Irrecevabilité des demandes nouvelles en appelLes demandes de provision et tendant à un délai de prévenance formulées en appel sont considérées comme nouvelles et, par conséquent, irrecevables. Cette règle est fondée sur l’article 564 du code de procédure civile, qui stipule qu’à peine d’irrecevabilité, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, sauf dans des cas spécifiques tels que l’opposition de compensation ou la survenance d’un fait nouveau. Conditions de recevabilité des prétentions en appelL’article 565 du code de procédure civile précise que les prétentions ne sont pas nouvelles si elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. De plus, l’article 566 du même code indique que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que des demandes accessoires, conséquences ou compléments nécessaires. En l’espèce, les appelantes ont présenté des demandes qui n’avaient pas été soumises au juge de première instance, ce qui les rend irrecevables. Extension de la mission d’expertiseL’article 236 du code de procédure civile autorise le juge à accroître ou restreindre la mission confiée au technicien. Toutefois, selon l’article 245 alinéa 3, le juge ne peut étendre la mission de l’expert sans avoir préalablement recueilli les observations de celui-ci. Dans cette affaire, la cour a confirmé que la demande d’extension de la mission d’expertise était infondée, car elle ne répondait pas à un intérêt légitime et s’apparentait à un audit des travaux de la société Nexity, ce qui ne relève pas de la mission d’expertise. Obligation de prévenir des travaux futursLa demande d’ordonner à la société Nexity de prévenir les appelantes de tous nouveaux sondages et travaux qu’elle souhaiterait exécuter ne répond pas aux conditions de recevabilité des demandes en appel, comme stipulé par l’article 564 du code de procédure civile. Cette demande, qui implique une obligation de faire, n’a pas été soumise au juge de première instance et est donc considérée comme nouvelle et irrecevable. Dépens et article 700 du code de procédure civileLes dépens d’appel sont à la charge in solidum des sociétés appelantes qui succombent sur leurs prétentions, conformément à l’article 700 du code de procédure civile, qui permet au juge de condamner une partie à payer à l’autre une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Dans cette affaire, les sociétés appelantes ont été condamnées à verser des sommes aux sociétés intimées en application de cet article, en raison de leur échec sur le fond de leurs demandes. |
L’Essentiel : Les demandes de provision et de délai de prévenance formulées en appel sont considérées comme nouvelles et irrecevables. Selon l’article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles si elles visent les mêmes fins que celles soumises au premier juge. Les appelantes ont présenté des demandes non soumises au juge de première instance, les rendant irrecevables. De plus, la demande d’ordonner à la société Nexity de prévenir des travaux futurs est également irrecevable, car elle n’a pas été soumise au juge de première instance.
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Résumé de l’affaire : L’affaire concerne un litige entre plusieurs sociétés et une association, en lien avec des travaux de forage effectués sur un terrain. La SCI VHI est propriétaire d’un immeuble, le « Domaine de la source », où sont installées plusieurs sociétés. Le 29 mars 2019, l’association Le Prado a consenti à la société Nexity deux promesses unilatérales de vente concernant des parcelles cadastrées. En mai 2013, la société Nexity a commandé une étude de faisabilité hydrogéologique à la société 2CEL.
