Prescription de l’action en revendication du statut des baux commerciauxL’article L.145-60 du code de commerce stipule que l’action en requalification d’un contrat de location en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de la conclusion du contrat. Toutefois, cette prescription ne s’applique pas à l’action en revendication du statut des baux commerciaux, qui est régie par l’article L.145-5 du même code. Cet article précise que si, à l’expiration d’un bail dérogatoire, le preneur reste en possession des lieux, un nouveau bail s’opère dont les effets sont régis par le statut des baux commerciaux. La jurisprudence, notamment la décision de la Cour de cassation (Civ. 3°, 1er octobre 2014, n°13-16.806), a confirmé que l’action en revendication du statut des baux commerciaux, résultant du maintien en possession après un bail dérogatoire, n’est pas soumise à la prescription biennale de l’article L.145-60. Conditions d’application de l’article L.145-5L’article L.145-5 du code de commerce permet aux parties de déroger aux dispositions relatives aux baux commerciaux, à condition que la durée totale du bail ne dépasse pas trois ans. Si, à l’issue de cette période, le preneur reste en possession des lieux, un nouveau bail est réputé conclu, régissant les relations entre les parties selon le statut des baux commerciaux. La jurisprudence a précisé que pour qu’un bail dérogatoire soit reconnu, il doit être clairement stipulé dans le contrat, et que la volonté du bailleur de ne pas reconduire le bail doit être manifestée de manière explicite. En l’absence d’une telle manifestation, le maintien en possession du preneur après l’expiration du bail dérogatoire entraîne l’application du statut des baux commerciaux (Civ. 3°, 11 mai 2022, n°21-15.389). Immatriculation et conditions d’exploitationL’article L.145-1 du code de commerce impose que l’exploitation d’un fonds de commerce soit immatriculée au registre du commerce pour bénéficier du statut des baux commerciaux. Cependant, la jurisprudence a également établi que l’absence d’immatriculation d’un établissement secondaire ne fait pas obstacle à l’application de l’article L.145-5, tant que l’établissement principal est dûment immatriculé (Civ. 3°, 25 octobre 2018, n°17-26.126). Ainsi, même si le preneur n’est pas immatriculé pour le site secondaire, cela ne l’empêche pas de revendiquer le statut des baux commerciaux, à condition que l’activité commerciale soit effectivement exercée dans les lieux loués. |
L’Essentiel : L’article L.145-60 du code de commerce stipule que l’action en requalification d’un contrat de location en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de la conclusion du contrat. Cependant, l’action en revendication du statut des baux commerciaux, régie par l’article L.145-5, n’est pas soumise à cette prescription. Si, à l’expiration d’un bail dérogatoire, le preneur reste en possession des lieux, un nouveau bail s’opère, régissant les relations selon le statut des baux commerciaux.
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Résumé de l’affaire : L’affaire concerne un litige entre deux sociétés, la Sarl Boxmax Grenoble, bailleur, et la Sarl Gaz 38, preneur, relatif à un contrat de location d’un tènement immobilier. Le contrat, signé le 1er novembre 2020, stipulait un loyer mensuel de 310 euros HT pour une durée d’un an, avec possibilité de reconduction tacite. Le 8 avril 2022, la Sarl Boxmax Grenoble a notifié un congé au preneur, effectif au 31 octobre 2022. En réponse, la Sarl Gaz 38 a soutenu que le contrat devait être soumis au statut des baux commerciaux, entraînant des négociations entre les parties.
