Normes contractuelles et dérogations : enjeux et conséquences dans les marchés de travaux.

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Normes contractuelles et dérogations : enjeux et conséquences dans les marchés de travaux.

Norme applicable aux relations contractuelles

Les relations contractuelles en matière de marché privé de travaux de bâtiment sont régies par le Cahier des Conditions Administratives Générales (CCAG) et le Cahier des Conditions Administratives Particulières (CCAP). Selon l’article 1er du CCAG, les parties peuvent déroger aux dispositions de ce dernier par le biais d’un CCAP, qui doit être cité comme pièce contractuelle pour être opposable. En l’espèce, le CCAP stipule que les pièces constitutives du marché sont énumérées par ordre de priorité, et en cas de contradiction, l’ordre de priorité prévaut.

L’article 3.3.6.6. du CCAP fixe les délais et formes applicables aux décomptes définitifs, dérogeant ainsi aux dispositions de la norme AFNOR, même si cela n’est pas expressément mentionné. Ce texte impose à l’entrepreneur de transmettre un mémoire définitif dans un délai d’un mois après réception, et en cas de non-respect, le maître d’ouvrage peut établir le mémoire aux frais de l’entrepreneur. Les délais de vérification et de validation des décomptes sont également précisés, rendant inapplicables les règles de la norme NF 03-001 en cas de dérogation expresse par le CCAP.

Comptes entre les parties

Les comptes entre les parties doivent être établis conformément aux dispositions du CCAP, qui prévoient que les travaux supplémentaires doivent faire l’objet d’un ordre de service contresigné par le maître d’ouvrage. En l’absence de tels ordres pour les travaux supplémentaires facturés, la SAS Peinture Revolta Blaudeau ne peut réclamer leur paiement. De plus, les pénalités de retard ne peuvent être appliquées sans preuve d’un retard dans l’exécution, ce qui n’est pas établi dans les documents fournis.

Les articles 5.1 et 3.3.6.6. du CCAP précisent les conditions de modification des travaux et les délais de transmission des mémoires, respectivement. En conséquence, les pénalités de retard et les travaux supplémentaires non justifiés ne peuvent être retenus dans le calcul des sommes dues.

Intérêts moratoires

Les intérêts moratoires sur les sommes dues sont calculés conformément aux dispositions de la norme NF 03-001, qui prévoit que le taux d’intérêt applicable est celui de la Banque centrale européenne (BCE) pour son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage. Cette règle s’applique à compter de la date de réception de la première mise en demeure, soit le 30 juillet 2021, en l’absence de stipulations contraires dans le CCAP.

L’article 1153 du Code civil précise que les intérêts moratoires sont dus en cas de retard dans le paiement d’une somme d’argent, et l’article 1243 du même code établit que le débiteur est tenu de payer des intérêts à compter de la mise en demeure.

L’Essentiel : Les relations contractuelles en matière de marché privé de travaux de bâtiment sont régies par le CCAG et le CCAP. Selon l’article 1er du CCAG, les parties peuvent déroger aux dispositions de ce dernier par le biais d’un CCAP. Ce dernier stipule que les pièces constitutives du marché sont énumérées par ordre de priorité. L’article 3.3.6.6. du CCAP fixe les délais et formes applicables aux décomptes définitifs, imposant à l’entrepreneur de transmettre un mémoire définitif dans un délai d’un mois après réception.
Résumé de l’affaire : L’affaire concerne un litige entre deux sociétés, la SAS MMV et la SAS Peinture Revolta Blaudeau, relatif à des travaux de bâtiment. La cour a rendu une décision le 14 janvier 2025, infirmant partiellement le jugement précédent qui avait condamné la SAS MMV à verser 30.867,88 euros à la SAS Peinture Revolta Blaudeau. La cour a statué en faveur de la SAS Peinture Revolta Blaudeau, lui accordant finalement 68.077,88 euros, avec des intérêts à compter du 30 juillet 2021.

Le litige a principalement porté sur les décomptes définitifs des travaux réalisés. La SAS Peinture Revolta Blaudeau a présenté un mémoire définitif, tandis que la SAS MMV a contesté certaines moins-values et a appliqué des pénalités de retard. La cour a examiné les pièces produites et a constaté que les décomptes n’étaient pas conformes aux stipulations du Cahier des Conditions Administratives Particulières (CCAP) convenu entre les parties.

