Obligation de délivrance et de jouissance paisibleLes articles 1719 et 1720 du Code civil imposent au bailleur l’obligation de délivrer un bien en bon état et apte à l’usage prévu par le contrat de bail. Cette obligation inclut la garantie d’une jouissance paisible des locaux loués, ainsi que la responsabilité de maintenir le bien en état de servir à l’usage pour lequel il a été loué. En cas de vices ou défauts affectant la chose louée, le bailleur est tenu d’indemniser le preneur pour les pertes subies, même s’il n’avait pas connaissance de ces vices au moment de la conclusion du bail. Interprétation des clauses contractuellesLes clauses d’un bail commercial qui dérogent aux obligations légales, notamment celles exonérant le bailleur de sa responsabilité, doivent être interprétées de manière stricte. L’article 1170 du Code civil stipule que toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. Ainsi, les stipulations contractuelles ne peuvent pas exonérer le bailleur de son obligation fondamentale de délivrer des locaux conformes à leur destination. Indemnisation pour perte d’exploitationConformément à l’article 1231-1 du Code civil, le manquement d’une partie à son obligation contractuelle justifie la condamnation au paiement de dommages et intérêts pour réparer les préjudices subis par le créancier de cette obligation. Dans le cadre d’un bail commercial, la perte d’exploitation résultant de l’indisponibilité des locaux due à des défauts structurels imputables au bailleur peut donner lieu à une demande d’indemnisation. Clauses de non-recoursLes clauses de non-recours, telles que celles mentionnées dans le contrat de bail, ne peuvent s’appliquer lorsque les vices cachés affectent la structure et la sécurité des locaux. Ces clauses ne peuvent exonérer le bailleur de son obligation essentielle de délivrance, et il doit répondre des conséquences dommageables de son manquement, comme le stipule l’article 7 10 du contrat de bail. Responsabilité des bailleursLes bailleurs sont responsables des travaux nécessaires à la solidité de l’immeuble, conformément aux articles 606 et 1720 du Code civil. Les travaux de renforcement structurel, en cas de défaillance, incombent au bailleur, et ce dernier doit indemniser le preneur pour l’indisponibilité des locaux résultant de son manquement à l’obligation de délivrance. |
L’Essentiel : Les articles 1719 et 1720 du Code civil imposent au bailleur l’obligation de délivrer un bien en bon état et apte à l’usage prévu par le contrat de bail. Cette obligation inclut la garantie d’une jouissance paisible des locaux loués. En cas de vices affectant la chose louée, le bailleur est tenu d’indemniser le preneur pour les pertes subies, même s’il n’avait pas connaissance de ces vices au moment de la conclusion du bail.
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Résumé de l’affaire : Le 25 juin 2018, la société Golden Goose France a acquis un fonds de commerce de prêt-à-porter, maroquinerie, chaussures et cosmétiques de la société ZV France, incluant le droit au bail d’un local commercial. Ce bail, renouvelé le 23 avril 2018, stipulait que les locaux devaient être adaptés à l’exploitation de l’activité. Le 6 juillet 2018, un administrateur de biens a autorisé Golden Goose France à réaliser des travaux d’aménagement.
Cependant, la société Golden Goose France a rencontré des désordres structurels dans l’immeuble, entraînant un risque d’effondrement et retardant l’ouverture de son commerce, initialement prévue pour le 27 juillet 2018. En conséquence, elle a assigné l’indivision K, composée de plusieurs bailleurs, devant le tribunal de grande instance de Paris, demandant une indemnisation pour perte d’exploitation et de réputation. L’indivision K a ensuite assigné la société ZV France en intervention forcée, demandant une garantie contre les conséquences de l’action de Golden Goose France. Les deux affaires ont été jointes. Le tribunal a rendu un jugement le 17 mars 2022, déboutant Golden Goose France de ses demandes d’indemnisation et d’expertise, tout en condamnant cette dernière à verser des frais à l’indivision K. Golden Goose France a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la condamnation de l’indivision K à lui verser des dommages et intérêts. L’indivision K et la société ZV France ont également interjeté appel incident. La cour a finalement infirmé le jugement en partie, condamnant l’indivision K à verser 35 000 euros à Golden Goose France pour perte d’exploitation, tout en déboutant l’indivision K de sa demande de garantie contre ZV France. Les autres demandes ont été rejetées, et les parties ont été condamnées aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique des obligations du bailleur en matière de délivrance des locaux ?Selon l’article 1719 du code civil, le bailleur a l’obligation