L’article L. 1110-4 du code de la santé publique établit que toute personne prise en charge par un professionnel de santé a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant, ce secret s’imposant à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. Ce secret peut être levé par le patient, qui peut renoncer à son droit à la confidentialité, permettant ainsi la communication de documents médicaux à un expert judiciaire sans que le secret médical puisse être opposé. Par ailleurs, l’article R. 4127-4 du même code précise que le secret professionnel s’impose à tout médecin et couvre toutes les informations obtenues dans l’exercice de sa profession. En cas de conflit entre le secret médical et le droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le juge doit apprécier si une partie a consenti à la communication de pièces médicales, renonçant ainsi à se prévaloir du secret médical.
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L’Essentiel : L’article L. 1110-4 du code de la santé publique garantit le droit au respect de la vie privée et du secret des informations pour toute personne prise en charge par un professionnel de santé. Ce secret peut être levé par le patient, permettant la communication de documents médicaux à un expert judiciaire. L’article R. 4127-4 précise que le secret professionnel s’impose à tout médecin. En cas de conflit avec le droit à un procès équitable, le juge doit évaluer le consentement à la communication de pièces médicales.
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Résumé de l’affaire :
Exposé du LitigeDans la nuit du 11 au 12 mars 2023, une victime a accouché au sein d’une clinique par voie basse. L’accouchement a été réalisé par un médecin et a nécessité l’utilisation de spatules ainsi qu’une épisiotomie complète. Par la suite, la victime a présenté de fortes douleurs et une infection, entraînant la mise en place d’une antibiothérapie. En raison de douleurs persistantes, un examen vaginal a révélé la présence d’une compresse dans le vagin. La victime a été contrainte de renoncer à son projet d’allaitement et a exprimé son profond trouble face aux événements. Procédures JudiciairesLa victime a assigné le médecin, la clinique, l’Office National des accidents médicaux, et la Caisse primaire d’assurance maladie devant le tribunal judiciaire, demandant une expertise judiciaire. Le juge des référés a ordonné une expertise médicale, laissant les dépens à la charge de la victime. Le médecin a interjeté appel de cette décision, critiquant la condition de transmission du dossier médical par les tiers détenteurs à l’autorisation de la victime. Demandes de la VictimeDans ses conclusions, la victime a demandé à la cour d’infirmer l’ordonnance et d’enjoindre au médecin et à la clinique de produire toutes pièces médicales nécessaires à l’expertise, sans que le secret médical puisse leur être opposé. Elle a également demandé des condamnations financières au titre des dépens. Réponses des DéfendeursLa clinique et l’ONIAM ont également sollicité l’infirmation de l’ordonnance, demandant que l’expert soit autorisé à recevoir tous documents médicaux nécessaires, sans que le secret médical puisse être opposé. Ils ont rejeté toute demande de condamnation à leur encontre. Motifs de la DécisionLe tribunal a constaté que l’ordonnance initiale avait conditionné la communication de pièces médicales à l’accord de la victime, ce qui portait atteinte aux droits de défense des défendeurs. La cour a jugé que la victime avait délié du secret médical tous les tiers détenteurs de pièces médicales utiles à l’expertise. L’ordonnance a donc été infirmée sur ce point, permettant à toutes les parties de produire les pièces nécessaires sans autorisation préalable. Décisions FinancièresLa cour a confirmé que les dépens restaient à la charge de la victime, tout en lui allouant une somme pour les frais d’appel, en raison de sa coopération dans la transmission des pièces médicales. Le médecin a été condamné à payer une somme à la victime et à supporter les dépens de la procédure d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le droit au respect de la vie privée et du secret médical selon le code de la santé publique ?L’article L. 1110-4 du code de la santé publique stipule que toute personne prise en charge par un professionnel de santé a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel, sauf dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. La personne est informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant, qu’elle peut exercer à tout moment. Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation de cet article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Quel est le cadre du secret professionnel pour les médecins ?L’article R. 4127-4 du code de la santé publique précise que le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Ce secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, y compris ce qui lui a été confié, ainsi que ce qu’il a vu, entendu ou compris. Le caractère absolu de ce secret, destiné à protéger les intérêts du patient, souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi. Il peut également entrer en conflit avec le principe fondamental des droits de la défense, garantissant à chaque partie le droit à un procès équitable, comme le stipule l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Quel est le principe de l’égalité des armes dans le cadre d’une procédure judiciaire ?Le principe d’égalité des armes, qui découle du droit à un procès équitable, implique que chaque partie doit avoir la possibilité de présenter ses arguments et ses preuves de manière équitable. Interdire à une partie de faire la preuve d’éléments de fait essentiels pour l’exercice de ses droits constitue une atteinte à ce principe. Il est donc essentiel que les parties puissent accéder aux éléments nécessaires à la défense de leurs intérêts, y compris les documents médicaux, sans que le secret médical ne soit opposé de manière excessive. Quel est le rôle du juge dans l’appréciation de la renonciation au secret médical ?Il est admis que le patient peut renoncer à son secret médical, et c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que le juge apprécie si une partie a accepté que des pièces médicales soient communiquées à un expert. Cette renonciation permet de faciliter la communication des informations nécessaires à la manifestation de la vérité dans le cadre d’une expertise. Dans le cas présent, le juge a subordonné la communication de pièces médicales à l’accord de la victime, ce qui a été jugé excessif et disproportionné par la cour. Quel est le fondement des dépens et des frais d’appel selon le code de procédure civile ?L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés. Il est également précisé que la partie défenderesse à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante, même si l’expertise a été ordonnée. En l’espèce, la cour a confirmé que les dépens restaient à la charge de la demanderesse, tout en allouant une somme à celle-ci pour couvrir ses frais d’appel, en raison de sa coopération dans la transmission des pièces médicales. L’article 699 du code de procédure civile précise que les dépens d’appel sont recouvrés conformément à ses dispositions, ce qui a été appliqué dans cette affaire. |
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 27 FÉVRIER 2025
N° 2025/102
Rôle N° RG 24/05721 N° Portalis DBVB-V-B7I-BM7E3
[T] [V]
C/
[N] [S]
Caisse CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Organisme ONIAM DICAUX (ONIAM)
Etablissement CLINIQUE [6]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Emmanuelle PLAN
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Me Jean-François JOURDAN
Me Charlotte SIGNOURET
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé du président du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 15 Avril 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/00004.
APPELANTE
Madame [T] [V]
médecin, domiciliée au sein de son cabinet au [Adresse 4]
représentée par Me Emmanuelle PLAN de la SELARL SOLUTIO AVOCATS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Nicolas RUA de la SELARL CABINET ESTEVE-RUA, avocat au barreau de NICE
INTIMÉES
Madame [N] [S]
née le [Date naissance 2] 1983, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Christelle BERTAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
ONIAM Office National des Indemnisations des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales
dont le siège social est situé [Adresse 7]
représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN – PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée Me Samuel M. FITOUSSI de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
SAS CLINIQUE [6]
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 5]
représentée et assistée par Me Charlotte SIGNOURET de la SELARL ENSEN AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Amélie VADON, avocat au barreau de MARSEILLE
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 3]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 21 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
M. Laurent DESGOUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Dans la nuit du 11 au 12 mars 2023, madame [N] [S] a accouché au sein de la Clinique [6] par voie basse.
L’accouchement a été réalisé par le Dr [T] [V] et nécessité l’utilisation de spatules ainsi que la réalisation d’une épisiotomie complète.
Dans les suites, Mme [S] a présenté de fortes douleurs ainsi qu’une infection qui a justifié la mise en place d’une antibiothérapie à compter du 15 mars 2023.
Le 6 avril 2023, elle a, en raison de la persistance de douleurs, bénéficié d’un examen vaginal par sa sage-femme qui a révélé la présence d’une compresse dans le vagin.
Mme [N] [S] indique qu’elle a été contrainte de renoncer à son projet d’allaitement et qu’elle demeure très perturbée par les évènements.
