Propriété des véhicules et possessionLa règle de droit applicable en matière de propriété des véhicules repose sur l’article 2276 du Code civil, qui stipule que « En fait de meubles, la possession vaut titre ». Cette disposition établit que la possession d’un bien meuble, tel qu’un véhicule, confère à son détenteur des droits de propriété, sauf preuve du contraire. En l’espèce, Monsieur [D] [W] a été reconnu comme le seul possesseur des véhicules en question, ce qui lui confère la présomption de propriété. Certificat d’immatriculation et preuve de propriétéLe certificat d’immatriculation, bien qu’il soit un document administratif attestant de la mise en circulation d’un véhicule, ne constitue pas en soi une preuve de propriété. Cette position est corroborée par la jurisprudence, qui indique que la présence de plusieurs noms sur un certificat d’immatriculation ne prouve pas l’existence d’une indivision. Ainsi, il incombe à celui qui conteste la possession de prouver son droit de propriété, conformément à l’article 9 du Code de procédure civile, qui impose à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention. Résistance abusive et dommages-intérêtsLa résistance abusive est sanctionnée par l’octroi de dommages-intérêts, comme le prévoit l’article 1382 du Code civil, qui impose la réparation du préjudice causé par le fait d’autrui. Dans cette affaire, le refus de Madame [E] [J] de signer les certificats d’immatriculation, malgré la reconnaissance de la possession par Monsieur [D] [W], a été qualifié de résistance abusive, justifiant ainsi l’octroi de dommages-intérêts à Monsieur [W]. Frais de justice et article 700 du Code de procédure civileL’article 700 du Code de procédure civile permet au juge d’allouer une somme à titre de frais de justice à la partie qui obtient gain de cause. Dans le cadre de cette décision, Madame [E] [J] a été condamnée à verser à Monsieur [D] [W] une somme au titre de cet article, en raison de la nature abusive de sa résistance et de la nécessité de compenser les frais engagés par Monsieur [W] pour faire valoir ses droits. |
L’Essentiel : La possession d’un bien meuble, tel qu’un véhicule, confère à son détenteur des droits de propriété, sauf preuve du contraire. Monsieur [D] [W] a été reconnu comme le seul possesseur des véhicules, lui conférant la présomption de propriété. Le certificat d’immatriculation ne constitue pas une preuve de propriété, et il incombe à celui qui conteste la possession de prouver son droit. Le refus de Madame [E] [J] de signer les certificats a été qualifié de résistance abusive, justifiant des dommages-intérêts.
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Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un acheteur a acquis un quad et une caravane auprès d’une société, avec un bon de commande daté du 4 avril 2008 et une facture du 6 juin 2008. Le prix total de l’achat était de 8 321 euros, incluant la reprise d’un ancien quad. Les certificats d’immatriculation des véhicules ont été établis au nom de l’acheteur et de sa partenaire, une co-titulaire. Après une séparation, des tensions sont apparues concernant la vente d’un camping-car, la partenaire refusant de signer le certificat de cession sans recevoir une compensation financière.
