Résiliation contractuelle et conséquences financières : analyse des obligations et préjudices.

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Résiliation contractuelle et conséquences financières : analyse des obligations et préjudices.

Résiliation de contrat et force majeure

La résiliation d’un contrat avant son terme, en raison d’un événement tel que le transfert d’activité, ne peut être justifiée par la force majeure que si cet événement est imprévisible et insurmontable. Selon l’article 1218 du Code civil, la force majeure est définie comme un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat. En l’espèce, le transfert du marché d’intérêt national (MIN) de [Localité 4] à un nouveau site était connu des parties au moment de la conclusion du contrat, ce qui exclut la possibilité de le qualifier de force majeure.

Indemnisation pour résiliation anticipée

La résiliation unilatérale d’un contrat par l’une des parties, sans justification valable, engage sa responsabilité et lui impose de réparer le préjudice causé à l’autre partie. L’article 1231-1 du Code civil stipule que le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par l’inexécution de son obligation. Dans ce cas, la société Paleoss 79 a subi un préjudice du fait de la résiliation anticipée du contrat, ce qui lui donne droit à une indemnisation.

Conditions de l’appel d’offres et non-discrimination

Les conditions d’un appel d’offres ne peuvent être considérées comme discriminatoires que si elles restreignent de manière injustifiée l’accès à la concurrence. L’article 1er du Code des marchés publics impose que les procédures de passation des marchés soient transparentes et non discriminatoires. En l’espèce, l’absence de division de l’appel d’offres en lots séparés ne constitue pas, à elle seule, une discrimination, car cela peut être justifié par des objectifs de valorisation des déchets et des exigences techniques spécifiques.

Article 700 du Code de procédure civile

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge d’allouer une somme au titre des frais exposés par une partie qui a dû recourir à un avocat. Cette disposition vise à garantir l’accès à la justice et à compenser les frais de procédure. Dans le cadre de cette affaire, la cour a condamné la SEMMINN à verser à la société Paleoss 79 une somme au titre de l’article 700, en raison de sa succombance dans l’instance.

L’Essentiel : La résiliation d’un contrat en raison d’un événement tel que le transfert d’activité ne peut être justifiée par la force majeure que si cet événement est imprévisible et insurmontable. Le transfert du marché d’intérêt national était connu des parties lors de la conclusion du contrat, excluant ainsi la qualification de force majeure. La résiliation unilatérale d’un contrat sans justification engage la responsabilité de la partie concernée, entraînant une obligation d’indemnisation pour le préjudice causé.
Résumé de l’affaire : La société Paleoss 79 a conclu un contrat avec la société d’économie mixte pour la construction et la gestion du marché d’intérêt national de [Localité 4] (la SEMMINN) pour la gestion des déchets, valable de janvier 2017 à décembre 2019. En novembre 2018, la SEMMINN a résilié le contrat, invoquant le déménagement du marché vers un nouveau site à partir de mars 2019. En réponse, la société Paleoss 79 a assigné la SEMMINN devant le tribunal judiciaire de Nantes, demandant réparation pour la résiliation anticipée et des conditions qu’elle jugeait discriminatoires dans l’appel d’offres pour le nouveau site.

Le tribunal a rendu un jugement le 15 septembre 2022, condamnant la SEMMINN à verser à Paleoss 79 15 122,91 euros en dommages-intérêts, ainsi que 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les deux parties ont interjeté appel. Dans ses conclusions, la société Paleoss 79 a demandé une réévaluation des dommages-intérêts à 131 361 euros, ainsi qu’une indemnisation pour les conditions de l’appel d’offres, tandis que la SEMMINN a contesté la recevabilité des conclusions de Paleoss et a demandé la confirmation du jugement initial.