Par actes de commissaire de justice en date des 27 décembre 2023, 4 et 11 janvier 2024, elle a fait assigner le docteur [T] [V], la société par actions simplifiée (SAS) Clinique [6], l’Office National des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône devant le président du tribunal judiciaire de Marseille, statuant en référé, aux fins d’entendre ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 15 avril 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille a :
– ordonné une expertise médicale et commis le docteur [D] [M] pour y procéder ;
– laissé les dépens de l’instance en référé à la charge de Mme [N] [S].
Selon déclaration reçue au greffe le 2 mai 2024, le docteur [T] [V] a interjeté appel de cette décision l’appel visant à la critiquer en ce qu’elle a conditionné la transmission du dossier médical par les tiers détenteurs à l’autorisation de Mme [S].
Par dernières conclusions transmises le 15 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :
– lui enjoigne de produire à l’expert aussitôt que possible toutes pièces y compris les pièces médicales en lien avec les faits litigieux, indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise sans que puisse lui être opposé le secret médical ;
– statue ce que de droit sur les dépens.
Par dernières conclusions transmises le 12 août 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [N] [S] sollicite de la cour qu’elle :
– lui donne acte du fait qu’elle ne s’est jamais opposée de quelle que manière que ce soit à la communication de pièces ;
– lui donne acte qu’elle a toujours autorisé expressément et officiellement, par l’intermédiaire de son Conseil, la communication de toutes les pièces utiles à la manifestation de la vérité ;
– confirme l’ordonnance déférée, sauf en ce qu’elle a prévu dans la mission de l’expert : ‘Procéder, dans le respect de l’intimité de la vie privée et de manière contradictoire à l’examen clinique de Madame [N] [S], après s’être fait communiquer le dossier médical et toutes pièces médicales relatives aux examens, soins et interventions pratiquées et ce, par la victime ou tout tiers détenteur, mais dans ce cas avec l’accord de la victime’ et, statuant à nouveau de ce chef, dise que l’expert aura pour mission de se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers, tous documents utiles à sa mission y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sans que puisse lui être opposé le secret médical ;
– en tout état de cause, condamne le docteur [V] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec application, pour ceux d’appel, des dispositions de l’articIe 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions transmises le 11 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Clinique [6] sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise du chef critiqué et, statuant à nouveau :
– ordonne qu’il soit confié à l’expert judiciaire notamment la mission de se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal ou par un tiers, tous documents utiles à sa mission y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatif à la partie demanderesse, sans que puisse lui être opposé le secret médical ;
– rejette toute demande de condamnation qui serait dirigée à son encontre ;
– statue ce que de droit sur les dépens.
Par dernières conclusions transmises le 17 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l’ONIAM sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise du chef critiqué et, statuant à nouveau :
– dise que l’expert aura pour mission de se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers, tous documents utiles à sa mission y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sans que puisse lui être opposé le secret médical ;
– en tout état de cause :
‘ condamne tout succombant à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec application pour ceux d’appel des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– rejette toute autre demande.
La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement intimé à étude, n’a pas constitué avocat.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 7 janvier 2025.
Le docteur [V], la SAS Clinique [6] et l’ONIAM font grief à l’ordonnance entreprise d’avoir, pour déterminer les modalités de communication à l’expert des pièces utiles à la réalisation des opérations d’expertise, conditionné la production de documents médicaux en la possession des deux premières (des précitées) et des tiers, à l’accord préalable de Mme [N] [S], demanderesse à la mesure d’instruction, et ce, au mépris des droits de la défense garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par les engagements internationaux de la France dont la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Mme [S] réplique en exposant qu’elle n’a jamais entendu restreindre ou conditionner la production de pièces médicales à l’expert et donne son accord exprès à la communication par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers, de tous documents utiles à sa mission y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sans que puisse lui être opposé le secret médical.
Sur le grief tiré de la violation des droits de la défense
L’article L. 1110-4 du code de la santé publique dispose : Toute personne prise en charge par un professionnel de santé (…) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel (…). Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (…) La personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende …
Aux termes de l’article R. 4127-4 du même code le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi ; (il) couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est à dire non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.
Le caractère absolu de ce secret, destiné à protéger les intérêts du patient, souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi. Il peut, par ailleurs, entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’éléments de fait essentiels pour l’exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.