Le 22 février 2022, un conciliateur de justice a constaté le désaccord entre les deux parties. L’acheteur a alors saisi le tribunal judiciaire pour demander la régularisation des cartes grises, affirmant que sa partenaire n’avait pas contribué financièrement à l’achat des véhicules. Le tribunal a rendu un jugement le 29 juin 2023, déboutant l’acheteur de ses demandes et condamnant ce dernier aux dépens, tout en accordant une somme à la partenaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’acheteur a interjeté appel, soutenant que la possession des véhicules lui conférait la qualité de propriétaire, et que le certificat d’immatriculation ne prouvait pas la copropriété. Il a également affirmé que sa partenaire n’avait pas prouvé sa participation financière à l’achat des véhicules. En réponse, la partenaire a soutenu qu’ils avaient formé une société de fait et qu’elle avait été contrainte de laisser les véhicules à l’acheteur. La cour d’appel a finalement infirmé le jugement de première instance, déclarant l’acheteur seul propriétaire des véhicules et condamnant la partenaire à signer les certificats d’immatriculation, sous astreinte, tout en lui imposant de verser des dommages et intérêts pour résistance abusive. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la décision concernant la propriété des véhicules ?La décision de la Cour repose sur l’article 2276 du code civil, qui stipule : « En fait de meubles, la possession vaut titre ». Dans cette affaire, il a été établi que le seul possesseur des deux véhicules, à savoir le quad et la caravane, est le dirigeant d’entreprise. Madame [J] n’a pas réussi à prouver qu’elle avait laissé les véhicules à Monsieur [W] pour qu’il accepte de quitter le domicile. De plus, le certificat d’immatriculation, qui mentionne les deux noms, ne constitue pas une preuve de propriété. La Cour a également noté que seul Monsieur [W] apparaissait sur le bon de commande et la facture du quad, ainsi que sur les documents relatifs à l’assurance et aux réparations des véhicules. Ainsi, la possession des véhicules par Monsieur [W] a été déterminante pour établir sa qualité de propriétaire. Quel est l’impact de la résistance abusive sur les dommages et intérêts ?La résistance abusive est définie comme le refus injustifié de se conformer à une obligation légale. Dans cette affaire, la Cour a condamné Madame [J] à verser 500 euros à Monsieur [W] pour résistance abusive, en raison de son opposition à signer les certificats d’immatriculation. Cette décision s’appuie sur le principe selon lequel celui qui agit de manière abusive peut être tenu de réparer le préjudice causé. L’article 700 du code de procédure civile, qui permet d’allouer des frais de justice, a également été appliqué, condamnant Madame [J] à verser 2000 euros à Monsieur [W]. La Cour a ainsi reconnu que le refus de Madame [J] de signer les documents était injustifié, ce qui a entraîné des conséquences financières pour elle. Quel est le rôle des certificats d’immatriculation dans la détermination de la propriété ?Les certificats d’immatriculation, bien qu’ils mentionnent les deux noms, ne sont pas considérés comme des titres de propriété. La jurisprudence a établi que la présence de plusieurs noms sur un certificat d’immatriculation ne prouve pas l’existence d’une indivision. L’article R. 322-5 du code de la route précise que le certificat d’immatriculation est un document administratif, mais ne confère pas la qualité de propriétaire. Dans cette affaire, la Cour a souligné que le dirigeant d’entreprise, en tant que seul détenteur des véhicules, devait prouver sa propriété, ce qu’il a fait en fournissant des preuves de paiement et d’entretien. Ainsi, les certificats d’immatriculation ne suffisent pas à établir la propriété en l’absence de preuves contraires. Quel est l’effet de l’impossibilité de se procurer un écrit sur la preuve de propriété ?L’article 1360 du code civil stipule que l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit peut être prise en compte pour établir la preuve d’une obligation. Madame [J] a soutenu qu’elle était dans l’impossibilité morale d’obtenir un écrit de Monsieur [W] concernant sa participation à l’achat des véhicules. Cependant, la Cour a noté qu’elle n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier cette impossibilité, notamment en ce qui concerne son état de santé et ses revenus modestes. De plus, le fait que son nom figure sur les certificats d’immatriculation contredit son affirmation d’impossibilité d’obtenir un écrit. Ainsi, la Cour a conclu que l’absence d’un écrit ne suffisait pas à établir sa qualité de propriétaire des véhicules. Quel est le rôle de la charge de la preuve dans cette affaire ?L’article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention. Dans cette affaire, la Cour a constaté que le dirigeant d’entreprise, en tant que détenteur des véhicules, avait la charge de prouver sa propriété. Il a démontré qu’il était le seul possesseur des véhicules et qu’il avait assumé tous les frais liés à leur entretien. En revanche, Madame [J] n’a pas réussi à prouver qu’elle avait participé à l’achat des véhicules, ni à justifier son affirmation selon laquelle elle était également propriétaire. La Cour a donc jugé que le premier juge avait inversé la charge de la preuve, ce qui a conduit à une décision erronée en première instance. Ainsi, la charge de la preuve a été un élément clé dans la décision finale de la Cour. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2025 DU 24 MARS 2025
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02633 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FJCZ
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL,
R.G.n° 11-22-000261, en date du 29 juin 2023,
APPELANT :
Monsieur [D] [W]
né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 9] (88)
domicilié [Adresse 1]
Représenté par Me Laurent BENTZ de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d’EPINAL
INTIMÉE :
Madame [E] [J]
née le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 7] (55)
domiciliée [Adresse 5]
Représentée par Me Janick LANGUILLE de la SELARL LANGUILLE, avocat au barreau d’EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Janvier 2025, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Monsieur Thierry SILHOL, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, chargé du rapport,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2025, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 24 Mars 2025, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon bon de commande en date du 4 avril 2008 et facture en date du 6 juin 2008, Monsieur [D] [W] a acquis de la SARL [8] un quad ‘Sportsman 800 EFI’ 4×4, outre des piquets, pour le prix de 8321 euros tenant compte de la reprise d’un quad ‘Hytrack 300 4×4’ pour 4000 euros. Le certificat d’immatriculation du quad daté du 17 juin 2008 est établi aux noms de Monsieur [W] et de Madame [E] [J].
