Responsabilité décennale et garantie d’assurance en matière de construction : enjeux et implications.

·

·

Responsabilité décennale et garantie d’assurance en matière de construction : enjeux et implications.

Responsabilité décennale du constructeur

La responsabilité d’un constructeur est régie par l’article 1792 du Code civil, qui stipule que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage des dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Cette responsabilité est engagée même en cas de vice du sol, sauf si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Dans le cas présent, l’expert judiciaire a constaté des désordres affectant l’ouvrage, rendant celui-ci impropre à sa destination, ce qui engage la responsabilité décennale de l’Eurl Lopes Constructions.

Préjudice matériel et immatériel

Le préjudice matériel est évalué selon les travaux nécessaires à la reprise des désordres, conformément à l’article 1231-1 du Code civil, qui prévoit que le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution. En l’espèce, le tribunal a confirmé le montant du préjudice matériel à 11.209 euros HT, correspondant aux travaux de reprise.

Concernant le préjudice immatériel, la cour a rappelé que la société Vétérinaire Lameilhe a demandé une indemnisation pour la perte de jouissance de son activité, mais n’a pas apporté de preuve suffisante d’un préjudice financier, ce qui a conduit à la confirmation du jugement initial.

Garantie de l’assureur

L’article L124-3 du Code des assurances confère au tiers lésé un droit d’action directe contre l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. En l’espèce, l’Eurl Lopes Constructions avait souscrit un contrat d’assurance couvrant sa responsabilité décennale. Les conditions de la police d’assurance précisent que les travaux de carrelage ne sont couverts que s’ils sont accessoires à des travaux de maçonnerie.

La cour a établi que les dommages matériels affectant l’ouvrage résultent d’activités couvertes par le contrat d’assurance, ce qui oblige la Sa Axa France Iard à garantir l’Eurl Lopes Constructions pour les dommages matériels, tout en lui permettant d’appliquer une franchise pour les préjudices immatériels.

Conditions de la garantie pour dommages immatériels

La Sa Axa France Iard a contesté sa garantie pour les dommages immatériels, arguant que le contrat définit le dommage immatériel comme tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d’un droit. En l’absence de preuve d’un préjudice financier, la cour a jugé que l’assureur était fondé à refuser sa garantie pour les dommages immatériels, confirmant ainsi le jugement sur ce point.

L’Essentiel : La responsabilité d’un constructeur est engagée en cas de dommages compromettant la solidité de l’ouvrage, même en cas de vice du sol. L’expert judiciaire a constaté des désordres rendant l’ouvrage impropre à sa destination, engageant ainsi la responsabilité décennale de l’Eurl Lopes Constructions. Le préjudice matériel a été évalué à 11.209 euros HT pour les travaux de reprise. Concernant le préjudice immatériel, la société Vétérinaire Lameilhe n’a pas prouvé un préjudice financier suffisant, entraînant le rejet de sa demande d’indemnisation.
Résumé de l’affaire : Dans le cadre de la rénovation d’un chenil, la société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) Vétérinaire Lameilhe a mandaté l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Lopes Constructions pour la réfection du sol carrelé. Un devis de 9.444 euros, couvrant uniquement la main-d’œuvre, a été établi le 19 novembre 2016. Les travaux ont été facturés le 17 mars 2017, mais des désordres tels que fissures et brisures sont apparus par la suite.

Le maître d’ouvrage a assigné l’Eurl Lopes Constructions devant le tribunal de grande instance de Castres pour obtenir la désignation d’un expert, ce qui a été fait par ordonnance du 9 mai 2019. L’expert a rendu son rapport le 1er septembre 2020, confirmant la responsabilité de l’Eurl Lopes Constructions pour les désordres constatés. En conséquence, la Selarl Vétérinaire Lameilhe a assigné l’Eurl Lopes Constructions et son assureur, la Sa Axa France Iard, pour obtenir réparation de ses préjudices.

