L’article L 1471-1 du Code du travail stipule que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, le juge doit examiner l’ensemble des griefs invoqués, sans pouvoir écarter certains faits au motif qu’ils seraient prescrits. Ainsi, l’action en résiliation judiciaire peut être introduite pendant toute la durée d’exécution du contrat de travail, indépendamment de la date des faits invoqués, la suspension éventuelle du contrat de travail n’ayant pas d’incidence sur la prescription.
L’article L 4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures incluent des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur doit également veiller à l’adaptation de ces mesures en fonction des circonstances et à l’amélioration des situations existantes. L’article L 6321-1 du Code du travail précise que l’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, notamment par des actions de formation. Ces actions doivent être prévues par le plan de développement des compétences et peuvent permettre d’obtenir une certification professionnelle. En ce qui concerne les congés payés, l’article L 3141-5 du Code du travail, modifié par la loi du 22 avril 2024, établit que les arrêts maladie, même non professionnels, ouvrent droit à des congés payés, rétroactivement, dans la limite de 24 jours par période d’acquisition. La résiliation judiciaire du contrat de travail, lorsqu’elle est prononcée, est assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément à la jurisprudence. Les effets de cette résiliation prennent effet à la date de la décision du conseil de prud’hommes, ou à la date du licenciement si celui-ci est intervenu entre-temps. |
L’Essentiel : L’article L 1471-1 du Code du travail stipule que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. En matière de résiliation judiciaire, le juge doit examiner l’ensemble des griefs invoqués, sans écarter certains faits au motif qu’ils seraient prescrits. L’action en résiliation judiciaire peut être introduite pendant toute la durée d’exécution du contrat de travail.
|
Résumé de l’affaire :
Engagement de Mme [W]Mme [T] [W] épouse [X], née en 1980, a été engagée par l’association Comité d’Etude, d’Education et de Soins Auprès des Personnes Polyhandicapés (CESAP) en tant qu’aide médico-psychologique à compter du 4 janvier 2010. Accidents du travail et arrêt de travailElle a subi plusieurs accidents du travail, pris en charge par la caisse d’assurance maladie, et a été placée en arrêt de travail continu depuis le 19 septembre 2017. Procédure judiciaireMme [W] a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil le 9 décembre 2019. Le jugement du 29 juillet 2021 a déclaré son action prescrite et irrecevable, déboutant Mme [W] de ses demandes. Appel de Mme [W]Le 15 septembre 2021, Mme [W] a interjeté appel de cette décision, demandant à la cour de déclarer ses demandes recevables et d’infirmer le jugement attaqué. Arguments de Mme [W]Dans ses conclusions, elle soutient que son contrat de travail est suspendu en raison de son arrêt maladie et que la prescription ne peut donc pas être retenue. Elle réclame également diverses indemnités et dommages-intérêts. Réponse de l’association CESAPL’association CESAP a répliqué que la demande de résiliation judiciaire était soumise à la prescription biennale, arguant que les manquements invoqués étaient antérieurs au 12 décembre 2017. Décision de la cour sur la prescriptionLa cour a confirmé que la demande de résiliation judiciaire n’était pas prescrite, car le contrat de travail était toujours en cours, mais a maintenu la prescription pour les demandes de dommages et intérêts liés à des manquements antérieurs. Demande de résiliation judiciaireMme [W] a invoqué plusieurs manquements de l’employeur, notamment le non-respect de l’obligation de sécurité, le non-respect de l’obligation de formation, et la non-délivrance de documents sociaux. Évaluation des manquementsLa cour a examiné les preuves fournies par Mme [W] concernant ses accidents de travail et ses demandes de formation, concluant que l’association CESAP avait manqué à son obligation de formation, causant un préjudice à la salariée. Résiliation judiciaire prononcéeLa cour a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, considérant que les manquements de l’employeur rendaient impossible la poursuite du contrat. Conséquences financières de la résiliationL’association CESAP a été condamnée à verser à Mme [W] plusieurs indemnités, y compris l’indemnité de préavis, l’indemnité légale de licenciement, et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Remise des documents de fin de contratLa cour a ordonné la remise des documents de fin de contrat à Mme [W], sans astreinte, et a précisé que les sommes dues porteraient intérêts au taux légal. Frais de justiceL’association CESAP a également été condamnée à payer à Mme [W] une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir ses frais de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