La cour d’appel a infirmé le jugement en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts, condamnant la SEMMINN à verser 63 792,54 euros à Paleoss 79. La cour a également confirmé le jugement sur d’autres points, y compris le paiement de 4 000 euros pour les frais de procédure. En ce qui concerne les allégations de discrimination dans l’appel d’offres, la cour a rejeté la demande de Paleoss, considérant que l’absence de lots séparés ne conférait pas un caractère discriminatoire à l’appel d’offres. La SEMMINN a été condamnée aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la résiliation du contrat par la société d’économie mixte ?

La société d’économie mixte pour la construction et la gestion du marché d’intérêt national de [Localité 4] (la SEMMINN) a résilié le contrat avec la société Paleoss 79 en invoquant le transfert de l’activité du marché sur un nouveau site.

Selon l’article 1218 du Code civil, un contrat peut être résilié pour force majeure lorsque l’exécution de celui-ci devient impossible en raison d’un événement imprévisible.

Dans cette affaire, la cour a constaté que le transfert du site était connu au moment de la conclusion du contrat, ce qui signifie que la SEMMINN ne pouvait pas invoquer ce transfert comme un cas de force majeure.

Ainsi, la résiliation du contrat par la SEMMINN a été jugée injustifiée, car le déménagement du site ne constituait pas un événement imprévisible.

Quel est le montant des dommages-intérêts accordés à la société Paleoss 79 ?

La cour a condamné la SEMMINN à verser à la société Paleoss 79 la somme de 63 792,54 euros à titre de dommages-intérêts.

Cette décision repose sur l’évaluation du préjudice subi par la société Paleoss 79 en raison de la résiliation anticipée du contrat.

La cour a pris en compte la marge sur coûts variables de la société, qui s’élevait à 131 698,70 euros en 2017 et à 77 883,99 euros en 2018.

Pour l’année 2019, la marge a été évaluée à 4 869,06 euros pour la période du 1er janvier au 28 février.

En tenant compte des éléments de preuve fournis, la cour a déduit les montants correspondants aux ventes de palettes et a fixé l’indemnisation à 63 792,54 euros.

Quel est le rôle de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet à la cour d’accorder une indemnité à la partie qui a gagné le procès pour couvrir ses frais de justice.

Dans cette affaire, la cour a condamné la SEMMINN à verser à la société Paleoss 79 la somme de 4 000 euros sur le fondement de cet article.

Cette indemnité vise à compenser les frais engagés par la société Paleoss 79 pour faire valoir ses droits en justice.

La cour a également condamné la SEMMINN aux dépens d’appel, ce qui signifie qu’elle devra prendre en charge les frais liés à la procédure d’appel.

Quel est le caractère discriminatoire des conditions de l’appel d’offres selon la société Paleoss 79 ?

La société Paleoss 79 a soutenu que les conditions de l’appel d’offres étaient discriminatoires, favorisant les entreprises de taille nationale en raison des investissements importants requis.

Cependant, la cour a jugé que le simple fait que l’appel d’offres n’ait pas été divisé en lots séparés ne conférait pas un caractère discriminatoire à celui-ci.

L’adjudicateur a conservé une liberté de choix, et l’absence de division en lots était justifiée par les objectifs de valorisation des déchets.

Ainsi, la cour a confirmé le jugement qui a débouté la société Paleoss 79 de ses demandes relatives à ce point.

Quel est l’impact de la résiliation anticipée du contrat sur la société Paleoss 79 ?

La résiliation anticipée du contrat par la SEMMINN a eu un impact significatif sur la société Paleoss 79, qui a subi un préjudice financier.

La cour a reconnu que la résiliation était intervenue sur une décision unilatérale de la SEMMINN, ce qui a justifié l’allocation de dommages-intérêts.

En effet, la société Paleoss 79 a démontré qu’elle avait des attentes légitimes quant à la poursuite de l’exécution du contrat jusqu’à son terme.

La cour a donc conclu que la SEMMINN devait indemniser la société Paleoss 79 pour les conséquences dommageables de cette résiliation anticipée.

