Contrat d’assurance et périls dénommésLe contrat d’assurance souscrit par la société Toto club est un contrat à périls dénommés, ce qui signifie que seuls les dommages expressément énumérés dans le contrat sont couverts. Cette règle est fondée sur le principe de la liberté contractuelle, tel que prévu par l’article 1102 du Code civil, qui stipule que chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, et de déterminer le contenu de son contrat, sous réserve de respecter l’ordre public et les bonnes mœurs. Interprétation des clauses contractuellesL’interprétation des clauses d’un contrat d’assurance doit se faire selon la commune intention des parties, conformément à l’ancien article 1156 du Code civil. De plus, l’ancien article 1161 précise que toutes les clauses doivent être interprétées les unes par rapport aux autres, en tenant compte de l’ensemble du contrat. En cas de doute, l’article 1162 prévoit que l’interprétation doit se faire en faveur de celui qui a contracté l’obligation. Conditions de garantie des pertes d’exploitationLa garantie des pertes d’exploitation est conditionnée à la survenance d’un dommage matériel indemnisé au titre du contrat, comme le stipule l’article 2/13 des conditions générales. Cette clause précise que la perte de chiffre d’affaires n’est garantie que si elle résulte d’un dommage matériel, d’un événement naturel, ou d’une impossibilité d’accès aux locaux professionnels. L’article L322-1 du Code des assurances renforce cette notion en précisant que les contrats d’assurance doivent définir clairement les risques couverts. Exclusion des événements non garantisLes événements tels que les épidémies ou les fermetures administratives ne figurent pas dans la liste des sinistres couverts, ce qui est en accord avec le principe de l’exclusion des risques non prévus dans le contrat. L’article L113-1 du Code des assurances stipule que l’assureur n’est pas tenu de garantir des événements qui ne sont pas expressément mentionnés dans le contrat. Caractère aléatoire du contrat d’assuranceLe caractère aléatoire du contrat d’assurance est fondamental, comme le souligne l’article 1108 du Code civil, qui définit le contrat comme un accord par lequel les parties s’engagent à des prestations réciproques, dont les effets dépendent d’un événement incertain. Si l’assuré pouvait faire jouer la garantie pour toute perte de chiffre d’affaires, cela supprimerait l’aléa inhérent au contrat d’assurance. Frais de justice et article 700 du Code de procédure civileConcernant les frais de justice, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Toutefois, le juge a un pouvoir d’appréciation et peut décider de ne pas faire application de cet article si l’équité ne le commande pas, comme cela a été le cas dans cette décision. |
L’Essentiel : Le contrat d’assurance souscrit par la société Toto club est un contrat à périls dénommés, couvrant uniquement les dommages énumérés. L’interprétation des clauses doit se faire selon l’intention commune des parties, et en cas de doute, en faveur de celui qui a contracté l’obligation. La garantie des pertes d’exploitation est conditionnée à un dommage matériel indemnisé. Les événements non garantis, comme les épidémies, sont exclus, conformément aux stipulations du contrat et des articles du Code des assurances.
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Résumé de l’affaire : La SARL Toto Club a interjeté appel le 13 février 2023 contre un jugement rendu le 12 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans le cadre de l’instance n° RG 2022J127. La société Toto Club, exploitant une discothèque, avait souscrit une police d’assurance « Multirisque Discothèques » auprès de la société Hübener Versicherungs AG, renouvelée tacitement chaque année depuis le 1er janvier 2013. Cette police garantissait la protection de l’activité de l’assurée, incluant la perte d’exploitation.