Le tribunal judiciaire de Castres a rendu un jugement le 25 mai 2023, déclarant l’Eurl Lopes Constructions entièrement responsable et condamnant in solidum l’Eurl et la Sa Axa France Iard à verser des sommes pour les travaux de reprise et le préjudice financier. La Sa Axa France Iard a interjeté appel de ce jugement, contestant notamment sa responsabilité au titre des dommages immatériels.

Dans ses conclusions, la Sa Axa France Iard a demandé l’infirmation du jugement, arguant que les travaux de carrelage n’étaient pas couverts par son contrat d’assurance. De son côté, la Selarl Vétérinaire Lameilhe a formé un appel incident, demandant une augmentation de l’indemnisation pour préjudice immatériel. L’Eurl Lopes Constructions a également demandé la confirmation du jugement en ce qui concerne la garantie de son assureur.

La cour a finalement confirmé la responsabilité de l’Eurl Lopes Constructions, tout en infirmant la garantie de la Sa Axa France Iard pour les dommages immatériels, en raison de l’absence de preuve d’un préjudice financier.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de la responsabilité de l’Eurl Lopes Constructions ?

La responsabilité de l’Eurl Lopes Constructions est engagée sur le fondement de l’article 1792 du code civil, qui stipule que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Cette responsabilité ne s’applique pas si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. Dans cette affaire, l’expert judiciaire a constaté des désordres affectant l’ouvrage, notamment des détériorations au niveau des caniveaux et du carrelage, rendant l’ouvrage impropre à sa destination.

Les désordres étant apparus après la réception des travaux, la responsabilité décennale de l’Eurl Lopes Constructions est donc engagée, comme l’a retenu le tribunal.

Quel est le montant du préjudice matériel reconnu par le tribunal ?

Le tribunal a fixé le préjudice matériel subi par la Selarl Vétérinaire Lameilhe à la somme de 11.209 euros hors taxes, correspondant aux travaux nécessaires à la reprise des désordres. Cette somme est fondée sur un devis de la société Bascoul, daté du 2 mars 2021, qui n’a pas été contesté par les parties.

L’article 1792 du code civil, qui établit la responsabilité des constructeurs, implique que les préjudices matériels doivent être réparés. Dans ce cas, le tribunal a confirmé le montant du préjudice matériel, en se basant sur des éléments probants présentés par la Selarl Vétérinaire Lameilhe.

Quel est le statut des préjudices immatériels dans cette affaire ?

Concernant les préjudices immatériels, la Selarl Vétérinaire Lameilhe a initialement demandé une indemnisation de 16.000 euros, mais le tribunal a confirmé ce montant sans réformation. L’Eurl Lopes Constructions ne conteste pas cette décision, tandis que la Selarl Vétérinaire Lameilhe a formé un appel incident pour obtenir une indemnisation de 23.000 euros.

La cour a relevé que la société Axa contestait la réalité du préjudice économique allégué, arguant que la seule attestation comptable produite ne prouvait pas l’existence d’une perte de marge nette. En l’absence de preuve d’un préjudice pécuniaire, la Sa Axa France Iard a été fondée à refuser sa garantie au titre des dommages immatériels.

Quel est le cadre juridique de la garantie de la Sa Axa France Iard ?

La garantie de la Sa Axa France Iard est régie par l’article L124-3 du code des assurances, qui dispose que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. »

Dans cette affaire, l’Eurl Lopes Constructions avait souscrit un contrat d’assurance couvrant sa responsabilité décennale. Les conditions particulières de la police précisent que les activités garanties incluent les travaux de maçonnerie et de béton, ainsi que les travaux accessoires ou complémentaires.

Il a été établi que les dommages matériels de nature décennale affectent des travaux réalisés dans le cadre d’une activité couverte par le contrat d’assurance, ce qui oblige la Sa Axa France Iard à garantir l’Eurl Lopes Constructions pour les dommages matériels, tout en pouvant opposer à son assurée la franchise contractuelle applicable.