de délivrer une chose apte à l’usage auquel elle est destinée aux termes du bail et en bon état de réparation de toute espèce. Il doit également l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et garantir au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage, même s’il ne les aurait pas connus lors du bail. L’article 1720 précise que si des vices ou défauts causent une perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l’indemniser. Ces obligations sont essentielles et ne peuvent être exonérées par des clauses contractuelles dérogeant à ces dispositions, conformément à l’article 1170 du code civil, qui stipule que toute clause privant de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. Quel est le rôle des clauses de non-recours dans le contrat de bail ?Les clauses de non-recours, telles que celles mentionnées dans l’article 2 4. et l’article 7 10. du contrat de bail, stipulent que le preneur se déclare satisfait de l’état des locaux loués et renonce à tout recours ou demande de travaux contre le bailleur. Cependant, ces clauses ne peuvent s’appliquer lorsque les vices cachés affectent la structure et la sécurité des locaux, car cela constitue un manquement à l’obligation essentielle de délivrance. L’article 606 du code civil, qui définit les grosses réparations, impose au bailleur de garantir la jouissance paisible des locaux. Ainsi, même si le preneur a accepté les locaux en l’état, cela ne l’exonère pas des obligations fondamentales du bailleur. Quel est le critère pour établir la responsabilité du bailleur en cas de perte d’exploitation ?En vertu de l’article 1231-1 du code civil, le manquement d’une partie à son obligation contractuelle justifie sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour réparer les préjudices en résultant pour le créancier de cette obligation. Il appartient à la partie lésée, ici le preneur, de prouver l’étendue de son préjudice et son lien de causalité avec les fautes du bailleur. Dans le cas présent, la société Golden Goose France a démontré que l’indisponibilité des locaux, due à des travaux structurels nécessaires, a entraîné une perte d’exploitation, justifiant ainsi sa demande d’indemnisation. Quel est le montant des dommages et intérêts accordés à la société Golden Goose France ?La cour a condamné l’indivision [K] à payer à la société Golden Goose France la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d’exploitation. Cette décision repose sur l’évaluation de la perte de chance d’obtenir un gain d’exploitation durant la période d’indisponibilité des locaux, qui a été fixée entre le 16 juillet 2018 et le 16 octobre 2018. La cour a pris en compte les éléments comptables fournis par la société Golden Goose France, tout en écartant les frais supplémentaires de chantier non justifiés, pour établir ce montant. Quel est le sort de la demande de garantie contre la société ZV France ?La cour a infirmé le jugement déféré qui avait déclaré sans objet la demande de garantie formulée par l’indivision [K] à l’encontre de la société ZV France. Il a été établi que les défauts structurels affectant les locaux étaient imputables aux bailleurs et qu’aucune faute n’était démontrée de la part de la société ZV France, ancienne locataire. Ainsi, l’indivision [K] n’était pas fondée à demander une garantie contre la société ZV France, ce qui a conduit à leur déboutement de cette demande. Quel est le principe de la condamnation aux dépens en matière civile ?Conformément à l’article 699 du code de procédure civile, la partie perdante est généralement condamnée aux dépens de la procédure. Dans cette affaire, l’indivision [K] a été condamnée aux dépens des procédures de première instance et d’appel, ce qui inclut les frais irrépétibles, conformément aux dispositions de l’article 700 du même code. Cela signifie que les frais engagés par la partie gagnante pour la procédure seront remboursés par la partie perdante, renforçant ainsi le principe de la responsabilité civile en matière de litiges. |
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 20 MARS 2025
(n° 43 /2025, 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/09893 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3LM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 mars 2022 – Tribunal judiciaire de Paris (18ème chambre, 2ème section) RG n° 19/09562
APPELANTE
S.A.S. GOLDEN GOOSE FRANCE
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 807 942 487
Agissant poursuites et diligences de son président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 14]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : L0010
Assistée de Me Jacques CHEVALIER de la SELAS CHEVALIER MARTY PRUVOST, avocat au barreau de Paris, toque : R085
INTIMES
M. [RZ] [LX], à titre personnel et en qualité d’ayant droits de [B] [K]
né le 29 juillet 1943 à [Localité 27]