Suite à la fermeture des établissements publics imposée par les autorités en raison de l’épidémie de Covid-19, la société Toto Club a déclaré un sinistre le 23 mars 2020. La société Aleade, mandataire de l’assureur, a refusé la prise en charge des pertes d’exploitation, arguant que celles-ci n’étaient pas couvertes par le contrat. Un second sinistre a été déclaré le 15 février 2022, également rejeté par l’assureur. En réponse, la société Toto Club a assigné la société Hübener devant le tribunal de commerce, demandant la garantie de ses pertes d’exploitation. Le tribunal a jugé que la police d’assurance ne couvrait pas les pertes liées à la Covid-19 et a débouté la société Toto Club de toutes ses demandes, la condamnant aux dépens. EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Dans ses conclusions, la société Toto Club a demandé l’infirmation du jugement, soutenant que la garantie des pertes d’exploitation devait s’appliquer à la perte de chiffre d’affaires due à l’interruption de ses activités. Elle a également contesté l’interprétation du tribunal sur les conditions de la garantie. En revanche, la société Hübener a demandé la confirmation du jugement, arguant que la garantie des pertes d’exploitation était limitée à des événements spécifiques et que la pandémie ne constituait pas un événement naturel au sens du contrat. La cour a finalement confirmé le jugement du tribunal de commerce, déboutant la société Toto Club de ses demandes et la condamnant aux dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique de la garantie d’assurance souscrite par la société Toto club ?La garantie d’assurance souscrite par la société Toto club est régie par les dispositions du code des assurances et du code civil. L’article L113-1 du code des assurances stipule que « l’assureur est tenu de garantir l’assuré contre les risques qu’il a acceptés dans le contrat d’assurance ». De plus, l’article 1108 du code civil précise que pour qu’un contrat soit valide, il doit comporter un consentement des parties, un objet certain et une cause licite. Dans le cas présent, la police d’assurance souscrite par la société Toto club couvre spécifiquement des sinistres limitativement énumérés, tels que les dommages matériels, et exclut les pertes d’exploitation liées à des événements non prévus dans le contrat. Quel est le principe d’interprétation des clauses contractuelles selon le code civil ?L’interprétation des clauses contractuelles est régie par plusieurs articles du code civil. L’ancien article 1156 du code civil indique que « dans les conventions, il faut rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ». L’article 1161 précise que « toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier ». Enfin, l’article 1162 stipule que « la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation, en cas de doute ». Ces principes d’interprétation sont essentiels pour déterminer si la garantie des pertes d’exploitation est applicable dans le cas de la société Toto club. Quel est le lien entre la perte d’exploitation et les conditions de garantie prévues dans le contrat ?La perte d’exploitation est spécifiquement liée aux conditions de garantie énoncées dans le contrat d’assurance. L’article 2/13 des conditions générales de la police d’assurance stipule que les pertes d’exploitation sont garanties uniquement si elles résultent d’un dommage matériel indemnisé au titre du contrat. Cela signifie que pour que la société Toto club puisse prétendre à une indemnisation pour perte d’exploitation, il doit y avoir un dommage matériel préalable, ce qui n’est pas le cas dans la situation actuelle liée à la pandémie de Covid-19. Quel est le rôle des exclusions dans le contrat d’assurance ?Les exclusions jouent un rôle crucial dans la détermination des risques couverts par un contrat d’assurance. L’article L113-5 du code des assurances précise que « l’assureur peut exclure certains risques de la garantie, à condition que ces exclusions soient clairement énoncées dans le contrat ». Dans le cas de la société Toto club, les exclusions incluent spécifiquement les pertes d’exploitation liées à des événements tels que les épidémies ou les fermetures administratives, ce qui a été confirmé par le tribunal. Quel est l’impact de la décision de la cour sur la demande d’indemnisation de la société Toto club ?La décision de la cour a un impact direct sur la demande d’indemnisation de la société Toto club. En confirmant le jugement du tribunal de commerce, la cour a statué que la police d’assurance souscrite par la société Toto club n’était pas mobilisable pour les pertes d’exploitation liées à la pandémie de Covid-19. Cela signifie que la société Toto club est déboutée de toutes ses demandes d’indemnisation, tant pour la perte de chiffre d’affaires que pour les frais supplémentaires d’exploitation, en raison de l’absence de sinistre couvert par le contrat. Quel est le fondement de la décision concernant les frais de justice ?La décision concernant les frais de justice repose sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Cet article stipule que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Dans ce cas, la cour a décidé de débouter la société Hübener de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700, considérant que l’équité ne commandait pas d’accorder cette indemnité à l’intimée, malgré la défaite de l’appelante. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/00552 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IW3S