Quel est le sort des demandes accessoires dans cette décision ?

Le jugement a confirmé que la Sa Axa France Iard et l’Eurl Lopes Constructions, parties perdantes, devaient supporter les dépens de première instance, ainsi qu’une indemnité allouée à la Selarl Vétérinaire Lameilhe au titre des frais irrépétibles.

L’article 699 du code de procédure civile stipule que « la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. » En conséquence, la Sa Axa France Iard, dont la demande principale en appel a été rejetée, doit également régler les dépens d’appel et verser des indemnités pour les frais irrépétibles d’appel, limitées à 1.000 euros, en raison de la partialité des succès des parties.

26/03/2025

ARRÊT N° 147/25

N° RG 23/02126

N° Portalis DBVI-V-B7H-PQMN

NA – SC

Décision déférée du 25 Mai 2023

TJ de CASTRES – 23/00080

D. LABORDE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 26/03/2025

à

Me Eric-Gilbert LANEELLE

Me Loïc ALRAN

Me Olivier BOONSTOPPEL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

*

ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

*

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Eric-Gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. VETERINAIRE LAMEILHE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP ALRAN PERES RENIER, avocat au barreau de TOULOUSE

E.U.R.L. LOPES CONSTRUCTION

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier BOONSTOPPEL de la SCP SCP BOONSTOPPEL LAURENT, avocat au barreau de CASTRES

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 janvier 2025 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant N. ASSELAIN, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. DEFIX, président

S. LECLERCQ, conseillère

N. ASSELAIN, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats M. POZZOBON

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière

EXPOSE DU LITIGE ET PROCEDURE

Dans le cadre de la rénovation d’un chenil, la société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) Vétérinaire Lameilhe a confié à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Lopes Constructions la réfection du sol carrelé.

L’Eurl Lopes Constructions, assurée auprès de la Sa Axa France Iard, a établi le 19 novembre 2016 un devis de réfection du sol d’un montant de 9.444 euros toutes taxes comprises, concernant uniquement la main d »uvre, les matériels étant fournis par le maître de l’ouvrage.

Les travaux ont été facturés le 17 mars 2017.

Par la suite, le maître d’ouvrage a constaté l’apparition de désordres se traduisant par des fissures, des épaufrures et des brisures au droit du caniveau.

Par acte d’huissier du 18 mars 2019, la Selarl Vétérinaire Lameilhe a assigné l’Eurl Lopes Constructions devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Castres pour obtenir la désignation d’un expert.

Par ordonnance du 9 mai 2019, le juge des référés a désigné M. [Z] [C] en qualité d’expert judiciaire. Ce dernier a déposé son rapport le 1er septembre 2020.

Par actes d’huissier des 11 et 25 octobre 2021, la Selarl Vétérinaire Lameilhe a fait assigner l’Eurl Lopes Constructions et son assureur, la Sa Axa France Iard, devant le tribunal judiciaire de Castres, pour obtenir réparation de ses préjudices.

Par jugement du 25 mai 2023, le tribunal judiciaire de judiciaire de Castres a :

– déclaré l’Eurl Lopes Constructions entièrement responsable en application de l’article 1792 du code civil,

– condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 11.209 euros hors taxes au titre des travaux de reprise,

– condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 16.000 euros au titre du préjudice financier,

– dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,

– rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires,

– condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard aux dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Alran avocat,

– condamné la compagnie Axa France Iard à garantir l’Eurl Lopes Constructions de toutes condamnations prononcées contre elle,

– dit que la Sa Axa France Iard pourra appliquer sa franchise à son assuré dans les termes et limites de la police souscrite et à la Selarl Vétérinaire Lameilhe s’agissant des préjudices immatériels,

– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

Par déclaration du 14 juin 2023, la Sa Axa France Iard a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 février 2024, la Sa Axa France Iard, appelante, demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 25 mai 2023 en ce qu’il a :

