Accès entravé : enjeux de la propriété et des servitudes.
Accès entravé : enjeux de la propriété et des servitudes.

Irrecevabilité de l’exception d’incompétence

L’irrecevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par les intimés repose sur l’application des articles 73 et 74 du Code de procédure civile, qui stipulent que la cour doit enregistrer les demandes de remise au rôle sans préjudice de leur recevabilité ou de leur bien-fondé. En l’espèce, la cour a constaté que les intimés avaient conclu au fond, rendant ainsi leur exception d’incompétence irrecevable.

Conditions de la remise au rôle

La remise au rôle d’une affaire est régie par l’article 524 du Code de procédure civile, qui précise que le premier président de la cour d’appel est seul compétent pour autoriser le rétablissement de l’affaire au rôle, sur justification préalable de l’exécution de la décision dont appel. La cour a jugé que la demande de rétablissement adressée à la cour, en lieu et place du premier président, était vouée à l’échec.

Existence d’un trouble manifestement illicite

Le trouble manifestement illicite est défini par l’article 835 du Code civil, qui permet au juge des référés de prescrire des mesures conservatoires pour faire cesser un trouble manifestement illicite. En l’espèce, le juge des référés a constaté que l’édification d’un mur par Madame [I] avait pour effet d’obstruer l’accès à la propriété des demandeurs, caractérisant ainsi un trouble manifestement illicite.

Caractère abusif de l’exercice du droit de propriété

L’exercice du droit de propriété doit respecter les droits des tiers, conformément à l’article 544 du Code civil, qui stipule que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, sous réserve des restrictions établies par la loi. La cour a retenu que l’édification du mur, bien que dans l’exercice du droit de clore, ne pouvait conduire à priver intégralement les demandeurs de l’accès à leur propriété sans mise en demeure préalable.

Absence de servitude de passage

La question de l’existence d’une servitude de passage est régie par les articles 637 et suivants du Code civil, qui définissent les conditions de création et d’exercice des servitudes. En l’espèce, la cour a constaté que les intimés ne prouvaient pas bénéficier d’une servitude de passage sur la parcelle de Madame [I], ce qui a contribué à établir l’absence de justification pour la démolition du mur.

Répartition des dépens

La répartition des dépens est régie par l’article 696 du Code de procédure civile, qui prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens. La cour a décidé de laisser les parties supporter leurs propres dépens, en raison de la complexité du litige et de l’absence de tentative de médiation.

L’Essentiel : L’irrecevabilité de l’exception d’incompétence des intimés repose sur l’application des articles 73 et 74 du Code de procédure civile. La cour a constaté que les intimés avaient conclu au fond, rendant leur exception irrecevable. La remise au rôle est régie par l’article 524, précisant que seul le premier président peut autoriser le rétablissement de l’affaire. Le juge des référés a constaté un trouble manifestement illicite dû à l’édification d’un mur obstruant l’accès à la propriété des demandeurs.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, deux demandeurs, désignés comme propriétaires de parcelles cadastrées, ont assigné en référé plusieurs défendeurs, dont un couple de propriétaires et une épouse, afin d’ordonner la démolition de murs de clôture érigés en limite de leurs propriétés. Les demandeurs soutenaient que ces murs obstruaient l’accès à leurs parcelles, créant ainsi un trouble manifestement illicite.

Le juge des référés a, par ordonnance, constaté l’existence d’un trouble et a ordonné la démolition d’un des murs, assortie d’une astreinte en cas de non-exécution. Les défendeurs ont interjeté appel de cette décision, entraînant une série de procédures et de contestations sur la compétence du tribunal et la validité des demandes.

Au cours de la procédure d’appel, les défendeurs ont soulevé une exception d’incompétence, arguant que la demande de rétablissement au rôle devait être adressée au premier président de la cour. Cependant, la cour a déclaré cette exception irrecevable, confirmant l’ordonnance initiale qui avait ordonné la démolition du mur.

Les défendeurs ont également contesté l’existence d’un droit de passage, affirmant qu’ils avaient toujours eu accès à leurs propriétés par d’autres voies. Ils ont soutenu que la démolition du mur ne se justifiait pas, car ils disposaient d’un accès alternatif. La cour a finalement jugé que les demandeurs ne prouvaient pas l’existence d’un droit de passage et a infirmé l’ordonnance initiale concernant la démolition, tout en confirmant d’autres dispositions.