2ème Chambre

ARRÊT N° 124

N° RG 22/05587 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TD34

(Réf 1ère instance : 19/03700)

(2)

S.A.R.L. PALEOSS 79

C/

S.A. SEMMINN

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Julien VIVES

-Me Christophe LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 MARS 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Novembre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Mars 2025, après prorogations, par mise à disposition au greffe

APPELANTE :

S.A.R.L. PALEOSS 79

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Julien VIVES de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

SEMMINN SA – SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE POUR LA CONSTRUCTION ET LA GESTION DU MARCHE D’INTERET NATIONAL DE [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Wilfried DURAND, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Paleoss 79 a régularisé avec la société d’économie mixte pour la construction et la gestion du marché d’intérêt national de [Localité 4] (la SEMMINN) un marché pour la gestion des déchets (cartons, palettes, déchets bois).

Ce marché a été conclu pour une durée de trois années civiles complètes comprises entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019.

Par courrier du 12 novembre 2018, la SEMMINN a mis fin au contrat avec effet au 28 février 2019 au motif du déménagement définitif du MIN de [Localité 4] à effet du 1er mars 2019.

Par acte du 26 juin 2019, la société Paleoss 79 a fait assigner la SEMMINN devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins d’obtenir réparation des préjudices résultant d’une part de la résiliation anticipée de la convention et d’autre part des conditions qu’elle estime discriminatoire de l’appel d’offre lancé pour la gestion des déchets du nouveau site du MIN.

Par jugement du 15 septembre 2022, le tribunal a statué comme suit :

Condamne la SEMMINN à verser à Paleoss 79 la somme de 15 122,91 euros à titre de dommages-intérêts avec capitalisation des intérêts outre la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Société Paleoss 79 et la SEMMINN ont formé appel du jugement.

Par dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2024, la société Paleoss 79 demande de :

Déclarer irrecevables et écarter des débats comme tardives les conclusions n°3 communiquées par la SEMMINN le 16 septembre 2024.

Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nantes le 15 septembre 2022 en ce qu’il a condamné la SEMMINN à payer à la société Paleoss 79 la seule somme de 15 122,91 € à titre de dommages et intérêts et l’a déboutée de sa demande de réparation du préjudice subi du fait du caractère discriminatoire de l’appel d’offres.

En conséquence,

Condamner la SEMMINN à payer à la société Paleoss 79 la somme de 131 361 euros en réparation du préjudice qu’elle lui a causé du fait de la rupture unilatérale et anticipée du contrat,

Condamner la SEMMINN à payer à la société Paleoss 79 la somme de 68 115 euros en réparation du préjudice subi du fait des conditions dans lesquelles le marché public de gestion des déchets du MIN de [Localité 4] a été attribué,

En revanche, confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Nantes le 15 septembre 2022 en ce qu’il a :

– dit que les sommes allouées à la société Paleoss 79 porteraient intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 26 juin 2019,

– dit que les intérêts se capitaliseraient par année entière conformément à l’article 1343-2 du Code civil,

– condamné la SEMMINN à payer à la société Paleoss 79 la somme 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Y ajoutant,

Condamner la SEMMINN à payer à la société Paleoss 79, au titre de la procédure d’appel, la somme 8 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2024, la SEMMINN demande de :

Déclarer recevables les conclusions n°3 de la SEMMINN.

Déclarer irrecevables les conclusions n°3 de Paleoss.