‘ condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 11.209 euros hors taxes au titre des travaux de reprise,

‘ condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 16.000 euros au titre du préjudice financier,

‘ dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,

‘ condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard, aux dépens de l’instance en ceux compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Alran, avocat,

‘ condamné la compagnie Axa France Iard à garantir l’Eurl Lopes Constructions de toutes condamnations prononcées contre elle,

‘ dit que la Sa Axa France Iard pourra appliquer sa franchise à son assuré dans les termes et limites de la police souscrite et à la Selarl Vétérinaire Lameilhe s’agissant des préjudices immatériels,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

– déclarer la compagnie Axa fondée à contester l’application de sa garantie,

En conséquence,

– débouter toutes demandes formées à l’encontre de la compagnie Axa,

– déclarer la compagnie Axa hors de cause,

– condamner la Selarl Vétérinaire Lameilhe à verser à la compagnie Axa la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction à la Selas Clamens Conseil, avocats qui est en droit de les recouvrer, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire,

si par extraordinaire l’application du contrat d’assurance souscrit auprès d’AXA était retenue,

– limiter l’indemnisation des travaux de reprise à la somme de 11.209 euros hors taxes,

– déclarer la compagnie Axa fondée fondée à contester la garantie du préjudice de jouissance,

En conséquence,

– limiter les condamnations susceptibles d’être prononcées à l’encontre de la compagnie Axa aux seuls travaux de reprise hors taxe,

– déclarer la compagnie Axa fondée à opposer la franchise contractuelle à son assuré et aux tiers dans les proportions stipulées aux conditions particulières soit :

‘ 1.332 euros au titre des dommages matériels,

‘ 1.332 euros au titre des dommages immatériels.

Au soutien de ses prétentions l’appelante fait valoir que l’Eurl Lopes Constructions s’est assurée pour une activité de maçonnerie, que les travaux litigieux avaient principalement pour objet la pose de carrelage, et que cette activité n’est couverte que si elle revêt un caractère accessoire à des travaux de maçonnerie ce qui n’était pas le cas en l’espèce de sorte que sa garantie n’est pas due.

A titre subsidiaire elle fait valoir que la Selarl Vétérinaire Lameilhe ne justifie pas d’un préjudice pécuniaire, alors que seuls les dommages immatériels de cette nature sont couverts par la police de son assuré, de sorte que sa garantie n’est pas due pour ce dommage.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 mai 2024, la Selarl Vétérinaire Lameilhe, intimée et ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa de l’article 1792 du code civil, de :

À titre principal,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Castres le 25 mai 2023, en ce qu’il a :

‘ déclaré l’Eurl Lopes Constructions entièrement responsable en application de l’article 1792 du code civil,

‘ condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 11.209 euros hors taxes au titre des travaux de reprise,

‘ dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,

‘ condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard aux dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Alran,

‘ condamné la compagnie Axa France Iard à garantir l’Eurl Lopes Constructions de toutes condamnations prononcées contre elle,

‘ dit que la Sa Axa France Iard pourra appliquer sa franchise à son assuré dans les termes et limites de la police souscrite et à la Selarl Vétérinaire Lameilhe s’agissant des préjudices immatériels,

À titre d’appel incident,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Castres le 25 mai 2023, en ce qu’il a condamné in solidum l’Eurl Lopes Constructions et la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 16.000 euros au titre du préjudice financier,

Et statuant à nouveau,

– condamner in solidum l’Eurl Lopes Constructions et son assureur, la Sa Axa France Iard au paiement d’une somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices immatériels consécutifs subis par la Selarl Vétérinaire Lameilhe,

En tout état de cause,

– condamner in solidum l’Eurl Lopes Constructions et son assureur, la Sa Axa France Iard au paiement d’une indemnité de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de l’avocat soussigné.