En conclusion, la cour a débouté les demandeurs de leurs demandes et a laissé chaque partie supporter ses propres dépens, soulignant l’absence de tentative de médiation entre les parties.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par les intimés ?

L’irrecevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par les intimés repose sur l’application des articles 73 et 74 du code de procédure civile. Ces articles stipulent que la saisine d’une juridiction doit être enregistrée et que les conclusions de remise au rôle, comme celles présentées par l’appelante, contraignent la juridiction à enregistrer la demande.

En l’espèce, l’appelante a adressé sa demande de remise au rôle le 11 juillet 2023, ce qui a conduit à l’enregistrement de cette demande par la cour. Par conséquent, l’exception d’incompétence soulevée par les intimés, qui a été formulée après que l’affaire ait été réinscrite au rôle, est déclarée irrecevable.

Quel est le rôle du juge des référés dans la constatation d’un trouble manifestement illicite ?

Le juge des référés, selon l’article 835 du code civil, a la compétence de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est défini comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui constitue une violation évidente de la règle de droit. Dans cette affaire, le juge des référés a constaté que l’édification d’un mur par l’appelante a obstrué l’accès à la propriété des intimés, ce qui a été jugé comme un trouble manifestement illicite.

Ainsi, le juge a ordonné la démolition du mur, considérant que le droit de clore son fonds ne peut pas conduire à priver totalement l’accès à la propriété d’autrui sans préavis.

Quel est l’impact de l’absence de servitude de passage sur la décision du juge ?

L’absence de servitude de passage a un impact significatif sur la décision du juge. En effet, les intimés n’ont pas pu prouver qu’ils bénéficiaient d’un droit de passage sur la parcelle de l’appelante, ce qui est essentiel pour justifier leur demande de démolition du mur.

L’article 701 du code civil précise que la servitude est un droit réel qui confère à son titulaire un droit d’usage sur le fonds d’autrui. Dans ce cas, les intimés n’ont pas démontré l’existence d’une telle servitude, ce qui affaiblit leur position.

Le juge a donc conclu que, sans preuve d’une servitude de passage, la demande de démolition du mur ne pouvait être justifiée, et a ainsi débouté les intimés de leurs demandes.

Quel est le principe de la répartition des dépens dans cette affaire ?

La répartition des dépens est régie par l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante doit supporter les dépens. Cependant, dans cette affaire, la cour a décidé de laisser les parties supporter leurs propres dépens.

Cette décision est fondée sur la nature complexe du litige et la proximité des fonds litigieux, qui ont rendu difficile l’établissement des accès. De plus, l’absence de tentative de médiation entre les parties a conduit à une procédure judiciaire, justifiant ainsi une répartition équitable des dépens.

Ainsi, chaque partie est tenue de supporter ses propres frais, ce qui reflète une approche équilibrée face à la complexité de la situation.

Arrêt N°

PC

N° RG 24/00156 – N° Portalis DBWB-V-B7I-GAQS

[I]

C/

[Y]

[Y]

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 21 MARS 2025

Chambre civile TGI

Appel d’une ordonnance rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT DENIS en date du 07 JANVIER 2021 suivant déclaration d’appel en date du 12 FEVRIER 2021 rg n°: 20/00328

APPELANTE :

Madame [H] [U] [I] épouse [X]

[Adresse 15]

[Localité 18]

Représentant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Monsieur [N] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 16]

Représentant : Me Ingrid BLAMEBLE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [Z] [Y]

[Adresse 14]

[Localité 18]

Représentant : Me Ingrid BLAMEBLE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Clôture:17 septembre 2024

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Décembre 2024 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Le président a indiqué que l’audience sera tenue en double rapporteur. Les parties ne s’y sont pas opposées.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 21 Mars 2025.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 21 Mars 2025.

Greffier : Mme Véronique FONTAINE

LA COUR

Par acte d’huissier en date du 30 septembre 2020, Monsieur [N] [Y] et Monsieur [Z] [Y] ont fait assigner en référé Monsieur [E] [V], Madame [F] [T] [B], épouse [V] et Madame [H] [U] [X], épouse [I], devant le président du tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, aux fins d’ordonner la démolition par Monsieur et Madame [V], sous astreinte, du mur de clôture édifié en limite des parcelles cadastrées, d’une part sections AL [Cadastre 11] et [Cadastre 12], et d’autre part, section AL [Cadastre 2] et [Cadastre 6] et d’ordonner la démolition par Madame [H] [U] [X], épouse [I], du mur de clôture édifié en limite des parcelles cadastrées d’une part section AL [Cadastre 2] et d’autre part sections AL [Cadastre 9] et [Cadastre 10], situés [Adresse 17] sur la Commune de [Localité 18].