[Adresse 10]
[Localité 22]
Mme [X] [LX] épouse [TU], à titre personnel et en qualité d’ayant droits de [B] [K]
née le 1er octobre 1946 à Paris
[Adresse 7]
[Localité 18]
Mme [P] [LX] épouse [M], à titre personnel et en qualité d’ayant droits d'[B] [K]
née le 8 décembre 1945 à [Localité 28]
[Adresse 4]
[Localité 18]
Représentée par Me Michèle ARNOLD, avocat au barreau de Paris, toque : E0155
Mme [L] [O] [K] épouse [V], à titre personnel et en qualité d’ayant droits de [H] [K]
née le 25 février 1950 à [Localité 26] (Canada)
[Adresse 13]
[Localité 18]
Mme [R] [K] épouse [I]
née le 08 mars 1925 à [Localité 31]
[Adresse 2]
[Localité 16]
M. [TB] [BT]
né le 16 août 1948 à Paris
[Adresse 6]
[Localité 24]
Mme [S] [BT] épouse [A]
Née le 1er novembre 1949 à Paris
[Adresse 12]
[Localité 15]
Mme [W] [BT] épouse [D]
née le 2 décembre 1953 à Paris
[Adresse 21]
[Localité 5]
M. [C] [LX], à titre personnel et en qualité d’ayant droits de [B] [K]
né le 18 octobre 1941 à [Localité 27]
[Adresse 8]
[Localité 23]
Représentés et assistés par Me Michèle ARNOLD, avocat au barreau de Paris, toque : E0155
[J] [Z] [K], décédé le 1er janvier 2022
né le 21 mars 1927 à [Localité 31]
[Adresse 2]
[Localité 16]
[H] [Z] [N] [F] veuve [K], décédée le 6 mai 2021
Née le 14 novembre 1926 à [Localité 25] (Seine-et-Oise)
[Adresse 11]
[Localité 19]
[B] [K] veuve [LX], décédée le 30 octobre 2020
née le 24 décembre 1920 à [Localité 31]
[Adresse 2]
[Localité 16]
INTERVENANTES
Mme [E] [GV] [Y], venant aux droits de [J] [K]
née le 16 mars 1971 à [Localité 30]
[Adresse 2]
[Localité 16]
Représentée et assistée par Me Michèle ARNOLD, avocat au barreau de Paris, toque : E0155
S.A.S. ZV FRANCE
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 413 484 981
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 17]
Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de Paris, toque : L34
Assistée de Me Adrien REYMOND de la SAS WILHELM & Associés, avocat au barreau de Paris, toque : K24
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 01 juillet 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Sandra Leroy, conseillère
Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Marie Girousse, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre empêchée et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Le 25 juin 2018, la société Golden Goose France a acquis de la société ZV France un fonds de commerce de prêt-à-porter, de maroquinerie, de chaussures et de leurs accessoires ainsi que de cosmétiques, exploité dans des locaux de l’immeuble sis [Adresse 20] [Adresse 9] [Localité 29].
La cession du fonds de commerce incluait le droit au bail des locaux, renouvelé le 23 avril 2018, avec effet rétroactif au 1er avril 2018, portant, au sein du rez-de-chaussée du bâtiment B de cet immeuble, sur une « boutique et des sanitaires », au sous-sol « une cave » et ayant pour destination l’activité de « prêt à porter, maroquinerie, chaussures et leurs accessoires ainsi que les cosmétiques ».
Le 6 juillet 2018, la société [W] G. [T] SAS, administrateur de biens, mandataire des propriétaires indivisaires des lieux loués, a autorisé la société Golden Goose France à réaliser à ses frais des travaux d’aménagement intérieur, nécessaires à l’exploitation de ses locaux.
Excipant de désordres affectant la structure et d’un risque grave d’effondrement de l’immeuble loué nécessitant des travaux à la charge des propriétaires, ayant selon elle retardé de trois mois l’ouverture de son commerce prévue le 27 juillet 2018, la société Golden Goose France a fait assigner, par acte du 25 juillet 2019, Madame [H] [K], Madame [L] [V], Madame [R] [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [A] née [BT], Madame [W] [D] née [BT], Madame [B] [LX] née [K], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [TU] née [LX], Madame [P] [M] née [LX] et Monsieur [J] [K], ci-après l’indivision [K], devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d’obtenir l’indemnisation de sa perte d’exploitation et d’image.
Par exploit en date du 14 février 2020, l’indivision [K] a assigné en intervention forcée la société ZV France afin notamment qu’elle soit tenue de la garantir de toutes les conséquences de l’action dirigée à son encontre par la société Golden Goose, et notamment de toutes les condamnations susceptibles d’intervenir à son encontre. Les affaires ont été jointes.
Le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures sous le numéro de RG 19/09562 le 13 mars 2020.
M. [C] [LX], M. [RZ] [LX], Mme [P] [M] née [LX] et Mme [X] [TU] née [LX] sont intervenus tant à titre personnel qu’en leur qualité d’ayant-droit de leur mère Mme [B] [LX] née [K], décédée le 30 octobre 2020. Mme [L] [V] est intervenue tant à titre personnel qu’en qualité d’ayant-droit de sa mère Mme [H] [K], décédée le 7 mai 2021.