Le 16 mai 2023, lors de travaux de forage sur le terrain de l’association, des fissures ont été constatées sur des murs du « Domaine de la source ». En conséquence, la propriétaire et les sociétés occupant l’immeuble ont dressé un procès-verbal de constat. Elles ont ensuite sommé la commune de cesser les travaux, mais celle-ci a répondu qu’aucune autorisation n’était requise pour ces travaux. Les sociétés ont alors demandé une expertise judiciaire pour évaluer les désordres causés par les forages. Le juge des référés a ordonné une expertise, mais a rejeté certaines demandes des sociétés, notamment l’extension de la mission d’expertise et la communication de pièces. Les sociétés ont interjeté appel de cette ordonnance. En appel, les sociétés ont demandé l’infirmation de l’ordonnance, l’extension de la mission d’expertise, ainsi que des provisions pour préjudice. La société 2CEL et la société Nexity ont contesté ces demandes, arguant qu’elles étaient irrecevables et que les sociétés appelantes n’avaient pas établi de lien entre les forages et les désordres. La cour a confirmé l’ordonnance de première instance, rejetant les demandes des sociétés appelantes et les condamnant aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique des demandes de provision et de délai de prévenance en appel ?Les demandes de provision et de délai de prévenance formulées par les sociétés appelantes sont considérées comme nouvelles en appel et, par conséquent, irrecevables. En effet, selon l’article 564 du code de procédure civile, « À peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ». De plus, l’article 565 du même code précise que « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ». Ainsi, les sociétés appelantes n’ont pas respecté ces dispositions, ce qui entraîne l’irrecevabilité de leurs demandes. Quel est l’impact de l’abandon de la demande de production de pièces en appel ?L’abandon de la demande de production de pièces en appel a pour effet de rendre cette demande sans objet. La cour a constaté que les pièces avaient été produites et qu’aucune demande n’était présentée sur ce point en appel. En conséquence, la cour n’a pas à se prononcer sur le bien-fondé de cette demande. Le jugement de première instance est donc confirmé sur ce point, conformément à la règle selon laquelle une demande abandonnée ne peut plus être examinée par la cour d’appel. Quel est le statut de la société 2CEL dans la procédure d’appel ?La société 2CEL, en tant qu’intimée à la procédure, a la possibilité de conclure au rejet de la demande d’expertise. Il est rappelé que le fait pour une partie de déclarer faire toutes protestations et réserves sur une demande n’implique pas l’abandon de ses prétentions. Ainsi, la société 2CEL peut maintenir sa position et demander la confirmation du jugement querellé, même si elle a formé des réserves en première instance. Quel est le cadre juridique de l’extension de la mission d’expertise ?L’extension de la mission d’expertise est régie par plusieurs articles du code de procédure civile. L’article 145 stipule que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». L’article 236 précise que « Le juge qui a commis le technicien ou le juge chargé du contrôle peut accroître ou restreindre la mission confiée au technicien ». Enfin, l’article 245 alinéa 3 indique que « Le juge ne peut, sans avoir préalablement recueilli les observations du technicien commis, étendre la mission de celui-ci ou confier une mission complémentaire à un autre technicien ». Dans cette affaire, la cour a jugé que la demande d’extension de la mission d’expertise ne répondait pas aux critères établis par ces articles, car elle s’apparentait à un audit des travaux de la société Nexity, ce qui ne constitue pas un intérêt légitime. Quel est le fondement des demandes de provision et d’avertissement formulées par les sociétés appelantes ?Les demandes de provision et d’avertissement formulées par les sociétés appelantes ne répondent pas aux conditions prévues par le code de procédure civile. L’article 564 stipule que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, sauf dans des cas spécifiques. L’article 566 précise que « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ». En l’espèce, les sociétés appelantes présentent des demandes qui n’ont pas été soumises au juge de première instance, ce qui les rend irrecevables. La demande de provision, qui est une demande en paiement, ne répond pas aux conditions susvisées, et la demande d’avertissement ne l’est pas non plus. Quel est le régime des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?Les dépens d’appel sont à la charge in solidum des sociétés appelantes qui succombent sur leurs prétentions. L’article 700 du code de procédure civile prévoit que « la cour peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ». Dans cette affaire, les sociétés appelantes doivent verser à chacune des sociétés intimées la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700, en raison de leur échec dans leurs demandes. Il est également précisé que les dépens de la présente procédure ne peuvent comprendre les frais de l’expertise, puisque le fond du litige n’a pas été examiné. |
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Référé
du 09 avril 2024
RG : 24/00018
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 25 Mars 2025
APPELANTES :
La société ARTMARKET.COM
[Adresse 19]
[Localité 24]
La société GROUPE SERVEUR
[Adresse 19]
[Localité 24]
La société L’ORGANE
[Adresse 19]
[Localité 24]
S.C.I. VHI
[Adresse 19]
[Localité 24]
Représentées par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
ayant pour avocat plaidant Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
La société 2CEL
[Adresse 1]
[Localité 16]
Représentée par Me Frédéric PIRAS de la SELARL PVBF, avocat au barreau de LYON, toque : 704
l’association LE PRADO EDUCATION
[Adresse 3]
[Localité 15]
Défaillante
La société NEXITY IR PROGRAMMES RHONE BOURGOGNE AUVERGNE
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentée par Me Stéphane BONNET de la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, toque : 502
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Date de clôture de l’instruction : 05 Décembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Décembre 2024
Date de mise à disposition : 18 Février 2025 prorogée au 25 Mars 2025, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, président
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l’audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SCI VHI est propriétaire d’un immeuble dénommé « Domaine de la source », sis [Adresse 2], qui abrite la société Groupe serveur, la société Artmarket.com et la société L’Organe.