Par ordonnance en date du 7 janvier 2021, le juge des référés a statué en ces termes :

 » ORDONNONS la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG n° 20/00328 et RG n° 20/00409, lesquelles seront désormais appelées sous l’unique numéro RG n° 20/00328 ;

DISONS que les dispositions de la présente ordonnance seront opposables à Madame [H] [D] [V] et Madame [A] [H] [W] [V] ;

CONSTATONS l’existence d’un trouble manifestement illicite et en conséquence,

ORDONNONS à Madame [H] [U] [X] épouse [I] de procéder à la destruction du mur de clôture édifié en limite des parcelles cadastrées d’une part section AL [Cadastre 2] et d’autre part sections AL [Cadastre 10] situé [Adresse 17] sur la Commune de [Localité 18], et ce dans les strictes proportions permettant de rétablir un accès, tel qu’existant antérieurement à la construction dudit mur, à la propriété cadastrée AL [Cadastre 10] appartenant à Monsieur [N] [Y] ;

DISONS que l’obligation susvisée sera assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de la présente ordonnance ;

REJETONS le surplus des demandes ;

DISONS n’y avoir lieu a application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELONS que la présente ordonnance bénéfice de plein droit de l’exécution provisoire ;

CONDAMNONS le Trésor Public aux entiers dépens.  »

Par déclaration déposée au greffe de la cour par RPVA le 12 février 2021, Madame [H] [X] a interjeté appel de cette décision.

L’affaire a été fixée à bref délai suivant avis du 25 février 2021.

Par ordonnance de référé du 13 juillet 2021, le premier président de la cour d’appel, saisi par les intimés aux fins de radiation pour inexécution de la décision attaquée, a ordonné la radiation de l’affaire.

Par conclusions déposées le 11 juillet 2023, Madame [H] [U] [X], épouse [I], a demandé la remise au rôle de l’affaire pour avoir exécuté l’ordonnance querellée.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 septembre 2024.

*

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 16 septembre 2024, Madame [H] [X] demande à la cour de :

 » A TITRE PRELIMINAIRE

CONSTATER que l’affaire portant le numéro RG 21/00188 a été réinscrite au rôle de la Cour sous le numéro RG24/00156, ce qui vaut autorisation implicite de réinscription au rôle,

CONSTATER que depuis la remise au rôle, les intimés ont conclu au fond,

En conséquence,

DECLARER irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par Messieurs [Z] et [N] [Y] par conclusions en date du 17 juin 2024.

AU FOND

JUGER Madame [X] [H] [U] recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

INFIRMER l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a constaté l’existence d’un trouble manifestement illicite et ordonné à Madame [X] de procéder à la destruction du mur de clôture édifié en limite des parcelles AL [Cadastre 2] et AL [Cadastre 10].

CONFIRMER l’ordonnance pour le surplus.

Statuant à nouveau,

JUGER que les Consorts [Y] ne prouvent pas qu’ils bénéficient d’un droit de passage par les servitudes créées sur la parcelle AL [Cadastre 2].

JUGER que ces demandes se heurtent au surplus à l’existence de contestations sérieuses.

JUGER que les intimés ont bien un accès leur permettant de rejoindre la voie publique par les parcelles AL [Cadastre 6] et AL [Cadastre 3].

JUGER que la demande de démolition du mur de clôture édifié en limite des parcelles AL [Cadastre 2] et AL [Cadastre 10] ne peut se justifier en l’état, du dossier.

DEBOUTER Messieurs [Z] et [N] [Y] de l’ensemble de leurs demandes.

CONDAMNER solidairement Monsieur [Z] [Y], Monsieur [N] [Y] à payer à Madame [H] [U] [I] née [X], la somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.  »

*

Par conclusions d’intimés remises le 17 juin 2024, Monsieur [N] [Y] et Monsieur [Z] [Y] demandent à la cour de :

 » 1) SE DÉCLARER INCOMPÉTENT en faveur du Premier Président de la Cour pour statuer sur la demande de rétablissement au rôle formée par Madame [H] [U] [X] après radiation de la procédure d’appel initialement instruite sous le numéro de RG 21/00188 par ordonnance du Premier Président de la Cour d’appel de SAINT-DENIS du 13 juillet 2021.