Par jugement du 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 4 juin 2021 par le juge de la mise en état ;
– ordonné la clôture de l’instruction à la date du 18 novembre 2021 ;
– déclaré recevables les conclusions notifiées électroniquement par la société Golden Goose France le 19 juillet 2021 ;
– déclaré recevables les conclusions notifiées électroniquement par Madame [H] [K], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Madame [B] [K] épouse [LX], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] et Monsieur [J] [K] les 1er juin 2021 et 8 novembre 2021 ;
– débouté la société Golden Goose France de ses demandes tendant à voir condamner solidairement Madame [H] [K], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Madame [B] [K] épouse [LX], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] et Monsieur
[J] [K] à lui payer la somme de 122.119 € au titre de la perte d’exploitation et la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la perte d’image ;
– débouté la société Golden Goose France de sa demande d’expertise judiciaire ;
– déclaré sans objet la demande de Madame [H] [K], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Madame [B] [K] épouse [LX], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] et Monsieur [J] [K] tendant à voir dire et juger que la société ZV France sera tenue de garantir l’indivision [K] de toutes les conséquences de l’action dirigée à son encontre par la société Golden Goose France et notamment de toute condamnation qui serait prononcée à leur égard ;
– condamné la société Golden Goose France à verser à Madame [H] [K], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Madame [B] [K] épouse [LX], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] et Monsieur [J] [K] pris ensemble la somme totale de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Madame [H] [K], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Madame [B] [K] épouse [LX], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] et Monsieur [J] [K] pris ensemble à verser à la société ZV France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples et contraires ;
– condamné la société Golden Goose France dépens de l’instance qui pourront être recouvrés par conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir pas lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 19 mai 2022, la société Golden Goose France a interjeté appel partiel du jugement à l’encontre des bailleurs.
Par conclusions déposées le 29 octobre 2022, Mme [E] [Y] est intervenue volontairement à l’instance, venant aux droits de son père M. [J] [K], décédé le 1er janvier 2022. Par ces conclusions, elle a interjeté appel incident partiel du jugement.
Par conclusions déposées le 15 novembre 2022, les intimés ont interjeté appel incident partiel du jugement.
Par acte d’huissier du 16 novembre 2022, les intimés ont fait assigner en intervention forcée la société ZV France.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 décembre 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions déposées le 29 juillet 2023, la société Golden Goose France, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :
– dire recevable et bien fondé l’appel de la société Golden Goose France ;
– infirmer le jugement rendu le 17 mars 2022 en ce qu’il a débouté la société Golden Goose France de sa demande de condamnation, et subsidiairement de sa demande d’expertise judiciaire.
Statuer à nouveau :
– dire recevable et bien fondée l’action de la société Golden Goose France contre :
‘ Madame [E] [Y]
‘ Madame [R] [I] née [K]
‘ Madame [L] [V]
‘ Monsieur [TB] [BT]
‘ Madame [S] [A] née [BT]
‘ Madame [W] [D] née [BT]
‘ Monsieur [C] [LX]
‘ Monsieur [RZ] [LX]
‘ Madame [X] [TU] née [LX]
‘ Madame [P] [M] née [LX]
– les condamner solidairement au paiement de la somme de 122.119 € au titre de la perte d’exploitation de la société Golden Goose France, et au paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en raison de la perte d’image ;
– subsidiairement, désigner tel expert qu’il plaira avec pour mission :
o convoquer les parties,
o prendre connaissance des pièces du dossier,
o examiner la perte d’exploitation revendiquée par la société Golden Goose France entre le 27 juillet 2018 et le 27 octobre 2018,
o donner son avis sur cette perte d’exploitation.
– dire mal fondée la demande de condamnation de la société ZV France dirigée contre la société
Golden Goose France sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner au paiement d’une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Vignes.
Par conclusions déposées le 4 août 2023, par Mme [E] [GV] [Y], Mme [R] [I] née [K], Mme [L] [V], M. [TB] [BT], Mme [S] [A] née [BT], Mme [W] [D] née [BT], M. [C] [LX], M. [RZ] [LX], Mme [X] [TU] née [LX], Mme [P] [M] née [LX], (indivision [K]) intimés à titre principal et appelants à titre incident, demandent à la Cour de :
– confirmer les termes du jugement rendu le 17 mars 2022 par la 18ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :
– révoqué l’ordonnance de clôture prononcée le 4 juin 2021 ;
– déclaré recevables les Conclusions notifiées les 19 juillet, 1er juin et 8 novembre 2021 ;
– débouté la Société Golden Goose de la totalité de ses demandes formulées à l’encontre de l’Indivision [K] ;
– débouté la Société Golden Goose de sa demande d’expertise ;
– dit et jugé sans objet, dans ces conditions, la demande de garantie formulée par l’Indivision [K] à l’encontre de la Société ZV France ;
Et réformant le jugement déféré pour le surplus,
– juger que l’Indivision [K] n’a en aucune façon manqué à son obligation de délivrance des locaux loués à l’égard de la Société Golden Goose France ;
– juger que les clauses de non-recours mentionnées dans le cadre du contrat de bail liant les parties excluent expressément l’indemnisation de la Société Golden Goose au titre des dommages subis pour cause de vice ou de vétusté (Articles 2, 4, 7 paragraphe 5, 10) ;
– dire et juger qu’il n’y a lieu pour l’Indivision [K] de régler quelque somme que ce soit au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la Société ZV France ;
– dire et juger qu’il n’apparaît pas inéquitable que chaque partie supporte ses frais irrépétibles de première instance ;
– condamner la société Golden Goose France aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
– condamner la société Golden Goose France à régler à l’Indivision [K] une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile que Maître Michèle Arnold pourra recouvrer en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 15 février 2023, la société ZV France, intimée, demande à la Cour de :
– confirmer le jugement n° 19/09562 du tribunal judiciaire de Paris du 17 mars 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
– condamner l’indivision [K] à verser à la société ZV France la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– condamner la société Golden Goose à verser à la société ZV France la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les conventions font la loi entre les parties et doivent être exécutées de bonne foi.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Golden Goose France
Selon les articles 1719 et 1720 du code civil le bailleur a l’obligation de délivrer une chose apte à l’usage auquel elle est destinée aux termes du bail et en bon état de réparation de toute espèce, doit l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, en assurer la jouissance paisible au locataire pendant la durée du bail et la maintenir en bon état de réparations autres que locatives, il doit garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail, s’il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l’indemniser.