Monsieur [W] et Madame [J] sont également mentionnés tous deux sur un certificat d’immatriculation du 5 août 2011 concernant un véhicule ‘caravane’ Mercedes immatriculé [Immatriculation 6] que Monsieur [T] [P] déclare avoir vendu le 3 août 2011 pour le prix de 23000 euros, payé par chèque de banque.
Après une période de vie commune, Monsieur [W] et Madame [J] sont désormais séparés.
Le 22 février 2022, le conciliateur de justice a établi un bulletin de non conciliation indiquant que Madame [J] refuse de signer le certificat de cession du camping-car que Monsieur [W] a mis en vente, ajoutant qu’elle n’acceptera de signer la carte grise barrée qu’en échange de la moitié du prix prévu, soit 4000 euros.
Par déclaration reçue au greffe du tribunal judiciaire d’Épinal le 23 mars 2022, Monsieur [D] [W] a demandé la convocation de Madame [E] [J] aux fins de ‘régularisation de deux cartes grises’. Il expliquait avoir acheté deux véhicules avec son agent personnel et vouloir pouvoir en disposer. Il précisait que les deux cartes grises étaient établies à son nom et à celui de Madame [J], mais que cette dernière n’avait pas participé à l’achat de ces véhicules, ne disposant d’aucune rentrée d’argent à cette époque.
Par jugement contradictoire du 29 juin 2023, le tribunal judiciaire d’Épinal a :
– débouté Monsieur [W] de ses demandes dirigées contre Madame [J],
– débouté Madame [J] de sa demande de dommages et intérêts,
– condamné Monsieur [W] aux entiers dépens de l’instance,
– condamné Monsieur [W] à payer à Madame [J] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le premier juge a indiqué que le certificat d’immatriculation fait foi de la qualité de propriétaire des co-titulaires qui y sont mentionnés.
Il a considéré que Monsieur [W] ne rapportait pas la preuve qu’il était le seul propriétaire des deux véhicules en exposant que la facture des établissements [8], libellée à l’ordre de Monsieur [W] seul, ne permettait pas d’exclure que l’achat avait été fait également par Madame [J] et qu’il en allait de même pour l’achat du camping-car, le chèque de banque ne mentionnant pas l’origine des fonds et le vendeur se bornant à indiquer qu’il avait vendu le véhicule au prix de 23000 euros, sans préciser l’identité de l’acquéreur.
Le premier juge en a conclu que Madame [J] ne pouvait être contrainte à signer le certificat de cession des deux véhicules, ni à verser la moindre somme à Monsieur [W].