Concernant le lot n° 13, la cour a déterminé que la SAS MMV devait 54.948,82 euros, après avoir pris en compte les moins-values et les paiements effectués. Pour le lot n° 22, le montant dû a été établi à 52.236,19 euros. En tenant compte des paiements déjà réalisés par la SAS MMV, le solde total à régler s’élevait à 68.077,88 euros.

En outre, la SAS MMV a été condamnée à payer 3.000 euros à la SAS Peinture Revolta Blaudeau au titre des frais de justice, et a également été condamnée aux dépens. La décision a été rendue publiquement, confirmant ainsi la responsabilité de la SAS MMV dans ce litige contractuel.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique des relations contractuelles entre les parties ?

Les relations contractuelles entre les parties sont régies par le Cahier des Conditions Administratives Générales (CCAG) et le Cahier des Conditions Administratives Particulières (CCAP). En matière de marché privé de travaux de bâtiments, le CCAG, notamment la norme NF 03-001, constitue un modèle de référence.

Le CCAP élaboré pour le marché en question précise que les pièces constitutives du marché sont énumérées par ordre de priorité. Cela inclut l’acte d’engagement, le CCAP et ses annexes, ainsi que le CCAG, mais avec des dérogations spécifiques.

Ainsi, l’article 1er du CCAG stipule que les clauses dérogatoires du CCAP sont opposables de plein droit, indépendamment de toute liste récapitulative. Cela signifie que les parties ont convenu de règles spécifiques qui priment sur les dispositions générales du CCAG.

Quel est le rôle des délais et des sanctions dans le CCAP ?

Le CCAP, notamment à travers son article 3.3.6.6, fixe des délais et des formes pour la transmission des mémoires définitifs. Cet article stipule que l’entrepreneur doit transmettre un mémoire définitif dans un délai d’un mois à compter de la réception.

En cas de non-respect de ce délai, le maître de l’ouvrage peut faire établir le mémoire par le maître d’œuvre aux frais de l’entrepreneur. De plus, le maître d’œuvre doit vérifier le mémoire et établir le décompte définitif dans des délais spécifiques, selon que le délai initial a été respecté ou non.

Ces dispositions, bien que favorables au maître de l’ouvrage, ne rendent pas pour autant applicables les règles de la norme NF 03-001, car les parties ont expressément dérogé à ces règles par le CCAP.

Quel est le montant dû par la SAS MMV à la SAS Peinture Revolta Blaudeau ?

Le montant dû par la SAS MMV à la SAS Peinture Revolta Blaudeau a été déterminé en fonction des comptes établis pour chaque lot. Pour le lot n° 13, le montant global s’élève à 318.000 euros TTC, avec des déductions pour moins-values et retenues, aboutissant à un solde dû de 54.948,82 euros.

Pour le lot n° 22, le montant global est de 768.000 euros TTC, avec des déductions similaires, ce qui donne un solde dû de 52.236,19 euros. En tenant compte des paiements déjà effectués, le total final dû par la SAS MMV s’élève à 68.077,88 euros.

Quel est le taux d’intérêt applicable aux sommes dues ?

Les sommes dues produiront des intérêts à compter du 30 juillet 2021, au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage.

Cette disposition est conforme aux règles établies par la norme NF 03-001, qui précise que les intérêts moratoires doivent être calculés selon le taux en vigueur au premier jour du semestre de l’année civile au cours duquel les intérêts ont commencé à courir.

Quel est le fondement des frais et dépens dans cette affaire ?

La SAS MMV, ayant succombé dans ses demandes, est condamnée aux dépens d’appel. En vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, elle doit également verser à la SAS Peinture Revolta Blaudeau la somme de 3.000 euros.

Cet article permet au juge d’accorder une indemnité à la partie qui a gagné le procès pour couvrir ses frais de justice, ce qui est justifié dans ce cas par la décision de la Cour. La demande de la SAS MMV en vertu de l’article 700 a été déboutée, confirmant ainsi la décision initiale.