La Selarl Vétérinaire Lameilhe fait valoir d’une part que le marché conclu avec l’Eurl Lopes Constructions avait à titre principal pour objet des travaux de maçonnerie et que ce n’est qu’à titre accessoire que cette dernière est intervenue pour la pose du carrelage, et d’autre part que le préjudice immatériel dont elle sollicite la réparation est bien un préjudice d’exploitation de nature pécuniaire de sorte que la Sa Axa France Iard doit sa garantie.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 novembre 2023, l’Eurl Lopes Constructions, intimée, demande à la cour de :

– débouter la société Axa France Iard de son appel,

– confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a condamné la société Axa France Iard à relever et garantir l’Eurl Lopes Constructions de toutes condamnations prononcées contre elle,

Y ajoutant,

– condamner la société Axa France Iard à verser à l’Eurl Lopes Constructions la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions elle fait valoir que le chantier avait principalement pour objet des travaux de maçonnerie et que la pose du carrelage était accessoire au marché.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2025. L’affaire a été appelée à l’audience du mardi 21 janvier 2025 à 14h00.

MOTIFS

1.Sur la responsabilité de l’Eurl Lopes Constructions

Au titre de l’article 1792 du code civil tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

En l’espèce l’expert judiciaire relève p.8 de son rapport que l’ouvrage est affecté d’un certain nombre de désordres à savoir des détériorations au niveau des caniveaux ainsi que sur le carrelage, les photographies du rapport attestent de ce que le carrelage est brisé à certains endroits et l’expert précise que « les carreaux sonnent creux et ce problème est quasiment généralisé ».

Il ressort également du rapport d’expertise que les désordres sont apparus postérieurement à la réception et que les brisures au niveau du sol présentent une dangerosité telle qu’elles rendent l’ouvrage impropre à sa destination de sorte que les désordres ont une nature décennale.

L’expert indique enfin que « ces désordres relèvent des travaux de l’entreprise LOPES CONSTRUCTIONS » (p. 9) et établit ainsi un lien d’imputabilité entre les désordres et l’intervention de l’Eurl Lopes Constructions.

Aussi la responsabilité décennale de cette dernière est engagée sur le fondement de l’article 1792 du code civil, comme l’a retenu le tribunal.

2. Sur les préjudices

2.1 Sur le préjudice matériel

En l’espèce la Selarl Vétérinaire Lameilhe produit au débat un devis de la société Bascoul du 2 mars 2021 portant sur les travaux de reprise préconisés par l’expert judiciaire pour un montant de 11.209 euros HT. Cette estimation ne fait l’objet d’aucune contestation par les parties.

Aussi il y a lieu de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Castres en ce qu’il a fixé le préjudice matériel subi par la Selarl Vétérinaire Lameilhe à la somme de 11.209 euros HT correspondant aux travaux nécessaires à la reprise des désordres ci-avant exposés.

2.2 Sur le préjudice immatériel

A titre liminaire la cour relève que l’Eurl Lopes Constructions ne sollicite pas la réformation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 16.000 euros en réparation de son préjudice immatériel.

La société Vétérinaire Lameilhe, formant appel incident, demande que l’indemnisation de ses préjudices immatériels soit portée à la somme de 23.000 euros. Elle fait valoir qu’elle ne pourra plus utiliser le chenil pendant la réalisation des travaux, et produit une attestation de son expert-comptable, indiquant que la clinique vétérinaire réalise un chiffre d’affaires hors taxe hebdomadaire de 10.373 euros pour son activité de chirurgie. Elle soutient que les travaux étant prévus sur deux semaines, le préjudice s’élèvera à 16.596,80 euros (10.373 € x 2 semaines x 80%). Elle invoque également l’impossibilité d’atteindre ses objectifs d’amélioration de la qualité sanitaire et de l’image de la clinique, avant la réalisation des travaux de réparation.

La société Axa soutient que rien ne permet ne vérifier le préjudice économique allégué, qui n’a pas été invoqué devant l’expert malgré les demandes de celui-ci, alors notamment que la réalisation des travaux de reprise peut être alternée par phases afin de maintenir l’exploitation des locaux.