Il a débouté Madame [J] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive au motif qu’il n’était pas établi que Monsieur [W] avait agi avec une intention de lui nuire.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 15 décembre 2023, Monsieur [W] a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 4 octobre 2024 , auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [W] demande à la cour, sur le fondement des articles 2276 du code civil et 9 du code de procédure civile, de :
– déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par Monsieur [W],
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
. débouté Monsieur [W] de ses demandes dirigées contre Madame [J],
. condamné Monsieur [W] aux entiers dépens de l’instance,
. condamné Monsieur [W] à payer à Madame [J] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [J] de sa demande de dommages et intérêts,
Dès lors et statuant à nouveau,
– condamner Madame [J] à signer le certificat d’immatriculation du véhicule Polaris (quad) immatriculé [Immatriculation 2] afin d’acter que le seul propriétaire dudit véhicule est Monsieur [W], et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
– condamner Madame [J] à signer le certificat d’immatriculation du véhicule Mercedes (caravane) immatriculé [Immatriculation 6] afin d’acter que le seul propriétaire dudit véhicule est Monsieur [W], et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
– dire et juger que Monsieur [W] est seul propriétaire desdits véhicules,
– condamner Madame [J] à verser à Monsieur [W] la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamner Madame [J] à verser à Monsieur [W] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Madame [J] aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– débouter Madame [J] de l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires.
Au soutien de son recours, Monsieur [W] expose qu’un certificat d’immatriculation ne vaut pas titre de propriété, qu’il s’agit uniquement d’un document administratif de mise en circulation, ce qui n’est pas remis en cause par l’article R. 322-5 du code de la route, visé par le premier juge.
Rappelant les dispositions de l’article 2276 alinéa premier du code civil selon lesquelles ‘En fait de meubles, possession vaut titre’, Monsieur [W] fait valoir qu’il est le seul détenteur des deux véhicules. Il expose que selon la Cour de cassation, la présence de deux noms sur une carte grise ne prouve pas l’existence d’une indivision portant sur le véhicule, le détenteur étant, sauf preuve contraire, seul propriétaire. Il indique qu’en l’espèce, il est en possession de la caravane et du quad et qu’il assume l’entretien et les frais relatifs aux deux véhicules.
Il en conclut que le premier juge a renversé la charge de la preuve induite par l’article 9 du code de procédure civile et l’article 2276 du code civil, puisqu’il revient à celui qui n’est pas détenteur du véhicule de démontrer qu’il en est le propriétaire.
Il rétorque que Madame [J] ne démontre pas l’incapacité morale d’obtenir un écrit qu’elle allègue.
Il expose que les deux véhicules ont été acquis en 2008 et 2011, alors que Madame [J] percevait des revenus très modestes.
S’agissant de la plainte produite par Madame [J] relative au fait qu’il aurait vendu un véhicule commun, il souligne qu’elle n’a été suivie d’aucune poursuite, ni d’aucune condamnation.
Il en conclut que Madame [J] doit être condamnée sous astreinte à signer les certificats d’immatriculation des deux véhicules pour acter qu’il est le seul propriétaire.
Concernant sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, il fait valoir que Madame [J] s’oppose à la signature des certificats d’immatriculation, alors qu’elle sait ne pas avoir financé les deux véhicules et qu’ils sont en sa possession.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 3 octobre 2024 , auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [J] demande à la cour, sur le fondement des articles 515-8 et 1360 du code civil, de :
– dire et juger recevable mais mal fondé Monsieur [W] en son appel,
– débouter Monsieur [W] de l’intégralité de ses demandes,
– confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– condamner Monsieur [W] aux entiers dépens,
– condamner Monsieur [W] à payer à Madame [J] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [J] rappelle les dispositions de l’article 515-8 du code civil relatif au concubinage, exposant avoir vécu près de 15 années avec Monsieur [W]. Elle soutient qu’en l’absence de convention d’indivision ou de contrat de concubinage, ils ont créé une société de fait.
Elle prétend qu’en raison d’une rupture conflictuelle, elle a été contrainte de laisser la possession des deux véhicules à Monsieur [W] afin qu’il accepte de quitter son domicile.
Elle affirme que ce dernier, sachant que les deux véhicules étaient achetés et financés en commun, a fait établir les factures à son seul nom et qu’elle n’a pas pu solliciter que les factures soient établies aux deux noms, ayant seulement pu faire adjoindre son nom sur les deux cartes grises. Elle rétorque que, même si le certificat d’immatriculation n’est pas considéré comme un acte de propriété, le fait qu’il soit établi aux deux noms constitue un commencement de preuve de ce qu’elle est propriétaire des deux véhicules et qu’il appartient à Monsieur [W] de prouver qu’il est l’unique propriétaire.