NH/SL

N° Minute

1C25/149

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 25 Mars 2025

N° RG 22/01317 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HBHH

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 29 Juin 2022

Appelante

S.A.S. PEINTURE REVOLTA BLAUDEAU – P.R.B., dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE, avocats au barreau de CHAMBERY

Intimée

S.A.S. MMV VACANCES EN LIGNE, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SELARL ENOTIKO AVOCATS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée la SELARL CDMF AVOCATS, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

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Date de l’ordonnance de clôture : 28 Octobre 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 janvier 2025

Date de mise à disposition : 25 mars 2025

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Composition de la cour :

– Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,

– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

La société MMV, spécialisée dans le secteur de l’hébergement de montagne, a souhaité rénover et restructurer un ensemble immobilier destiné à accueillir un village de vacances situé dans la station de [3], sur la commune de la [Localité 4].

Elle a confié à la société Peinture Revolta Blaudeau :

– Le lot n° 13 Ravalement de façades-ITE pour un prix de 265.000 euros HT soit 318 000 euros TTC, suivant acte d’engagement en date du 10 juillet 2020,

– Le lot n° 22 Peintures intérieures pour un prix de 640.000 euros HT soit 768.000 euros TTC, suivant acte d’engagement daté du 30 juillet 2020.

Les travaux ont été réceptionnés avec réserves par procès -verbaux signés les 20 et 25 janvier et 1er mars 2021, fixant au 11 janvier la date retenue pour l’achèvement des travaux.

Estimant avoir levé les réserves, par courrier recommandé de son conseil du 23 juillet 2021, la société Peinture Revolta Blaudeau a mis en demeure la société MMV de régler sous huitaine le solde de ses mémoires, soit la somme de 142.256,11 euros TTC. Et elle a postérieurement contesté les décomptes généraux qui lui ont été adressés par le maître d’oeuvre, la société Cobalp, le 6 août 2021, limitant le montant des soldes dus à 21.430,94 euros TTC au titre du lot n° 13 et 17.676,19 euros TTC au titre du lot n° 22, soit un total de 39.107,13 euros.

Le 24 août 2021, la société MMV a versé à la société Peinture Revolta Blaudeau la somme de 39.107,13 euros conformément aux décomptes définitifs précités.

Par acte d’huissier de justice en date du 28 octobre 2021, la SAS Peinture Revolta Blaudeau a assigné la SAS MMV devant le tribunal de commerce de Chambéry aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 103.148,98 euros au titre du solde des lots n°13 et 22.

Par jugement contradictoire rendu le 29 juin 2022, le tribunal de commerce de Chambéry a :

– Condamné la société MMV à payer, en deniers ou quittances valables, à la société Peinture Revolta Blaudeau :

– la somme de 30 867,88 euros,

– les intérêts sur cette somme sur la base du taux de la BCE appliqué à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 30 juillet 2021,

– la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– les dépens ;

– Débouté les parties de toute autre demande ;

– Liquidé les frais de greffe à la somme de 69,59 euros TTC avec TVA = 20 %, comprenant les frais de mise au rôle et de la décision.

Le tribunal a notamment retenu les motifs suivants :

Les parties sont liées contractuellement et prioritairement par le cahier des clauses administratives particulières, ci-après CCAP, qu’elles ont signés le 28 juillet 2020 et non par le CCAG norme NFP 03-001 dont elles se sont partiellement affranchies de certaines règles notamment en matière d’établissement de mémoires et de décomptes définitifs ;

Au cas d’espèce, est applicable l’article 3.3.6.6 du CCAP qui ne contient aucune disposition relative à un accord tacite du maître d’ouvrage sur les mémoires de l’entrepreneur en cas de défaut de notification des DGD , et non l’article 19.6.2 alinéa 2 du CCAG norme NFP 03-001 dont se prévaut à tort la société Peinture Revolta Blaudeau pour considérer comme définitifs et tacitement acceptés ses mémoires des lots n° 13 et 22 ;

Les règles édictées à l’article 3.3.6.6 du CCAP n’ont été respectées par aucune des parties;

Les pièces produites aux débats permettent de faire les comptes entre les parties comportant plus et moins values et pénalités de retard contractuellement prévues.

Par déclaration au greffe du 13 juillet 2022, la société Peinture Revolta Blaudeau a interjeté appel de la décision en ce qu’elle a :

– Condamné la société MMV à payer, en deniers ou quittances valables, à la société Peinture Revolta Blaudeau la somme de 30.867,88 euros,

– Débouté les parties de toute autre demande.