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
12 janvier 2023
RG:2022J127
S.A.R.L. TOTO CLUB
C/
Société HÜBENER VERSICHERUNGS AG
Copie exécutoire délivrée
le 21/03/2025
à :
Me Saâdia ESSAKHI
Me Stéphanie ROUSSEL
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 21 MARS 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Nîmes en date du 12 Janvier 2023, N°2022J127
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
M. Yan MAITRAL, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 Mars 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Mars 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.R.L. TOTO CLUB, société à responsabilité limitée au capital de 7.622,45 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NÎMES sous le numéro 339.926.867, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Sibylle DIALLO-LEBLANC de la SELARL BEAUBOURG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Saâdia ESSAKHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Société HÜBENER VERSICHERUNGS AG, la compagnie HÜBENER VERSICHERUNGS AG, société de droit allemand, immatriculée au RCS de HAMBURG sous le numéro HR B 97 637, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 1] (ALLEMAGNE)
Représentée par Me Eloïse MARINOS de la SELARL BYRD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Stéphanie ROUSSEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Affaire fixée en application des dispositions de l’article 906 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Février 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 21 Mars 2025,par mise à disposition au greffe de la cour
Vu l’appel interjeté le 13 février 2023 par la SARL Toto Club à l’encontre du jugement rendu le 12 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n° RG 2022J127 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 décembre 2024 par la SARL Toto club, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 10 février 2025 par la société Hübener Versicherungs AG, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé;
Vu l’ordonnance du 10 décembre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 20 février 2025.
Sur les faits
La société Toto Club exerce une activité de discothèque et de club. Elle a souscrit avec effet au 1er janvier 2013 une police d’assurance « Multirisque Discothèques, Bowlings, Restaurants, Bars et autres jeux de loisirs de nuits » auprès de la compagnie d’assurance Hübener Versicherungs. Depuis, le contrat a été tacitement renouvelé à chaque échéance annuelle.
L’objet de la garantie est la «protection de l’activité» de l’assurée, à savoir la protection de ses biens, la protection de ses responsabilités et sa protection financière.
L’article 2/13 des conditions générales intitulé ‘la protection de vos biens’ est ainsi rédigé :
PERTES D’EXPLOITATION
Sont garantis
Le versement d’une indemnité correspondant à la perte de marge brute résultant pendant la période d’indemnisation de :
La perte du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction des activités déclarées,
Frais supplémentaires d’exploitation consécutivement engagés, avec l’accord préalable de l’Agent de souscription, lorsque l’Assuré se trouve dans l’impossibilité totale ou partielle de poursuivre son activité à la suite :
D’un Dommage matériel indemnisé au titre du présent Contrat,
De Dommages matériels directs non assurables à l’ensemble des biens garantis par le Contrat ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance, ou n’ont pu être prises,
D’une impossibilité matérielle d’accès à ses locaux professionnels (y compris en cas d’interdiction par les autorités compétentes), par suite d’incendie ou d’explosion, d’événements naturels survenus dans le voisinage, Catastrophes naturelles.
A la suite de l’épidémie de Covid 19, les pouvoirs publics ont décidé par arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus, la fermeture de certains établissements accueillant du public et notamment les restaurants et débits de boissons (établissements de type N) ainsi que les salles de danse (établissements de type P). La fermeture des salles de danse a été prorogée par les décrets n°2020-759 du 21 juin 2020, n°2020-860 du 10 juillet 2020 et n°2020-1310 du 29 octobre 2020.
Les discothèques ont été autorisées à rouvrir le 9 juillet 2021. Elles ont été de nouveau fermées entre le 10 décembre 2021 et le 16 février 2022.
La société Toto club a déclaré un premier sinistre à la société Aleade, mandataire de la société Hübener Versicherungs AG, le 23 mars 2020.