Le 29 mars 2019, l’association Le Prado éducation (ci-après l’association Le Prado) a consenti à la société Nexity IR programmes Rhône Bourgogne Auvergne (ci-après la société Nexity) deux promesses unilatérales de vente portant, d’une part sur les parcelles cadastrées section AC. [Cadastre 10], [Cadastre 12], [Cadastre 8] et [Cadastre 13], sises lieudit [Adresse 20] et [Adresse 23] à [Localité 24] et, d’autre part, sur les parcelles cadastrées section AC, n° [Cadastre 6] à [Cadastre 7], sises [Adresse 22] sur la même commune.
La société Nexity a fait procéder à une étude de faisabilité (hydrogéologique) confiée à la société 2CEL avec installation de quatre piezomètres. Les travaux se sont déroulés en mai 2013.
Le 16 mai 2023, alors que des travaux de forage avaient lieu sur le terrain de l’association situé [Adresse 23], les sociétés précitées ont remarqué des fissures sur le mur nord d’une salle située au sous-sol d’un bâtiment du « Domaine de la source » donnant sur la [Adresse 23] et abritant des serveurs informatiques. Des fissures sont également apparues sur le mur d’enceinte du « Domaine de la source » donnant sur la [Adresse 23], alors qu’il a fait l’objet d’une restauration en début d’année 2023.
La propriétaire et les occupantes du « Domaine de la source » ont fait dresser un procès-verbal de constat des opérations de forage le 16 mai 2023, puis Me [C] [I] a a établi un procès-verbal de constat du 17 mai 2023, portant sur les désordres des ouvrages du « Domaine de la source ».
Par actes de justice des 17 et 19 mai 2023, ces sociétés ont fait sommation à la commune de [Localité 24] de faire cesser les travaux de forage et de leur communiquer les autorisations délivrées à ce titre, et cette dernière par courriel du 18 mai 2023, a indiqué ne pas être concernée par les travaux litigieux et que leur mise en ‘uvre ne nécessite aucune autorisation de sa part.
De nouvelles sommations ont été signifiées les 22 et 26 mai 2023 à la DREAL et à la commune de [Localité 24].
Par ordonnance du 7 juin 2023, la société Groupe serveur, la société Artmarket.com, la société L’Organe et la SCI VHI ont été autorisées à assigner d’heure à heure et par ordonnance du 16 juin 2023, le juge des référés près le tribunal judiciaire de Lyon a ordonné, à la demande de la société Groupe serveur, la société Artmarket.com, la société L’Organe et la SCI VHI, une expertise judiciaire au contradictoire de la société Nexity, de la société 2CEL et l’association Le Prado, s’agissant des désordres imputés aux forages de la société 2CEL et aux fins de constat des existants, M. [S] [L] étant désigné expert.
Par actes des 22 décembre 2023 et 2 janvier 2024, la société Groupe serveur, la société Artmarket.com, la société L’Organe et la SCI VHI ont fait assigner en référé la société Nexity, la société 2CEL et l’association Le Prado aux fins de communication de pièces sous astreinte et d’extension de la mission d’expertise.
Par ordonnance réputée contradictoire du 9 avril 2024, le juge des référés a :
– rejeté la demande d’extension de la mission d’expertise aux sondages réalisés sur le terrain de la maison « Bailliu »,
– rejeté la demande de communication de pièces,
– condamné la société Groupe serveur, la société Artmarket.com, la société L’Organe et la SCI VHI aux dépens,
– condamné la société Groupe serveur, la société Artmarket.com, la société L’Organe et la SCI VHI à payer à la société Nexity la somme de 2.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande de la société Groupe serveur, la société Artmarket.com, la société L’Organe et la SCI VHI sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que la décision est, de droit, exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 18 avril 2024, les sociétés Artmarket.com, Groupe serveur, L’Organe et VHI ont interjeté appel.