La mise hors de cause de l’établissement Le PoujalLa cour constate que l’établissement Le Poujal n’est pas partie au jugement déféré ni mentionné dans la déclaration d’appel. Les demandes de condamnation de la salariée sont dirigées contre l’association CESAP. Ainsi, la demande de mise hors de cause de l’établissement Le Poujal est sans objet, même si son nom est accolé à celui de l’association CESAP qui est partie à la procédure. La prescriptionLa salariée soutient que l’arrêt maladie entraîne la suspension du contrat de travail, et que seul l’examen du médecin du travail lors de la reprise peut mettre fin à cette suspension. L’article L 1471-1 du code du travail stipule que toute action portant L’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Il est établi que l’action en résiliation judiciaire peut être introduite pendant toute la durée d’exécution du contrat de travail, indépendamment de la date des faits invoqués. La cour confirme que la demande de résiliation judiciaire n’est pas prescrite, car le contrat de travail est toujours en cours, tandis que les demandes de dommages et intérêts pour manquements antérieurs à décembre 2017 sont déclarées prescrites. La demande de résiliation judiciaireLa salariée invoque plusieurs manquements de l’employeur, notamment le non-respect de l’obligation de sécurité, le non-respect de l’obligation de formation, et la non-délivrance de documents sociaux. L’article L 4121-1 du code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. La salariée justifie avoir été victime d’accidents du travail et que son employeur ne pouvait ignorer la détérioration de son état de santé. Cependant, la cour note que la reconnaissance d’un accident du travail ne suffit pas à établir un manquement de l’employeur. Concernant l’obligation de formation, l’article L6321-1 du code du travail stipule que l’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. La cour conclut que l’association CESAP a manqué à son obligation de formation, causant un préjudice à la salariée, et prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les conséquences financières de la résiliation judiciaireL’association CESAP est condamnée à verser à la salariée plusieurs sommes, dont 3 808 euros au titre de l’indemnité de préavis, 380,37 euros pour les congés payés, et 11 424,42 euros pour l’indemnité légale de licenciement. L’article L 1235-3 du code du travail prévoit que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est comprise entre 3 et 12 mois de salaires bruts. La cour évalue le préjudice à 12 000 euros et condamne l’association à cette somme. En ce qui concerne les congés payés, l’article L3141-5 du code du travail stipule que les arrêts maladie ouvrent droit à congés payés. La cour accorde à la salariée 14 622,72 euros pour les congés payés acquis de septembre 2017 à octobre 2024. Les autres demandesLa cour rappelle que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation. Les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue. L’association CESAP est condamnée à verser 3 000 euros à la salariée en application de l’article 700 du code de procédure civile. La cour ordonne également la remise des documents de fin de contrat dans les deux mois suivant la signification de l’arrêt, sans astreinte. |
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 29 OCTOBRE 2024
(n° 2024/ , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07873 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CELP3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juillet 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRÉTEIL – RG n° 19/01719
APPELANTE
Madame [T] [W] ÉPOUSE [X] épouse [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Anne-marie KOFFI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
Association LE CESAP POUR SON ETABLISSEMENT LE POU JAL
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me François-xavier ASSEMAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0192
Association COMITÉ D’ETUDE, D’EDUCATION ET DE SOINS AUPRÈS DES PERSONNES POLYHANDICAPÉS (CESAP)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me François-Xavier ASSEMAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0192
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Catherine VALANTIN, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme LECOQ-CARON Isabelle, présidente de chambre
Mme HARTMANN Anne, présidente de chambre
Mme VALANTIN Catherine, conseillère rédactrice
Greffier, lors des débats : Mme Clara MICHEL
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [T] [W] épouse [X], née en 1980, a été engagée par l’association Comité d’Etude, d’Education et de Soins Auprès des Personnes Polyhandicapés (CESAP) en son établissement Le Poujal, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2010 en qualité d’aide médico-psychologique.