Le 2 novembre 2023, la Sarl Boxmax Grenoble a délivré une sommation de déguerpir à la Sarl Gaz 38. En réaction, cette dernière a assigné la Sarl Boxmax Grenoble devant le tribunal judiciaire de Grenoble, demandant la reconnaissance de son contrat comme un bail commercial, ainsi que des dommages et intérêts. La Sarl Boxmax Grenoble a contesté cette action, arguant de la prescription de la demande de la Sarl Gaz 38. Le juge de la mise en état a déclaré l’action de la Sarl Gaz 38 irrecevable pour cause de prescription, condamnant cette dernière à payer des frais à la Sarl Boxmax Grenoble. Cependant, la Sarl Gaz 38 a interjeté appel de cette décision. La cour d’appel a infirmé l’ordonnance du premier juge, déclarant non prescrite l’action de la Sarl Gaz 38 et reconnaissant l’existence d’un bail commercial. Elle a débouté la Sarl Boxmax Grenoble de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et a condamné cette dernière à verser 2.000 euros à la Sarl Gaz 38 pour les frais engagés. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la demande en revendication du statut des baux commerciaux ?La demande en revendication du statut des baux commerciaux repose sur l’article L.145-5 du code de commerce. Cet article stipule que les parties peuvent déroger aux dispositions du chapitre relatif aux baux commerciaux, à condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne dépasse pas trois ans. À l’expiration de cette durée, si le preneur reste en possession des lieux, un nouveau bail s’opère, dont l’effet est régi par les dispositions du même chapitre. Ainsi, si le preneur est laissé en possession après l’expiration du bail dérogatoire, il peut revendiquer le statut des baux commerciaux, ce qui est le cas de la société Gaz 38 dans cette affaire. Quel est le délai de prescription applicable à l’action en revendication du statut des baux commerciaux ?L’article L.145-60 du code de commerce précise que l’action en requalification d’un contrat en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de la conclusion du contrat. Cependant, l’action en revendication du statut des baux commerciaux, qui découle du maintien en possession du preneur après un bail dérogatoire, n’est pas soumise à cette prescription biennale. En effet, cette action se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période maximum du bail dérogatoire, plus un mois. Cela signifie que la société Gaz 38, ayant maintenu sa possession après l’expiration de son bail dérogatoire, peut revendiquer le statut des baux commerciaux sans être affectée par la prescription de deux ans. Quel impact a eu le congé notifié par le bailleur sur le statut du bail ?Le congé notifié par le bailleur, en date du 8 avril 2022, a été considéré par le juge de la mise en état comme mettant fin au bail avant l’expiration de la troisième année. Cela a conduit à l’application de l’article L.145-60, qui stipule que la demande de requalification doit être faite dans un délai de deux ans. Cependant, la cour a infirmé cette décision, en considérant que le maintien en possession du preneur après le congé a permis l’application de l’article L.145-5, qui régit la transformation d’un bail dérogatoire en bail commercial si le preneur reste en possession des lieux. Quel est le rôle de la jurisprudence dans l’interprétation des articles L.145-5 et L.145-60 ?La jurisprudence, notamment les décisions de la Cour de cassation, a précisé que l’action en revendication du statut des baux commerciaux, fondée sur l’article L.145-5, n’est pas soumise à la prescription biennale de l’article L.145-60. Dans l’arrêt Civ. 3°, 25 mai 2023, n°21-23.007, la Cour a confirmé que cette action est imprescriptible, ce qui signifie que le preneur peut revendiquer le statut des baux commerciaux même après l’expiration du délai de deux ans, tant qu’il peut prouver qu’il a maintenu sa possession des lieux. Quel est le montant des frais irrépétibles et des dépens dans cette affaire ?La cour a condamné la société Boxmax Grenoble à payer à la société Gaz 38 la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700 du code de procédure civile. De plus, la société Boxmax Grenoble a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ce qui signifie qu’elle doit également couvrir les frais de justice engagés par la société Gaz 38 dans le cadre de cette procédure. |
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL CDMF AVOCATS
la SELARL COUTTON GERENTE LIBER MAGNAN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 20 MARS 2025
Appel d’une ordonnance (N° RG 23/06086)
rendue par le Juge de la mise en état de GRENOBLE
en date du 28 mai 2024
suivant déclaration d’appel du 11 juin 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. GAZ 38 au capital de 7 600 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° B 799 576 947, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.A.R.L. BOXMAX GRENOBLE immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le n° 424 718 112, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Maryline U’REN-GERENTE de la SELARL COUTTON GERENTE LIBER MAGNAN, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Bénédicte NOEL, avocat au barreau de DAX.
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 janvier 2025, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. Suivant acte sous seing privé du 1er novembre 2020, la Sarl Boxmax Grenoble a consenti à la Sarl Gaz 38 la location d’un tènement immobilier afin d’y exercer une activité d’achat et de vente, moyennant un loyer mensuel de 310 euros HT, payable mensuellement et d’avance. Le bail a été prévu pour une durée d’un an, avec possibilité de tacite reconduction pour une durée d’un an.
2. Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 8 avril 2022, la Sarl Boxmax Grenoble a notifié au preneur un congé pour le 31 octobre 2022. Par courrier du 12 mai 2022, la Sarl Gaz 38 a fait valoir que le contrat de location doit être assujetti au statut des baux commerciaux en vertu des dispositions d’ordre public du code de commerce. Des négociations entre les parties s’en sont suivies.
3. Par acte d’huissier du 2 novembre 2023, la Sarl Boxmax Grenoble a délivré une sommation de déguerpir sans délai à la Sarl Gaz 38.
4. Par acte d’huissier en date du 24 novembre 2023, la Sarl Gaz 38 a fait assigner la Sarl Boxmax Grenoble devant le tribunal judiciaire de Grenoble, aux fins de voir, au visa des articles R.211-3-26 du code de l’organisation judiciaire, L.145-5 du code de commerce :
– dire que la Sarl Gaz 38 bénéficie d’un contrat soumis au statut des baux commerciaux qui a débuté le 1er décembre 2022 jusqu’au 30 novembre 2031,
– condamner la Sarl Boxmax Grenoble à payer à la Sarl Gaz 38 la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer l’exécution provisoire de plein droit,
– condamner la Sarl Boxmax Grenoble aux entiers dépens.
5. Par conclusion d’incident, dont les dernières noti’ées par RPVA le 5 mars 2024, la Sarl Boxmax Grenoble a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire, au visa des articles L.145-1 et L.145-60 du code de commerce, afin de voir déclarer irrecevable l’action de la société Gaz 38, au motif de sa prescription, outre l’octroi d’une provision de 5.000 euros à valoir sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
6. Par ordonnance juridictionnelle du 28 septembre 2024, le juge de la mise en état a :
– déclaré l’action de la Sarl Gaz 38, tendant à voir son contrat de location de terrain nu, signé le 1er novembre 2020 avec la Sarl Boxmax Grenoble, qualifié de bail commercial, irrecevable comme étant prescrite ;
– condamné la Sarl Gaz 38 à payer à la Sarl Boxmax Grenoble la somme de 700 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Sarl Gaz 38 aux dépens,
– renvoyé à l’audience de mise en état du 5 Septembre 2024 pour conclusions du défendeur.
7. La Sarl Gaz 38 a interjeté appel de cette décision le 11 juin 2024, en toutes ses dispositions reprises dans son acte d’appel.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 16 janvier 2025.
Prétentions et moyens de la société Gaz 38 :
8. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 14 janvier 2025, elle demande à la cour, au visa des L.145-5 et L.145-60 du code de commerce :
– de réformer l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;
– de dire et juger non prescrite l’action en revendication du statut des baux commerciaux de la concluante ;
– de condamner la Sarl Boxmax Grenoble à payer à la concluante la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile;
– de condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle expose :
9. – concernant l’application du statut des baux commerciaux au bail signé le 1er novembre 2020, que l’intimée a notifié son intention de mettre un terme à ce bail le 8 avril 2022, avec effet au 31 octobre 2022 conformément au contrat, de sorte qu’aucune reconduction n’a eu lieu le 1er novembre 2022 ;
10. – qu’il y a lieu d’apprécier la situation du preneur entre le 1er novembre 2022 et la sommation de déguerpir signifiée le 2 novembre 2023, puisque pendant cet intervalle, le preneur doit bénéficier des dispositions d’ordre public de l’article L.145-5 du code de commerce, dont l’alinéa 2 prévoit qu’à l’expiration de la durée du bail dérogatoire, et au plus tard à l’issue du délai d’un mois à compter de l’échéance, si le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’objet est alors réglé par le statut des baux commerciaux ;
11. – ainsi, que postérieurement au congé délivré pour le 31 octobre 2022, la concluante est restée en possession, sans qu’aucun acte d’huissier n’intervienne pour y mettre fin ; que la sommation de déguerpir aurait dû intervenir à l’issue du délai d’un mois à compter de l’échéance du bail, soit avant le 30 novembre 2022, et non 11 mois plus tard ; qu’en conséquence, un bail commercial existe, pour une durée de neuf ans à compter du 1er décembre 2022 ;