2) RENVOYER Madame [H] [U] [X] à saisir le Premier Président de sa demande de rétablissement au rôle de la Cour de l’affaire initialement instruite sous le numéro de RG 21/00188.

3) A TITRE SUBSIDIAIRE, DEBOUTER Madame [H] [U] [X] de sa demande de réinscription au rôle de la Cour de l’affaire initialement instruite sous le numéro de RG 21/00188.

1) CONDAMNER Madame [H] [U] [I] épouse [X] à payer à Messieurs [Z] et [N] [Y] la somme de 2.000,00 EUR en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

2) CONDAMNER la même aux entiers dépens.  »

*

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de  » constatations  » ou de  » dire et juger  » lorsqu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Il doit être fait application des dispositions du code de procédure civile dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d’appel en matière civile, entré en vigueur le 1er septembre 2024 et applicable aux instances d’appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter de cette date.

Sur la dévolution de l’appel :

La cour observe que seule Madame [I] a interjeté appel contre l’ordonnance en ce qu’elle lui a ordonné de procéder à la destruction du mur de clôture édifié en limite des parcelles cadastrées d’une part section AL [Cadastre 2] et d’autres part section AL [Cadastre 10] situé [Adresse 17] sur la Commune de [Localité 18], et ce dans les strictes proportions permettant de rétablir un accès, tel qu’existant antérieurement à la construction dudit mur, à la propriété cadastrée AL [Cadastre 10] appartenant à Mr [N] [Y].

Ainsi, la décision concernant Monsieur et Madame [V] ne fait pas l’objet du présent appel.

Sur l’exception d’incompétence pour décider de la remise au rôle :

Selon Messieurs [Y], la radiation de l’appel interjeté par Madame [X] a été prononcée par ordonnance du premier président de la cour d’appel, seul compétent en l’absence de désignation d’un conseiller de la mise état, l’affaire étant instruite dans le cadre d’un  » circuit court  » (appel d’une ordonnance du Juge des référés). Suivant l’article 524 du code de procédure civile, le premier président apparaît encore seul compétent pour autoriser le rétablissement de l’affaire au rôle de la cour, ceci sur justification préalable et impérative de l’exécution de la décision dont appel. Aussi, la demande de rétablissement adressée à la cour, en lieu et place du premier président, ou lorsqu’il a été désigné du conseiller de la mise en état, est-elle vouée à l’échec irrémédiable, ce point de droit ayant été tranché par arrêt prononcé par la Cour de ce siège le 15 juin 2023.

En réplique, les appelants font valoir que l’affaire portant le numéro RG 21/00188 a été réinscrite au rôle de la cour sous le numéro RG24/00156, ce qui vaut autorisation implicite de réinscription au rôle. Or, depuis cette remise au rôle, les intimés ont conclu au fond, rendant irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par Messieurs [Z] et [N] [Y] par conclusions en date du 17 juin 2024.

Sur ce,

Vu les articles 73 et 74 du code de procédure civile ;

Les conclusions de remise au rôle ont été adressées à la cour par l’appelante le 11 juillet 2023 selon une déclaration de saisine.

Cette saisine contraint donc la juridiction du fond à enregistrer cette demande sans préjudice de sa recevabilité ni de son bienfondé qui doit être examiné dans le cadre d’une audience contradictoire.

Il est aussi incontestable que Messieurs [Y] ont conclu au fond le 26 février 2024 comme suit :

 » 1) CONFIRMER en toutes ses dispositions l’ordonnance prononcée par le président du Tribunal judiciaire de SAINT-DENIS DE LA REUNION le 7 janvier 2021.

2) DEBOUTER ce faisant Madame [H] [U] [I] épouse [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme infondées.

3) CONDAMNER Madame [H] [U] [I] épouse [X] à payer à Messieurs [Z] et [N] [Y] la somme de 2.500, 00 EUR en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

4) CONDAMNER la même aux entiers dépens.  »

Les intimés ont soulevé l’exception d’incompétence ou de procédure par conclusions postérieures.

Ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner le bienfondé de l’exception de procédure soulevée par les intimées, il convient de la déclarer irrecevable.

Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite :

Pour constater l’existence d’un trouble manifestement illicite et condamner l’appelante, le juge des référés a retenu que :

. Les demandeurs ne sont pas en mesure de justifier d’un quelconque titre ou servitude grevant la parcelle AL [Cadastre 2] à leur profit ;

. Cependant le procès-verbal de constat dressé le 11 août 2002 établit que l’édification du mur en parpaing de plus de deux mètres de hauteur le long de la limite séparative entre les parcelles AL [Cadastre 2] et AL [Cadastre 10], a pour effet d’obstruer entièrement l’entrée de la parcelle AL [Cadastre 10] qui n’est plus accessible à ce jour. Les demandeurs se trouvent intégralement privés de l’accès à leur propriété ;

. La situation d’enclave des parcelles cadastrées AL [Cadastre 9] et AL [Cadastre 10] n’est pas nouvelle et les demandeurs n’ont pas saisi le juge du fond aux fins de voir établir une servitude à leur profit ;

. Mais l’édification du mur litigieux, quand bien même celle-ci se situe dans l’exercice du droit de clore son fonds exercé par Madame [I], ne saurait conduire à enclaver intégralement, et sans mise en demeure préalable, le fonds des demandeurs et à leur en priver

l’accès.

Madame [I] expose en substance que :

. Les Consorts [Y] ne prouvent pas qu’ils doivent bénéficier d’un droit de passage par les servitudes dont bénéficie Madame [X] pour accéder au chemin communal.

Depuis toujours, ils imposent leur passage sur les parcelles voisines.

. La servitude dont ils prétendent bénéficier et dont l’assiette est incertaine de leur propre aveu, ne peut justifier la démolition de la clôture de l’appelante, alors que les consorts [Y] se sont enclavés eux-mêmes, et notamment par la construction de six logements sur des parcelles de moins de 200 m².

. Ils pensent à tort que la servitude de passage mentionnée dans leur acte serait celle grevant le long de la limite EST de la parcelle AL [Cadastre 12]. En réalité celle-ci n’a pour fond dominant seulement la parcelle AL [Cadastre 11]. (Pièces 3 et 4) Ladite servitude mentionnée dans l’acte des Consorts [Y] correspond en réalité à la servitude de 5 mètres qui avait été initialement créée à l’époque pour permettre le désenclavement des parcelles [V] telle que matérialisée sur le plan de partage afférent. (Pièce 2) Celle-ci devrait alors traverser la parcelle AL [Cadastre 3] pour desservir l’ancienne parcelle AL [Cadastre 1], devenues aujourd’hui AL [Cadastre 7], AL [Cadastre 8], AL [Cadastre 9] et AL [Cadastre 10].

. L’obligation de démolition aurait sans doute pu être fondée si les intimés n’avaient aucun accès à leurs parcelles respectives. C’est en effet seulement sous cette condition qu’une atteinte à leur droit de propriété serait caractérisée, et donc un trouble manifestement illicite établi.

. L’ordonnance entreprise retient à tort l’existence d’un trouble manifestement illicite du fait de la concluante en croyant que l’édiction du mur litigieux avait  » enclavé intégralement, et sans mise en demeure préalable, le fonds des demandeurs et à leur en priver l’accès « . Tel n’est pas le cas en l’espèce Les Consorts [Y] ont dissimulé au premier juge qu’ils bénéficiaient en réalité d’un accès piétonnier traversant les parcelles AL [Cadastre 6] et AL [Cadastre 3].

. Les intimés se trouvent infondés à revendiquer le rétablissement d’un  » accès normal et suffisant à leurs propriétés « . Ce passage implique la traversée des propriétés voisines, mais il en est exactement de même du passage qu’ils revendiquent aujourd’hui sur la parcelle AL [Cadastre 2] appartenant à l’appelante.

. L’accès aux parcelles AL [Cadastre 9] et AL [Cadastre 10] par la parcelle AL [Cadastre 2] n’est pas plus  » normal  » que l’accès par les parcelles AL [Cadastre 6] et AL [Cadastre 8]. Il s’agit dans les deux cas d’un passage piéton non carrossable issu d’une tolérance de passage, dont la première a été révoquée et la deuxième toujours en vigueur. Dans les deux cas, la parcelle AL [Cadastre 5] est concernée par le passage.