Mme [W] a été victime d’accidents du travail pris en charge par la caisse d’assurance maladie les 21 novembre 2006, 20 février 2010, 23 novembre 2010 et 12 juin 2017.
Elle a été placée en arrêt de travail continu depuis le 19 septembre 2017.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes handicapées et inadaptées du 15 mars 1966.
Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et réclamant divers indemnités et dommages-et-intérêts, Mme [W] a saisi le 9 décembre 2019 le conseil de prud’hommes de Créteil qui, par jugement du 29 juillet 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
– juge que l’action de Mme [W] à l’encontre de l’association CESAP est prescrite et irrecevable
– déboute Mme [W] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de l’association CESAP
– déboute l’association CESAP du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 15 septembre 2021, Mme [W] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 18 août 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er septembre 2024, Mme [W] demande à la cour de :
– déclarer Mme [W] recevable en ses demandes
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué
– réformer le jugement en toutes ses dispositions
– dire qu’il n’y a pas lieu à prescription des demandes de l’appelante
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et fixer la date de rupture du contrat de travail
– fixer le salaire mensuel à 1904,07 €
en conséquence :
– condamner l’association CESAP pour son établissement Le Poujal à lui régler les sommes suivantes au taux d’intérêt légal :
– 19.040,70 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– à titre subsidiaire 19.040,70 € à titre de dommages-et-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
– 11.424,42 € à titre d’indemnité légale de licenciement
– 3808,14 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 380,37 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
– 15.232,56 € à titre d’indemnité de congés payés
– 85.833,36 € à titre de dommages-et-intérêts pour refus de formation pour le poste d’éducateur spécialisé, à titre subsidiaire 50.093,76 € à titre de dommages-et-intérêts pour refus de formation pour le poste de moniteur-éducateur
– 19.040,70 € à titre de dommages-et-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et protection pour empêcher la survenue d’accidents et maladies professionnels
– 22.848,60 € à titre de préjudice de carrière
– 11.424,42 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux:
– attestation de l’employeur destinée au Pôle emploi
– certificat de travail
– reçu de solde pour tout compte
– ordonner la remise des documents sociaux conformes au jugement à intervenir :
– attestation de l’employeur destinée à Pôle emploi
– certificat de travail
– reçu de solde pour tout compte et, ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la signification de l’arrêt à intervenir
– dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine avec anatocisme
– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de l’intimée
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir
– condamner à 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner l’employeur aux entiers dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 août 2024, l’association CESAP demande à la cour de :
– mettre hors de cause l’établissement Le Poujal
à titre principal :
– confirmer le jugement déféré
à titre subsidiaire :
– débouter Mme [W] épouse [X] de l’ensemble de ses demandes
en tout état de cause :
– condamner Mme [W] à verser au CESAP la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 septembre 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur la mise hors decause de l’établissement le Poujal:
La cour relève que l’établissement Le Poujal n’est pas partie au jugement déféré ni visé dans la déclaration d’appel, les demandes de condamnations de la salariée étant bien dirigées contre l’association CESAP .
La demande de mise hors de cause de l’établissement Le Poujal est en conséquence sans objet, quand bien même le nom de l’établissement est accolé à celui de l’association CESAP qui est partie à la procédure.
Sur la prescription
Pour infirmation de la décision en ce qu’elle a dit prescrite sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, Mme [W] soutient que l’arrêt maladie entraîne la suspension du contrat de travail du salarié, et que seul l’examen pratiqué par le médecin du travail lors de la reprise du travail peut mettre fin à cette suspension du contrat de travail.
La salariée étant en arrêt de travail depuis le 18 septembre 2017, et aucune visite médicale de reprise n’ayant été réalisée, elle affirme donc que son contrat de travail avec l’association CESAP reste à ce jour suspendu et que la prescription ne peut donc pas être retenue.
L’association le CESAP réplique que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est soumise à la prescription biennale et que la salariée ayant saisi le conseil de prud’hommes le 12 décembre 2019 alors que les prétendus manquements invoqués au soutien de cette demande sont tous antérieurs au 12 décembre 2017, sa demande est prescrite et qu’il en est de même des demandes de dommages et intérêts.
L’association ajoute que la suspension du contrat de travail est sans incidence sur l’appréciation de la prescription.