Prétentions et moyens des parties :

Par dernières écritures du 7 avril 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Peinture Revolta Blaudeau sollicite l’infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :

Statuant de nouveau, par l’effet dévolutif de l’appel,

– Condamner la société MMV à lui verser la somme de 103.148,98 euros TTC au titre du solde des lots n° 13 et 22, en quittances ou deniers ;

– Dire et juger que cette somme portera intérêts courant à compter du 23 juillet 2021, date de la première mise en demeure, fixés selon les modalités prévues à l’article 20.6.2.1 de la norme NFP 03-001, à savoir : taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, en vigueur au premier jour du semestre de l’année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de 10 points de pourcentage ;

– Rejeter les demandes formées en voie d’appel par la société MMV à titre d’appel incident ;

– Condamner la société MMV à lui verser une somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société MMV aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :

Elle a réalisé les prestations qui lui ont été confiées au titre des lots 13 et 22 ;

La transmission tardive des mémoires définitifs soit au delà du délai d’un mois prévu à l’article 3.3.6.6 du CCAP est sans incidence dès lors que ni le CCAP, ni la norme NFP 03-001, ne prévoient que ce délai serait impératif et entraînerait l’irrecevabilité de tout mémoire ou décompte ultérieur,

Le maître d »uvre, qui aurait dû pour sa part transmettre les décomptes vérifiés à la société MMV avant le 14 mai 2021 pour validation et signification à l’entreprise, n’a respecté ni le délai fixé par le CCAP, ni la norme NFP 03 001,

Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 2 juin 2021, la société MMV n’a pas procédé à cette notification sous quinzaine,

Les décomptes qu’elle a émis doivent dès lors être considérés comme définitifs et tacitement acceptés en application de l’article 19.6.2 alinéa 2 de la norme NFP 03-001 applicable aux marchés des lots n° 13 et 22,

Le tribunal a considéré à tort que le CCAP primerait sur la norme NFP 03 001, et qu’elle ne pourrait pas se prévaloir des dispositions de l’article 19.6.2 dès lors que le CCAP n’est dérogatoire à la norme que lorsque cela est précisé en son sein ; que s’agissant des dispositions concernant l’établissement et la notification du décompte final à l’entreprise par le maître d’oeuvre et le maître de l’ouvrage, le CCAP prévoit une procédure légèrement différente de la norme mais est muet lorsque comme en l’espèce, aucun décompte final n’est notifié à l’entreprise, de sorte qu’il convient de se référer à la norme NFP 03-001,

Il ne peut être déduit du montant du solde dû, des sommes qui n’ont jamais donné lieu à contestation de la société MMV dans son DGD,

Les pénalités de retard ne peuvent être retenues faute pour le maître de l’ouvrage d’avoir contesté le mémoire définitif et réclamé les pénalités dans les délais de contestation prévues.

Par dernières écritures du 11 janvier 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société MMV demande à la cour de :

– Débouter la société Peinture Revolta Blaudeau de son appel ;

À titre d’appel incident,

– Infirmer le jugement en tant qu’il l’a condamnée à payer en deniers et quittances valables à la société Peinture Revolta Blaudeau :

– la somme de 30.867,88 euros, montant principal de la cause sus-énoncée,

– les intérêts sur cette somme sur la base du taux de la BCE appliqué à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 30 juillet 2021,

– la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– les dépens ;

– Rejeter les prétentions au fond de la société Peinture Revolta Blaudeau ;

– Condamner la société Peinture Revolta Blaudeau à lui verser une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Peinture Revolta Blaudeau aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société MMV fait notamment valoir que :

L’article 19.6.2 alinéa 2 de la norme NFP 03-001 n’est pas applicable aux marchés signés les 10 juillet 2020 au titre du lot n°13 et 30 juillet 2020 s’agissant du lot n°22,

Alors que l’article 3.3.6.6 du CCAP précise la procédure applicable pour les ‘mémoires et décomptes définitifs’ il ne prévoit pas -et aucune autre disposition ne le prévoit- d’acceptation tacite de ce décompte en cas de silence gardé par le maître de l’ouvrage sur le projet de décompte final établi par l’entrepreneur,