Les clauses d’un bail commercial dérogeant aux dispositions du code civil précitées, notamment les clauses de souffrance ou exonérant le bailleur de sa responsabilité, doivent s’interpréter strictement et ne doivent pas aboutir à l’exonérer de son obligation essentielle de délivrance ni à faire subir au locataire un trouble anormal de jouissance. En outre, selon l’article 1170 du code civil « toutes clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite’.
L’article 4 2. b) du contrat de bail stipule, conformément à l’article R145-35 du code de commerce, qu’incombe en intégralité aux bailleurs « les prestations et frais (‘) portant sur les éléments constituant le clos et le couvert tels que définis par l’article 606 du code civil, à savoir toiture, toitures terrasses, couvertures, poutres , murs, portes, fenêtres, baies, façades, devantures, verrières etc’ (‘) », exception faite pour les travaux d’embellissement, et le deuxième paragraphe de l’article 6 stipule que « le bailleur devra effectuer les réparations ou les remplacements qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives (art 1720 du CC) et notamment il devra prendre à sa charge les grosses réparations prévues par l’article 606 du code civil ».
Comme l’a exposé le jugement déféré dans une motivation détaillée à laquelle il convient de renvoyer, il ressort des éléments du dossier – notamment des courriers échangés entre la société Golden Goose France, la société D.G. [T] mandataire des bailleurs, Madame [G], architecte de la locataire et Monsieur [SS] architecte des bailleurs, des rapports du bureau d’étude LCV/BET, des devis et factures de travaux de la société Ghibli- que lors de la réalisation de travaux d’aménagement par la société Golden Goose France, une partie du faux plafond existant étant tombée, l’architecte chargée de ces travaux, Mme [G], a constaté que la section des poutrelles en bois soutenant le plancher de l’étage semblait avoir été réduite et a découvert derrière l’habillage en placo que des poteaux de l’immeuble avaient été sectionnés sans renfort structurel; que Mme [G] a proposé le 19 juillet 2018 au mandataire du bailleur l’intervention d’un bureau d’étude structure dont le devis a été accepté par les bailleurs; que les études réalisés ont été transmises au mandataire du bailleur le 3 août 2018 par Mme [G] qui proposait de les confier à la société Ghibli déjà chargée des travaux d’aménagement de la locataire; qu’elles ont révélé que les poutres du plancher haut du local ont perdu une majeure partie de leur inertie, que le plâtre servant de protection au feu n’a plus d’accroche étant démoli par endroits et fissuré à d’autres, sur une zone de 2,5 m2; que s’agissant des travaux de réfection du plancher haut, le bureau d’étude, LCV/BET Structure, a préconisé d’une part de renforcer la poutre maîtresse par doublage en profilé métallique et de remplacer quatre chevêtres altérés par des bastaings de section identique puis de remettre en état la protection au feu de façon identique à l’existant; que s’agissant des « travaux de renfort structurel des poteaux découpés et démolition des 3 poteaux existants », LCV/BET Structure a réalisé une étude de renfort et un projet structurel ; que le 1er septembre 2018 l’ensemble des études et les devis de travaux correspondants établis par la société GHIBLI ont été transmis à la mandataire des bailleurs; qu’après une réunion sur place, par courriel du 24 septembre 2018, la mandataire des bailleurs a transmis l’accord de leur architecte pour la réalisation des travaux précisant la répartition de leur prise en charge.