Par courriel du 15 avril 2020, la société Aleade a fait part du refus de la société Hübener de prendre en charge le sinistre aux motifs que les pertes d’exploitation invoquées n’étaient pas couvertes par le contrat.
La société Toto club a procédé à une seconde déclaration de sinistre le 15 février 2022. Par courriel du 18 février 2022, l’assureur lui a également fait part de son refus de le prendre en charge.
Sur la procédure
Par exploit du 30 mars 2022, la SARL Toto club a fait assigner la compagnie d’assurance de droit allemand Hübener devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins de voir garantir ses pertes d’exploitation.
Par jugement du 12 janvier 2023, le tribunal de commerce de Nîmes, au visa de l’article L322-1 du code des assurances, :
« Dit et juge que la police Hübener souscrite par la société Toto club n’est pas mobilisable pour les pertes d’exploitation liées au covid 19,
Déboute la société Toto club de toutes ses demandes et prétentions,
Dit n’y avoir lieu à la désignation d’un expert ;
Rappelle le principe de l’exécution provisoire de droit attaché à la présente décision,
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Rejette toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
Condamne la SARL Toto club aux dépens de l’instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 61,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires. ».
La société Toto club a relevé appel le 13 février 2023 de ce jugement pour le voir infirmer, annuler ou réformer en toutes ses dispositions.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la société Toto club, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1108, 1171, 1188, 1189, 1190, 1192, 1217 et 1221 du code civil, des articles L.113-1, L113-5 du code des assurances, et des articles 144, 696 et 700 du code de procédure civile, de :
« – Infirmer le jugement dénoncé en ce qu’il a :
débouté la société Toto club de toutes ses demandes ;
dit qu’il n’y avait pas lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Toto club aux dépens.
Et statuant à nouveau :
– recevoir l’intégralité des moyens et prétentions de la société Toto club ;
– juger que la garantie des pertes d’exploitation de la police d’assurance souscrit par la société Toto club est acquise.
En conséquence :
A titre principal :
– Condamner la société Hübener à payer à la société Toto club la somme de 290.411 euros HT au titre de la garantie pertes d’exploitation pour les pertes subies par cette dernière ;
A titre subsidiaire :
– Ordonner à titre de provision, le versement par la société Hübener d’un montant de
100.000 euros ;
– Désigner aux frais de la société Hübener, tel expert qu’il lui plaira avec la mission :
– d’évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d’indemnisation qui s’étend du 14 mars 2020 au 13 mars 2021 et du 10 décembre 2021 au 16 février 2022 ;
– d’évaluer le montant des frais supplémentaires d’exploitation pendant la période d’indemnisation qui s’étend du 14 mars 2020 au 13 mars 2021 et du 10 décembre 2021 au 16 février 2022.
En tout état de cause :
Condamner la société Hübener à verser à la société Toto club les divers frais d’expertise engagés par elle, dans une limite de 8 % du montant des pertes d’exploitation estimées ;
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
Débouter la société Hübener dans toutes ses demandes, prétentions et moyens ;
Condamner la société Hübener aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Beaubourg Avocats pour ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision ;
Condamner la société Hübener à payer à la société Toto club la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens au titre des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. ».
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir que la garantie des pertes d’exploitation couvre la perte du chiffre d’affaires causée par la réduction ou l’interruption des activités déclarées. La clause telle qu’elle est rédigée n’induit aucunement un cumul des conditions entre les deux garanties’perte du chiffre d’affaires’ et ‘frais supplémentaires d’exploitation’. L’analyse des autres garanties de la police d’assurance permet de s’en convaincre. La clause est claire et précise et ne peut être interprétée comme l’a fait la juridiction de première instance, sous peine de commettre une dénaturation. Le changement de format de puce entre les deux premières clauses et les trois autres suivantes démontre l’intention de l’assureur de cantonner les événements et dommages matériels préalables à la deuxième hypothèse (frais supplémentaires d’exploitation).