A supposer que la norme NFP 03-001 soit applicable, il apparaît que la société Peinture Revolta Blaudeau n’a elle-même pas respecté ces dispositions et ne peut donc se prévaloir d’un décompte définitif tacite,

Le décompte opéré par le tribunal de commerce doit être confirmé s’agissant du lot 22 mais, s’agissant du lot 13, il convient de retenir que la somme de 30.867,88 euros qui a été déduite correspondant à la somme de 29.946,29 euros TTC au titre de « la suppression des travaux de nettoyage haute pression des façades béton » et la somme de 921 € correspondant à la facture Environ’Alpes, est inférieure à 25 % du montant du marché TTC et ne peut donc être discutée par l’entreprise en application de CCAP en son article 5.1.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.

Une ordonnance du 28 octobre 2024 a clôturé la procédure. L’affaire a été plaidée à l’audience du 14 janvier 2025.
Motifs de la décision :

I – Sur la norme applicable aux relations contractuelles

Il convient de déterminer la ou les normes applicables aux relations contractuelles, les parties étant en désaccord sur ce point et les normes revendiquées fixant des contours et conséquences différents.

En matière de marché privé de travaux de bâtiments, le Cahier des Conditions Administratives Générales proposé comme modèle type par la norme NF 03-001 constitue un modèle de référence auquel les parties peuvent déroger par un Cahier des Conditions Administratives Particulières (ci-après CCAP) et n’est par ailleurs applicable que s’il est cité comme pièce contractuelle du marché.

En l’espèce, le marché a donné lieu à l’élaboration d’un CCAP qui précise que ‘Les pièces constitutives du marché sont les suivantes, par ordre de priorité :

– acte d’engagement (…)

– présent CCAP et ses annexes, les dérogations au CCAG de la Norme NFP 03-001 du mois d’octobre 017 sont indiquées dans les articles concernés

– cahier des clauses techniques particulières (…)

– le CCAG norme NFP 03-001 du mois d’octobre 2017 à l’exception des dispositions de son article 1er sur l’exigence d’une liste récapitulative insérée au dernier article du CCAP aux fins d’opposabilité des clauses dérogatoires, les clauses dérogatoires du présent CCAP étant opposables de plein droit indépendamment de toute liste récapitulative.

– (…)’ .

La liste des pièces est conclue par la mention selon laquelle l’ordre de priorité prévaut en cas de contradiction dans le contenu des pièces.

S’agissant des décomptes définitifs, le CCAP comporte un article 3.3.6.6. qui fixe les formes et délais applicables. Si cet article ne comporte pas en son sein la mention expresse de la dérogation à la norme AFNOR, il n’est pas contestable qu’il y déroge cependant en fixant notamment des délais de transmission différents.

Ce texte prévoit que :

– l’entrepreneur doit transmettre au maître d’oeuvre un mémoire définitif de ce qu’il estime lui être dû, dans le délai d’un mois à dater de la réception,

– à défaut, le maître de l’ouvrage peut, après mise en demeure restée sans effet dans les 10 jours, faire établir le mémoire par le maître d’oeuvre aux frais de l’entrepreneur,

– le maître d’oeuvre vérifie le mémoire et établit le décompte définitif :

– dans les 30 jours de la réception du mémoire si le délai d’un mois a été respecté

– dans les trois mois suivant la réception des travaux si le délai n’a pas été respecté

– le maître d’oeuvre, après validation du décompte par le maître de l’ouvrage, le signifie à l’entrepreneur,

– ce dernier a huit jours à compter de la signification pour présenter ses observations éventuelles par écrit, à défaut le décompte ne pourra plus être remis en cause et deviendra définitif

– les décomptes doivent comporter : les travaux exécutés au titre du marché de base, les diminutions pour travaux non exécutés, les travaux modificatifs et supplémentaires doivent faire référence aux ordres de service avenants, attachements, avalisés par le maître de l’ouvrage.