M. [L] a déposé son rapport définitif le 30 juillet 2024.
* * *
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2024, les sociétés Artmarket.com, Groupe serveur, L’Organe et VHI demandent à la cour de :
– infirmer l’ordonnance de référé du 9 avril 2023 en toutes ses dispositions,
– débouter la société Nexity de l’ensemble de ses demandes,
– juger que la société 2CEL ne conteste pas la demande puisqu’elle s’en rapporte à justice et fait protestations et réserves, ce qui ne veut rien dire et est abscons, et la débouter de ses demandes,
– étendre la mission de l’expert, M. [L], désigné à ces fonctions par l’ordonnance de référé du 16 juin 2023, aux sondages réalisés par Nexity à la périphérie de la maison « Bailliu » et aux nouveaux sondages réalisés depuis le 15 octobre 2024,
– ordonner à la société Nexity de les prévenir, dans un délai suffisant, de tous nouveaux sondages et travaux qu’elle voudrait exécuter, pour leur permettre de mettre en place les mesures protectrices et préventives préconisées par l’expert judiciaire dans son rapport du 30 juillet 2024 (pièce n° 31),
– condamner la société Nexity à leur payer :
* à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice, 25.800 euros TTC,
* 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
* les entiers dépens incluant les frais d’expertise de M. [L], expert judiciaire.
*
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 juin 2024, la société 2CEL demande à la cour de :
– rejeter l’appel formé par les sociétés Groupe serveur, Artmarket.com, L’Organe et la SCI VHI,
– confirmer l’ordonnance rendue le 9 avril 2024,
– condamner sous le bénéfice de la solidarité, les sociétés Groupe serveur, Artmarket.com, L’Organe et la SCI VHI à lui verser la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.
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Aux termes de ses dernières conclusions ‘rectificatives’ notifiées le 2 décembre 2024, la société Nexity demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon du 9 avril 2024 en toutes ses dispositions,
– dire irrecevables les demandes nouvelles formulées par les appelantes dans leurs conclusions d’appel n°2,
– dire que les demandes nouvelles formulées par les appelantes dans leurs conclusions d’appel n°2 se heurtent à des contestations sérieuses,
– débouter les appelantes de l’ensemble de leurs demandes,
– condamner les appelantes à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes aux entiers dépens.
L’association Le Prado éducation, à qui la déclaration d’appel a été signifiée à personne habilitée par acte du 3 mai 2024, n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2024.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
Sur la production de pièces
La cour relève de manière liminaire que la demande de production de pièces a été abandonnée en appel en raison du versement de celles-ci mais les sociétés estiment avoir été déboutées à tort et demandent l’infirmation du jugement de ce chef tandis que la société Nexity fait valoir que la demande est sans objet et ne se justifiait pas.
De fait, les pièces ayant été produites et aucune demande n’étant présentée sur ce point en appel, de sorte que la cour n’a pas à se prononcer sur son bien fondé ; la demande d’infirmation est donc sans objet.
Le jugement ne peut qu’être confirmé sur ce point.
Sur les prétentions de la société 2CEL
Les sociétés soutiennent que cette société a formé protestations et réserves en première instance et n’a pas contesté la demande de sorte qu’elle ne peut s’y opposer en appel.
Il est rappelé que le fait pour une partie de déclarer faire toutes protestations et réserves sur une demande n’implique pas l’abandon de ses prétentions et renonciation à son droit d’agir.
En l’espèce, la société 2CEL, qui a la qualité d’intimée à la procédure, peut en conséquence conclure au rejet de la demande d’expertise, ce qui correspond à une demande de confirmation du jugement querellé.