La seule attestation comptable produite n’établit pas l’existence d’une perte de marge nette, qui ne saurait en toute hypothèse atteindre 80 % du chiffre d’affaires. Elle n’établit pas même le principe d’un préjudice financier, alors que les travaux, dont la durée n’est pas justifiée, peuvent être effectués lors d’une période de fermeture du cabinet vétérinaire, ou selon des modalités permettant le maintien d’une activité équivalente.

Le préjudice de jouissance dont la réalité n’est pas contestable, et ses répercussions sur l’image du cabinet vétérinaire, ne sauraient par ailleurs suffire à justifier l’attribution d’une indemnité excédant celle de 16.000 euros attribuée par le tribunal.

Le jugement ne peut donc qu’être confirmé en ce qu’il a condamné l’Eurl Lopes Construction à payer à la société Vétérinaire Lameilhe la somme de 16.000 euros en réparation de son préjudice immatériel.

3. Sur la garantie de la Sa Axa France Iard

– sur l’activité garantie

L’article L124-3 du code des assurances dispose que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ».

En l’espèce l’Eurl Lopes Constructions a souscrit auprès de la Sa Axa France Iard un contrat d’assurance BT Plus couvrant sa responsabilité décennale. Les conditions particulières de la police produites au débat indiquent notamment que :

« Le présent contrat garantit la, ou les activité(s) suivante(s) :

ACTIVITES GARANTIES

Activités « Travaux » réalisées dans le domaine du Bâtiment (suivant la nomenclature FFSA d’activités des entreprises du Bâtiment et des Travaux Publics) et des travaux publics :

Activités « travaux » réalisées dans le domaine du Bâtiment

FONDATIONS, MAÇONNERIE, BETON

Maçonnerie et béton armé sauf précontrainte in situ (2.2) »

Est également produit la nomenclature FFSA qui indique au point 10 que l’activité de « Maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ » comprend notamment les travaux de :

« – enduits à base de liants hydrauliques ou de synthèse,

– ravalements en maçonnerie,

– de briquetage, pavage,

– dallage, chape,

– fondations autres que pieux, barrettes, parois moulés, palplanches, parois de soutènement autonomes et toutes autres techniques équivalentes,

Ainsi que les travaux accessoires ou complémentaires de :

[‘]

– carrelage, faïence et revêtement en matériaux durs à base minérale ».

La nomenclature précise enfin que la notion de travaux accessoires et/ou complémentaires doit s’entendre des travaux « nécessaires et indispensables à l’exécution des travaux relevant de l’activité principale définie. Ces travaux répertoriés comme accessoires ou complémentaires ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’un marché de travaux à part entière ».

Il ressort de ces éléments que la police souscrite par l’Eurl Lopes Constructions ne couvre les activités de carrelage que si elles sont l’accessoire d’un marché portant principalement sur une activité de maçonnerie et béton.

En l’espèce, est produit au débat la facture du 17 mars 2017 de l’Eurl Lopes Constructions adressé à la Selarl Vétérinaire Lameilhe qui fait état des prestations suivantes:

installation chantier 170,00 €

démolition reprise caniveau 750,00 €

dressage sol avant pose carrelage 650,00 €

modification caniveau 350,00 €

reprise caniveau 541,67 €

pose cornière inox et fourniture 580,00 €

pose carrelage selon plan 2 600,00 €

saigner passage des gaines électrique 250,00 €

dépose menuiseries et fermeture ouverture maçonnée 350,00 €

poste peinture ponçage plafond compris,

raccordement sur mur 1 350,00 €

réalisation sortie dans mur 75,00 €

pose grille sortie extérieure 56,00 €

Aussi le poste de travaux « pose de carrelage » ne correspond qu’à un montant de 2 600 euros HT sur un marché chiffré à 7.722,67 euros HT.

