquée à toute dépense qu’aurait à connaître l’Asl. Dans ce cadre la Sarl Courtage et Patrimoine en tant qu’assistant au maître de l’ouvrage, le représentant à ce titre, a par ailleurs été destinataire des comptes-rendus de chantier établis par la maîtrise d’oeuvre tels que produits au débat, à compter du 1er février 2011, et physiquement présente aux réunions de chantier à compter du 15 février 2011.
Ces comptes rendus de chantier, font clairement ressortir que la Cam, titulaire du marché, mentionnée expressément comme entreprise principale, n’avait conservé à sa charge au 5 avril 2011 que quelques lots (façades, serrurerie, revêtements de sol, parquets et Vrd), tous les autres lots, dont le lot Ascenseur confié à la Sopa, étant manifestement sous-traités. Il ne peut d’ailleurs qu’être relevé qu’il a été demandé à la Cam dès la réunion de chantier du 8 mars 2011 de transmettre les actes de sous-traitance dès réception des pièces administratives des sous-traitants (pièce15 de l’Asl), demande réitérée le 15 mars 2011 (pièce 16 de l’Asl), puis, lors de celle du 22 mars 2011, de transmettre les derniers actes de sous-traitances (pièce 17 de l’Asl), aucun des comptes-rendus suivants n’en faisant plus mention, ce qui implique que tous les contrats de sous-traitance avaient été transmis.
Il ressort de ces mentions que tant l’architecte que l’assistant à la maîtrise d’ouvrage avaient pleine connaissance, pendant le cours du chantier, du recours massif à la sous-traitance par l’entreprise principale, et particulièrement du contrat de sous-traitance confié par la Cam à la Sopa s’agissant du lot Ascenseur.
Effectivement, selon contrat de sous-traitance du 2/02/2011 produit au débat la société Construction Aménagement Modulaire (Cam), titulaire de l’ensemble du marché de travaux de réhabilitation ainsi qu’il résulte de sa facturation du 20 janvier 2012, avait confié à la Société Pyrénéennes d’Ascenseurs-Sopa le lot ascenseur pour un coût de 29.200 € Ht.
Dès lors qu’ils avaient connaissance de ce recours massif à la sous-traitance et qu’il avait été réclamé à la Cam, en cours de chantier, la production des contrats de sous-traitance, le maître d’oeuvre, au regard de sa mission complète, et l’assistant à la maîtrise d’ouvrage représentant le maître de l’ouvrage lors des réunions de chantier, tous deux amenés de surcroît à valider les situations de travaux avant paiement, devaient alerter l’Asl [Adresse 8] de la nécessité de faire procéder par la société Cam à l’agrément des sous-traitants, dont la société Sopa, afin d’éviter un risque de double paiement. L’accomplissement effectif de ce devoir d’alerte dont ces deux professionnels doivent justifier n’est pas allégué.
Le fait que l’Asl ait sollicité, selon proposition de mission du 26 juillet 2010, un cabinet d’avocat pour une mission d’assistance relative aux aspects fiscaux de la restauration de l’immeuble incluant le respect des dispositions d’urbanisme et fiscales du régime Scellier optimisé au déficit foncier, la constitution de l’Asl, l’organisation juridique des travaux, le fonctionnement de l’association syndicale libre, l’organisation et la surveillance de la gestion des comptes de l’Asl, la mise en place de la garantie financière des fonds de l’Asl, l’organisation à l’égard des sous-traitants et des risques de non-assurance, l’assistance et le suivi des dossiers éventuels de subventions, l’assistance au montage des dossiers d’assurances dommages-ouvrages, l’organisation de la réception des travaux, la rémunération de la maîtrise d’oeuvre juridique, les relations entre intervenants, à supposer que la lettre de mission y afférente ait été effectivement signée, ne dispensait ni le maître d’oeuvre chargé d’une mission complète, ni l’assistant à la maîtrise d’ouvrage contrairement à ce que ce dernier soutient, de leurs propres obligations de conseil et de mise en garde en tant que professionnels des marchés de travaux et de la conduite des chantiers à l’égard du maître de l’ouvrage, association syndicale libre, profane en ce domaine.
Le 20 janvier 2012, la société Cam facturait à l’Asl [Adresse 8] une somme de 98.055,59 € Ttc restant due au titre de la seule retenue de garantie suite à production de caution bancaire sur ses factures émises du 13/01/2011 au 13/12/2011 représentant l’intégralité de son marché. Cette somme était réglée par virement bancaire à la Cam le 24 janvier 2012 ainsi qu’il en est justifié (pièce 5 de l’Asl). Il en ressort qu’à fin décembre 2011, l’intégralité des factures inhérentes au marché confié à la Cam pour 1.859.118,31 € Ht était réglée hors retenue de garantie, celle-ci ayant été soldée par le virement du 24 janvier 2012, le lot ascenseur étant précisé réalisé à 100 % pour 38.850 € Ht (pièce 4 de l’Asl)
Un procès-verbal des opérations préalables à la réception a été établi par le maître d’oeuvre le 13/12/2011 en présence de la seule entreprise Cam, titulaire de tous les lots, concernant les parties communes et extérieurs. Il en ressort qu’à cette date deux réserves concernaient l’ascenseur à savoir la réserve 10 « ascenseur non posé », et la réserve 11 « porte d’ascenseur non posée ». Le 22/12/2011 le maître d’oeuvre proposait au maître de l’ouvrage de prononcer la réception, en retenant pour l’achèvement des travaux la date du 22/12/2011, avec réserves à lever par la société Cam avant le 15/03/2012, selon une liste dite constituée par l’annexe 1 jointe, pièce non produite. L’Asl signait ce procès verbal de réception le 22/03/2012 (pièce 3 du maître d’oeuvre).