12. – que si le bailleur invoque une jurisprudence de la Cour de cassation (Civ 3, 11 mai 2022 n°21-15.389), pour soutenir que l’article L.145-5 alinéa 2 ne s’applique pas lorsque les parties ont prévu une clause de renouvellement tacite de leur bail dérogatoire dans la limite de trois ans, la Cour a cependant rappelé que pour ne pas bénéficier de cet article, il faut que le bailleur manifeste sa volonté de ne pas laisser le preneur se maintenir dans les lieux et qu’en l’espèce, le bail faisait référence à une durée maximale de trois ans, avec un renouvellement tacite la première année pour la même durée et dans la limite de trois ans ; que tel n’est cependant pas le cas en la cause, puisque le bail ne fait pas référence à ce délai de trois ans, mais à un délai d’un an renouvelable tacitement pour un an ; que cette clause ne permet pas ainsi de renouveler le bail au-delà d’une durée d’un an ; qu’à l’issue de la relation contractuelle, l’intimée a laissé la concluante dans les lieux pendant 12 mois avant de signifier une sommation de déguerpir et n’a manifesté sa volonté que tardivement ;
13. – que si l’intimée prétend qu’elle a manifesté sa volonté de ne pas poursuivre le bail, elle ne verse qu’un courrier du 11 octobre 2022, puis a attendu plus d’un an avant de signifier la sommation de déguerpir ;
14. – que le premier juge a violé l’article L.145-5 du code de commerce, puisqu’il ne s’agit pas de faire partir le bail commercial à la date de la signature du bail originel le 1er novembre 2020, et ainsi d’opérer une requalification, mais de revendiquer le statut des baux commerciaux ; ainsi, qu’à l’expiration du délai d’un mois expirant le 1er décembre 2022, il s’est opéré un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux ;
15. – qu’appliquer la prescription de deux ans prévue par l’article L.145-60 du code de commerce à compter de la signature du contrat originel est ainsi absurde, puisque cela rendrait impossible l’application de l’article L.145-5 al.2 si à l’échéance de trois ans suivant le bail initial, le preneur est laissé en possession, la prescription étant acquise au terme de la seconde année suivant la conclusion du bail initial ;
16. – que la Cour de cassation considère que l’action en reconnaissance d’un bail commercial issue de l’article L.145-5 n’est pas soumise à la prescription de l’article L.145-60, et est imprescriptible (Civ 3, 25 mai 2023 n°21-23.007) ;
17. – que s’il doit être retenu que cette prescription est applicable, le délai de deux ans n’a pu courir qu’à compter du jour où la concluante a pu revendiquer le statut des baux commerciaux, soit à compter du 1er décembre 2022 ; que son assignation délivrée le 24 novembre 2023 a été ainsi signifiée à l’intérieur du délai de prescription biennale ;
18. – concernant le moyen de l’intimée soutenant que la concluante ne remplit pas les conditions lui permettant de revendiquer le statut des baux commerciaux, au motif qu’il n’existe aucune construction sur le terrain, alors qu’aucune activité commerciale ne serait exercée, les photographies produites démontrent l’existence de constructions, installées en 2012 par un ancien preneur, avec bureau, salle d’accueil, vestiaire et sanitaires, outre un appartement ; que l’ensemble est relié aux réseaux ; que la concluante a fait installer un portail et des caméras de surveillance ; que les constructions sont fixes et pérennes ;
19. – que le bail indique que la location a pu but de permettre une activité de commerce, de sorte que la concluante exerce une activité d’achat et de vente avec l’accueil de clients ; que l’intimée ne produit aucune pièce démontrant l’inverse ;
20. – que si l’intimée invoque un défaut d’immatriculation au registre du commerce de ce qu’elle qualifie d’établissement secondaire, en violation ainsi de l’obligation d’inscription prévue par l’article L.145-1, il n’est pas contesté que la concluante est inscrite au RCS au titre de son établissement principal ; qu’elle n’a pas la nécessité de solliciter une inscription pour son site secondaire, puisqu’il se situe dans la même zone géographique du ressort du tribunal de commerce de Grenoble ; qu’une immatriculation n’est pas nécessaire pour l’application de l’article L.145-5 (Civ 3, 25 octobre 2018 n°17-26.126).