En réplique, Messieurs [Y] font valoir que :

. Les constats dressés en décembre 2019 et août 2020 démontrent qu’ils ne disposent d’aucun accès carrossable ou même piéton à leur propriété, étant contraints, pour accéder à leur maison, d’emprunter un chemin piéton avec l’autorisation – nécessairement révocable – de la propriétaire de la parcelle voisine cadastrée section AL [Cadastre 6], puis de traverser, toujours à pied, l’habitation édifiée sur la parcelle cadastrée section AL [Cadastre 8], appartenant à leur parents

(Pièces n° 5).

. Monsieur [N] [Y] doit d’ailleurs encore traverser l’habitation de son frère [Z], située sur la parcelle cadastrée section AL [Cadastre 9], pour accéder à sa propre maison dont le portail d’accès est totalement entravé par le mur de clôture édifié le long de la parcelle appartenant à Madame [X] épouse [I] (Pièces n° 5 et 6).

. Selon les intimés, l’origine de cette atteinte à leur droit de propriété se situe dans l’édification par Madame [X], épouse [I], d’un mur longeant sa propriété, cadastrée section AL [Cadastre 2], condamnant définitivement, brutalement et sans aucun préavis l’accès dont bénéficiait Monsieur [N] [Y], comme Monsieur [Z] [Y] via la parcelle de son frère, à sa propriété.

. Ces agissements procèdent d’un abus de droit manifeste de la part de Madame [X] , épouse [I], son droit de se clore ne pouvant aller jusqu’à condamner totalement tout accès à la propriété des intimés. C’est donc à bon droit que le juge des référés a retenu que  » le droit de clore son fonds exercé par Madame [X], épouse [I], ne saurait conduire à enclaver intégralement, et sans mise en demeure préalable, le fonds des demandeurs et à leur en priver l’accès « , ceci nonobstant l’existence d’un débat sur le fonds du droit et l’absence de saisine matérialisée du tribunal judiciaire.

. Les intimés précisent être résolus à saisir le tribunal judiciaire afin de régler définitivement la querelle les opposant à leurs voisins et de voir fixer l’emprise de la servitude conventionnelle consacrée par leur titre.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l’article 835 du code civil, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le juge des référés peut intervenir, même en présence d’une contestation sérieuse, pour ordonner les mesures qui s’imposent lorsqu’il constate l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage sur le point de survenir.

Le trouble manifestement illicite peut se définir comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ; il procède de la méconnaissance d’un droit , d’un titre ou, corrélativement, d’une interdiction les protégeant.

En l’espèce, Messieurs [Y] affirment que, par l’édification d’un mur sans préavis, Madame [I] a privé leur héritage de tout accès à la voie publique en raison de l’état d’enclave de leurs parcelles respectives AL [Cadastre 9] et AL [Cadastre 10], issues de la division d’une parcelle alors cadastrée AL [Cadastre 1], reçues en donation par acte dressé le 28 avril 2015.

Ces parcelles jouxtent la parcelle de Madame [I], cadastrée AL [Cadastre 2].

L’acte de donation-partage en date du 28 avril 2015 s’est accompagné de la création d’une servitude de passage piéton dont l’assiette, de 1,50 mètres de large est prise sur la parcelle AL [Cadastre 10], à partir de sa limite Sud-Ouest puis courant tout le long de sa limite séparative avec la parcelle AL [Cadastre 2], jusqu’à l’entrée de la parcelle AL [Cadastre 9]. Néanmoins, le plan annexé à l’acte n’est pas produit par les intimés.

Selon cet acte de donation-partage, les donateurs, Monsieur [K] [Y] et son épouse, Madame [H] [S] [X], ont attribué à Monsieur [N] [Y] la parcelle AL [Cadastre 10] et à Monsieur [Z] [Y] la parcelle AL [Cadastre 9], sans évoquer l’éventuel état d’enclave de ces deux parcelles.

L’acte précise que ces biens proviennent de la division d’une parcelle plus grande anciennement cadastrée AL [Cadastre 1] et rappelant que celle-ci bénéficie d’un droit de passage donnant accès au chemin communal tel qu’il avait été mentionné dans l’acte du 27 août 1971 contenant cession au couple [Y], donataires des parcelles AL [Cadastre 9] et AL [Cadastre 10] (pièce n° 2 des intimés).

Selon l’acte de 1971, la parcelle cédée AL [Cadastre 1] mesurait environ 8 ares et 90 centiares.