L’article L 1471-1 du code du travail en sa rédaction applicable dispose que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Il est constant que le juge saisi d’une demande de résiliation judiciaire doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de cette demande et qu’il ne peut écarter certains des faits allégués à l’appui de cette demande au motif qu’ils seraient prescrits.
Il en résulte que l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite pendant toute la durée d’ exécution du contrat de travail , quelque soit la date des faits invoqués à l’appui de la demande, la suspension éventuelle du contrat de travail étant sans incidence.
Les manquements invoqués par Mme [W] au soutien de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité et de réparation du préjudice de carrière reposent sur des manquements allégués de l’employeur en matière de sécurité qui sont tous antérieurs au mois de décembre 2017 alors que la salariée a saisi le conseil de prud’hommes le 9 décembre 2019.
Le jugement est confirmé en ce qu’il
La demande de résiliation judiciaire n’est en revanche pas prescrite puisque le contrat de travail est toujours en cours peu important la date des manquements invoqués.
Il en est de même de la demande de dommages et intérêts pour défaut de remise des documents de fin de contrat, le délai de prescription ne commençant à courir qu’à compter de la rupture du contrat de travail.
La demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation n’est par ailleurs pas prescrite la salariée justifiant avoir sollicité en 2018, soit moins de 2 ans avant la saisine du conseil de prud’hommes, une demande de financement d’une formation de moniteur éducateur qui lui a été refusée.
La cour infirme en conséquence le jugement déféré en ce qu’il a jugé la salariée prescrite en sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, en sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et en sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation.
Sur la demande de résiliation judiciaire:
Mme [W] invoque au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail les manquements de l’employeur suivants:
– le non-respect de l’obligation de sécurité et protection pour empêcher la survenue d’accidents professionnels,
– le non-respect de l’obligation de formation,
– la non-délivrance de documents sociaux.
L’employeur conteste les manquements qui lui sont reprochés.
La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée en justice par le salarié lorsque l’employeur n’exécute pas ses obligations contractuelles et que les manquements qui lui sont reprochés présentent un caractère de gravité suffisant de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsque la résiliation judiciaire est prononcée elle est assimilée dans ses effets à un licenciement sans cause réelle ou sérieuse, ou à un licenciement nul lorsqu’elle résulte notamment d’une discrimination.
Elle prend effet au jour où le conseil de prud’hommes la prononce, ou du licenciement si un licenciement est entre temps intervenu.
En ce qui concerne le manquement relatif au non-respect de l’obligation de sécurité et de protection pour empêcher la survenue d’accidents professionnels, la salariée fait valoir qu’elle a été victime de plusieurs accidents du travail et maladies professionnelles et que son employeur ne pouvait ignorer la détérioration de son état de santé. Elle affirme que les accidents et arrêts de travail dont elle a été victime ne lui permettaient plus d’occuper le poste d’Aide médico-psychologique et que pour remédier à la situation la médecine du travail a prescrit deux requalifications de son poste à travers une formation. Elle ajoute que malgré ses demandes de formation l’employeur a refusé d’adapter son poste à son état de santé en ne donnant pas de suite favorable aux prescriptions de la médecine du travail.
L’employeur réplique que Mme [W] n’a été victime que d’un seul accident du travail qui n’a donné lieu à aucune action en reconnaissance de faute inexcusable, ce qui ne permet pas de caractériser un manquement au titre de l’obligation de sécurité.
Aux termes de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent:
1) des actions de prévention des risques professionnels
2) des actions d’information et de formation
3) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
En l’espèce Mme [W] justifie avoir été prise en charge par la caisse d’assurance maladie au titre d’accidents du travail survenus les 20 février 2010, 23 novembre 2010 et 12 juin 2017 et être en arrêt de travail depuis le mois de septembre 2017. Elle verse aux débats de nombreux documents médicaux attestant de problèmes lombaires.