Réformer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nantes le 15 septembre 2022 en ce qu’il a condamné la SEMMINN à verser à Paleoss la somme de 15 122,91 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux entiers dépens ;

Déclarer irrecevable le constat d’huissier en date du 13 février 2019 constituant la pièce n° 7 produite par la société Paleoss,

Juger que la SEMMINN n’a commis aucune faute ;

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Paleoss de ses autres demandes;

À titre subsidiaire

Juger que le préjudice subi par Paleoss du fait de la non-poursuite du contrat est nul;

A titre plus subsidiaire,

Juger que la société Paleoss n’apporte pas la preuve de son préjudice en présentant l’ensemble des charges variables devant être déduites et ainsi rejeter sa demande ;

À titre infiniment subsidiaire,

Réévaluer le préjudice sur la base retenue par le Tribunal Judiciaire de Nantes en déduisant les charges variables complémentaires à communiquer par Paleoss ;

En tout état de cause et en cause d’appel,

Condamner la société Paleoss au paiement, à la SEMMINN de la somme de 6 000 euros pour la procédure de première instance et de 10 000 euros pour la procédure d’appel, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions visées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

S’agissant des moyens d’irrecevabilité des conclusions soulevés réciproquement par les parties au motif qu’elles seraient tardives, ils seront écartés comme non fondés, les parties ayant disposé d’un temps suffisant pour prendre connaissance des conclusions adverses et d’y répondre avant l’ordonnance de clôture.

Sur la résiliation du contrat :

La SEMMINN conteste toute faute dans l’exécution du contrat conclu avec la société Paleoss 79 faisant valoir qu’en tout état de cause ce contrat est devenu caduc par suite du transfert du MIN de [Localité 4] sur un nouveau site.

Il ressort des termes de la convention que le contrat conclu entre la SEMMINN et la société Paleoss 79 avait pour objet le traitement des déchets d’emballage cartons, palettes de bois, cageots bois et déchets bois.

Il est précisé au contrat que les déchets concernés seront stockés dans une ‘zone de stockage des déchets du MIN de [Localité 4].’

La convention était conclue pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019.

Il était précisé que l’accord sera renouvelé par tacite reconduction pour des périodes de un an sauf dénonciation par la lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis de 6 mois.

La SEMMINN a par courrier du 12 novembre 2018 informé la société Paleoss 79 de la résiliation du contrat à effet du 28 février 2019 et ce en considération du transfert d’activité du marché sur un site situé sur la commune de [Localité 5].

Ainsi que relevé par les premiers juges, le principe du transfert du site était acquis depuis une délibération du conseil communautaire de [Localité 4] Métropole du 27 juin 2014. Par arrêté du 16 décembre 2016, le préfet de [Localité 3] a pris un arrêté fixant la date du transfert du MIN sur le nouveau site à compter du 31 octobre 2018.

Si le contrat conclu entre les parties ne précise pas la date de la signature apposée par la SEMMINN, l’original produit aux débats par la société Paleoss 79 porte un cachet ‘reçu le 28 décembre 2016″ de sorte qu’il apparaît que le contrat a été conclu alors que la date de transfert de l’activité était connue et que la SEMMINN ne pouvait ignorer que le transfert devait intervenir en cours d’exécution du contrat.

Quand bien même, la date de transfert effectif initialement prévue a été repoussée de quelques mois, le transfert d’activité ne constitue nullement un événement ne pouvant être raisonnablement prévu au sens de l’article 1218 du code civil.

Du fait de la conclusion d’un contrat pour une période initiale expirant postérieurement à la date initialement prévue pour le transfert de l’activité sur un autre site, la société Paleoss était fondée à considérer que le transfert du site était sans incidence sur la durée du contrat.

C’est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont retenu que le déménagement du site du MIN ne constituait pas un cas de force majeure.

La SEMMINN soutient que le déménagement du marché sur le site de [Localité 5] dans une configuration très différente de celle de l’ancien site l’a obligée à résilier tous ses contrats et à passer des appels d’offres pour les besoins de l’exploitation du nouveau site.

Elle soutient que le déménagement a rendu impossible l’exécution des prestations de traitement des déchets par la société Paleoss 79 puisque outre le changement de site, les quantités de déchets à collecter et à traiter n’étaient plus les mêmes, la nature des déchets à collecter n’était plus la même (biodéchets et déchets résiduels) et les modalités de services étaient différentes.