Ces dispositions, valablement convenues entre les parties, qui comportent des délais, des sanctions pour le non respect de partie d’entre eux, quand bien même elles seraient plus favorables au maître de l’ouvrage que la norme NF 03-001, contredisent les dispositions de l’article 19 de cette norme et la circonstance que les stipulations du CCAP ne prévoient pas de sanction en cas de non respect d’un délai par le maître d’ouvrage ou le maître d’oeuvre, ne rend pas pour autant applicable les règles de la norme à laquelle les parties ont expressément dérogé par le CCAP qu’elles ont voulu prioritaire. Seules les dispositions de l’article 3.3.6.6 du CCAP s’appliquent en conséquence s’agissant des mémoires et décomptes définitifs et les dispositions de l’article 19.6.2 de la norme NF03-001 qui prévoient une acceptation tacite du mémoire définitif à défaut de notification du décompte général définitif dans les 30 jours suivant la réception du projet de mémoire, ne peuvent dès lors être invoquées par la société Peinture Revolta Blaudeau ainsi que l’ont valablement retenu les premiers juges.

II – Sur les comptes entre les parties

Ce compte doit être opéré par la Cour au regard des pièces produites aux débats pour chaque lot, les dispositions de l’article 3.3.6.6. du CCAP bien que partiellement respectées par les parties, ne permettant néanmoins de retenir pour acquis, ni le mémoire définitif, ni le décompte définitif.

1 – S’agissant du lot n° 13, ravalement

Le montant du marché pour ce lot s’élève à 265.000 euros HT soit 318.000 euros TTC ;

La SAS Peinture Revolta Blaudeau retient, dans son mémoire définitif dont elle maintient les termes, que le décompte doit s’établir comme suit :

– Moins value selon avenant n°1 : 1.710 euros

– Moins value résultant de la facture 5882 : 4.688,71 euros

– Retenue cie Grolla : 2.293,08

– Total des règlements effectués : 250.527,57 euros

Reste dû : 58.780,64 euros.

De son côté, la SAS MMV, pour ce lot, au terme du décompte définitif transmis à Peinture Revolta Blaudeau le 6 août 2021 et qui lie son auteur, retient le décompte suivant :

– Moins value avenant n°1 du 8 décembre 2020 : 1.425 euros HT soit 1.710 euros TTC

– Moins value avenant n°2 du 4 janvier 2021 : 32.055,68 euros HT soit 38.466,81 euros TTC

– Pénalités de retard suivant LRAR du 19 novembre 2020 : 2.650 euros TTC

– Grolla : 2.293,08 euros

– Facture Environ’Alpes : 921,80 euros

– Total des règlements effectués : 250.527,57 euros

Reste dû : 21.430,94 euros

Les parties sont ainsi en désaccord sur la moins value reprise dans un avenant numéroté 2, l’imputation de la facture Environ’Alpes et les pénalités de retard.

La SAS MMV verse aux débats (pièce 6) un document intitulé avenant n°2 daté du 7 janvier 2021, qui retient une moins value de 32.055,68 euros HT correspondant à la suppression des postes 1.2, nettoyage haute pression pour 24.955,24 euros HT, 3.1 isolation pied de façade pour 2.601,09 euros HT et 4.2.2 peinture microporeuse pour 4.499,35 euros HT. Cet avenant, transmis à la société Peinture Revolta Blaudeau, n’a jamais été signé par cette dernière à la différence de l’avenant n°1. La contestation ne porte pas sur la suppression des postes 3.1 et 4.2.2 dont la suppression est acquise, la société appelante ayant émis à cet égard une facture 5882 qui effectue une compensation entre la moins value concernant ces travaux et la plus value liée à des travaux complémentaires (réalisation d’ITE sur linteau 1.365,35 euros HT et reprise d’enduit 462,48 euros HT). La société Peinture Revolta Blaudeau conteste la moins value liée au nettoyage haute pression.

Sur ce point, il convient de retenir d’abord que l’article 5.1 du CCAP ne saurait interdire à la société Peinture Revolta Blaudeau, comme le soutient à tort la SAS MMV, de contester la moins-value qu’elle considère appliquée à tort. Ce texte qui concerne l’augmentation ou la réduction ‘dans la masse des travaux’ interdit à l’entrepreneur se voyant imposer des modifications du marché limitées à +/- 25%, de modifier les coûts unitaires, réclamer une indemnité, ou élever réclamation. La société Peinture Revolta Blaudeau ne conteste pas une décision de suppression du poste nettoyage haute-pression mais soutient qu’elle a effectué ces travaux et en réclame paiement et sa demande ne se heurte donc pas à l’interdiction définie par le CCAP