Il est par ailleurs admis que le patient peut y renoncer et que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que le juge apprécie si une partie a accepté que des pièces médicales soient communiquées à un expert, renonçant ainsi à se prévaloir du secret médical.
En l’espèce, le premier juge a subordonné à l’accord de la victime, la communication de pièces médicales par ‘tout tiers détenteur’. Il n’est pas certain que, dans son esprit, le docteur [V] et la Clinique [6], défendeurs au référé probatoire, fussent considérés comme tels. La formulation ne permet néanmoins pas de l’exclure en sorte que la critique de la décision entreprise de ce chef apparaît recevable.
Dès lors, en soumettant, ne serait-ce que potentiellement, la production de pièces médicales par le docteur [V] et la Clinique [6], dont la responsabilité est susceptible d’être ultérieurement recherchée, à l’accord préalable de Mme [N] [S], demanderesse, alors qu’elles peuvent s’avérer utiles voire même essentielles à la réalisation de la mesure d’instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l’ordonnance entreprise a porté atteinte aux droits de ces défendeurs.
Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce qu’en l’espèce le docteur [V] et la Clinique [6] se trouvent empêchés par la demanderesse, qui a pourtant pris l’initiative de l’instance en référé dans une démarche de recherche de responsabilité, de produire spontanément les pièces qu’elle estime utiles au bon déroulement des opérations d’expertise et nécessaires à leur défense.
Par ailleurs, en réponse à des sollicitations en date des 16 et 29 avril 2024, Mme [S] a, par courriels de son avocat en date des 29 avril et 20 mai suivant, autorisé le docteur [V] et la SAS Clinique [6] à transmettre à l’expert ‘toutes pièces utiles à ce dossier’. Allant plus loin, elle ne s’oppose pas davantage en cause d’appel à la transmission à l’expert des pièces médicales détenues par des tiers et conclut à une infirmation de l’ordonnance entreprise de ce chef.
Il convient, dans ces conditions, de considérer que Mme [S] a délié du secret médical tous les tiers détenteurs en possession de pièces médicales utiles à l’accomplissement de la mission d’expertise.
L’ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef et toutes les parties à la présente instance ainsi que les tiers détenteurs seront autorisés à produire à l’expert judiciaire toutes les pièces médicales en lien avec les faits litigieux, indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise sans que puisse leur être opposé le secret médical et donc sans avoir à solliciter l’autorisation préalable de Mme [N] [S].
Il ne leur sera néanmoins pas fait injonction de le faire puisque l’expert judiciaire reste, en toute hypothèse et dernière intention, juge de l’utilité des pièces communiquées et libre d’en solliciter des nouvelles. Il demeure donc maître du périmètre de la communication.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il est admis que la partie défenderesse puis intimée à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et ce, même si l’expertise a été ordonnée.
Il convient, dans ces conditions, de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a laissé les dépens à la charge de Mme [N] [S].
Alors qu’elle n’a jamais demandé que la communication de pièces médicales à l’expert soit subordonnée à son accord, Mme [S] a été attraite dans une procédure d’appel qui aurait pu être évitée puisqu’elle a, dès qu’il lui était demandé, systématiquement donné son accord pour la transmission des pièces médicales à l’expert.
Il lui sera donc alloué une somme de 1 500 euros, en cause d’appel, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’y a, en revanche, pas lieu de faire droit à la demande formulée du même chef par l’ONIAM puisqu’au vu de la position adoptée ab initio par la victime, il aurait pu se dispenser de constituer avocat et conclure.
Le docteur [V] supportera les dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La cour,
Statuant dans les limites de l’appel,
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a subordonné la communication de pièces médicales par les parties et les tiers détenteurs à l’expert judiciaire, à l’autorisation préalable de Mme [N] [S] ;
La confirme pour le surplus des dispositions déférées ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Autorise les parties et tous tiers détenteurs à produire à l’expert judiciaire, dans le respect du contradictoire, toutes les pièces médicales en lien avec les faits litigieux, indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise sans que puisse leur être opposé le secret médical ;
Condamne le docteur [T] [V] à payer à Mme [N] [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute l’ONIAM de sa demande sur ce même fondement ;
Condamne le docteur [T] [V] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffière Le président
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