Elle justifie d’un avis du médecin du travail en date du 4 décembre 2017 faisant suite à une ‘visite occasionnelle à la demande de la salariée’ indiquant que vu son état de santé la salariée pourrait bénéficier d’une formation d’éducateur spécialisé et d’un certificat médical du médecin du travail en date du 2 janvier 2019 certifiant que l’état de santé actuel de la salariée justifie sa candidature à une formation pour obtenir un poste de monitrice éducatrice ou d’éducatrice spécialisée dans le cadre d’un plan de formation d’entreprise.
La salariée qui justifie par ailleurs de nombreux documents sur son état de santé ne démontre néanmoins pas que ses problèmes de santé seraient la conséquence d’un manquement de l’employeur à l’une quelconque de ses obligations de sécurité, étant relevé que la reconnaissance d’un accident du travail par la caisse d’assurance maladie ne suffit pas, en soi, à établir un manquement de l’employeur.
En ce qui concerne le non-respect de l’obligation de formation, la salariée expose qu’en 14 ans d’ancienneté elle n’a pu, malgré ses nombreuses demandes qui sont restées sans suite, bénéficier de formation permettant de maintenir sa capacité à occuper son emploi. Elle fait valoir que l’employeur a refusé de lui accorder les formations aux postes d’éducateur spécialisé et d’éducateur moniteur, seuls postes qu’elle aurait pu occuper du fait de ses problèmes de santé.
L’employeur réplique que la salariée ne peut pas imposer à son employeur une formation sur un métier pour lequel elle n’a pas été recrutée, ce qui est le cas ici. Elle ajoute que le plan de formation avait privilégié des formations correspondant aux besoins de l’établissement et ne permettait pas de financer l’ensemble des formations.
L’association maintient néanmoins ne pas s’être opposée à ladite formation par principe, avoir fait passer la salariée par la procédure interne et lui avoir en outre permis de suivre d’autres formations durant l’exécution de son contrat de travail.
Aux termes de l’article L6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article 6312-1 . Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national de certification professionnelle, classée au sein du répertoire nationale des certifications professionnelles et visant l’acquisition d’un bloc de compétences.
En l’espèce Mme [W] justifie avoir passé en juin 2016 les épreuves d’admission à l’entrée en formation d’éducateur spécialisé qu’elle a réussies et avoir fait auprès de son employeur une demande de prise en charge de formation individuelle au diplôme d’état d’éducateur spécialisé (Formation de 3 ans dont le coût était compris entre 16 000 et 19 000 euros) pour la rentrée 2017 puis pour la rentrée 2018, et une demande de formation moniteur éducateur ( dont le coût était de l’ordre de 12 000 euros) pour la rentrée 2019 , demandes qui ont toutes été refusées.
L’association CESAP tente de justifier son refus par le fait que d’autres demandes de formation correspondaient davantage aux besoins de l’entreprise et par le fait que ces formations dépassaient son budget de formation.
Or, il ressort de l’attestation de 2 salariées élues aux instances représentatives du personnel, et des mails des 13 avril 2018, 24 mai 2019 et 11 juin 2019 que l’association CESAP a systématiquement décidé de ne pas faire droit aux demandes de financement de formation d’éducateur spécialisé et de moniteur éducateur faites à plusieurs reprises par la salariée, alors que 4 salariés occupant le même poste qu’elle avaient pu bénéficier du financement des dites formations bien que leur demande soit plus récente.
Il ressort de ces mêmes pièces, d’une part, que Mme [W] n’était même pas mentionnée sur les plans de formation, les élus ayant été contraints de rappeler à l’employeur son obligation d’inscrire toutes les demandes de formations faites par les salariés sur le plan de formation pour qu’elles puissent être examinées et, d’autres part, que l’association CESAP avait motivé son refus par le fait qu’il n’y avait pas de fonctions de moniteur éducateur dans l’organigramme, ce qui n’est inexact (il y avait encore 2 postes d’éducateurs spécialisés et un poste de moniteur éducateur à pourvoir au sein de la société en décembre 2020 et en décembre 2021) et par le fait que la salariée était malade, alors que les avis du médecin du travail précisaient au contraire que l’état de santé de la salariée justifiait qu’elle puisse bénéficier des dites formations.