Elle fait valoir les dispositions de l’article 1360 du code civil relatif à l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit et soutient qu’elle était au moment de l’acquisition des deux véhicules dans l’impossibilité morale d’obtenir un écrit de Monsieur [W] selon lequel elle a participé à ces deux achats, ainsi que d’exiger que la facture soit établie aux deux noms. Elle ajoute que selon la Cour de cassation, la règle instituant l’impossibilité de se procurer un écrit n’est pas subordonnée à l’existence d’un commencement de preuve par écrit. Elle expose que cette impossibilité constitue un fait juridique et se prouve par tous moyens. À ce sujet, elle expose présenter un taux d’incapacité reconnu entre 50 et 79 %, avoir connu de nombreuses hospitalisations et avoir dû rester alitée de nombreux mois. Elle prétend que Monsieur [W] a profité de son état de santé dégradé pour conserver les véhicules.
Elle affirme encore que Monsieur [W] a prémédité de conserver à son seul avantage les deux véhicules, ayant gardé ses relevés de compte de 2008 et produisant des factures d’entretien datant de 2013. Elle soutient rapporter la preuve du comportement amoral de Monsieur [W] qui a tout mis en ‘uvre depuis l’achat des deux véhicules pour obtenir un droit qu’il sait abusif. Elle rétorque que le fait que ses revenus aient pu être modestes n’exclut pas sa participation à l’achat des véhicules.
Elle soutient que le fait que Monsieur [W] assume les frais d’assurance des véhicules ne démontre pas qu’il en est le seul propriétaire. Elle rétorque que, après l’acquisition du camping-car, c’est sa protection juridique à elle qui a pris en charge les difficultés liées aux barillets. Enfin, elle expose que Monsieur [W] a déjà pu obtenir la vente d’un véhicule commun, sans sa signature.
Elle en conclut que, étant également propriétaire des deux véhicules, elle ne peut pas être contrainte de signer les certificats de cession.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 15 octobre 2024.
L’audience de plaidoirie a été fixée au 13 janvier 2025 et le délibéré au 24 mars 2025.
SUR LES DEMANDES PRINCIPALES
Selon le premier alinéa de l’article 2276 du code civil, ‘En fait de meubles, la possession vaut titre’.
En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur [W] est le seul possesseur des deux véhicules depuis la séparation du couple.
Madame [J] ne démontre nullement son affirmation selon laquelle elle l’aurait laissé les emporter afin qu’il accepte de quitter son domicile.
Contrairement à ce qu’a indiqué le premier juge, un certificat d’immatriculation n’établit pas la qualité de propriétaire.
Au regard des dispositions légales rappelées ci-dessus, Madame [J] n’est pas davantage fondée à soutenir que le fait que les certificats d’immatriculation soient établis aux deux noms constitue un commencement de preuve de ce qu’elle est propriétaire de ces deux véhicules et qu’il incomberait à Monsieur [W] de rapporter la preuve contraire.
Outre la possession des deux véhicules par Monsieur [W], il est relevé que seul ce dernier apparaît sur le bon de commande du véhicule quad du 4 avril 2008 et la facture du 6 juin 2008 d’un montant de 8321 euros (après déduction au titre de la reprise d’un précédent véhicule). Or, un débit par chèque de 8321 euros apparaît sur le compte personnel de Monsieur [W] le 9 juin 2008.
Par ailleurs, concernant le camping-car Mercedes, Monsieur [W] établit par les pièces qu’il produit qu’il assume les frais d’assurance (en dernier lieu, avis d’échéance du 5 juillet 2023) ainsi que les frais de réparation (factures des 6 août 2013, 10 septembre 2019, 19 août 2021 et 11 octobre 2021), les règlements de ces factures étant effectués à partir du compte personnel de Monsieur [W].
Il est également établi par les avis d’imposition de Madame [J] que lors de l’acquisition des véhicules, celle-ci percevait des revenus très modestes. Et si cette dernière rétorque que ce fait n’exclut pas sa participation à l’achat des véhicules, force est de constater qu’elle n’indique pas au moyen de quels fonds elle y aurait participé.