L’impossibilité d’exécuter la prestation du fait du transfert d’activité du MIN ressort des simples affirmations de la SEMMINN qui a résilié le contrat avant même l’effectivité du transfert.

Il était prévu au contrat que le lieu d’implantation du contrat était situé dans la zone de stockage des déchets du MIN de [Localité 4] sans précision d’adresse de sorte que le transfert du marché, et donc du stockage des déchets, dans une commune limitrophe n’apparaissait nullement constituer un obstacle à l’exécution de la prestation consistant en la collecte des déchets Emballage carton, palettes bois, cageot bois et déchet bois. La modification des lieux de collectes sur le site ne saurait caractériser une condition essentielle du contrat susceptible de rendre le contrat caduc alors que la convention prévoit la faculté de les modifier et pose un principe de recherche de règlement amiable des différends.

Par ailleurs, la SEMMINN ne justifie aucunement de ce que le changement de site engendrait un changement de nature des déchets à collecter en ce que l’activité du marché sur le nouveau site demeurait identique à celle réalisée sur l’ancien.

La nécessité de procéder au traitement des biodéchets et déchets résiduels n’avait aucun caractère de nouveauté cette tâche étant confiée sur l’ancien site à un autre prestataire, la société Grandjouan SACO ainsi qu’il ressort de la lettre de résiliation des contrats en cause du 26 septembre 2018 produite aux débats par la SEMMINN.

Il ressort tant de ces courriers de résiliation des différents contrats conclus que du cahier des clauses techniques particulières du marché de gestion des déchets du MIN rédigé le 12 novembre 2018 que la SEMMINN a dénoncé l’ensemble des conventions antérieures pour confier la gestion de la totalité des déchets du nouveau site quelle que soit leur nature à un opérateur unique.

Cette décision relève d’un choix de gestion effectué par la SEMMINN et non de son impossibilité de poursuivre l’exécution du contrat conclu avec la société Paeloss 79 jusqu’à son terme.

La résiliation du contrat avant le terme convenu étant intervenue sur une décision unilatérale de la SEMMINN, la société Paeloss 79 est fondée à obtenir réparation des conséquences dommageables de cette résiliation anticipée.

Sur le montant de l’indemnisation, il a été vu plus avant que démonstration n’a pas été faite de l’impossibilité pour la société Paeloss 79 d’exécuter le contrat sur le nouveau site du MIN.

La société Paeloss 79 produit aux débats une attestation de son expert comptable suivant laquelle, la marge sur coûts variables liée à l’activité issue du contrat avec la SEMMINN s’est élevée à la somme de 131 698,70 euros en 2017 et à la somme de 77 883,99 euros en 2018. Si la SEMMINN entend contester les bases de calcul notamment faute d’inclure le montant des frais de transport, il sera constaté que l’expert comptable de la société n’a pas formulé d’observations sur la méthode de calcul retenue et que la SEMMINN ne produit pas d’avis d’un expert comptable remettant en cause la méthode retenue.

Pour l’année 2019, cette marge s’est élevée à la somme de 4 869,06 euros pour la période du 1er janvier au 28 février 2019.

En l’absence d’élément de nature à établir son caractère conjoncturel, la chute de marge sur les années 2017/2018 ne saurait justifier que l’évaluation de la marge sur coûts variables de 2019 soit réalisée sur la base de la moyenne de ces deux années.

L’extrapolation sur la marge réalisée sur les deux premiers mois de l’année 2019 n’apparaît pas de nature à permettre la réparation intégrale du préjudice, l’activité du site et la production de déchets comportant une dimension saisonnière, le CCTP du nouveau marché passé avec le prestataire faisant état de fortes périodes d’activité de mi-novembre à mi-janvier, d’avril-mai à mi juillet, saint Valentin et toussaint pour les fleuristes et frigos pendant les grandes vacances.