Il ressort des échanges de courriels que l’étude concernant les poteaux en bois démolis intègre une proposition de supprimer deux poteaux existants et la mise en place d’un seul portique plus large, reprenant à la fois les charges des poteaux découpés avant l’entrée dans les lieux de la société Golden Goose France et celle des poteaux existants à supprimer; que le bureau d’étude a été chargé par Mme [G] d’indiquer séparément le prix relatif à l’analyse des structures existantes endommagées (les poteaux découpés avant l’entrée dans les lieux de la locataire) et celui relatif au projet de la locataire de supprimer deux poteaux avec un portique plus large; que par courriel du 21 septembre 2018, M. [U], architecte mandaté par les bailleurs a donné son accord pour que les travaux études de renfort du plancher haut soient supportés par les bailleurs, que les travaux et études de renfort des poteaux antérieurement démolis soient supportés par moitié par chacune des parties, la démolition des poteaux existants et l’étude s’y rapportant étant entièrement à la charge de la locataire. Il ne s’en déduit pas que la société Golden Goose France aurait elle-même procédé à la démolition de poteaux, contrairement à ce que soutiennent les bailleurs.
Ainsi que l’a observé à juste titre le jugement déféré, auquel il est renvoyé sur ce point, l’allégation des bailleurs selon laquelle le « curage » des locaux et des travaux de démolition partielle de murs porteurs par la locataire dans le cadre des travaux d’aménagement des locaux seraient la cause des problèmes de structures relevés n’est pas établie et se trouve, de surcroît, contredite d’une part par le descriptif de travaux figurant au devis initial produit par la locataire prévoyant notamment la réalisation de nouvelles cloisons et le remplacement du faux plafond en placoplâtre mais aucun travaux susceptibles d’affecter la structure des locaux, d’autre part par les descriptions du bureau d’études.
De même, l’affirmation selon laquelle ce serait la précédente locataire des locaux, ayant occupé les lieux une vingtaine d’année et aux droits de laquelle se trouve l’appelante, qui aurait démoli des poteaux sans prévoir de renfort n’est établi par aucun élément, et ce, d’autant moins qu’il n’est produit aucun état des lieux.
Les travaux relatifs au renforcement du plancher haut et au renfort nécessité par la démolition de poteaux constituaient donc des travaux de structure nécessaires à la solidité de l’immeuble incombant aux bailleurs conformément aux termes de l’article 4 2. précité du contrat de bail.
Les stipulations de l’article 2 4. du bail selon lesquelles les locaux ont été acceptés en l’état par la locataire s’en déclarant satisfait ne peuvent exonérer les bailleurs de leur obligation essentielle de délivrer des locaux aptes à l’usage auxquels ils sont destinés, et ce d’autant moins, que la clause de non recours contenue à l’article 7 10. du contrat de bail selon laquelle le preneur fera son affaire personnel des dégâts causés aux lieux loués pour toute circonstance, précise expressément « sauf si le bailleur n’a pas rempli ses obligations au titre de l’article 606 du code civil ». Au demeurant, les bailleurs n’ont pas contesté leur obligation puisqu’ils ont accepté de supporter le coût des travaux préconisés par les bureaux d’études excepté le coût supplémentaire résultant de la décision de la locataire de supprimer des poteaux existants moyennant un portique renforcé.
En application des articles 1231-1 du code civil, le manquement d’une partie à son obligation contractuelle justifie sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour réparer les préjudices en résultant pour le créancier de cette obligation, auquel il appartient de prouver leur étendue et leur lien de causalité avec les fautes du bailleur.
Les bailleurs se prévalent des différentes clauses de non recours prévues au bail pour s’opposer à la demande d’indemnisation de la locataire de son préjudice résultant de l’indisponibilité des lieux pour réaliser les travaux nécessaires, notamment des stipulations de l’article 2 4. et de l’article 7 10. stipulant que le preneur se déclare satisfait de l’état des locaux loués, les prends en l’état et renonce à tout recours ou demande de travaux contre le bailleur, que le preneur renonce à tout recours en responsabilité contre le bailleur et qu’il ne pourra réclamer aucune indemnité ni diminution de loyer s’il était privé de tout ou partie des lieux loués par suite de cas fortuits, en cas d’interruption dans les services de l’eau, du gaz ou de l’électricité, en cas d’infiltration ou en cas de privation de jouissance provenant de vices ou vétustés. Ces clauses ne peuvent s’appliquer dès lors qu’en l’espèce, les vice cachés découverts lors des travaux de la locataire portent sur la structure et la sécurité des locaux et constituent un manquement à l’obligation essentielle de délivrance dont le bailleur ne peut s’exonérer, de sorte qu’il doit y remédier, comme il l’a d’ailleurs fait en supportant les travaux, mais également répondre des conséquences dommageables de ce manquement.
Par ailleurs, le premier alinéa de l’article 7 6. du contrat de bail selon lequel « le preneur devra supporter, sans pouvoir demander d’indemnité ou de diminution du loyer, tous travaux que le bailleur jugerait nécessaires en cours de bail, même si leur durée excède 21 jours, sauf impossibilité d’exploiter les locaux loués » ne s’applique pas en l’espèce puisque le preneur s’est trouvé dans l’impossibilité d’exploiter les locaux.