En outre, Madame [J] ne prouve nullement l’impossibilité morale ou matérielle alléguée d’obtenir un écrit de Monsieur [W] selon lequel elle aurait participé aux deux acquisitions, ni d’exiger que les factures soient établies aux deux noms.
Ainsi, Madame [J] expose présenter un taux d’incapacité reconnu entre 50 et 79 %. Tout d’abord, cette reconnaissance en tant qu’adulte handicapé n’établit pas cette impossibilité, étant au surplus relevé qu’elle n’en justifie que par une décision du 19 août 2022, alors que les véhicules ont été acquis en 2008 et 2011.
Madame [J] ajoute qu’elle ‘a connu nombres [sic] d’hospitalisations, et a dû rester alitée de nombreux mois’, sans produire aucune pièce à ce sujet. Elle fait encore état du ‘décès de sa mère intervenu dans les mêmes temps’. Cependant, selon l’acte de décès, il a eu lieu le 10 février 2022, soit environ 14 ans et 11 ans après l’acquisition de chacun des véhicules.
Enfin, ce moyen non démontré peut d’autant moins être retenu que le nom de Madame [J] figure sur les deux certificats d’immatriculation, ce qui apparaît en contradiction manifeste avec l’impossibilité d’obtenir une telle mention sur les factures.
Quant à l’échange de courriels en novembre 2011 entre Madame [J] et la société [10], relatif au remplacement des barillets du camping-car, il n’est pas de nature à établir sa qualité de propriétaire.
Enfin, l’affirmation de Madame [J] selon laquelle Monsieur [W] aurait déjà vendu un véhicule commun sans sa signature n’est pas prouvée par le seul procès-verbal de dépôt de plainte du 14 juin 2019 n’ayant donné lieu à aucune condamnation ni même poursuite.
Au regard de l’ensemble des développements qui précèdent, il y a lieu de juger que Monsieur [W] est le seul propriétaire des deux véhicules et, en conséquence, de faire droit à sa demande tendant à ce que Madame [J] soit condamnée à signer les deux certificats d’immatriculation.
Eu égard à l’opposition de cette dernière depuis plusieurs années, pour garantir l’effectivité de cette condamnation, elle sera assortie d’une astreinte de 10 euros par jour passé le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt.
Compte tenu des développements qui précèdent, ce refus opposé par Madame [J] depuis plusieurs années est constitutif d’une résistance abusive et il sera partiellement fait droit à la demande de Monsieur [W], Madame [J] étant condamnée à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.
Enfin, en l’absence d’appel incident, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de dommages et intérêts de Madame [J] rejetée par le premier juge.
SUR LES DÉPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Monsieur [W] obtenant gain de cause dans son recours, le jugement sera infirmé en ce qu’il l’a condamné aux dépens et à payer à Madame [J] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau et y ajoutant, Madame [J] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, à payer à Monsieur [W] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et elle sera déboutée de ses propres demandes présentées sur ce même fondement, tant en première instance qu’en appel.
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme en ses dispositions contestées le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Épinal le 29 juin 2023 ;
Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés et y ajoutant,
Juge que Monsieur [D] [W] est le seul propriétaire des véhicules :
– Polaris (quad) immatriculé [Immatriculation 2],
– Mercedes (caravane) immatriculé [Immatriculation 6] ;
Condamne Madame [E] [J] à signer le certificat d’immatriculation du véhicule Polaris (quad) immatriculé [Immatriculation 2] afin d’acter que le seul propriétaire de ce véhicule est Monsieur [D] [W], et ce sous astreinte de 10 euros (DIX EUROS) par jour passé le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt ;
Condamne Madame [E] [J] à signer le certificat d’immatriculation du véhicule Mercedes (caravane) immatriculé [Immatriculation 6] afin d’acter que le seul propriétaire dudit véhicule est Monsieur [D] [W], et ce sous astreinte de 10 euros (DIX EUROS) par jour passé le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt ;
Condamne Madame [E] [J] à payer à Monsieur [D] [W] la somme de 500 euros (CINQ CENTS EUROS) à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Condamne Madame [E] [J] à payer à Monsieur [D] [W] la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Madame [E] [J] de ses demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en appel ;
Condamne Madame [E] [J] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en huit pages.
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