Sur la demande d’extension de l’expertise
Les sociétés font valoir que :
– elles viennent de découvrir que la société Nexity et la commune de [Localité 24] ont caché à l’expert judiciaire la réalisation d’une nouvelle campagne de sondages et autres travaux dont la nature est ignorée,
– des sondages ont été effectués par Nexity à proximité de la maison Bailliu mais l’expert n’a pu intervenir car elle se situe en dehors du périmètre de l’expertise ; ces sondages participent au projet immobilier de Nexity qui s’est seule opposée à la demande,
– il est techniquement pertinent d’étendre la mission à l’ensemble Bailliu pour avoir accès aux précisions et résultats des sondages effectués et maîtriser au mieux les enjeux du projet d’aménagement, et c’est ce que l’expert a préconisé, aux fins de préciser si des sondages y avaient été effectués et des éléments techniques relatifs à ces sondages éventuels pour lesquels il ne dispose pas d’information,
– Nexity soutient à tort que les parcelles n’appartiennent à aucune des parties en cause, le terrain Bailliu est constitué des parcelles AC [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 11] et [Cadastre 14], peu importe que le propriétaire ne soit pas partie à l’expertise et ne puisse faire valoir sa position, la mission doit s’étendre à tous les sondages de Nexity, qui devra s’expliquer sur ses relations avec le propriétaire,
– l’ordonnance dénature les faits du litige, la motivation est absconse et n’a aucune portée,
– l’expert a retenu que Nexity avait agi à la hussarde et que les sondages avaient causé des dommages importants à leurs biens,
– après le dépôt du rapport, elles ont constaté les 15 et 18 octobre 2024 que de nouveaux sondages et travaux étaient exécutés sans qu’elles en aient été informées, et qui ont été cachés à l’expert,
– il est donc techniquement possible d’étendre la mission,
– la reprise des désordres générés par les sondages s’élève à 8.246 euros,
– Nexity utilise un brise-roche hydraulique d’où un risque majeur et elles doivent pouvoir prendre les mesures techniques qui s’imposent, et donc être informées alors que Nexity n’a jamais initié un référé préventif, et occulte ses véritables liens avec la commune,
– il n’appartient pas à l’expert de demander une extension de mission.
La société 2CEL fait valoir qu’elle a formé des protestations et réserves devant le juge des référés et que ces conclusions valent contestation de la demande d’extension des opérations d’expertise, que devant la cour, elle maintient cette contestation et conclut au rejet de l’appel.
La société Nexity fait valoir que :
– l’expertise est clôturée,
– elle n’est pas propriétaire des parcelles en cause, et n’a pas à justifier des relations avec le propriétaire,
– les sociétés ne se sont pas plaintes de dommages, l’expertise ne peut constituer un audit,
– aucun lien entre des forages et les désordres n’est établi,
– contrairement à ce que les appelantes affirment, elle n’a jamais réalisé de forages mais seulement la pose de sondes piézométriques, intervention qui ne nécessite ni publicité, ni autorisation préalable,
Sur ce,
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, ‘S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Selon l’article 236 du code de procédure civile, ‘Le juge qui a commis le technicien ou le juge chargé du contrôle peut accroître ou restreindre la mission confiée au technicien’.
Selon l’article 245 alinéa 3 du même code, ‘Le juge ne peut, sans avoir préalablement recueilli les observations du technicien commis, étendre la mission de celui-ci ou confier une mission complémentaire à un autre technicien’.
En l’espèce, l’expert a seulement relevé dans un mail du 29 janvier 2024 que ‘cela dit, une extension de ma mission sur la parcelle de la maison Bailliu permettrait de préciser si des sondages y avaient été effectués et de pouvoir préciser des éléments techniques relatifs à ces sondages éventuels et pour lesquels je ne dispose pas d’informations à ce jour’.
Il avait cependant également indiqué dans le même message qu’un référé préventif des bâtiments de cette parcelle n’apporterait pas, à son sens, d’éléments permettant d’identifier l’origine des désordres sur les ouvrages des parties demanderesses.