Par ailleurs quatre postes du marché portent sur la démolition et la modification du caniveau, le dressage du sol ainsi que la pose des cornières. Ces activités sont couvertes par la garantie pour être des activités de maçonnerie et représentent une somme de 2 871,67 HT euros, soit un montant supérieur à celui du poste carrelage.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que, tant sur le plan matériel que sur le plan économique, le marché litigieux portait à titre principal sur des activités de maçonnerie et à titre accessoire sur des travaux de carrelage.

Dès lors que les dommages matériels de nature décennale affectent des travaux réalisés dans le cadre d’une activité couverte par le contrat d’assurance, la Sa Axa France Iard doit sa garantie au titre des dommages matériels, et ne peut opposer qu’à son assurée la franchise contractuelle applicable au dommages matériels.

Le jugement est confirmé sur ces points.

– garantie des dommages immatériels

La société Axa France Iard conteste devoir sa garantie au titre des dommages immatériels. Elle fait valoir que les conditions générales du contrat définissent le dommage immatériel garanti comme ‘tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d’un droit, de l’interruption d’un service rendu par une personne ou un bien, ou de la perte d’un bénéfice’, de sorte qu’elle est fondée à limiter l’application de sa garantie aux seuls préjudices financiers. Elle soutient qu’en l’espèce la société Vétérinaire Lameilhe ne rapporte pas la preuve d’un préjudice financier, qu’elle n’a pas invoqué devant l’expert malgré les demandes de celui-ci.

Pour les motifs développés plus haut, la seule attestation de M. [X] [B], expert-comptable à [Localité 3], certifiant que la Selarl Vétérinaire Lameilhe réalise un chiffre d’affaires hors taxes hebdomadaire de 10.373 euros pour ses opérations de chirurgie, est insuffisante pour démontrer la réalité de pertes financières.

En l’absence de preuve d’un préjudice de nature pécunaire, la société Axa France Iard est fondée à refuser sa garantie au titre des dommages immatériels.

Le jugement est infirmé sur ce point.

4. Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a mis à la charge de la Sa Axa France Iard et l’Eurl Lopes Constructions, parties perdantes, les dépens de première instance outre une indemnité allouée à la Selarl Vétérinaire Lameilhe au titre des frais irrépétibles de première instance. Il est également confirmé en ce qu’il a dit que la société Axa France Iard devait garantir l’Eurl Lopes Constructions des condamnations prononcées contre elle au titre des dépens et frais irrépétibles de première instance.

La Sa Axa France Iard, dont la demande principale en appel est rejetée, doit également supporter les dépens d’appel, et régler tant à la Selarl Vétérinaire Lameilhe qu’à l’Eurl Lopes Constructions, une indemnité au titre des frais irrépétibles d’appel, limitée à 1.000 euros dès lors que chacune des parties intimées succombe également pour partie en ses prétentions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 25 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Castres, sauf en ce qu’il a:

– condamné la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 16.000 euros au titre du préjudice financier;

– dit que la Sa Axa France Iard pourra appliquer sa franchise à la Selarl Vétérinaire Lameilhe s’agissant des préjudices immatériels;

– condamné la compagnie Axa France Iard à garantir l’Eurl Lopes Constructions de toutes condamnations prononcées contre elle;

Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés et y ajoutant,

Rejette les demande formées à l’encontre de la société Axa France Iard au titre du préjudice immatériel;

Condamne la société Axa France Iard à garantir l’Eurl Lopes Constructions de toutes condamnations prononcées contre elle, à l’exclusion de celle prononcée au titre du préjudice immatériel;

Condamne la Sa Axa France Iard aux dépens d’appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par la Selas Clamens Conseil et la Scp Alran ‘ Peres ‘ Renier qui en font la demande;

Condamne la Sa Axa France Iard à payer à la Selarl Vétérinaire Lameilhe la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel;

Condamne la Sa Axa France Iard à payer à l’Eurl Lopes Constructions la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

La greffière Le président

M. POZZOBON M. DEFIX

.


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon