Responsabilité décennale et malfaçons : enjeux de la réception des travaux et de l’assurance.

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Responsabilité décennale et malfaçons : enjeux de la réception des travaux et de l’assurance.

Responsabilité décennale du constructeur

La responsabilité décennale du constructeur est régie par l’article 1792 du Code civil, qui stipule que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination. Cette responsabilité s’applique même en cas de vice du sol, et le constructeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité que s’il prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Caractère apparent des désordres

La jurisprudence précise que la réception d’un ouvrage sans réserve, malgré la présence d’un vice connu du maître de l’ouvrage, fait obstacle à l’action en garantie décennale. Le caractère apparent ou caché des désordres doit être apprécié au jour de la réception des travaux, qui correspond à l’achèvement des travaux. Cette appréciation est confirmée par l’arrêt de la Cour de cassation, Civ. 3e, 10 novembre 2016, n° 15-24.379.

Droit d’action directe de la victime contre l’assureur

L’article L. 124-3 du Code des assurances confère au tiers lésé un droit d’action directe contre l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. En matière d’assurance obligatoire, aucun plafond ni franchise n’est opposable au tiers lésé pour les dommages matériels garantis au titre de la responsabilité décennale. De plus, l’article L. 113-1 du même code stipule que les pertes et dommages causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police d’assurance.

Exclusion de garantie en matière d’assurance

Les clauses d’exclusion de garantie doivent être interprétées de manière stricte. En matière d’assurance, une clause d’exclusion ne peut produire ses effets si elle nécessite une interprétation, comme le souligne la jurisprudence (Civ. 2e, 20 janvier 2022, n° 20-10.529). Ainsi, une exclusion de garantie pour « non-exécution » des travaux ne peut être étendue à l’exécution défectueuse des travaux, sauf mention explicite dans le contrat d’assurance.

Indemnisation du préjudice matériel

Le montant de l’indemnisation pour le préjudice matériel doit être évalué sur la base des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, comme établi par l’expert judiciaire. En matière d’assurance obligatoire, aucune franchise n’est opposable au tiers lésé, ce qui renforce le droit à une indemnisation intégrale des préjudices subis.

L’Essentiel : La responsabilité décennale du constructeur est régie par l’article 1792 du Code civil, qui impose une responsabilité de plein droit pour les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage. Cette responsabilité s’applique même en cas de vice du sol. La réception d’un ouvrage sans réserve, malgré un vice connu, empêche l’action en garantie décennale. L’article L. 124-3 du Code des assurances permet au tiers lésé d’agir directement contre l’assureur, sans plafond ni franchise pour les dommages garantis.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un propriétaire d’immeuble a engagé un entrepreneur pour des travaux de réfection de la toiture d’une écurie attenante à sa maison, pour un montant total de 14 717,94 euros. Après la réalisation des travaux, le propriétaire a refusé de régler la dernière facture en raison de malfaçons et de désordres constatés. Un protocole amiable a été signé, engageant l’entrepreneur à effectuer des travaux de reprise, tandis que le propriétaire s’engageait à régler le solde.

Malgré la réception des travaux sans réserve, des infiltrations d’eau ont été constatées lors d’épisodes pluvieux ultérieurs. Une expertise a été ordonnée, révélant des malfaçons affectant la solidité de l’ouvrage. Le propriétaire a alors assigné l’entrepreneur et ses assureurs en justice pour obtenir réparation de ses préjudices, invoquant la responsabilité décennale.

Le tribunal judiciaire a condamné l’entrepreneur et ses assureurs à indemniser le propriétaire pour un montant total de 59 910,91 euros, ainsi qu’à verser 5 000 euros pour préjudice de jouissance et 4 000 euros au titre des frais de justice. Les assureurs ont interjeté appel, contestant la décision du tribunal, notamment en arguant que la garantie n’était pas mobilisable en raison de la résiliation de leur contrat d’assurance.

En appel, le tribunal a confirmé le jugement de première instance, considérant que les malfaçons étaient imputables à l’entrepreneur et que les assureurs étaient tenus de garantir les dommages. Le montant des réparations a été validé, et les assureurs ont été condamnés à payer des frais supplémentaires au propriétaire. Cette décision souligne la responsabilité des entrepreneurs en matière de construction et l’obligation des assureurs de couvrir les dommages résultant de travaux mal exécutés.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de la responsabilité du constructeur en vertu de l’article 1792 du code civil ?

La responsabilité du constructeur est régie par l’article 1792 du code civil, qui stipule que :

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Cette responsabilité est engagée même en cas de vice caché, sauf si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Il est également précisé qu’une réception prononcée sans réserve, malgré la présence d’un vice connu du maître de l’ouvrage, fait obstacle à l’action en garantie décennale.

Le caractère apparent ou caché des désordres s’apprécie au jour de la réception, qui correspond à l’achèvement des travaux.

Quel est le rôle de l’expert judiciaire dans l’évaluation des désordres ?

L’expert judiciaire a pour mission d’évaluer la matérialité des désordres affectant l’ouvrage. Dans le cas présent, l’expert a relevé plusieurs malfaçons, notamment :

– Des points d’infiltration d’eau sur la toiture,
– Des éléments de charpente mal mis en place,
– Des ouvrages de zinguerie non conformes,
– Un écran sous toiture mal installé.

Ces constatations, qui ne font l’objet d’aucune contestation par les parties, établissent que les désordres compromettent la solidité de l’ouvrage et le rendent impropre à sa destination.

L’expert a également noté que les malfaçons étaient cachées pour le maître d’ouvrage, qui n’était pas en mesure de constater les défauts de construction.

Quel est l’impact de la réception des travaux sur la responsabilité du constructeur ?

La réception des travaux, prononcée sans réserve, a des conséquences importantes sur la responsabilité du constructeur. Selon la jurisprudence, une réception sans réserve malgré la connaissance d’un vice fait obstacle à l’action en garantie décennale.

Il est établi que les désordres n’étaient pas apparents au jour de la réception des travaux réparatoires, ce qui signifie que le maître d’ouvrage ne pouvait pas les constater.

Ainsi, le jugement a confirmé que la responsabilité décennale du constructeur était engagée, car les désordres étaient cachés et n’avaient été découverts qu’à la suite d’épisodes pluvieux postérieurs à la réception.

Quel est le droit d’action directe du tiers lésé en vertu de l’article L.124-3 du code des assurances ?

L’article L.124-3 du code des assurances stipule que :

« Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. »

Cela signifie qu’un tiers, comme le maître d’ouvrage, peut directement demander réparation à l’assureur du constructeur, sans avoir à passer par le constructeur lui-même.

Il est également précisé qu’aucun plafond ni franchise n’est opposable au tiers lésé en matière d’assurance obligatoire, ce qui renforce la protection des victimes de désordres de construction.

Quel est le principe de l’exclusion de garantie en matière d’assurance ?

L’article L.113-1 du code des assurances prévoit que :

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. »

Les sociétés d’assurance ne peuvent donc se prévaloir d’une exclusion de garantie que si celle-ci est clairement stipulée dans le contrat.

Dans le cas présent, les sociétés Mma iard ont tenté d’interpréter une clause d’exclusion de garantie pour inclure les dommages résultant d’une exécution défectueuse, mais la cour a rejeté cette interprétation, considérant qu’une clause d’exclusion ne peut produire ses effets que si elle est clairement définie.

Quel est le montant du préjudice matériel retenu par le tribunal ?

Le tribunal a retenu un montant de 59 910,10 euros pour la réfection complète de la toiture, basé sur l’évaluation de l’expert judiciaire.

L’expert a établi ce montant à partir d’un devis précis, en tenant compte des travaux nécessaires pour réparer les désordres.

Les sociétés Mma iard ont contesté ce montant, arguant qu’une consultation élargie aurait permis d’obtenir des offres plus avantageuses, mais elles n’ont pas produit de devis concurrents pour étayer leur argumentation.

La cour a confirmé que l’évaluation faite par l’expert judiciaire était sérieuse et qu’aucune franchise n’était opposable au tiers lésé en matière d’assurance obligatoire.

Quel est le préjudice immatériel reconnu par le tribunal ?

Le tribunal a reconnu un préjudice immatériel de 5 000 euros en faveur du maître d’ouvrage, préjudice qui n’a pas été contesté par les sociétés Mma iard.

Ce préjudice de jouissance est lié à l’usage de l’immeuble affecté par les désordres, et le tribunal a jugé que ce montant était justifié.

Les sociétés Mma iard n’ont pas développé d’arguments pour contester l’existence ou le montant de ce préjudice, ce qui a conduit à la confirmation du jugement sur ce point.

Quel est le sort des dépens et des frais irrépétibles dans cette affaire ?

Le tribunal a condamné les parties perdantes, à savoir le constructeur et les sociétés Mma iard, aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Cet article prévoit que les dépens incluent les frais de référé et d’expertise, qui sont liés à la procédure engagée au fond.

Les sociétés Mma iard, ayant échoué dans leur recours, ont également été condamnées in solidum aux dépens de l’appel, ainsi qu’à verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

26/03/2025

ARRÊT N° 125/25

N° RG 23/02070

N° Portalis DBVI-V-B7H-PQA7

MD – SC

Décision déférée du 09 Mai 2023

TJ de ST GAUDENS – 22/00324

L. DIER

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 26/03/2025

à

Me Gilles SOREL

Me Dominique JEAY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

*

ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

*

APPELANTES

SA MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 4]

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentées par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

Représentées par Me Didier SANS, avocat au barreau de TARBES (plaidant)

INTIMES

Monsieur [X] [Z]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Dominique JEAY de la SCP JEAY & JAMES-FOUCHER, AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [N] [I]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 janvier 2025 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DEFIX,Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseillère

N. ASSELAIN, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats M. POZZOBON

ARRET :

– PAR DEFAUT

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [X] [Z] est propriétaire d’un immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 5] (31).

M. [Z] a confié à M. [N] [I], assuré auprès de la Société anonyme (Sa) Mma iard assurances mutuelles et de la Sa Mma iard, des travaux de réfection de la toiture de l’ancienne écurie attenante à sa maison d’habitation, pour un montant de 14 717,94 euros, selon devis établi le 10 juillet 2016.

Ces travaux ont donné lieu à la présentation de trois factures, s’élevant respectivement à 5.392,84 euros, 4.661,80 euros et 5.416,06 euros. M. [Z] a refusé de régler la dernière facture, relevant des désordres, malfaçons et non-conformités.

Le 11 août 2017, suite au refus opposé par M. [Z] et après avoir fait intervenir le conseil technique de son assureur, le cabinet Silex, un protocole amiable a été signé entre les parties, aux termes duquel l’entrepreneur s’est engagé à réaliser les travaux de reprise et à fournir une « note de calcul d’un bureau d’étude », et M. [Z] à régler le solde des sommes restant dues.

Un procès-verbal de réception des travaux sans réserve a été signé le 21 mai 2018.

Lors d’un épisode pluvieux, M. [Z] aurait relevé la présence d’infiltrations et constaté la survenance de désordres s’agissant de fuites se manifestant au niveau du chéneau au-dessus de la grange. Une expertise amiable a été diligentée et confiée au cabinet Silex expertise, lequel a déposé son rapport le 11 septembre 2020.

Par ordonnance du 9 juin 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Gaudens a ordonné une expertise, confiée à M. [E] [H]. Ce dernier a déposé son rapport le 22 avril 2022.

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Par actes d’huissier des 21 et 22 juin 2022, M. [X] [Z] a fait assigner M. [I] et la Sa Mma iard assurances mutuelles et la Sa Mma iard en leur qualité d’assureur, devant le tribunal judiciaire de Saint-Gaudens, aux fins d’obtenir l’indemnisation de ses divers préjudices, sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

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Par un jugement du 9 mai 2023, le tribunal judiciaire de Saint-Gaudens a :

– condamné in solidum M. [N] [I], la Mma iard assurance mutuelles et la Sa Mma iard à payer à M. [X] [Z] la somme de 59 910,910 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise,

– dit que cette somme sera actualisée sur la base du dernier indice BT01 du coût de la construction publié au jour de la présente décision, l’indice de référence étant le dernier indice publié le 22 avril 2022 et qu’elle portera intérêts au taux légal [à] compter du présent jugement,

– condamné in solidum M. [N] [I], la Mma Iard assurances mutuelles et la Sa Mma Iard à payer à M. [X] [Z] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

– condamné M. [I], la Mma iard Sa et la Mma iard assurances mutuelles à payer à M. [Z] une indemnité de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [I], la Mma iard Sa et Mme iard assurances mutuelles aux dépens, en ce compris les frais d’expertise et ceux afférents à la procédure de référé, dont distractions au profit de Maître Jeay avocat,

– rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de droit.

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Par déclaration du 9 juin 2023, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard assurances mutuelles ont relevé appel de ce jugement en ce qu’il a :

– condamné in solidum M. [N] [I], la Mma iard Assurances mutuelles et la Sa Mma iard à payer à M. [X] [Z] la somme de 59 910,91 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise,

– dit que cette somme sera actualisée sur la base du dernier indice BT01 du coût de la construction publié au jour de la présente décision, l’indice de référence étant le dernier indice publié le 22 avril 2022 et qu’elle portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– condamné in solidum M. [N] [I], la Mma iard assurances mutuelles et la Sa Mma iard à payer à M. [X] [Z] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

– condamné M. [N] [I], la Mma iard assurances mutuelles et la Sa Mma iard à payer à M. [X] [Z] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [N] [I], la Mma iard Assurances mutuelles et la Sa Mma iard aux dépens, en ce compris les frais d’expertise et ceux afférents à la procédure de référé, dont distraction au profit de Maître Jeay, avocat.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 septembre 2023, la Sa Mma iard assurances mutuelles et la Sa Mma iard, appelantes, demandent à la cour de :

– infirmer la décision du tribunal judiciaire de Saint Gaudens du 9 mai 2023 en ce qu’elle a :

‘ condamné in solidum M. [N] [I], la Mma Iard assurances mutuelles et la Sa Mma Iard à payer à M. [X] « [Z] » la somme de 59.910,91 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise,

‘ dit que cette somme sera actualisée sur la base du dernier indice BT01 du coût de la construction publié au jour de la présente décision, l’indice de référence étant le dernier indice publié le 22 avril 2022 et qu’elle portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

‘ condamné in solidum M. [N] [I], la Mma Iard assurances mutuelles et la Sa Mma Iard à payer à M. [X] « [Z] » la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

‘ condamné M. [N] [I], la Mma iard assurances mutuelles et la Sa Mma iard à payer à M. « [Z] » une indemnité de 4.000 euros au titre de l’article 700,

‘ condamné M. [N] [I], la Mma iard assurances mutuelles et la Sa Mma iard aux dépens, en ce compris les frais d’expertise et ceux afférents à la procédure de référé, dont distraction au profit de Maître Jeay, avocat,

‘ rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de droit,

Et en conséquence, s’entendre la cour,

– juger que la garantie Mma n’est pas mobilisable,

– mettre la compagnie Mma iard et Mma iard assurances mutuelles hors de cause,

– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,

– à titre subsidiaire, si la cour d’appel estimait que la compagnie Mma iard et Mma iard assurances mutuelles devait garantie, s’entendre ramener la réparation à la somme de 41.497,86 euros toutes taxes comprises, somme de laquelle sera déduite la franchise de 800 euros,

– s’entendre condamner M. [Z] aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 octobre 2023, M. [X] [Z], intimé, demande à la cour, au visa de l’article 1792 du code civil, de:

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Saint Gaudens du 9 mai 2023,

Et y ajoutant,

– condamner in solidum les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard iard et Mma iard assurances mutuelles à payer à M. [X] [Z] une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner in solidum aux entiers dépens, distraction en étant prononcée au profit de Maître Jeay, avocat, sur son affirmation de droit.

M. [N] [I], intimé, n’a pas constitué avocat, et a régulièrement reçu signification de la déclaration d’appel le 18 septembre 2023, par procès-verbal de recherches infructueuses en application des dispositions de l’article 659 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 décembre 2024. L’affaire a été examinée à l’audience du mardi 7 janvier 2025 à 14h00.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Sur la demande de condamnation de M. [I] au titre de l’article 1792 du code civil, les premiers juges ont retenu que les désordres dénoncés par M. [Z] étaient imputables à l’intervention de M. [I], assuré des sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard, que si le maître d’ouvrage avait dénoncé certaines malfaçons dans un courrier du 2 juin 2017, l’intervention postérieure de M. [I] pour les reprendre faisait obstacle à ce que leur caractère apparent soit retenu. Les premiers juges ont par ailleurs relevé que les désordres ne s’étant manifestés que tardivement à l’occasion d’épisodes pluvieux et qu’ils ne pouvaient pas être connus du maître d’ouvrage.

Les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard soutiennent que M. [Z] avait connaissance non seulement de la mauvaise exécution des travaux mais encore de leurs conséquences concernant l’étanchéité pour les avoir relevés et dénoncés dans un courrier du 2 juin 2017 adressé à M. [I].

M. [Z] sollicite dans ses dernières conclusions la confirmation du jugement au motif qu’à la date de réception, aucun désordre n’était apparent et que les infiltrations ne se sont manifestées que postérieurement.

2. Au titre de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Il est constant qu’une réception prononcée sans réserve malgré la présence d’un vice connu du maître de l’ouvrage fait obstacle à l’action en garantie décennale. Le caractère apparent ou caché des désordres s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et au jour de la réception, qui correspond pour celui-ci à l’achèvement des travaux (Civ. 3e, 10 nov. 2016, n° 15-24.379).

3. Sur la matérialité des désordres, l’expert judiciaire relève p. 16 de son rapport en date du 22 avril 2022 que l’ouvrage de M. [Z] est affecté des malfaçons suivantes :

« – La toiture présente divers points d’infiltrations d’eau (coulures visibles en plusieurs points au droit d’éléments de charpente et sur les murs)

– Plusieurs éléments et pièces de bois composant la charpente n’ont pas été correctement mis en place, et/ou sont instables, voire également sous-dimensionnés. Les travaux de confortement ne répondent pas aux règles de l’art.

– Les ouvrages de zinguerie ne sont pas conformes, notamment le couloir zinc au niveau de la noue (relevé développé insuffisants)

– Un écran sous toiture a été mis en place sans double litonnage.

– Les tuiles en rive et sur les arêtiers ne sont pas fixées et glissent, alors que la totalité de ces tuiles devraient l’être.

– Aucune tuile au niveau des premières rangées (tuiles à l’égout) n’est fixée alors que la totalité devrait l’être, ni aucune en partie courante. »

M. [H] ajoute p. 19 que les malfaçons de l’ouvrage « affectent sa solidité et sa stabilité et sont techniquement de nature à rendre l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné, voire à le porter à sa ruine ». Au regard de ces éléments, lesquels ne font l’objet d’aucune contestation par les parties, la matérialité des désordres ainsi que leur caractère décennal est établi.

4. Sur la question du caractère apparent ou non des malfaçons, il est versé au débat un courrier en date du 2 juin 2017 adressé par M. [Z] à M. [I] indiquant « à ce jour la réception du chantier n’a pas été effectué, je me permets donc de vous faire part de mes constations : chéneau pas soudé en totalité, importante eau stagnante [‘] il n’y a pas d’étanchéité des vis de fixation des tuiles, le bardage bois se décolle sur la lucarne. Les planches au-dessus de la fenêtre de la lucarne sont ajournées donc non étanche, plusieurs tuiles présentent des coups de tronçonneuse ».

Est également produit un protocole d’accord amiable daté du 13 novembre 2017 aux termes duquel M. [I] s’engage notamment « à intervenir pour reprendre les ouvrages de charpente et de couverture » et « finir les travaux de charpente » en contrepartie de quoi M. [Z] procédera au règlement du solde du marché à hauteur de 5 412,06 euros. Il résulte enfin du procès-verbal de réception du 21 mai 2018 que les travaux ont été exécutés et l’ouvrage réceptionné sans réserve.

4.1. Il ressort de ces éléments que, postérieurement au courrier du 2 juin 2017 et au protocole d’accord du 13 novembre 2017, M. [I] est à nouveau intervenu sur l’ouvrage aux fins d’achever les travaux et de remédier aux désordres qui revêtaient jusqu’alors un caractère apparent et que ce n’est qu’à la suite de ces travaux réparatoires que la réception de l’ouvrage a été prononcée.

4.2. Il ressort par ailleurs, tant des investigations de l’expert judiciaire, lesquelles l’ont notamment conduit à accéder au toit ainsi qu’à déposer certaines tuiles pour constater les désordres, que du caractère technique des vices affectant la charpente, que les malfaçons étaient cachées pour le maître d’ouvrage, profane de la construction et que ce dernier n’était pas en mesure de faire le constat de ce que les travaux de reprises avaient été mal réalisés.

4.3. En toute état de cause, il ressort du rapport d’expertise judiciaire p.5 qu’à la suite de la réception « quelques mois plus tard, lors d’un épisode pluvieux, M. [Z] constata diverses infiltrations d’eau », et du rapport d’expertise privé de la société Silex lequel mentionne que « Lors des pluies qui ont suivi, M. [Z] a constaté une fuite au niveau du chéneau au-dessus de la grange » que M. [Z] n’a pris connaissance des désordres d’infiltration qu’à l’occasion d’épisodes pluvieux postérieurs à la réception.

4.4. Dès lors, il ressort de ces constatations que les désordres dont est affecté l’immeuble n’étaient pas apparents au jour de la réception des travaux réparatoires. Le moyen tiré de leur caractère apparent sera écarté.

5. Sur l’imputabilité des désordres aux travaux réalisés par M. [I], l’expert judiciaire relève page 19 de son rapport que les malfaçons sont la conséquence de l’intervention de M. [I] et notamment :

« – une absence d’étude d’exécution, étude qui aurait dû être effectuée par Monsieur [N] [I] exerçant sous l’enseigne EIRL TC ENTREPRISE, préalablement à la réalisation des travaux, d’où des problématiques de sous-dimensionnements, de défauts d’appuis, d’assemblages etc,

– De multiples erreurs d’exécution et non-respect des règles de l’art et textes normatifs de référence de la part de Monsieur [N] [I], lors de la réalisation des ouvrages qui lui avaient été confié. »

Il est établi que les désordres sont imputables à l’intervention de M. [I], que ceux-ci rendent l’ouvrage impropre à sa destination et compromettent sa solidité, qu’ils n’étaient ni apparents ni réservés au jour de la réception de sorte qu’il y’a lieu de confirmer le jugement du 9 mai 2023 du tribunal judiciaire de Saint-Gaudens en ce qu’il a retenu la responsabilité décennale de M. [I] au visa de l’article 1792 du code civil.

6. Sur la demande de condamnation des sociétés Mma au titre de l’article L.123-4 du code des assurances, les premiers juges ont estimé qu’en qualité d’assureur décennal de M. [I], les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard ne pouvaient se prévaloir d’aucune exclusion de garantie relative aux dommages résultant d’une mauvaise exécution par leur assuré des travaux nécessaires à l’achèvement de l’ouvrage.

6.1. Les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard soutiennent que la police d’assurance souscrite par M. [I] ne couvre pas les dommages résultant d’une « non-exécution » des travaux nécessaires à l’achèvement de l’ouvrage et que ce terme s’interpréter comme comprenant également les exécutions défectueuses. Enfin les sociétés appelantes font valoir que le contrat d’assurance a été résilié le 24 septembre 2018 pour non-paiement. Elles indiquent également ne pas avoir été présentes lors de la signature du protocole.

M. [Z] soutient que l’absence des sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard au protocole d’accord est sans incidence sur leur obligation à le garantir.

6.2. L’article L. 124-3 du code des assurances dispose que le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Il est constant qu’aucun plafond ni franchise n’est opposable au tiers lésé en matière d’assurance obligatoire, couvrant les dommages matériels garantis au titre de la responsabilité décennale.

L’article L. 113-1 du même code prévoit que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

6.3. À titre liminaire, la cour relève en l’espèce que, si les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard indiquent dans leurs dernières écritures ne pas avoir participé à la signature du protocole conclu entre M. [Z] et M. [I], elles n’indiquent pas en quoi cette circonstance ferait obstacle à la mobilisation de leur garantie.

6.4. Pour justifier de l’exclusion de garantie, les sociétés appelantes versent au débat les conditions générales du contrat d’assurance souscrit par M. [I] lequel indique p. 10 que sont exclus les dommages résultants « de l’absence de travaux qui, prévus ou non au marché de l’assuré, auraient été nécessaires pour compléter la réalisation de l’ouvrage et dont la non-exécution a entrainé les dommages ». Les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard sollicitent de la cour qu’elle interprète le terme « non-exécution » de la police comme excluant également de la garantie « l’exécution défectueuse » des travaux. La Cour ne saurait toutefois suivre cette lecture dès lors qu’en matière d’assurance il est de principe qu’une une clause d’exclusion de garantie ne peut produire ses effets si elle doit être interprétée (Civ. 2e, 20 janvier 2022, n° 20-10.529), ce qui est précisément l’objet de la demande formulée par les sociétés appelantes en l’espèce.

6.5. Par ailleurs, la circonstance que le contrat d’assurance ait été résilié postérieurement à la réception des travaux est sans incidence sur la garantie des dommages matériels dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que la résiliation de la police a pris effet à compter du 24 septembre 2018. Aussi les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard étaient bien l’assureur en responsabilité décennale de M. [I] pendant toute la durée des travaux de reprise litigieux,

6.6. Dès lors il convient de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint Gaudens en ce qu’il a condamné les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard, assureur décennal de M. [I], à indemniser M. [Z] de ses préjudices.

7. Sur le quantum du préjudice matériel, le premier juge a retenu le montant fixé par l’expert judiciaire de 59 910,10 euros portant sur la réfection complète de la toiture.

7.1. Les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard font valoir que l’expert indique dans son rapport qu’une consultation élargie des entreprises aurait permis d’obtenir des offres économiquement plus avantageuses de sorte que c’est à tort que le tribunal a entériné des évaluations incertaines. Elles soutiennent par ailleurs que l’intervention de M. [I] ne concernait qu’une surface de toiture de 115 m² et que le devis proposé par l’expert judicaire fait état d’une surface supérieure. Elles sollicitent enfin de la cour qu’elle fasse application de la franchise de 800 euros prévue à la police.

M. [Z] fait valoir qu’il appartenait aux Mma de produire des devis concurrents durant les opérations d’expertises si elles estimaient le coût des travaux de reprise trop important, ce qu’elles ne font pas en l’espèce. M. [Z] indique également que l’expert s’est prononcé en toute connaissance de cause quant à l’étendue du préjudice indemnisable et que appelantes ne sont pas en mesure d’apporter la preuve de ce qu’il aurait commis une erreur.

7.2. En l’espèce, pour chiffrer le coût des réparations à la somme de 59 910,10 euros, l’expert judiciaire se fonde sur un devis n°21-130 de la Sarl Portalier Constructions du 20 octobre 2021 d’un montant de 64 205,44 euros TTC duquel il retranche la somme de 4 295,17 euros correspondant à la maintenance de l’immeuble dont le coût ne résulte pas de l’intervention de M. [I]. Il est indiqué que ce devis porte sur « la réalisation de travaux de structure et la reprise complète de la toiture de la grange ». L’expert précise que « une consultation élargie pourrait permettre d’obtenir des offres économiquement plus avantageuse ».

7.3. La cour relève à cet égard que l’expert judiciaire a fait une analyse précise du contenu de ce devis en ne retenant que les postes qui correspondent à la réparation intégrale du préjudice subi et imputable aux désordres litigieux, dont l’évaluation n’a pas été estimée comme étant disproportionnée mais pouvant seulement être soumise au jeu normal de la concurrence de telle sorte que l’évaluation faite par l’expert judiciaire doit être considérée comme une base sérieuse qu’il appartenait aux parties de discuter en proposant, le cas échéant, des devis mieux disants, ce qu’elles n’ont nullement fait et principalement les sociétés Mma qui n’apportent aucune critique pertinente au soutien de leurs prétentions à voir réduire le montant de la réparation du préjudice matériel.

7.4. Étant par ailleurs rappelé qu’aucune franchise n’est opposable au tiers lésé en matière d’assurance obligatoire, le jugement du tribunal sera confirmé en ce qu’il a retenu, la somme de 59 910,10 euros au titre du coût des travaux de reprise.

8. Sur le préjudice immatériel subi par M. [Z], le tribunal a relevé que, M. [I] et les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard, ne le contestaient ni dans son principe ni dans son montant et y a fait droit à hauteur de 5 000 euros. Il apparaît que les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard ne développe aucun moyen concernant tant l’existence de ce préjudice de jouissance dont M. [Z] s’estime victime que la garantie de ce préjudice de sorte qu’il y’a eu lieu de confirmer le jugement sur ce point.

9. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance M. [I], les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard, parties perdantes au sens de l’article 696 du code de procédure civile, en retenant à bon droit que devaient être inclus dans les dépens les frais de référé et d’expertise judiciaire exposés en lien étroit et nécessaire avec la procédure engagée au fond.

10. Échouant en leur recours, les sociétés appelantes seront condamnées in solidum aux dépens de l’appel. Elles seront également condamnées à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Gaudens le 9 mai 2023.

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard aux dépens d’appel.

Autorise, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Maître Dominique Jeay, avocat, à recouvrer directement contre les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard aux dépens ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Condamne in solidum les sociétés Mma iard assurances mutuelles et Mma iard à payer à Monsieur [X] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière Le président

M. POZZOBON M. DEFIX

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