En effet, dès lors qu’il est apparu nécessaire d’effectuer les travaux de structure décrits ci-dessus, la locataire a dû interrompre ses propres travaux d’aménagement, il a été nécessaire de procéder aux études et devis, de les transmettre au mandataire des bailleurs, d’obtenir l’avis de leur architecte, puis de réaliser les travaux quand les bailleurs ont donné leur accord le 24 septembre 2018. Il n’apparaît pas qu’en l’espèce, les délais de prise de décision après consultation des professionnels compétents puis de réalisation des travaux caractériseraient un défaut de diligence des bailleurs. Il n’en demeure pas moins qu’ils doivent indemniser la locataire pour l’indisponibilité des locaux loués résultant de son manquement à l’obligation de délivrance et de garantir la jouissance paisible des locaux.
Il est inopérant de la part des bailleurs de reprocher à la locataire de ne pas justifier de l’indemnisation qu’elle aurait reçue de son assurance, dès lors qu’elle ne démontre pas que la locataire qui conteste avoir reçu une indemnisation serait garantie pour le préjudice résultant du défaut de structure des locaux loués.
Ainsi que l’a justement relevé le jugement, il ressort des éléments du dossier que le point de départ de l’indisponibilité des locaux en raison de la nécessité d’entreprendre des travaux de structure doit être fixé au 16 juillet 2018, date à laquelle l’architecte de la locataire a avisé le mandataire des bailleurs de la nécessité de recourir à un bureau d’étude structure afin notamment de définir les éventuels renforts structurels nécessaires.
Par courriel du 16 octobre 2018, l’architecte de la locataire a écrit au mandataire des bailleurs que les travaux de structure étaient terminés. Il convient de prendre cette date comme celle de la fin du préjudice de jouissance du fait des bailleurs. En effet, il n’y a pas lieu de prendre en compte la période postérieure au 16 octobre 2018 jusqu’à l’ouverture de la boutique le 26 octobre 2018 puisque les travaux de structure incombant aux bailleurs étant terminés.
Le préjudice d’exploitation subi par la locataire résultant de l’impossibilité d’exploiter durant cette période est une perte de chance d’obtenir un gain de son activité.
Ainsi que l’expose de façon détaillée le jugement déféré, à la motivation duquel il est renvoyé sur ce point, pour solliciter la somme de 122.119 euros, la société Golden Goose France se prévaut de plusieurs tableaux constitués par ses soins. L’un d’eux lui permet d’en déduire une différence moyenne de recette de 53% entre sa boutique exploitée [Adresse 32] et la boutique en cause située [Adresse 33]. Elle applique ce coefficient aux chiffres d’affaires réalisés par la boutique [Adresse 32] pour estimer sur un autre tableau que la recette durant la période du 27 juillet 2018 au 25 octobre 2018 aurait été de 323.051 euros et le résultat de 82.725 euros. Elle ajoute à ce résultat différentes charges et des frais de chantiers d’un montant de 39.394 euros. Seul ce dernier tableau comportant l’estimation est certifié conforme en appel par l’expert-comptable de la locataire. Cependant, ainsi que l’a justement observé le jugement déféré, tel n’est pas le cas des autres tableaux comparatifs produits, de sorte que la fiabilité du calcul proposé n’est pas démontrée.
Il est produit en appel un tableau certifié conforme par l’expert-comptable de la société Golden Goose France reproduisant les comptes de résultat de cette société sur la période du 1er août au 31 octobre pour les années 2019, 2020, 2021 et 2022. Dès lors que la fermeture des locaux imputable aux bailleurs était du 16 juillet au 16 octobre 2018, soit trois mois, que la locataire envisageait initialement de réaliser des travaux en juillet et de n’ouvrir que le 27 juillet 2018, que finalement après le 16 octobre 2018 elle a achevé son installation et a ouvert la boutique le 26 octobre 2018, le trimestre proposé du 1er août au 31 octobre afin d’effectuer une comparaison avec les éléments comptables des autres années apparaît significatif. La société Golden Goose France dernière fait valoir que les résultats négatifs de 2020 s’expliquraient par les effets de la pandémie du COVID et ceux de 2022 par la réalisation de travaux ayant impliqué une fermeture partielle, cependant ce dernier point n’est pas établi. Il convient donc d’écarter les seuls résultats de l’année 2020 non significatifs car affectés par les effets de la pandémie. Il ressort de ce tableau que pour les années 2019, 2021 et 2022, les produits obtenus durant le trimestre en cause se sont établis à 540.638 euros, 514.077 euros et 477.207 207 euros, que les résultats d’exploitation s’élevaient à 117.076 euros, 89.917 euros et -2.213 euros, soit une moyenne de 68.000 euros inférieure à l’estimation de la perte d’exploitation proposée par la locataire de 82.725 euros, et que les résultats de l’exercice s’élèvaient à 115.830 euros, 88.064 euros et -1.824 euros.