Au fond ensuite, aucun des éléments versés aux débats ne permet à soi seul à la Cour de s’assurer que cette prestation a été ou non réalisée ; les comptes rendus de chantier n’en font ainsi pas mention ; il apparaît cependant que si sur la situation de travaux n°3 en date du 23 novembre 2020, le maître d’oeuvre a supprimé ce poste, tel n’est pas le cas sur la situation n°2 du 16 octobre 2020 qui fait apparaître une réalisation partielle qui ne fait l’objet d’aucun refus, le maître d’oeuvre autorisant au contraire le paiement du montant intégral issu de cette situation de travaux n°2, ce qui, sans constituer seul la preuve de la réalisation des travaux, s’ajoute à l’absence de signature de l’avenant, à l’absence de mention sur les comptes rendus de chantier et permet à la Cour de retenir que les travaux de nettoyage haute-pression, contractuellement prévus, ont été réalisés et doivent être réglés.

Le CCAP prévoit que les travaux supplémentaires ne peuvent être pris en considération et réglés que dans la mesure où ils ont fait l’objet d’un ordre de service délivré par le maître d’oeuvre et contresigné par le maître de l’ouvrage préalablement à sa délivrance.

Les travaux supplémentaires facturés par la société Peinture Revolta Blaudeau sur sa facture 5882 ne répondent pas à ces exigences et ne peuvent être retenus au titre des sommes dues étant observés que le DGD émis par MMV ne les intègre pas, le montant des travaux visé à ce décompte étant le montant convenu initialement.

La facture Environ’Alpes qui porte sur une prestation de nettoyage des parties communes et SPA, manifestement après réception, s’élève à un montant global de 2 304 euros dont la société MMV impute 921,60 euros à la société Peinture Revolta Blaudeau. Le CCAP prévoit que le nettoyage du chantier incombe à chaque entrepreneur à l’issue de son intervention et ne prévoit pas au nombre des prestations listées et pouvant être portées au compte prorata, le ménage de fin de chantier. Ni le mode de répartition entre les lots, ni la conformité de cette imputation au CCAP, ni l’absence de nettoyage par PRB ayant contraint au recours à une entreprise tierce, ne sont justifiés et la société MMV ne peut donc ajouter au montant forfaitaire des travaux pour lequel elle s’est contractuellement engagée, une somme complémentaire non justifiée.

Concernant les pénalités de retard, elles supposent par essence qu’un retard dans l’exécution puisse être constaté. Il apparaît cependant que si les comtes-rendus de chantier des 6 août 2020 et 1er octobre 2020, font état de retard, ils ne quantifient nullement le retard ni ne précise l’éventualité d’intempérie, retard qui ne peut être vérifié par la cour en l’absence de communication du calendrier détaillé d’exécution. Aucun des documents versés aux débats ne comporte de date butoir ou de délai d’exécution en jours/mois… Dans ces conditions et sans que l’absence de contestation de la SAS Peinture Revolta Blaudeau à réception du courrier du 19 novembre 2020 puisse être considérée comme un acquiescement, la société MMV ne peut valablement revendiquer les pénalités de retard qu’elle a appliquées.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les comptes entre les parties au titre du lot n°13 s’établissent comme suit :

– Montant global : 318.000 euros TTC

A déduire :

– Moins value selon avenant n°1 : 1.710 euros

– Moins value pour travaux non exécutés (3.1 isolation pied de façade pour 3.121,31 euros TTC et 4.2.2 peinture microporeuse pour 5.399,22 euros TTC) : 8.520,53 euros

– Retenue cie Grolla : 2.293,08

– Total des règlements effectués : 250.527,57 euros

Total dû par la SAS MMV : 54.948,82 euros. Le solde dû, après prise en compte du paiement opéré par la SAS MMV à hauteur de 21.430,94 euros, s’élève à 33.517,88 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

2 – S’agissant du lot n° 22, peintures intérieures

Le montant du marché pour ce lot s’élève à 640.000 euros HT soit 768.000 euros TTC.