Prétentions et moyens de la société Boxmax Grenoble :
21. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 7 janvier 2015, elle demande à la cour, au visa des articles L.145-1 et suivants, L.145-60 du code de commerce :
– de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
– subsidiairement, de débouter la société Gaz 38 de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– y ajoutant, de condamner la société Gaz 38 à verser à la concluante la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– de condamner la société Gaz 38 à verser à la concluante la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure Civile et à assumer les entiers dépens de l’instance.
Elle soutient :
22. – que selon la Cour de cassation, l’action tendant à la requalification d’une convention de location de terrain en bail commercial est soumise à la prescription de deux ans, commençant à courir à compter de la conclusion de la convention (Civ 3, 7 décembre 2022 n°21-23.103) ;
23. – qu’en la cause, la convention a été conclue le 1er novembre 2020, concernant un terrain nu, pour un an ; que l’appelante disposait ainsi d’un délai expirant le 31 octobre 2022 afin de solliciter la requalification de cette convention ; qu’elle se trouve ainsi prescrite ;
24. – que l’article L.145-5 du code de commerce ne peut pas s’appliquer en l’espèce, puisque la convention ne concerne qu’un terrain nu, sans spécifier qu’il s’agit d’un bail dérogatoire ; que le bail ne pourrait être qualifié de dérogatoire que si l’intimée pouvait prétendre au statut des baux commerciaux et si elle avait accepté d’y déroger, ce qui n’est pas le cas en raison de la nature du terrain ;
25. – que l’appelante n’a érigé aucune construction fixe et pérenne avec l’accord de la concluante, puisqu’il n’existe que des préfabriqués;
26. – que l’appelante n’exerce aucune activité commerciale sur le terrain, mais y entrepose seulement du matériel et y stocke du gaz, sans recevoir de clients ;
27. – que l’article L.145-5 ne s’applique pas lorsque les parties ont prévu une clause de renouvellement tacite de leur bail dérogatoire dans la limite de trois ans (Civ 3, 11 mai 2022 n°21-15.2022) ; qu’en la cause, une clause de reconduction tacite a été stipulée, n’ayant pas eu pour effet de prolonger la convention au-delà d’une durée de trois ans, puisqu’il y a été mis fin au terme de deux ans ;
28. – que l’appelante ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour revendiquer l’existence d’un bail commercial, au motif d’un maintien dans les lieux sans droit ni titre, au terme du congé délivré par la concluante ; que la concluante a manifesté sa volonté de ne pas reconduire la relation contractuelle, en donnant congé le 14 avril 2022, et a adressé au preneur divers courriers lui demandant de quitter les lieux, avant de faire délivrer la sommation de déguerpir ; qu’aucun bail commercial ne s’est ainsi formé entre la date d’effet du congé et cette sommation ;
29. – que l’appelante ne peut invoquer le statut des baux commerciaux, puisque le fonds exploité dans les lieux loués doit être immatriculé, alors qu’aucune régularisation n’est possible si, à la date du congé, le preneur n’est pas immatriculé ; que cela concerne les établissements secondaires ( Civ 3, 13 octobre 1999 n°97-22.258 et 30 janvier 2002) ; qu’en la cause, si l’appelante est bien inscrite au registre du commerce, cela ne concerne que son établissement principal, sans comporter l’adresse du terrain loué.
*
30. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
31. Selon le juge de la mise en état, la demande en requalification d’un contrat en bail commercial, aux fins de bénéficier du statut qui en découle, se prescrit par deux ans à compter de la conclusion du contrat, conformément aux dispositions de l’article L145-60 du code de commerce. En revanche, le bail dérogatoire n’est pas soumis au statut des baux commerciaux puisque, dans un premier temps, les parties ont exprimé la volonté de déroger au statut. Le contrat ne peut cependant excéder une durée de trois ans à compter de la conclusion du contrat, renouvellement inclu. Si à l’expiration de ce délai plus un mois, le preneur est laissé en possession du bien, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par le statut des baux commerciaux, conformément à l’article L145-5.
