L’article L. 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention d’un étranger au-delà de la durée maximale de rétention, dans des cas exceptionnels, notamment si l’étranger a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement, a présenté une demande de protection contre l’éloignement, ou si la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat. En l’espèce, la décision d’éloignement n’a pas pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage, et les éléments de la cause ne permettent pas d’établir que l’intéressé représente une menace actuelle à l’ordre public.
|
L’Essentiel : L’article L. 742-5 du CESEDA permet au magistrat du siège du tribunal judiciaire de prolonger le maintien en rétention d’un étranger au-delà de la durée maximale dans des cas exceptionnels. Cela inclut des situations où l’étranger a fait obstruction à l’éloignement, a demandé une protection contre l’éloignement, ou si l’éloignement n’a pu être exécuté en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat. Dans ce cas, l’éloignement n’a pas pu être exécuté pour cette raison.
|
Résumé de l’affaire :
Contexte de la procédureLa procédure est fondée sur les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Un arrêté d’obligation de quitter le territoire national a été pris par le préfet des Alpes-Maritimes le 10 janvier 2023, suivi d’un autre arrêté le 30 décembre 2024. Ce dernier a conduit à une décision de placement en rétention administrative le même jour. Intervention judiciaireLe juge des libertés et de la détention a ordonné la mainlevée de la mesure de placement d’un étranger. Suite à cela, le procureur de la République a interjeté appel. Le 28 février 2025, une ordonnance a déclaré recevable l’appel du procureur, maintenant l’étranger à la disposition de la justice jusqu’à l’audience de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence prévue pour le 1er mars 2025. Déclarations des partiesLors de l’audience, l’étranger a exprimé son souhait de sortir pour être auprès de sa compagne enceinte, affirmant qu’il n’avait jamais été violent envers elle. Son avocat a plaidé pour la confirmation de l’ordonnance de mainlevée, soulignant qu’il ne représentait pas une menace pour l’ordre public. Éléments de la décisionLa préfecture a demandé une prolongation de la rétention, invoquant des troubles à l’ordre public liés à des violences passées de l’étranger envers sa compagne. Cependant, il a été établi que la mesure d’éloignement n’avait pas pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat. De plus, les éléments de la cause n’ont pas permis de conclure à une menace actuelle à l’ordre public. Conclusion de la décisionEn conséquence, l’ordonnance du magistrat a été confirmée, permettant à l’étranger de sortir de rétention. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique applicable à la rétention administrative d’un étranger ?La rétention administrative d’un étranger est régie par les articles L 740-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Ces articles établissent les conditions et les procédures relatives à la rétention, notamment en ce qui concerne les obligations de quitter le territoire national (OQTF) et les recours possibles. L’article L. 742-5 précise que, dans certaines situations, le magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de la durée maximale prévue par l’article L. 742-4. Les situations incluent l’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement ou la présentation d’une demande d’asile dans le but de faire échec à cette décision. Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. Quel est le rôle du juge des libertés et de la détention dans ce contexte ?Le juge des libertés et de la détention joue un rôle crucial dans le contrôle des mesures de rétention administrative. Selon l’article L. 743-22 du CESEDA, il est chargé d’examiner la légalité et la nécessité de la rétention. Il doit s’assurer que les conditions de rétention sont respectées et que l’étranger ne représente pas une menace pour l’ordre public. En cas de prolongation de la rétention, le juge doit statuer sur la demande dans un délai maximal de quinze jours. Si le juge ordonne la prolongation, celle-ci commence à l’expiration de la dernière période de rétention. Quel est l’impact des décisions des autorités consulaires sur la rétention ?Les décisions des autorités consulaires ont un impact significatif sur la rétention administrative. L’article L. 742-5 stipule que la rétention peut être prolongée si la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat. Dans le cas présent, il a été établi que la mesure d’éloignement n’a pas pu être exécutée en raison de l’absence de documents de voyage délivrés par le consulat nigérian. De plus, les démarches entreprises par la préfecture auprès des consulats de Tunisie, du Maroc et d’Algérie montrent que la situation est complexe et nécessite une attention particulière. Quel est le fondement des arguments avancés par la préfecture concernant l’ordre public ?La préfecture a avancé des arguments relatifs à l’ordre public en se basant sur des éléments de violence allégués à l’encontre de la compagne de l’étranger. Les articles L. 742-5 et R. 743-12 du CESEDA permettent de considérer la menace à l’ordre public comme un motif de prolongation de la rétention. Les faits rapportés, tels que l’interpellation de l’étranger en état d’ivresse et les violences signalées, ont été pris en compte. Cependant, le juge a conclu que ces éléments ne constituaient pas une menace actuelle, réelle et certaine à l’ordre public, ce qui a conduit à la confirmation de l’ordonnance de mainlevée. Quel recours est possible suite à la décision de la cour d’appel ?Suite à la décision de la cour d’appel, les parties ont la possibilité de se pourvoir en cassation. L’article L. 743-22 précise que le pourvoi doit être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Le délai pour former ce pourvoi est de deux mois à compter de la notification de la décision. Ce recours permet de contester la légalité de la décision rendue par la cour d’appel, en se fondant sur des arguments juridiques précis. Il est essentiel que les parties respectent les délais et les procédures établies pour garantir l’examen de leur demande. |
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 01 MARS 2025
N° RG 25/00391 – N° Portalis DBVB-V-B7J-BOOOF
Copie conforme
délivrée le 28 Février 2025
par courriel à :
– MP
– l’avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD TJ
-le retenu
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de MARSEILLE en date du 28 Février 2025 à 11h00.