La SAS Peinture Revolta Blaudeau retient, dans son mémoire définitif dont elle maintient les termes, que le décompte doit s’établir comme suit :

– Moins value selon avenant n°1 : 74.104,50 euros

– Moins value selon avenant n°2 : 8.286,95 euros

– Plus value selon avenant n°3 : + 940,09 euros

– Plus value selon facture 5878 : 8.511,77 euros

– Plus value selon facture 5879 : 19.244,03 euros

– Plus value selon facture 5880 : 3.483,48 euros

– Total des règlements effectués : 634.312,45 euros

Reste dû : 83.475,47 euros.

De son côté, la SAS MMV, pour ce lot, au terme du décompte définitif transmis à Peinture Revolta Blaudeau le 6 août 2021 et qui lie son auteur, retient le décompte suivant :

– Moins value selon avenant n°1 : 74.104,50 euros

– Moins value selon avenant n°2 : 8.286,95 euros

– Plus value selon avenant n°3 : + 940,09 euros

– Pénalités de retard suivant LRAR du 19 novembre 2020 : 34.560 euros

– Total des règlements effectués : 634.312,45 euros

Reste dû : 17.676,19 euros

Les parties sont ainsi en désaccord sur la plus value correspondant aux factures 5878, 5879 et 5880 et sur les pénalités de retard.

S’agissant des factures, il peut être constaté qu’alors que celle ayant donné lieu à l’avenant n°3, facture 12556 du 5 novembre 2020, est accompagnée d’une fiche de travaux modificatifs validée par le maître d’ouvrage et a donc été reprise dans un avenant, aucune fiche de travaux modificatifs n’est produite concernant les factures 5878, 5879 et 5880 et il n’est en conséquence pas justifié du respect des clauses du CCAP en la matière, la conséquence étant pour l’entrepreneur l’impossibilité d’être réglé. La SAS Peinture Revolta Blaudeau ne peut réclamer paiement de ces trois factures.

Concernant les pénalités de retard, les développements qui précèdent pour le lot n°13 trouvent également à s’appliquer pour le lot n°22 avec la même conséquence d’impossibilité pour la SAS MMV d’imputer les pénalités sur le solde dû.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les comptes entre les parties au titre du lot n°22 s’établissent comme suit :

– Montant global : 768.000 euros TTC

A ajouter,

– Plus value selon avenant n°3 : 940,09 euros TTC

A déduire,

– Moins value selon avenant n°1 : 74.104,50 euros

– Moins value selon avenant n°2 : 8.286,95 euros

– Total des règlements effectués : 634.312,45 euros

Total dû par la SAS MMV : 52.236,19 euros. Le solde dû, après prise en compte du paiement opéré par la SAS MMV à hauteur de 17.676,19 euros, s’élève à 34.560,00 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

La société MMV sera condamnée au paiement des sommes ainsi déterminées soit un total de 68.077,88 euros en exécution des marchés de travaux correspondant aux lots 13 et 22.

Ces sommes produiront intérêts conformément aux dispositions de la norme NF 03-001 en l’absence de dispositions sur ce point dans le CCAP, soit au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, en vigueur au premier jour du semestre de l’année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de 10 points de pourcentage et ce à compter du 30 juillet 2021, date de réception de la première mise en demeure.

III – Sur les frais et dépens

La SAS MMV qui succombe, supportera les dépens d’appel et versera à la SAS Peinture Revolta Blaudeau la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, sa propre demande de ce chef ne pouvant prospérer.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné la SAS MMV aux dépens et à une indemnité procédurale.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SAS MMV à payer, en deniers ou quittances valables, à la SAS Peinture Revolta Blaudeau, la somme de 30.867,88 euros outre intérêts sur cette somme sur la base du taux de la BCE appliqué à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 30 juillet 2021,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS MMV à payer à la SAS Peinture Revolta Blaudeau la somme de 68.077,88 euros,

Dit que cette somme produira intérêts à compter du 30 juillet 2021, au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, en vigueur au premier jour du semestre de l’année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de 10 points de pourcentage,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SAS MMV à payer à la SAS Peinture Revolta Blaudeau la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Déboute la SAS MMV de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la SAS MMV aux dépens.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 25 mars 2025

à

la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE

la SELARL ENOTIKO AVOCATS

Copie exécutoire délivrée le 25 mars 2025

à

la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE

la SELARL ENOTIKO AVOCATS


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