En considération, de ces éléments, il apparaît justifié de fixer l’indemnisation sur la base du taux de marge brute réalisée sur l’année entière de 2018 sans qu’il y ait lieu de tenir compte d’un accroissement d’activité lié à la nouvelle implantation qui n’est aucunement démontré, l’agrandissement des locaux n’emportant pas nécessairement accroissement du nombre d’opérateurs.

La SEMMINN se prévaut d’une baisse de production des déchets au cours de l’année 2019, et produit à l’appui de ses explications un état établi par le nouveau prestataire suivant lequel de mars à décembre 2019 le tonnage annuel de traitement des déchets a diminué passant de 3 802 tonnes en 2018 à 2532 tonnes au titre des 10 derniers mois de 2019. Il sera cependant constaté que cet état ne fait pas apparaître le tonnage de palettes dont le traitement a été confié à un sous traitant de sorte que la baisse de production de déchets n’est pas établie.

C’est à juste titre que les premiers juges ont déduit de l’évaluation du préjudice le montant de la marge brute réalisée par la société Paleoss 79 avec la société Méchinaud en 2019 au titre de la ventes de palettes pour somme de 9 222,39 euros, dans la mesure où il est constant que cette société était implantée sur l’ancien MIN et qu’il n’est pas discuté que l’activité de la société Paleoss 79 était intégrée dans le calcul du taux de marge de l’année 2018 de sorte qu’au vu de la poursuite des relations au cours de l’année 2019, il n’apparaît pas que la société Paleoss subisse à ce titre un préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat par la SEMMINN.

En considération de ces éléments, il sera retenu que la résiliation anticipée du contrat par la SEMMINN occasionne un préjudice dont la réparation justifie l’allocation d’une somme de 77 883,99 – 9222,39- 4 869,06 soit 63 792,54 euros.

La SEMMINN sera condamnée au paiement de cette somme le jugement étant réformé à ce titre.

Sur le caractère discriminatoire de l’appel d’offres :

La société Paleoss 79 sollicite l’indemnisation d’un préjudice arguant de ce que les conditions de l’appel d’offres étaient discriminatoires et favorisaient les sociétés de taille nationale compte tenu de l’importance des investissements qui étaient rendus nécessaires.

S’il apparaît que l’appel d’offres n’a pas été passé en lots séparés, ce seul fait ne saurait à lui seul conférer un caractère discriminatoire à l’appel d’offres, l’adjudicateur conservant une liberté de choix, et cette absence de division en lots apparaissant la conséquence des objectifs de valorisation des déchets impliquant des embauches et l’acquisition de matériels coûteux.

Le fait que des entreprises de tailles importantes soient les plus à même de se porter candidate n’apparaît que la conséquences des objectifs assignés par l’adjudicateur et ne saurait suffire à conférer un caractère discriminatoire à l’appel d’offres.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Paleoss de ses demandes à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

La société SEMMINN succombant, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux dépens et à payer une indemnité de procédure.

Succombant en cause d’appel, la SEMMINN sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Paleoss 79 une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 15 septembre 2022 en ce qu’il a condamné la société d’économie mixte pour la construction et la gestion du marché d’intérêt national de [Localité 4] à verser à la SARL Paleoss 79 la somme de 15 122,91 euros à titre de dommages-intérêts.

Statuant à nouveau sur le chef infirmé

Condamne la société d’économie mixte pour la construction et la gestion du marché d’intérêt national de [Localité 4] à verser à la SARL Paleoss 79 la somme de 63 792,54 euros à titre de dommages-intérêts.

Confirme le jugement en ses autres dispositions.

Y ajoutant

Condamne la société d’économie mixte pour la construction et la gestion du marché d’intérêt national de [Localité 4] à verser à la SARL Paleoss 79 la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société d’économie mixte pour la construction et la gestion du marché d’intérêt national de [Localité 4] aux dépens d’appel.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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