Compte tenu de ces éléments comptables, des circonstances de l’espèce, notamment du fait qu’il s’agissait d’une première ouverture de la boutique qui n’était pas en période de pleine exploitation, et étant rappelé que le loyer annuel s’élève à 156.000 euros, soit un loyer trimestriel de 39.000 euros, la perte de chance subie par la société Golden Goose France peut être estimée à 35.000 euros, étant observé qu’il n’y a pas lieu d’y ajouter, comme le fait l’appelante dans son tableau estimatif, des frais supplémentaires de chantier, dont il n’est d’ailleurs pas justifié.
Il convient, en conséquence, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la locataire de sa demande de dommages et intérêts et de condamner l’indivision [K] à payer à la société Golden Goose France, la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d’exploitation résultant du manquement des bailleurs à leur obligation des délivrer des locaux aptes à être utilisés conformément à leur destination et à en garantir la jouissance paisible.
La demande subsidiaire d’expertise étant sans objet, le préjudice étant fixé, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a rejetée.
C’est à juste titre que le jugement déféré a observé que la locataire ne justifiait pas du préjudice d’image dont elle fait état au motif qu’elle n’a pas pu procéder à l’ouverture de la boutique en cause lors de la « Fashion Week », notamment faute pour elle de justifier de l’annonce de l’ouverture de la boutique à cette occasion. En appel, cette société ne produit aucun nouvel élément de nature à démontrer le préjudice d’image dont elle fait état. Le préjudice ainsi allégué n’étant pas établi, il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point.
Sur le recours en garantie à l’encontre de la société ZV France
Il ressort des éléments exposés ci-dessus que les défauts structurels affectant les locaux sont imputables aux bailleurs et que la démonstration n’est pas faite que la suppression de deux poteaux serait imputable à la société ZV France, précédente locataire ayant cédé son fonds de commerce à la société Golden Goose France. En l’absence de faute démontrée de la société ZV France, les consorts [K] ne sont pas fondés en leur appel en garantie à l’encontre de cette dernière. Il convient d’infirmer le jugement déféré qui a déclaré sans objet leur demande et de les débouter de leur appel en garantie.
Sur les autres demandes
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘dire’, lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Dès lors que l’indivision [K] succombe partiellement, il convient d’infirmer le jugement déféré en ses dispositions condamnant la société Golden Goose France aux dépens ainsi qu’à lui payer 3.000 € au titre des frais irrépétibles.
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’indivision [K] à payer la somme de 3.000 € à la société ZV France en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 eurosen application de ce texte au titre de la procédure d’appel.
L’indivision [K] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à la société Golden Goose France la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d’appel.,
Il convient de débouter la société ZV France de sa demande formée à l’encontre de la société Golden Goose France fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes seront rejetées.
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 17 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 19/9562) en ce qu’il a :
– débouté la société Golden Goose France de ses demandes tendant à voir condamner solidairement Madame [H] [K], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Madame [B] [K] épouse [LX], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] et Monsieur [J] [K] à lui payer la somme de 122.119 € au titre de la perte d’exploitation ;
– déclaré sans objet la demande de Madame [H] [K], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Madame [B] [K] épouse [LX], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] et Monsieur [J] [K] tendant à voir dire et juger que la société ZV France sera tenue de garantir l’indivision [K] de toutes les conséquences de l’action dirigée à son encontre par la société Golden Goose France et notamment de toute condamnation qui serait prononcée à leur égard ;
– condamné la société Golden Goose France aux dépens ainsi qu’à verser à Madame [H] [K], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Madame [B] [K] épouse [LX], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] et Monsieur [J] [K] pris ensemble la somme totale de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Le confirme en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Madame [E] [Y], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] à payer à la société Golden Goose France la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d’exploitation,
Déboute Madame [E] [Y], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] de leur appel en garantie formé à l’encontre de la société ZV France,
Condamne Madame [E] [Y], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] à payer à la société Golden Goose France la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [E] [Y], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] à payer à la société ZV France la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société ZV France de sa demande formée à l’encontre de la société Golden Goose France fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Madame [E] [Y], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes,
Condamne Madame [E] [Y], Madame [L] [K] épouse [V], Madame [R] [K] épouse [I], Monsieur [TB] [BT], Madame [S] [BT] épouse [A], Madame [W] [BT] épouse [D], Monsieur [C] [LX], Monsieur [RZ] [LX], Madame [X] [LX] épouse [TU], Madame [P] [LX] épouse [M] aux dépens des procédures de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffière, La conseillère
pour la présidente empêchée,
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