L’appelante précise que la clause de garantie litigieuse ne présente pas de caractère potestatif dans la mesure où les dispositions générales prévoient l’exclusion de la garantie aux dommages causés ou provoqués par la faute intentionnelle ou dolosive de l’assurée. Le débiteur de l’obligation d’indemnisation est l’assureur. L’interruption des activités de l’assurée est intervenue du fait de circonstances objectives et extérieures à elle. Le risque sanitaire était incertain lors de la signature de la police d’assurance.
L’appelante rétorque que le tableau de garantie a pour finalité de prévoir des plafonds de garantie et non d’ajouter de nouvelles clauses aux conditions générales. De plus, l’entête du tableau comprend le terme ‘autres risques divers’ informant qu’il ne s’agit pas d’une liste exhaustive. La lecture des conditions générales permet de confirmer que la perte de marge brute causée par la perte de chiffre d’affaires, elle-même résultant de l’interruption des activités déclarées, est un événement distinct des frais supplémentaires d’exploitation.
À titre subsidiaire, l’appelante explique qu’elle n’a pas pu poursuivre son activité en raison d’une interdiction d’accès par les autorités compétentes pour cause de survenance d’un événement naturel survenu dans le voisinage. La clause litigieuse précise que l’impossibilité d’accès aux locaux peut résulter d’une interdiction par les autorités compétentes. L’épidémie emporte la qualification d’événement naturel, au sens biologique du terme. Elle est bien survenue dans le voisinage.
L’appelante indique que son expert-comptable a procédé au calcul de sa perte d’exploitation après déduction du chômage partiel et des aides d’Etat qu’elle a perçues. Si une expertise devait être ordonnée, ce serait aux frais de l’assureur.
Dans ses dernières conclusions, la société d’assurance Hübener, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1101, 1108, 1188, 1189, 1190, 1191 et 1192 du code civil, et des articles 696 et 700 du code de procédure civile, de :
« A titre principal
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
Débouter la société Toto club de toutes ses demandes à l’encontre de la compagnie Hübener ;
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Toto club de sa demande de provision de 100.000 euros ;
Confirmer le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à la désignation d’un expert ;
En conséquence,
Débouter la société Toto club de l’ensemble de ses demandes, y compris sa demande de provision et d’expertise, la demande de la société Toto club au titre de l’indemnisation de ses pertes d’exploitation n’étant pas justifiée ;
Si par extraordinaire une expertise judiciaire était ordonnée,
Prendre acte de ce que la compagnie Hübener émet les plus expresses protestations et réserves quant à la demande d’expertise judiciaire de la société Toto club ;
Condamner la société Toto club à supporter les frais de cette mesure si celle-ci venait à être ordonnée ;
En tout état de cause,
Condamner la société Toto club à régler à la compagnie Hübener la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Toto club aux dépens d’appel. ».
L’intimée réplique que les pertes d’exploitation se rattachent à la protection des biens de l’assurée et à un événement garanti par le contrat. La garantie pertes d’exploitation n’est pas une garantie autonome qui ne dépendrait d’aucune condition si ce n’est la seule réduction ou interruption des activités déclarées, sans quoi elle serait laissée au bon vouloir des assurés qui pourraient l’activer dès lors qu’ils auraient à déplorer une baisse du chiffre d’affaires pour n’importe quelle raison, y compris de leur propre fait. Or la garantie potestative n’est pas possible dans un contrat d’assurance, par essence, aléatoire. La police d’assurance couvre limitativement onze dommages matériels aux biens garantis et ne garantit pas le risque d’épidémie ou de pandémie, ni la fermeture administrative. Le paragraphe 2/13 est indissociable et il n’y a pas lieu de distinguer là où le contrat ne distingue pas. Le sens des clauses de la police ne ressort pas de l’usage de tirets ou puces mais du texte lui-même. La garantie pertes d’exploitation est donc limitée à trois cas d’ouvertures.