Enfin, les intimés versent aux débats l’arrêt de la cour d’appel ayant infirmé le jugement du juge de l’exécution relatif à la liquidation de l’astreinte fixée par l’ordonnance de référé entreprise dans la présente instance.

Il en résulte que la cour, statuant comme juge de l’exécution, avait retenu que l’accès aux parcelles de Messieurs [Y] avait été rendu possible grâce à l’accord amiable de Madame [H] [U] [I] et que seule celle-ci bénéficiait d’une servitude conventionnelle de passage en vertu de son acte de propriété dressé le 6 août 2005 (pièce n° 1 de l’appelante).

Selon les termes de cet acte de vente, la parcelle AL [Cadastre 13] (et non [Cadastre 1]) est grevée d’une servitude de passage profitant aux parcelles AL [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 6].

En effet, la lecture du procès-verbal de bornage en date du 9 mars 2012 (pièce n° 3 de l’appelante) révèle clairement qu’une servitude de passage a été prise sur la parcelle AL [Cadastre 13] au bénéfice de la parcelle AL [Cadastre 2] appartenant à Madame [I].

Ainsi, il est constant que les parcelles AL [Cadastre 9] et AL [Cadastre 10] des intimés ne bénéficient d’aucune servitude de passage actuellement alors que leurs parcelles sont issues de la division d’une parcelle anciennement cadastrée AL [Cadastre 1] (et non AL [Cadastre 13]).

D’ailleurs, l’acte constitutif de la servitude entre les parcelles des intimés souligne clairement qu’il s’agit d’un passage piéton dont l’assiette, de 1,50 mètres de large est prise sur la parcelle AL [Cadastre 10], à partir de sa limite Sud-Ouest puis courant tout le long de sa limite séparative avec la parcelle AL [Cadastre 2], jusqu’à l’entrée de la parcelle AL [Cadastre 9].

Cette seule mention suffit à confirmer qu’aucune servitude n’est encore allouée à la parcelle AL [Cadastre 9] ou à la parcelle AL [Cadastre 10], et encore moins grevée sur le fonds de Madame [I], cadastré AL [Cadastre 2].

Mais, ayant bénéficié d’une tolérance de la part de Madame [I], Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [N] [Y] se sont vus privés d’un accès de façon brutale et sans préavis par l’appelante, laquelle ne verse pas aux débats la preuve d’une quelconque tentative préalable de discussion ni d’une mise en demeure d’avoir à cessé d’utiliser ce passage, pas plus que d’une action judiciaire au fond.

Les trois attestations versées aux débats par Madame [I], énonçant synthétiquement que le passage piéton n’était jamais utilisé par Messieurs [Y] (pièces n° 22, 23 et 24) précisent en outre que ce droit de passage avait été  » laissé  » par l’appelante, confirmant ainsi l’existence antérieure d’une tolérance qui ne pouvait être supprimée sans préavis et ce, même si les propriétaires des parcelles AL [Cadastre 9] et AL [Cadastre 10] continuent de circuler librement en passant par les parcelles AL [Cadastre 8] et [Cadastre 7] qui sont issues de la même parcelle mère AL [Cadastre 1] comme le conclut Madame [I] et alors que les mesures de désenclavement n’ont pas été envisagées depuis l’acte de donation-partage du 28 avril 2015.

Ainsi, le trouble manifestement illicite a été justement apprécié par le premier juge.

En ordonnant la démolition sous astreinte du mur édifié sans préavis et ayant pour effet de priver le propriétaire de la parcelle AL [Cadastre 9] puis celui de la parcelle AL [Cadastre 10] de la tolérance accordée par la propriétaire de la parcelle AL [Cadastre 2], le juge des référés a donc pris les mesures adaptées destinées à y mettre fin.

L’ordonnance querellée doit être confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La nature du litige et la proximité des fonds litigieux ont rendu complexe l’état des accès aux parcelles divisées.

Or, l’absence de tentative de médiation et de recherche en commun d’une solution négociée a conduit les parties devant le juge des référés puis devant la cour d’appel.

Pour ces motifs, il est équitable de laisser les parties supporter leurs propres dépens ainsi que leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE IRRECEVABLE l’exception d’incompétence soulevée par les intimés à propos des conditions de la remise au rôle de l’affaire ;

CONFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

DEBOUTE les parties de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

LAISSE les parties supporter leurs propres dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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