C’est en vain que l’association CESAP affirme avoir rempli son obligation de formation au motif que la salarié avait bénéficié d’un certain nombre d’heures de formation collective , alors qu’il ressort des attestations précitées que ces formations n’étaient pas sollicitées par la salariée qui y était affectée d’office par l’employeur.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’association CESAP a manqué à son obligation de formation ce qui a causé à la salariée, qui s’est trouvée empêchée de se positionner sur des postes disponibles compatibles avec son état de santé, un préjudice que la cour évalue à 5 000 euros.
Ce manquement dès lors qu’il a empêché la salarié de reprendre une activité professionnelle à adaptée à son état de santé revêt un caractère de gravité qui rend impossible la poursuite du contrat de travail, lequel est suspendu depuis plus de 5 ans.
Il y a en conséquence lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail , cette résiliation produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date de la présente décision.
En ce qui concerne la non-délivrance de documents sociaux, la salariée reproche à son employeur de ne pas lui avoir remis les documents de fin de contrat.
Or, la résiliation judiciaire ne produisant ses effets qu’à la date de la décision qui la prononce, il ne peut être reproché à l’association CESAP de pas avoir remis les documents de fin de contrat avant la présente décision.
Mme [W] sera en conséquence déboutée de la demande faite à ce titre.
Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire:
L’association CESAP sera condamnée à payer à Mme [W] les sommes de 3 808 euros au titre de l’indemnité de préavis, de 380,37 euros au titre des congés payés afférents et de 11 424,42 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
Mme [W] qui justifie de 14 ans d’ancienneté peut prétendre en application de l’article L 1235-3 du code du travail à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 12 mois de salaires bruts.
La cour évalue son préjudice à la somme de 12 000 euros et condamne l’association CESAP au paiement de cette somme.
S’agissant de l’indemnité de congés payés, il est constant depuis les arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 et conformément à l’article L3141-5 du code du travail modifié par la loi du 22 avril 2024 que les arrêts maladie même non professionnels ouvrent droit à congés payés, et ce rétroactivement, dans la limite de 24 jours par période d’acquisition.
En l’espèce Mme [W] n’a pas pris de congés depuis le 19 septembre 2017 et n’a pas été mise en mesure de les prendre son contrat de travail étant resté suspendu jusqu’à ce jour.
Il y a, en conséquence lieu de faire droit à la demande de la salariée dans la limite de 24 jours par an et de condamner l’association CESAP à lui payer la somme de 14 622,72 euros correspondant aux congés payés acquis de septembre 2017 à octobre 2024.
Sur les autres demandes:
La cour rappelle que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue, et ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
Il y a par ailleurs lieu d’ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans que le prononcé d’une astreinte n’apparaisse nécessaire.
Pour faire valoir ses droits en cause d’appel Mme [W] a dû exposer des frais qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.
L’association CESAP sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour,
DIT sans objet la demande de mise hors de cause de l’établissement Le Poujal
CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a déclaré prescrite Mme [T] [W] épouse [X] en ses demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et pour l’absence de remise des documents sociaux et l’a déboutée des demandes faites à ce titre
et statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés
DIT que Mme [T] [W] épouse [X] est recevable en sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
DIT que Mme [T] [W] épouse [X] est recevable en sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail
DIT que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE l’association Comité d’Etude, d’Education et de Soins Auprès des Personnes Polyhandicapés (CESAP) à payer à Mme [T] [W] épouse [X]
les sommes de:
– 3 808 euros au titre de l’indemnité de préavis ,
– 380,37 euros au titre des congés payés afférents
– 11 424,42 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
– 12 000 euros de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– 14 622,72 euros correspondant aux congés payés acquis de septembre 2017 à octobre 2024.
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière
DÉBOUTE Mme [T] [W] épouse [X] de sa demande de dommages-intérêts pour absence de remise des documents sociaux
ORDONNE la mise des documents de fin de contrat dans les 2 mois suivants la signification de l’arrêt
DIT n’y avoir lieu à prononcer une astreinte
CONDAMNE l’association Comité d’Etude, d’Education et de Soins Auprès des Personnes Polyhandicapés (CESAP) à payer à Mme [T] [W] épouse [X] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE l’association Comité d’Etude, d’Education et de Soins Auprès des Personnes Polyhandicapés (CESAP) aux dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?