L’intimée souligne que l’accès aux locaux de l’assurée n’était pas matériellement impossible. L’impossibilité d’accès ne résulte pas d’un sinistre subi dans le voisinage de l’assurée mais de la pandémie de Covid 19 qui a touché directement l’assurée. La pandémie ne constitue pas un événement naturel qui s’entend d’un événement climatique.
À titre subsidiaire, l’intimé rétorque que l’assurée qui se fonde sur une attestation de son expert-comptable ne peut se constituer de preuve à elle-même. L’analyse de l’expert-comptable de l’assurée ne respecte pas les modalités de calcul prévues par la police. La période de garantie est de douze mois maximum.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
1) Sur la demande de garantie
Le contrat souscrit par la société Toto club est un contrat à périls dénommés. Seuls les dommages limitativement prévus par le contrat ont vocation à être couverts, à l’exclusion de tous autres.
Les conditions générales de la police définissent l’objet de la garantie ‘la protection de votre activité’ sous trois rubriques :
– la protection des biens,
-la protection de vos responsabilités
-la protection financière.
S’agissant de ‘la protection des biens’, il est dressé une liste de onze types de sinistres couverts, à condition d’être conforme aux obligations contractuelles et de ne pas être dans un cas d’exclusion de la garantie, à savoir:
– l’incendie et les événements annexes,
– les événements climatiques,
– les catastrophes naturelles,
– les attentats,
– les dommages électriques,
– le vol,
– le vol de fonds et valeurs,
– les dommages par vandalisme,
– le bris de glaces et enseignes,
– les marchandises réfrigérées.
Les parties s’accordent pour reconnaître que l’épidémie, la pandémie, la fermeture administrative ne figurent pas dans la liste des sinistres couverts au titre de la protection des biens.
Aux termes de l’ancien article 1156 du code civil, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.
L’ancien article 1161 précise que toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier.
Ce n’est que dans le doute que la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation, en application de l’article 1162.
L’assurée fait observer que l’article 1/3 ‘Objet des garanties’ en page 26 des conditions générales fait état des pertes d’exploitation et de la perte de valeur vénale du fonds dans la rubrique ‘la protection financière’tandis que les frais supplémentaires d’exploitation figurent dans la rubrique ‘la protection de vos biens’.
Cependant, en pages 7 et 22 des conditions générales, la description de la garantie ‘la protection de vos biens’ ne mentionne pas les frais supplémentaires d’exploitation. Surtout, l’article 2/13 des conditions générales définissant les garanties au titre des pertes d’exploitation figure bien sous la rubrique ‘la protection de vos biens’ de sorte qu’il ne peut être considéré qu’il s’agit d’une garantie autonome qui a vocation à jouer indépendamment de la survenance d’un dommage matériel garanti au titre du contrat.
En l’occurrence, la clause litigieuse de l’article 2/13 comprend une seule et même phrase de sorte qu’il ne peut être tiré de conséquence du fait que l’utilisation de la conjonction de subordination ‘lorsque’ ne donne pas lieu à un retour à la ligne. Les trois évenements énumérés à l’origine de l’impossibilité totale ou partielle pour l’assurée de poursuivre son activité sont mis en valeur par des puces typographiques et figurent en retrait tant du paragraphe sur la perte du chiffre d’affaires que de celui consacré aux frais supplémentaires d’exploitation.
Il s’en suit que la simple lecture de la clause litigieuse ne permet pas de déduire que les causes décrites d’impossibilité totale ou partielle pour l’assuré de poursuivre son activité ne s’appliquent qu’aux frais supplémentaires d’exploitation et non pas à la perte du chiffre d’affaires.
Affirmer le contraire aboutirait à priver le contrat d’assurance de son caractère aléatoire, ce que les premiers juges ont rappelé, de manière pertinente. Or, tel est le cas lorsque, conformément aux dispositions de l’article 1108 du code civil, les parties acceptent d’en faire dépendre les effets quant aux avantages et aux pertes qui en résultent, d’un événement incertain.