32. Il a également indiqué qu’à la différence de l’action en requali’cation du contrat, cette action en « revendication » du statut, tendant à faire constater l’existence d’un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l’article L.145-5 du code de commerce, n’est pas soumise à la prescription biennale et se prescrit par cinq ans à compter de la ‘n de la période maximum du bail dérogatoire plus un mois.
33. Le premier juge a retenu qu’en l’espèce, le contrat initial a été conclu le 1er novembre 2020. Le statut dérogatoire pouvait s’appliquer jusqu’au 1er novembre 2023, par renouvellements successifs. Un premier renouvellement est intervenu en 2021. Cependant, le bailleur a notifié un congé le 8 avril 2022 pour une prise d’effet le 31 octobre 2022, date du second renouvellement possible du bail. Sans avoir contesté le congé avant d’être assignée, la société Gaz 38 s’est maintenue dans les lieux.
34. Selon le juge de la mise en état, pour autant, le congé a mis fin au bail à une date antérieure à l’expiration de la troisième année du bail dérogatoire, en sorte que l’article L.145-5 du code de commerce ne trouvait pas à s’appliquer. La société Gaz 38 ne peut donc se prévaloir de la prescription quinquennale attachée à l’action en revendication à l’issue du bail dérogatoire. L’article L145-60 du code de commerce est le seul applicable s’agissant de la demande de béné’ce du statut des baux commerciaux du fait du maintien malgré le congé dans la troisième année du contrat précaire, au motif que le bail relèverait du statut des baux commerciaux, dans la mesure où cette demande suppose nécessairement d’examiner la question de la requali’cation du bail.
35. Il en a retiré que le contrat ayant été conclu le 1er novembre 2020, la société Gaz 38 ne pouvait solliciter cette requali’cation que jusqu’au 1er novembre 2022. Il a conclu que l’assignation étant en date du 24 novembre 2023, l’action est prescrite et sera déclarée irrecevable.
36. La cour constate que l’action de la société Gaz 38 repose sur l’application de l’article L.145-5 du code de commerce. Cet article ne concerne pas la requalification d’un bail commun en un bail commercial, mais l’application du statut des baux commerciaux à un bail stipulé initialement comme étant dérogatoire dans sa durée.
37. Selon ce texte, les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l’expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. Si, à l’expiration de cette durée, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
38. En l’espèce, le bail a été consenti pour un an à compter du 1er novembre 2020, avec possibilité de reconduction tacite pour une nouvelle période d’un an. Il a été reconduit tacitement pour un an à compter du 1er novembre 2021, puis le bailleur a notifié, le 8 avril 2022 un congé à effet au 31 octobre 2022.
39. Selon la Cour de cassation ( Civ. 3°, 1er octobre 2014 n°13-16.806 confirmé par Civ. 3°, 25 mai 2023 n°21-23.007), la demande tendant à faire constater l’existence d’un bail soumis au statut des baux commerciaux né du fait du maintien en possession du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l’article L. 145-5 du code de commerce, n’est pas soumise à la prescription biennale prévue à l’article L. 145-60 du même code.
40. Il en résulte qu’il ne peut être opposé à la société Gaz 38 une prescription de son action. L’ordonnance déférée sera ainsi infirmée en ses dispositions soumises à la cour. Statuant à nouveau, la cour déclarera non prescrite l’action de l’appelante en revendication du statut des baux commerciaux. Elle déboutera en conséquence la société Boxmax Grenoble de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
41. Succombant devant cet appel, la société Boxmax Grenoble sera condamnée à payer à la société Gaz 38 la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L.145-5 et L145-60 du code de commerce ;
Infirme l’ordonnance déférée en ses dispositions soumises à la cour;
statuant à nouveau;
Déclare non prescrite l’action en revendication du statut des baux commerciaux de la société Gaz 38;
Déboute la société Boxmax Grenoble de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la société Boxmax Grenoble à payer à la société Gaz 38 la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel ;
Condamne la société Boxmax Grenoble aux dépens de première instance et d’appel;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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