Il est manifeste que ni à la date du 13/12, ni à celle du 22/12/2011 ni à celle du 22/03/2012 date de la signature du procès-verbal de réception avec réserves par le maître de l’ouvrage, l’ascenseur n’était installé. En effet, il ressort des factures de la Sopa adressées à la Cam et produites au débat que la fourniture et l’installation de l’ascenseur s’est réalisée entre janvier 2012 (70 % d’avancement au 25/01/2012) et le 21 mai 2012 (100 % d’avancement à cette date). Il en résulte que l’Asl avait payé au 24 janvier 2012 l’intégralité du solde des factures de l’entreprise principale, factures nécessairement validées par le maître d’oeuvre et l’assistant au maître de l’ouvrage, sans que l’ascenseur soit installé, et sans avoir été avertie à une quelconque moment au cours de la réalisation des travaux de la nécessité de faire procéder par la société Cam à l’agrément des sous-traitants, dont la société Sopa, afin d’éviter un risque de double paiement.
C’est dans ce contexte qu’assignée en paiement par la Sas Orona Sud Ouest, venant aux droits de la Sas Astrem venant elle-même aux droits de la Sas Sopa, la société [Adresse 7] a été définitivement condamnée à payer à ladite société au titre des factures du sous-traitant des 25 janvier 2012, 20 février 2012, 20 avril 2012 et 21 mai 2012 la somme totale de 28.309,40 € Ht majorée de la Tva au taux en vigueur à la date du paiement, par arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 9 mars 2020, avec intérêts légaux à la date de l’arrêt, outre une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, et ce, pour avoir manqué à ses obligations issues de l’article 14-1 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, pour s’être abstenue, en tant que maître d’ouvrage ayant eu connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant pour avoir été représentée aux réunions de chantier, de mettre en demeure l’entrepreneur principal de faire accepter le sous-traitant et agréer ses conditions de paiement. Il est justifié, qu’en exécution de cet arrêt, suite à commandement aux fins de saisie-vente du 16 septembre 2020, l’Asl a obtenu de l’huissier instrumentaire un échéancier pour le paiement de la somme totale de 36.418,29 € représentant la somme principale de 28.309,40 € Ht outre 5.661,88 € de Tva, 2000 € au titre de l’indemnité article 700 allouée, les dépens de l’instance ayant donné lieu à l’arrêt susvisé et le coût de signification du commandement.
Les condamnations ainsi prononcées et mises à exécution forcée résultant directement des propres manquements respectifs à leurs obligations du maître d’oeuvre et de l’assistant au maître d’ouvrage, le premier juge a justement condamné in solidum la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine à payer à titre de dommages et intérêts à l’Asl [Adresse 8] la somme de 36.418,29 € Ttc. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
2°/ Sur la contribution à la dette
Au regard de leurs qualités et de leurs obligations respectives, il doit être considéré que dans leurs rapports entre eux le maître d’oeuvre et l’assistant au maître d’ouvrage ont participé de manière équivalente à la réalisation de l’entier dommage, de sorte que, infirmant sur ce point le jugement entrepris, il convient de dire que chacun d’entre eux supportera la charge finale de la condamnation in solidum prononcée à hauteur de moitié.
En conséquence, il y a lieu de dire que la société Candarchitectes sera relevée et garantie des condamnations mises à sa charge au-delà de sa propre part de responsabilité à hauteur de moitié par la Sarl Courtage et Patrimoine.
3°/ Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Parties succombantes, la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine supporteront in solidum les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d’appel. Ils ne peuvent de ce fait prétendre à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de l’Asl [Adresse 8]. Ils sont au contraire redevables envers cette dernière d’une indemnité sur ce même fondement, tant au titre de la procédure de première instance, telle qu’arbitrée par le premier juge, qu’au titre de la procédure d’appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt.
Dans leurs rapports entre coobligées, ces condamnations aux dépens et frais irrépétibles seront supportées en proportion du partage de responsabilité ci-dessus instauré, soit à hauteur de moitié chacune. Au regard de cette situation, l’équité ne commande pas que soit allouée à l’une ou l’autre dans leurs rapports entre elles une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris sauf quant au partage de responsabilité entre les coobligés,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Dit que dans leurs rapports entre coobligées, les condamnations prononcées in solidum à l’encontre de la Sarl Candarchitectes et de la Sarl Courtage et Patrimoine au profit de l’Asl [Adresse 8], y compris au titre des dépens et frais irrépétibles, seront supportées à concurrence de moitié chacune,
Condamne in solidum la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à l’Asl [Adresse 8] une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
Condamne la Sarl Courtage et Patrimoine à relever et garantir la Sarl Candarchitectes des condamnations in solidum prononcées à son encontre à hauteur de moitié,
Rejette les demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile formulées par la Sarl Candarchitectes et la Sarl Courtage et Patrimoine.
La greffière La présidente
M. POZZOBON C. ROUGER
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