Tout aléa disparaîtrait si l’assuré pouvait faire jouer la garantie ‘pertes d’exploitation’, lors de toute perte de chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de ses activités déclarées, quelque soit la cause de cette interruption ou réduction. L’exclusion des dommages causés ou provoqués par la faute intentionnelle ou dolosive de l’assurée, qui implique que soit rapportée la preuve de l’intention de nuire, ne suffit pas à circonscrire la garantie aux seules circonstances objectives, indépendantes de la seule volonté de l’assurée. Il en est de même de la définition du dommage immatériel comme tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de la jouissance d’un droit, de l’interruption d’un service, rendu par une personne ou par un bien meuble ou immeuble ou la perte d’un bénéfice, dans la mesure où cette définition n’évoque pas le caractère involontaire de l’événement à l’origine de la privation, de l’interruption ou de la perte invoquées.
Au surplus, aucun assureur n’accepterait de prendre en charge un risque aussi élevé que celui de la perte de chiffre d’affaires causée par une interruption ou réduction de toute nature des activités déclarées par l’assuré.
Le tribunal s’est également appuyé, à juste titre, pour déterminer la commune intention des parties sur le tableau des garanties et des franchises figurant aux conditions particulières dans lequel la garantie ‘dommages financiers’ est citée dans une colonne au dessus de laquelle sont énumérés les risques garantis au titre du contrat (incendie et événements annexes, explosion, foudre, attentats, tempêtes, fumées, vandalisme, catastrophes naturelles). Le terme ‘autres risques divers’ n’y figure pas.
Il ne peut être tiré d’enseignement de la clause 2/6 invoquée par l’assurée concernant la garantie ‘Dommages électriques’ qui n’est en rien comparable à celle concernant les pertes d’exploitation dans la mesure où la mention faisant l’objet du deuxième retrait de ligne de ‘l’incendie, l’explosion, l’implosion prenant naissance à l’intérieur des parties électriques ou électroniques de ce matériel’ est ponctuée par un point indiquant que la phrase est terminée. Au contraire, à l’article 2/13, l’emploi d’une virgule après la mention ‘frais supplémentaires d’exploitation consécutivement engagés, avec l’accord préalable de l’agent de souscription’ indique que la phrase se poursuit.
Il s’en suit qu’il ne fait aucun doute que la perte du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de ses activités déclarées n’est garantie qu’à condition que l’assuré se trouve dans l’impossibilité totale ou partielle de poursuivre son activité à la suite,
-soit d’un dommage materiel indemnisé au titre du contrat,
-soit de dommages matériels directs non assurables à l’ensemble des biens garantis par le contrat ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance, ou n’ont pu être prises,
-soit d’une impossibilité matérielle d’accés à ses locaux professionnels (y compris en cas d’interdiction par les autorités compétentes), par suite d’incendie ou d’explosion, d’événements naturels survenus dans le voisinage, catastrophes naturelles.
La société Toto club invoque, à titre subsidiaire, une impossibilité matérielle d’accés à ses locaux professionnels par suite d’événements naturels survenus dans le voisinage.
En l’espèce, l’établissement même de l’assurée a fait l’objet d’une fermeture en raison de l’interdiction de recevoir du public décrétée sur le plan national par les autorités administratives. Il ne s’agit donc pas d’un événement survenu dans le voisinage qui est à l’origine du sinistre.
Les événements naturels sont du même ordre que les catastrophes naturelles mais en diffèrent par leur intensité moindre. Les événements naturels qui proviennent des forces de la nature sont d’origine climatique. Or, il n’est pas établi que la pandémie de Covid 19 dont l’origine est incertaine ait été provoquée par les forces de la nature.
Par conséquent, les conditions d’application de la garantie pertes d’exploitation n’étant pas réunies, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté l’assurée tant de sa demande principale en indemnisation que de sa demande subsidiaire aux fins d’expertise et de provision.
2) Sur les frais du procès
L’appelante qui succombe sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.
L’équité ne commande toutefois pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’intimée.
LA COUR,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la société Toto club aux entiers dépens d’appel,
Déboute la société Hübener Versicherungs AG de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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