APPELANT
LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
Avisé, non représenté
INTIMÉS
Monsieur [W] [T]
né le 24 Mars 1989 à [Localité 1]
de nationalité Tunisienne
Comparant en visio conférence, assisté de Maître Miriam ETTORI, avocat au barreau d’Aix-en-Provence, commis d’office
et de Mme [V] [U], interprête en langue arable, inscrit sur la liste près la Cour d’appel d’Aix en Provence
MONSIEUR LE PREFET DES ALPES MARITIMES
Avisé et non représenté
DÉBATS
L’affaire a été débattue en audience publique 01 mars 2025 devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente, déléguée par ordonnance du premier président, assistée de Madame Sancie ROUX, Greffier.
ORDONNANCE
Par décision réputée contradictoire,
Prononcée le 01 mars 2025 à 14h00 par Madame Natacha LAVILLE, Présidente à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier.
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu l’article L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris par le préfet de Alpes Maritimes le 10 janvier 2023, notifié le même jour.
Vu l’arrêté portant exécution d’une obligation de quitter le territoire national pris par le préfet de Alpes Maritimes le 30 décembre 2024, notifié le même jour.
Vu la décision de placement en rétention prise le 30 décembre 2024 par le préfet de Alpes Maritimes et notifiée le même jour à 15h55
Vu l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention ayant ordonné la mainlevée de la mesure de placement de Monsieur [W] [T].
Vu l’appel interjeté par Monsieur le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Marseille
Vu l’ordonnance intervenue le 28 février 2025 qui a déclaré recevable et fondée la demande formée par le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Marseille tendant à voir déclarer son appel suspensif et a dit que Monsieur [W] [T] sera maintenu à la disposition de la justice jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond à l’audience de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence qui se tiendra à la Cour d’appel d’Aix-en-provence le 01 mars 2025
A l’audience,
Madame l’avocat général, avisée, n’est pas présente.
Le représentant de la préfecture, avisé, n’est pas représenté ;
Monsieur [W] [T] a été entendu, il a notamment déclaré : Je prends l’avocat commis d’office. Je comprends pas tout en Français.
Son avocat a été régulièrement entendu ; Il conclut à la confirmation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention en faisant valoir qu’on est dans le cadre d’une troisième prolongation sur une OQTF de 2023. Il a fait l’objet d’un seul placement en GAV pour une histoire de violence sur sa compagne et il n’est pas une menace pour l’ordre public. Sa compagne est enceinte de trois mois et il aimerait voir naître son enfant. Je demande la confirmation de la décision et donc la mainlevée de la mesure.
Le retenu a eu la parole en dernier et indique : Je veux sortir pour être auprès de ma femme enceinte. Je n’ai jamais violenté ma femme.
Sur le fond :
Vu les articles L. 743-22 et R. 743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– Sur les conditions de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
L’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose:
‘A titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours:
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.’
En l’espèce, la préfecture a présenté au magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement une demande de troisième prolongation du maintien de Monsieur [W] [T] en rétention administrative.
S’agissant du moyen reposant sur le trouble à d’ordre public, les éléments suivants sont soutenus: Monsieur [W] [T] a été interpellé alcoolisé à proximité du domicile de sa concubine; cette dernière a fait état, à l’encontre de Monsieur [W] [T], de violences commises le 28 décembre 2024, réitérées le 29 décembre 2024, ainsi que d’insultes régulières et de la destruction de son téléphone portable.
Il ressort des pièces de la procédure que:
– la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat nigérian dont relève l’intéressé;
– le consulat de Tunisie a été saisi le 10 janvier 2025;
– le 17 janvier 2025 la préfecture a sollicité les autorités consulaires marocaines, algériennes et tunisiennes ;
– le 29 janvier 2025 Monsieur [W] [T] n’ a pas été reconnu comme ressortissant marocain;
– une relance a été effectuée auprès du consulat tunisien le 26 février 2025.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire d’abord que la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, ni que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Ensuite, les éléments de la cause ne permettent pas de dire que Monsieur [W] [T] représente une menace actuelle réelle et certaine à l’ordre publique.
En conséquence, l’ordonnance déféré est confirmée.
Statuant publiquement par décision par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l’ordonnance du le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement de MARSEILLE en date du 28 Février 2025.
Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier, La présidente,
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?