C’est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte sans qu’il ne soit nécessaire de les paraphraser, que le premier juge a retenu que :
– le propriétaire des parcelles litigieuses AC [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 11] et [Cadastre 5] constituant la ‘[Adresse 21]’ n’était pas attrait à l’expertise de sorte que celle-ci ne peut être étendue aux biens d’une partie qui n’est pas dans la cause et ne peut faire valoir sa position,
– aucun élément ne rend plausible que les sondages qui ont pu être réalisés aient un lien quelconque avec les désordres dont se sont plaintes les demanderesses, lesquelles ne sont pas en mesure de déterminer même de manière approximative, la date de réalisation de ces sondages, contrairement à celui établi entre les sondages du 16 mai 2023 et les désordres constatés le jour même,
– les parcelles en cause sont plus éloignées et la réalisation de sondages ne constitue pas en elle-même un motif légitime d’investigations,
– l’expert ne fait pas état de la nécessité de prendre connaissance des sondages sur les lieux de leur réalisation ni de la possibilité d’un lien avec les désordres objet de l’expertise, il a également estimé inutile un référé préventif pour apporter des éléments sur l’origine des désordres.
La cour ajoute, pour confirmer l’ordonnance, que la demande d’extension des opérations d’expertise telle que présentée par les sociétés s’apparente en fait à un audit des travaux de la société Nexity, que la réalisation d’un tel audit ne rentre pas dans la mission d’expertise et ne constitue pas un intérêt légitime, que par ailleurs le rapport de l’expert est déposé et que sa teneur n’induit pas la nécessité de procéder à des investigations supplémentaires telles que sollicitées par les sociétés.
Enfin l’allégation de nouveaux sondages et travaux est inopérante, faute de désordres aux biens des appelantes pouvant légitimer l’existence des opérations d’expertise.
En conséquence, l’ordonnance querellée est confirmée en ce qu’elle a rejetée la demande d’extension de la mission d’expertise.
Sur la demande des appelantes d’ordonner que la société Nexity les prévienne dans un délai suffisant de tous nouveaux sondages et travaux qu’elle voudrait exécuter et sur la demande de provision
Les sociétés font valoir que l’expert a d’ores et déjà chiffré le préjudice à 25.800 euros TTC et l’obligation de Nexity n’est pas sérieusement contestable puisque le rapport prouve avec certitude que l’origine des désordres se trouve bien dans les sondages, que par ailleurs, des mesures conservatoires doivent être prises, pour prévenir tout dommage imminent.
La société Nexity soutient que ces demandes sont nouvelles en appel et sérieusement contestables, que les sociétés soutiennent à tort que l’imputabilité des désordres à ses programmes a été déterminée avec certitude, ce qui travestit le rapport d’expertise, puisque l’expert ne procède que par voie d’hypothèse et de probabilité faute de constat d’huissier la veille des sondages. Elle souligne que l’expert a rejeté le montant sollicité. Elle soutient par ailleurs qu’il n’existe ni probabilité d’un dommage imminent, ni existence d’un trouble manifestement illicite.
Sur ce,
Selon l’article 564 du code de procédure civile, ‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’.
Selon l’article 565 du code de procédure civile, ‘Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent’.
Selon l’article 566 du code de procédure civile, ‘Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire’.
En l’espèce, les appelantes présentent deux demandes qui n’ont pas été soumise au juge de première instance, ce qui n’est pas contesté.
Il est rappelé que le juge de première instance était saisi d’une demande d’extension de mission d’expertise et de production de pièces.
La demande de provision qui est une demande en paiement ne répond manifestement pas à l’une des conditions des différentes dispositions susvisées, peu important que l’expert judiciaire ait pu proposer un chiffrage au terme de ses opérations. Cette demande n’est donc pas recevable dans le cadre du présent litige.
Par ailleurs, la demande ‘d’avertissement’, soit d’exécution d’une obligation de faire, ne répond pas plus aux conditions susvisées. Elle n’est pas plus recevable dans le cadre de la présente procédure.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il est relevé de manière liminaire que le fond du litige n’étant pas examiné, les dépens de la présente procédure ne peuvent comprendre les frais de l’expertise de M. [L].
Les dépens d’appel sont à la charge in solidum des sociétés appelantes qui succombent sur leurs prétentions. Ces dernières, sous la même solidarité, verseront en outre à chacune des sociétés intimées la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
Dit que les demandes de provision et tendant à un délai de prévenance sont nouvelles en appel et irrecevables.
Confirme l’ordonnance déférée.
Y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés Artmarket.com, Groupe Serveur, l’Organe et VHI aux dépens d’appel et à payer à la société Nexity IR programmes Rhône-Alpes la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à la société 2CEL la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La Présidente,
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?